Le cas des étudiants étrangers est un bel exemple d’angélisme béat conduisant à des situations scandaleuses. Car d’une part on peut se demander en quoi il est légitime de faire venir des travailleurs étrangers formés dans un pays qui est ravagé par le chômage depuis 35 ans, alors même que leurs compétences font cruellement défaut dans leurs pays d’origine. Mais en outre, la situation économique de notre pays n’étant plus aussi florissante que naguère, nous n’avons pas les moyens d’entretenir un enseignement supérieur à la hauteur des besoins. Les étudiants français se retrouvent donc en concurrence avec des collègues étrangers pour des places qui se raréfient à mesure que l’on monte. Il n’est pas rare, en effet, une classe d’une quinzaine d’étudiants en DEA se battant pour une unique bourse de thèse. De mon temps, en première année de DEUG science, on avait quand même 50% de pertes, et ce n’était que l’université ! Il viendra bien un jour à l’esprit des jeunes, lassés de voir les portes leur claquer au nez, que si leurs parents ont financé l’éducation supérieure de leurs impôts, c’est pour qu’elle assure la formation de leurs enfants, et certainement pas de ceux du tiers-monde.
Cette politique a une origine dans l’ère coloniale où il était question de former des élites « de couleur » pour administrer les colonies. L’idée semblait raisonnable. Par la suite, il s’est agi de former les élites des nations émergentes afin d’obtenir, dans les palais présidentiels d’Afrique et d’ailleurs, une classe lettrée, francophone, voire francophile. Ceci a bien fonctionné un temps, puis la machine s’est grippée. Car aujourd’hui, les fils de ministres et de présidents Africains n’usent plus guère les bancs de la Sorbonne et de l’Ecole Normale Supérieure, pas plus du reste que les fils et filles de nos propres présidents et ministres : ils sont tous à Yale, à Stanford, à Cambridge, dans les universités anglo-saxonnes. La triste vérité, c’est que nous ne recevons plus le « premier choix » des étudiants étrangers. Un jeune Chinois, par exemple, s’il est particulièrement brillant, intègrera la très sélective Université de Pekin, une des meilleures du monde. S’il est un peu moins brillant, mais que ses parents en ont les moyens, il ira apprendre et se faire des relations dans les universités anglo-saxonnes. Au final, ce ne sont que les enfants moyennement doués de la moyenne bourgeoisie que nous verrons venir chez nous. Ces éléments feront des ingénieurs, des commerciaux, ils finiront certes bien plus prospères que les paysans des rizières du Yunnan, mais ne deviendront pas les décideurs de la Chine de demain. A quoi sert-il donc, je vous le demande, de financer leurs études ? Quel est l’intérêt de la France là-dedans ?