Théo BALALAS : vétéran de l’OAS et cofondateur du FN à Marseille / président depuis 10 ans de la Commission des adhésions à la fédération DU PARTI SOCIALISTE des Bouches-du-Rhône.
- s’occupe aujourd’hui d’encarter les nouveaux adhérents du PS des Bouches-du-Rhône !!!
À Marseille aussi, la distribution de cartes dégriffées donne des ailes aux dirigeants. « On était à 6 700 membres en décembre 2005, on pourrait bien dépasser les 9 000 d’ici la fin de l’année », exulte Théo Balalas, président depuis 10 ans de la Commission des adhésions à la fédération PS des Bouches-du-Rhône.
Un poste hautement stratégique, compte tenu du poids que pèse le département dans les instances nationales du parti et de sa longue histoire de fripouilleries clientélistes.
Capable de faire ou défaire les majorités, la « fédé » des Bouches-du-Rhône pourrait bien, cette année encore, s’avérer décisive dans le choix du candidat PS aux présidentielles. Tout dépendra du nombre d’adhérents qu’elle fera mousser à la rentrée.
Dans les manoeuvres d’appareil qui précèdent la course aux échalotes de 2007, Théo BALALAS, 71 ans, occupe donc un rôle de poids. Et pourtant le bonhomme n’a rien d’une célébrité. Il est même à ce point discret que c’est à peine s’il existe publiquement. Tapez son nom sur un moteur de recherche et vous ne trouverez guère qu’une seule occurrence de sa contribution au socialisme : une apparition furtive à un congrès départemental du PS à Istres, mais on ne le voit que de loin sur la photo.
Au sein même du parti, du moins chez les blancs-becs, son blase provoque mines ahuries et haussements de sourcils. Balalas ? Inconnu au bataillon, ou presque. « Je préfère rester dans l’ombre », dit-il lui-même. Et ce ne sont certes pas les huiles du parti qui s’en plaindront.
Car cet homme « de gôche » a un profil un peu atypique :
- ancien membre de l’OAS, où il a fait le coup de poing avant de s’exiler 4 ans dans l’Espagne franquiste, Théo Balalas s’était fait connaître au début des années 70 en participant à la création d’Ordre Nouveau, un groupuscule à crâne ras farci de culottes de peau.
- En 1972, il oeuvre à l’implantation marseillaise d’un tout jeune parti, le Front national, dont il rejoint aussi sec le bureau. Dès qu’il s’agit de promouvoir le temps béni des colonies (ou « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord », comme dira la défunte loi du 23 février 2005), Balalas est de tous les bons coups. Le restau que tient alors sa mère dans le quartier de l’Opéra, décoré de posters des colonels grecs, sert de QG aux joyeux briscards de l’Algérie française, parmi lesquels son copain Jean-Jacques Susini, l’éminence grise des généraux putschistes de 1961, membre aujourd’hui du bureau politique du FN.
- En 1973, la mobilisation des troupes franchit un nouveau palier avec l’émergence du Comité de défense des Marseillais. Domiciliée au siège du FN marseillais, cette association dirigée par un sous-off de la Légion attise le feu raciste qui enflamme le Midi à partir de cette année-là. Bilan : plastiquages, agressions et meurtres en série [1].
- C’est dans ce contexte propice à toutes les ouvertures que Balalas se lie d’amitié avec Charles-Émile Loo, l’un des bras droits de Gaston Deferre, alors en quête de soutiens dans l’électorat pied-noir. En 1973, tandis que la propagande d’extrême droite invite le bon peuple aux ratonnades et que les locaux du FN marseillais sentent encore la peinture fraîche, Balalas fait donc son entrée au PS, où il entreprend de draguer les voix expatriées pour le compte de Gaston. « Deferre a su fédérer des personnes de toutes tendances, explique-t-il aujourd’hui. Il faut avoir des amis partout. Au moins cent mille expatriés se sont installés à Marseille, ça fait autant d’électeurs. » [2]
L’OPA balalo-deferriste sur l’électorat pied-noir fera l’objet d’un passionnant chapitre dans La main droite de Dieu, livre hélas introuvable aujourd’hui [3].
On y découvre qu’en 1994, soit 20 ans après son entrée au PS, Balalas entretenait toujours des relations cordiales avec Jean-Marie Le Pen, Jean-Jacques Susini et Ronald Perdomo, un des dirigeants locaux du FN. C’est que le cacique rose-brun n’est pas du genre à renier ses glorieux engagements. Ni à digérer l’indépendance de l’Algérie : « Mes adversaires étaient et sont toujours les gaullistes qui ont trahi », lâche-t-il, socialiste mais droit dans ses bottes.
À ce jour, son nom continue d’ailleurs de figurer sur le site d’une association de vétérans de l’OAS, l’Adimad. « Vitrine du juste combat de l’Algérie française », l’Adimad ne se contente pas de vendre par correspondance des breloques coloniales, comme ce CD de chants martiaux qui « sera l’honneur et la fierté de votre discothèque ». Elle tient aussi à jour une liste des « combattants » martyrs de l’OAS : Théo Balalas y émarge à la rubrique des anciens détenus à la prison de la Santé.
Que dirait un jeune socialiste « urbain et diplômé » s’il apprenait que sa carte lui a été délivrée par un vieux tromblon kaki, recruté pour sa connaissance intime des réseaux d’extrême droite ?
Proche aujourd’hui de Jean-Noël Guérini, le brillantissime président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône, Balalas s’emploie pourtant à être de son temps. La preuve, il soutient à fond la candidature de Ségolène ROYAL : « Elle dit des choses taboues sur l’insécurité, elle a un discours carré. Je voterai pour elle. »
D’ici là, il va lui falloir poursuivre la campagne de recrutement. Dans ce domaine aussi, le parti peut se fier à ses talents : en 2000, suite à un audit interne, la direction nationale intervenait auprès de la fédé des Bouches-du-Rhône pour retoquer 4000 cartes jugées bidon. « Oui, admet Balalas, mais ils ont gardé le pognon qui correspondait aux adhésions, ce qui prouve qu’elles n’étaient pas si bidon que ça. » Et puis, juré promis : « L’époque des adhésions par bottin téléphonique, c’est fini. »
Article publié dans CQFD n° 36, juillet-août 2006.
[1] Lire à ce propos Les Dossiers noirs du racisme dans le midi de la France, par Bernardi, Dissler, Dugrand et Panzani (Seuil, 1976).
[2] Propos recueillis par CQFD au siège du PS des Bouches-du- Rhône, le 3 juillet 2006.
[3] La main droite de Dieu, enquête sur Mitterrand et l’extrême droite, par Emmanuel Faux, Thomas Legrand et Gilles Pérez (Seuil, 1994).
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