S’il est vrai que Mélenchon a pris la mesure de ses nombreuses et grossières erreurs (le soutien à Maastricht est à ce titre emblématique, et loin d’être le seul), la question se pose par conséquent quant à sa compétence intellectuelle et hauteur de vue politique (et géopolitique), surtout lorsqu’il est question ici de briguer la Présidence de la République.
Car je l’affirme : il n’y avait aucunement de fatalité à se fourvoyer dans l’eurolibéralisme maastritchien, tel que voulu par ses promoteurs parfaitement identifiés, comme de sombrer dans les chimères idéologiques d’eurocrates à la solde des groupes de pression et autres multinationales.
Et il n’est même pas besoin de convoquer ici les souverainistes de droite comme de gauche pour soutenir cette thèse - eux qui précisément ne se sont pas trompés et avaient vu juste - il suffit juste de rappeler la prise de position à ce sujet du PCF d’alors, qui, comme le nez au milieu de la figure, avait perçu le projet furieusement néolibéral inscrit au cœur même de la construction européenne, et déjà de sa dérive fédéraliste.
Malheureusement ledit PCF ira quelque temps après apporter sa caution politique à la fameuse « gauche plurielle » de Jospin, socio-démocrato compatible, se trahissant par la même et se décrédibilisant durablement par devant une large opinion publique.
Et que dire de l’Euro, où là encore notre Mélenchon n’a pas brillé par sa clairvoyance, c’est le moins que l’on puisse dire. Ainsi donc serions-nous condamnés d’octroyer prime à l’incompétence crasse d’un Mélenchon sous prétexte que celui-ci aurait réalisé un mea-culpa d’ailleurs fort tardif ?!
Rappelons tout de même l’origine des dérives fédéralistes et supranationales de la construction européenne, en tant qu’elles furent perceptibles non pas sous un De Gaulle (qui n’en voulait pas, à juste titre), mais bel et bien dès l’Acte unique européen. Dire que la Gôche n’aurait pas ici sa part de responsabilité – et quelle part ! – serait pour le moins de la plus grande injustice…
Alors allons-y :
- 14 Juin 1985 : Accords de Schengen, signés pour l’Etat français par le gouvernement Fabius, sous la houlette d’un autre socialiste, Jacques Delors (père de Martine Aubry),
- 17 Février 1986 : Acte Unique européen, signé pour l’Etat français par le gouvernement Fabius,
- 10 Décembre 1991 : Sommet de Maastricht, préfigurant le Traité établissement l’union européenne sous sa forme actuelle ainsi que la future Union monétaire, négocié par François Mitterrand (Président) et Edith Cresson (Premier Ministre),
- 20 Septembre 1992 : le Traité de Maastricht est ratifié par référendum (le OUI l’emporte avec 51,04% des voix), la France ayant alors comme Premier Ministre Pierre Bérégovoy sous la houlette du Président Mitterrand,
- 2 Octobre 1997 : Traité d’Amsterdarm, renforçant le pouvoir du parlement européen au préjudice des parlements nationaux, paraphé pour l’Etat français par le gouvernement Jospin alors nouveau Premier Ministre,
- 1 Juin 1998, Création de la Banque Centrale Européenne sous le gouvernement Jospin,
- 1 Janvier 1999, Création de la zone euro sous l’égide (en ce qui concerne la France) du gouvernement Jospin,
Le meilleur pour la fin :
- 23 Mars 2000, Conseil de Lisbonne (Conseil des gouvernements européens), paraphé pour l’Etat français par le gouvernement Jospin (J.C. Gayssot alors Ministre « communiste » des transports) dont l’objectif stratégique pour 2010, je cite (attention on ne se bidonne pas), était de : « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. »
Voici également, à notre grande stupéfaction réciproque, ce qu’impliquait les conclusions dudit Conseil, avalisé par le gouvernement dit de « gôche plurielle » dont lequel siégeait un certain... Jean-Luc Mélenchon, alors Ministre délégué à l’Enseignement Professionnel :
« 17. Le Conseil européen demande donc à la Commission, au Conseil et aux États membres, eu égard à leurs compétences respectives :
- de définir d’ici à la fin de 2000 une stratégie pour l’élimination des entraves aux services ;
- d’accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz, l’électricité, les services postaux et les transports. De même, en ce qui concerne l’utilisation et la gestion de l’espace aérien, le Conseil invite la Commission à présenter ses propositions aussitôt que possible. Il s’agit de réaliser un marché intérieur pleinement opérationnel dans ces secteurs ; le Conseil européen évaluera les progrès accomplis lorsqu’il se réunira au printemps prochain, sur la base d’un rapport et de propositions appropriées de la Commission ;
(...)
- de poursuivre leurs efforts visant à favoriser la concurrence et à réduire le niveau général des aides d’État, en mettant l’accent, non plus sur un soutien à des sociétés ou à des secteurs individuels, mais plutôt sur la poursuite d’objectifs horizontaux d’intérêt communautaire, tels que l’emploi, le développement régional, l’environnement et la formation ou la recherche. »
En réalité, le pêché originel et des contradictions ultimes qui se répercutent dans le champ socio-économique de la gauche depuis 150 ans, est son adhésion à une illusion criminelle du post-marxisme : l’internationnalisme.
Soit l’idée que les rapports de classe transcenderaient nécessairement les frontières, les clivages ethno-confessionels, les identités nationales et/ou références religieuses, les systèmes de valeurs enracinés, ou encore les rapports de force géopolitiques !
Cruelle désillusion pour tous ceux soumis à cette grille de lecture inopérante dans le monde réel, dont le postulat - véritable biais idéologique - n’est plus à démontrer (l’on se demande d’ailleurs comment des gens supposément intelligents peuvent encore croire à cette vision sociologique adolescente, ce que Bourdieu nommait un matérialisme historique REDUCTEUR), au regard du bilan calamiteux des internationalistes et de leurs affidés gauchistes incultes, parfaits pendants des partisans droitards de la ploutocratie mondialiste.
Déconstruction très politiquement incorrecte de l’idéologie gauchiste internationaliste je l’accorde, car faire valoir incontestable du discours légitimateur néolibéral qui tend au dépassement des frontières et du cadre national, et qui a permis le déploiement effectif de la mondialisation économique (et l’on sait sociologiquement que l’idéologie a toujours précédé la mise en application dans le champ politique).
Postulat internationaliste de tout ou partie de la gauche, embrumée qu’elle fut par la théorie marxiste de solidarité des classes prolétariennes à l’échelle du globe et qui s’est révélé follement utopiste et déniant dramatiquement le réel (en particulier comme il a été dit la logique des peuples et des cultures ancestrales, les sentiments d’appartenance, les communautés particulières de destin, les rapports de forces, les « visons du monde ») et même clairement contre-productives pour le prolétariat dans les faits, bilan de la mondialisation faisant foi.
Internationalisme de gauche qui joua le rôle objectif d’idiot utile du Capital apatride par la caution morale apportée (pensons notamment au rôle des associations pseudo-antiracistes), et qui justifia toutes les dérives et les accentua même, et qui intronisa surtout (comme le dit fort pertinemment Zemmour) l’Europe institutionnelle que nous connaissons à présent, véritable cheval de Troie de la mondialisation et de l’ensemble de ses corollaires : dérégulation massive, désétatisation, suppression des frontières, libre-échange intégral, concurrence et consumérisme échevelés, destruction des systèmes sociaux les plus avancés (considérés comme avantage civilisationnel à l’époque il est vrai mais vu désormais, dans ce cadre mondialiste, comme pur handicap du point de vue de la rationalité économique et de ses agents), libéralisation progressive mais non moins inéluctable dans ces conditions de l’ensemble des anciens marchés et monopole de services publics, etc...
Quiconque - je dis bien quiconque, Mélenchon en premier lieu lui qui se fait fort de reprendre le flambeau de la révolte - refuserait de rompre radicalement avec cette vision fantasmée, purement idéologique et démentie par les faits, réductible à la vulgate marxiste susnommée et qui sert de manière objective, criante même, les intérêts de ceux que l’on affirme dans le même temps (faussement) combattre, ne peut décemment prétendre à la défense des intérêts des nations, des citoyens et des travailleurs les composant, quant bien même s’affirmerait-on de « gôche » pour se donner bonne conscience ! Bonne conscience toute relative en définitive.
Alors Mélenchon, comme l’auteur de l’article le questionne, incompétent notoire ou fieffé imposteur ? Au vue des éléments factuels apportés, la question se pose me semble-t-il.