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tchoo 18 octobre 2011 12:30

Un témoignage (peut-être fabriqué, qui sait ?)

Je ne pourrai pas être ce soir à Paris, mais j’aimerais partager avec vous mon témoignage de cette nuit d’horreur du 17 octobre 1961.

Je me nomme Alan Bennett, je suis britannique, et en 1961, je travaillais à l’Agence de presse Reuter, rue du Sentier à Paris. J’allais bientôt avoir 20 ans.

En quittant mon travail le soir du 17 octobre, vers 19h30 je remonte vers le boulevard Poissonnière prendre le métro pour rentrer chez moi. L’accès du boulevard est totalement bloqué, et j’y vois défiler des centaines de personnes, hommes et femmes, scandant « Paix en Algérie ».

Je retourne en courant au bureaux de l’Agence Reuter, distants d’une cinquantaine de mètres, et je demande au journaliste de permanence d’alerter les correspondants, qui à cette heure-là étaient rentrés chez eux. Il me demande de couvrir l’évènement en attendant leur retour.

Je redescends, et arrivé rue du Sentier j’entends de nombreux coups de feux, d’un fusil-mitrailler m’a-t-il semblé.

Un jeune homme algérien court vers moi en boitant, du sang sur la jambe de son pantalon. Je le mets à l’abri dans le hall d’entrée de l’Agence Reuter, puis je remonte vers les grands boulevards. Des cars de policiers sont stationnés en file sur la ligne médiane, on voit tourner les gyrophares des voitures de police, et règne un immense silence. En arrivant sur le boulevard, je suis effaré du nombre de chaussures, notamment féminins, qui jonchent le trottoir, restes de la fuite paniquée des manifestants. A AUCUN MOMENT JE N’AI VU MANIFESTER LA MOINDRE AGRESSIVITÉ DE LEUR PART AVANT LA CHARGE MEURTRIÈRE DES POLICIERS.

Devant le cinéma Rex, une demie-douzaine de corps gisent sur le trottoir, des rigoles de sang finissent de couler dans le caniveau.

Voilà mon témoignage. A évoquer cette violence policière, je revois parfaitement la scène, et j’en éprouve une émotion difficilement maitrisable. Quarante ans plus tard, j’ai visionné le remarquable DVD d’Alain Tasma « Nuit Noire », et à revoir ces terribles évènements, j’ai sangloté près d’une heure sans pouvoir m’arrêter, devant mon écran de télévision.

J’aimerais ajouter qu’en tant que citoyen du Royaume Uni, pas encore membre de l’Union Européenne, je devais régulièrement à cette époque faire renouveler ma carte de séjour à la Préfecture de Police de Paris. Devant les files d’Algériens faisant la queue, je me mettais tout naturellement en fin de queue pour attendre mon tour. Invariablement les policiers m’invitaient à passer devant les « bicots » ou les « bougnoules » comme ils les traitaient, et je vous laisse imaginer leur perplexité et leur visible mépris lorsque je refusais cet « honneur ».


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