Théophile tu es bien renseigné. On nage dans un océan d’ignorance dès qu’il s’agit des guerres de décolonisation. On trouve encore dans les manuels d’histoire du CM2 des titres comme « indépendances négociées » concernant les pays d’Afrique Francophones... Voici quelques infos sur cette guerre publiées dans mon Blog
Petite chronologie sur la répression contre l’UPC au Cameroun
24 septembre 1945 : Les colons tirent sur les grévistes 3 septembre 1958 : Ruben Um Nyobé, dirigeant de l’UPC, est abattu 15 octobre 1960 : Assassinat de Félix Moumié, chef de l’UPC 1er février 1962 : Asphyxiés dans un wagon 10 mars 1966 : Ossendé Afana est tué par les forces de répression franco-camerounaises 15 janvier 1971 : Exécution publique de Ernest Ouandié, leader de l’UPC
24 septembre 1945 : Les colons tirent sur les grévistes (Cameroun) L’USCC (Union des Syndicats Confédérés du Cameroun), syndicat créé sous l’impulsion du Français Gaston Donnat et soutenu par la CGT, ayant organisé une grève à Douala, « le colonat et le patronat blancs, exaspérés jusqu’au paroxysme, s’agitent ». Après le saccage de quelques édifices par de jeunes désoeuvrés africains, vraisemblablement manipulés par le colonat, les Blancs s’emparent d’un dépôt d’armes et organisent une chasse punitive contre les syndicalistes. L’estimation officielle est de 80 morts. Un syndicaliste blanc, Lalaurie, agressé, tue « un des membres les plus exaltés du colonat blanc ». Le gouverneur Nicolas est de fait prisonnier des colons. Commentaires : L’analogie avec les événements de Sétif est frappante. Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994, p. 78-79 ; Mongo Beti, Le Cameroun d’Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, n° 316 (Extrait de Main basse sur le Cameroun Maspero, saisi) ; François Xavier Verschave, La Françafrique - Le plus long scandale de la République, Stock,1998.
3 septembre 1958 : Ruben Um Nyobé, dirigeant de l’UPC, est abattu (Cameroun) Syndicaliste, formé par la CGT française, Ruben Um Nyobé forme le 10 avril 1948, l’UPC, Union des Populations Camerounaises, section camerounaise du RDA, combattue au Nord par des notables attachés aux structures coloniales et dans la région de Yaoundé par l’Église catholique qui recrute au Sud en pays Bassa et Bamiléké, régions les plus scolarisés. L’UPC qui se déclare « communiste » ne suit pas la politique de collaboration avec le colonisateur préconisée par le RDA de Houphouet Boigny. En 1953, l’UPC constate l’inanité de la lutte sur le plan légal et Um Nyobé prend le maquis. Des émeutes, suivies de répression, éclatent en 1955. L’UPC est interdite le 13 juillet 1955. Les élections camerounaises sont fixées au 23 décembre 1956 de telle façon que l’UPC ne puisse s’y présenter. Le 9 décembre 1957, André-Marie Mbida, premier ministre98, appelle les troupes françaises pour « rétablir l’ordre » dans la Sanaga maritime (pays Bassa). La « campagne de pacification » va durer onze mois. Le 3 septembre 1958, Ruben Um Nyobé est tué près de son village natal de Boumnyebel. L’ordre de le liquider aurait, selon Pierre Péan, été donné par Maurice Delauney qui laisse à son départ en décembre 1958 « une situation détendue ». Le 19 février 1958, Ahmadou Ahidjo devient Premier ministre à la place de Mbida. Le 19 octobre 1958, le haut-commissaire Xavier Torre annonce à la radio que la France est prête à accorder l’indépendance au Cameroun. Elle sera effective le 1er janvier 1960, mais ne mettra pas un terme à la répression de l’UPC par les troupes françaises. En 1959, les troubles reprennent en pays bamiléké. De février à octobre 1960 une « campagne de pacification » est faite par l’armée française. Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994 ; Marianne Cornevin, Histoire de l’Afrique contemporaine, Payot, 1978 ; François Xavier Verschave, La Françafrique - Le plus long scandale de la République, Stock, page 98 ; Mongo Beti, Le Cameroun d’Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, numéro 316 (Extrait de Main basse sur le Cameroun Maspero, saisi) ; Georges Chaffard, Les carnets secrets de la décolonisation II, page 347 ; Pierre Péan, l’Homme de l’ombre, Fayard, 1990, p. 283-284.
15 octobre 1960 : Assassinat de Félix Moumié, chef de l’UPC (Cameroun) Félix Moumié succède à Ruben Um Nyobé à la tête de l’UPC (Union des Populations Camerounaises) qui lutte contre le régime néocolonial d’Ahmadou Ahidjo mis en place par Jacques Foccart. Il est empoisonné au thalium par un agent français du SDECE, se faisant passer pour journaliste, William Bechtel, à qui il a eu la naïveté d’accorder un rendez-vous dans un restaurant de Genève, la veille de son départ pour l’Afrique. Poursuivi tardivement par la Suisse, Bechtel sera arrêté à Bruxelles en 1975, extradé et acquitté en 1980, à la suite des pressions que l’on devine. Implication de la France : D’après Pierre Péan, Jacques Foccart aurait dit à propos de ce meurtre en 1995 : « Je ne crois pas que cela ait été une erreur ». Sources : Pierre Péan, L’homme de l’ombre, Fayard, 1990, page 286-287 ; François Xavier Verschave, La Françafrique - Le plus long scandale de la République, Stock, page 104 ; Mongo Beti, Le Cameroun d’Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, numéro 316 (Extrait de Main basse sur le Cameroun Maspero, saisi) ; Emission « Monsieur X » sur France Inter.
1er février 1962 : Asphyxiés dans un wagon entre Douala et Yaoundé (Cameroun) Pour réduire la révolte de l’UPC, mouvement indépendantiste camerounais, Jacques Foccart, artisan de la politique africaine du général De Gaulle, crée le SDECE Afrique dont il confie la direction à Maurice Robert. La filiale camerounaise, le SEDOC, est dirigé par Jean Fochivé . Côté police, un redoutable professionnel français, Georges Conan démontre ses talents. Enfin, pour « casser » la rébellion bamiléké, Foccart envoie, à la demande du gouvernement camerounais, un corps expéditionnaire français sous la direction du général Max Briand, qui a commandé durant deux ans en Indochine le 22ème RIC « les casseurs de Viets ». Pour « éradiquer » l’UPC, Briand applique les méthodes utilisées en Indochine et Algérie : camps de regroupement, politiques de la terre brûlée, bombardements au napalm, destruction des villages. En gare de Douala, un groupe de cinquante deux détenus, hommes, femmes et enfants est embarqué tôt le matin, le 1er février 1962, dans un wagon métallique dont la porte est verrouillée. Quand le train arrive à Yaoundé au début de la soirée, l’asphyxie a fait son oeuvre : le gendarme qui ouvre le wagon découvre vingt-cinq cadavres. Des officiers français admettront par la suite avoir frappé trop fort. Sources : Mongo Beti, Le Cameroun d’Ahidjo, Les Temps Modernes, novembre 1972, n°316 ; Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun, édition des peuples noirs, page 70 ; François Xavier Verschave, La Françafrique - Le plus long scandale de la République, Stock, page 101-102.
10 mars 1966 : Ossendé Afana, dirigeant de l’UPC, est tué par les forces de répression franco-camerounaises (Cameroun) Ossendé Afana, jeune dirigeant upéciste - l’UPC, Union des Populations Camerounaises, lutte contre le régime néocolonial de Ahidjo mis en place par Jacques Foccart -, docteur en économie, qui venait d’ouvrir un front de guérilla dans l’extrême Sud du Cameroun, est tué dans des circonstances jamais éclaircies. On retrouve son corps horriblement mutilé : la tête a été sectionnée au ras du tronc. Mongo Beti dit qu’il « fut bel et bien exécuté plusieurs jours après sa capture. » Sources : François Xavier Verschave, La Françafrique - Le plus long scandale de la République, Stock, page 106 ; Mongo Beti, Le Cameroun d’Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, numéro 316 ; Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun, éditions des peuples noirs, pages 70, 149, 154-155.
15 janvier 1971 : Exécution publique de Ernest Ouandié, leader de l’UPC (Cameroun) Au Cameroun, les combats, et les massacres de villageois par les troupes franco-camerounaises, dans le cadre de la répression de l’UPC, mouvement politique qui s’oppose au régime néo-colonial, durent jusqu’en 1963. Ernest Ouandié conserve un noyau de maquisards jusqu’en août 1970. Il est arrêté le 21 août 1970 lors d’un déplacement organisé par Mgr Albert Ndongmo, évêque de Nkongsamba. Il sera jugé avec d’autres compagnons et l’évêque, pour complot visant à assassiner Ahmadou Ahidjo, le chef de l’État, lors d’une parodie de procès devant le Tribunal Permanent Militaire à Yaoundé. Son avocat, Me de Felice, se voit refuser l’entrée au Cameroun. Ouandié sera fusillé sur la place de Baffousam avec deux autres de ses camarades le 15 janvier. Implication de la France : Ahidjo est une créature de la France. Jacques Foccart tire les ficelles. L’État français montre à quel point il se sent concerné par cette affaire : dès sa parution chez Maspero, le livre de Mongo Beti Main Basse sur le Cameroun est interdit. L’auteur y exprime son indignation face à l’inertie de l’opinion française qui, hormis les journaux l’Humanité et la Croix (à cause de l’inculpation de l’évêque) ne s’émeut pas, alors qu’une vaste campagne vient d’être menée en faveur des accusés du procès de Burgos. Sources : Mongo Beti, Le Cameroun d’Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, n° 316 ; Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun, Édition des peuples noirs ; François Xavier Verschave, La Françafrique - Le plus long scandale de la République, Stock, page 105-106 ; Marianne Cornevin, Histoire de l’Afrique contemporaine, Payot, 1978.
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