La folie des agrocarburants continue et cette fois c’est la Russie qui s’y colle. Article paru dans Courrier International que je copie-colle vu qu’il est réservé aux abonnés :
RUSSIE • Ces irresponsables qui veulent faire du biogazole avec du blé
Une première usine de biocarburants devrait être construite au Tatarstan. Le problème, soulignent ses opposants, c’est qu’elle consommera des céréales alors qu’on pourrait l’alimenter avec du colza planté sur des terres vierges.
Dans un avenir proche, la pre-mière usine russe d’agro-carburant devrait transformer environ 1 million de tonnes de céréales par an afin de faire rouler des véhicules. La construction de cette usine a été officiellement annoncée le 19 octobre par le président du Tatarstan [République de la Fédération de Russie], Mintimer Chaïmiev. Nous allons ainsi rattraper l’Europe occidentale, à cette différence près qu’au lieu d’utiliser le colza, comme partout dans le monde, nous avons l’intention d’employer du blé et du seigle. Les spécialistes qualifient cette idée d’absurde.
C’est au cours de la conférence consacrée au “Développement de l’industrie des agrocarburants en Russie”, à laquelle participaient, entre autres, les responsables du ministère russe de l’Agriculture, que le président du Tatarstan a rendu publique la décision de construire cette usine. “Nous allons édifier le plus grand et pour l’instant le seul projet pilote de production d’agrocarburant en Russie, impliquant la transformation de 1 million de tonnes de céréales par an.” Il estime que la question du développement de ce type d’industrie porte bien au-delà du Tatarstan et concerne tout le pays. “Nous sentir rassurés par le fait que nous disposons d’importantes ressources énergétiques et repousser ainsi le problème serait une énorme erreur”, a-t-il ajouté.
Même si le succès des innovations dans le domaine de l’énergie reste un objectif à long terme, la production actuelle d’agrocarburants, qui se dé-veloppe rapidement en Europe, a déjà des répercussions négatives sur les marchés mondiaux des céréales. Les Européens consacrent désormais leurs meilleures terres à leur principale matière première, le colza ; auparavant, ils y cultivaient du blé. Cela entraîne une baisse de la production de blé dans les pays de l’Union européenne, ce qui provoque une hausse des prix. L’augmentation de la demande en Europe de l’Ouest a frappé les Russes de plein fouet, puisque nos producteurs de blé font leur possible pour l’exporter, à un prix élevé, ce qui fait qu’en Russie le prix du pain a fait cette année un bond de plus de 20 %. Manifestement, cela n’effraie pas M. Chaïmiev, qui affirme : “Aujourd’hui comme demain, on trouvera toujours 1 million de tonnes de céréales au Tatarstan, que ce soit du blé, du seigle ou du maïs. Cela ne fait aucun doute.”
L’idée d’alimenter la future usine avec du blé et du seigle a déclenché une avalanche de critiques de la part des spécialistes de la question. “On ne peut pas se permettre de sacrifier des cé-réales aux pots d’échappement, surtout chez nous, en Russie”, nous a déclaré un membre de la commission parlementaire chargée des questions agricoles. “Produire de la nourriture est vital pour notre pays. Or voilà des gens qui trouvent que nous en avons trop et qui veulent brûler du blé ! Mieux vaut en faire des granulés pour les animaux, puisque le secteur de l’élevage est en crise, et affecter l’argent qui était destiné à cette usine à des élevages de volailles ou de porcs. Brûler des céréales, c’est comme brûler des billets de banque et, en outre, personne en Russie n’a besoin d’agrocarburants. Nous venons déjà de perdre 35 millions d’hectares de terres agricoles en quinze ans, et ils veulent faire du biogazole avec du blé ! Si les agrocarburants les passionnent tant, ils n’ont qu’à lancer une nouvelle campagne de conquête des terres vierges et aller y planter du colza.”
“Vouloir transformer des céréales en carburant est une hérésie”, nous a expliqué Mikhaïl Deliaguine, directeur scientifique de l’Institut des problèmes de la mondialisation. “La Russie manque de céréales, une grande quantité part à l’exportation, les prix augmentent et, si ce projet d’usine se réalisait, cela équivaudrait à brûler plus de 1 % du total de nos récoltes annuelles. Les céréales doivent servir à l’alimentation humaine et animale. Nous ne produisons que 50 % de la viande de porc que nous consommons, et seulement 25 % du bœuf. M. Chaïmiev devrait prendre en considération le nombre de têtes de bétail en Russie avant de prendre ses décisions. Si on tient à produire de l’agrocarburant, il faut effectivement planter du colza. La Russie dispose d’immenses surfaces qui ne sont pas exploitées et où il pousserait parfaitement - dans la région de Tioumen [sud de l’Oural], par exemple."
Andreï Dolguikh, Novyé Izvestia.
C’est de la folie furieuse !
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