Bonjour,
Je découvre cet article après un certain délai. Par ricochet, de référence en référence...
La première phrase citée m’a beaucoup amusée : "De l’enfant éduqué au sein d’une communauté fermée, dans une logique d’héritage culturel et de tradition orale, nous sommes passés à l’enfant surexposé à l’information fragmentée accessible à travers des moyens technologiques ». C’est amusant d’abord parce que nous avons tous un héritage culturel et un premier apprentissage oral qui passe par un usage vernaculaire de la langue, et de la tradition. Il faut donc croire que les représentants académiques de l’administration de l’Etat français n’échappent pas aux truismes.
Ensuite, il y a mieux : "les moyens technologiques". Ancienne étudiante de Jacques Ellul, je me souviens que ce spécialiste du droit, de la propagande et de la technique passait pas mal de temps à expliquer à ses étudiants que le mot technologie était utilisé par les médias comme un dévoiement du mot technique, et qu’il y avait là un effet de propagande qui consistait à effacer le sens originel de technologie, discours sur la technique, par assimilation des deux mots pour précisément évacuer toute critique relative aux méthodes ou aux usages techniques.
J’ai donc été amusée parce que l’aporie de l’Education Nationale face aux médias est parfaitement contenue et lisible dans cette seule phrase. Votre article, Paul Villach, développe d’ailleurs très bien ce que l’impossible critique des termes "moyens technologiques" révèlent aux - rares - disciples d’Ellul. Le plus drôle de l’histoire, c’est que le terme technologie s’est diffusé par simple snobisme, par le désir social de faire étalage de son aptitude à intégrer la modernité. En un mot, faute de maîtriser sa relative perte d’image sociale, l’administration académique adopte une représentation créée par l’univers médiatique sans capacité critique et, trahie inconsciemment par son propre langage, elle avoue de manière subliminale son abdiquation symbolique. Comme le docteur Freud l’a montré, l’inconscient ne sait pas dissimuler alors que nos représentations conscientes passent beaucoup de temps à voiler. Voilà, le décryptage ellulien de la première phrase pouvait à peu près tout dire l’essentiel de cet article.