Le voyage est simplement une activité de déplacement. « J’ai fait le voyage pour aller visiter mémé », « Le long voyage qu’entreprennent les migrants dans l’espérance d’un travail en Europe », etc. C’est un mot « neutre ».
Le tourisme est en effet une activité commerciale, qui a du reste son organisation (Organisation mondiale du Tourisme).
« Sinon, voyagez, découvrez des peuples et non pas des sites, rencontrez des gens et arrêtez de lire le guide du routard qui n’est pas mieux que michelin, juste un peu plus bo-bo et snob »,
dites-vous. Je vous réponds ceci : celui qui, se croyant plus malin que les « sales touristes », prétend réaliser un
« voyage authentique », n’est souvent que le dindon de la farce et ne vaut pas mieux (voire pire) que le touriste de masse. D’abord parce que, croyant aller vers l’Autre, il se trouve très vite à ne rencontrer que le Même, càd des personnes généralement urbaines, éduquées, libérales (càd au total
occidentalisées) avec lesquelles l’échange est possible parce qu’une langue véhiculaire facilite la communication. On s’aperçoit vite que les aspirations sont communes, que les petits-bourgeois et bourgeois du monde partagent le délire de « citoyen du monde », d’« ouverture universelle » qui, chez eux comme chez nous, va de pair avec un mépris de sa culture locale, des minorités indigènes, des personnes « non-éduquées », « arriérées », « beaufs », « ploucs » et j’en passe. Ensuite, parce que, quand bien même le voyageur — càd l’individu
de passage — parvient à rencontrer « l’authentique », càd les Indigènes, les paysans, les petites gens (que souvent il méprise chez nous car, c’est tristement devenu un élément caractéristique du mépris de classe de bcp de gens de « gauche », et c’est à coup sûr une des clés de compréhension de la montée de l’abstention et de l’extrême droite, ainsi que de l’insuccès des gauches radicales, les petites gens sont des « beaufs », « Dupont-Lajoie », « Bidochon »,« ploucs », « racistes-homophobes-machistes », etc. ; Rousseau n’écrivait-il pas :
« Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux »), sa pénétration dans un territoire, sa curiosité portée sur des moeurs et des pratiques religieuses suppose la libre circulation, donc l’extension par le tourisme en tant qu’il est une activités-clés du libéralisme, de la mort des terroirs, des enracinements locaux, de la tradition, de la transmission, des « gisements culturels » dont parlait Castoriadis et qui font bien la diversité de l’humanité... autant de choses qui se trouvent prostituées par les communautés dont les particularités et traditions cessent d’avoir une motivation interne et anthropologique pour soudain pénétrer dans le registre de la transaction libérale et du Marché...