Je vous suis dans votre commentaire, y compris sur Hitler, lui aussi élu. Différence : c’était en temps de très grave crise. Ceci dit, quand on voit le 21 avril 2002 ou la réélection de G.Bush, nulle démocratie n’est à l’abri de la tentation régressive, agressive et pré-totalitaire. Cependant : M. Berlusconi comme MMme Thatcher et Merkel ne vont pas dans cette voie-là et les électeurs n’ont pas voté par crainte, par recherche d’identité ou par revanche. Je crois plutôt qu’ils ont voté « réaliste », pour des gens qui présentaient un programme cohérent pour s’en sortir dans le monde tel qu’il est - non dans un monde imaginaire (comme celui de M. Hitler avec le coup de poignard dans le dos, les « traîtres » intérieurs et l’excellence d’une « race aryenne » mythique).
C’est là où votre comparaison n’est pas raison. Nous ne sommes pas dans les mêmes circonstances. Cela dit, ces circonstances peuvent venir (Arabie Séoudite ? Pakistan ? Israël ?), mais je ne les vois pas aujourd’hui dans notre monde développé.
Côté « mythe », attention à bien distinguer l’énergie sous-jacente à la mythologie, qui est la projection d’une société vers ce qu’elle aspire (ses « valeurs » comme l’héroïsme, la générosité, l’intelligence pratique, l’habileté individuelle, etc.), et les « mythes » achevés, véhiculés par la culture, qui sont des invariants figés. Pégase, c’est bien, mais les aviateurs « réalistes » ont dû attendre deux millénaires. La tentative Icare ayant finie comme on sait, un autre mythe est venu l’expliquer : l’apprenti sorcier, le titan défiant les dieux. Il y a toujours un mythe pour figer ce qui est dans l’éternité. C’est leur rôle.
Au contraire, l’utopie est née avcec la modernité, comme par hasard à la Renaissance. La Cité de Dieu n’était pas une utopie, mais un mythe, il s’agissait de (re)trouver sur terre ce qu’on allait connaître au ciel, de toute éternité. En revanche, la Cité Heureuse ou les Phalanstères, ou l’Autogestion (dans l’ordre chronologique) sont des utopies en ce sens qu’elles ne sont pas références éternelles à révéler au présent (comme les mythes) mais des constructions intellectuelles, abstraites, qu’il faut historiquement construire. Or, le 20ème siècle nous l’a appris, rien de plus dangereux pour les humains que cette raison qui déraisonne, cette rationalité qui prétend tout savoir pour tout prévoir, tout formater pour tout régir. L’homme ne peut jamais tout connaître de l’homme et chaque être est unique. La Raison utopique s’en moque, elle considère une abstraction d’humain, une sorte de « machine » malléable à merci. C’est là le vrai danger de l’utopie au sens moderne. C’est là où je dis « attention ! ». Hitler réavivait des mythes lui aussi, pour bâtir une utopie (la race pure et son espace vital, deux abstractions qui n’ont jamais été réalisées dans l’histoire réelle).
Ce ne sont pas les mythes qui sont dangereux, ils sont statiques, comme un schéma de culture, ils figurent de façon imagée les espoirs et les angoisses des hommes. Le danger, ce sont les utopies parce qu’elles veulent se réaliser, tout en plaquant un schéma pré-pensé à une réalité humaine et historique qui ne peut être que mouvante. D’où ses échecs, d’où ses crispations, d’où ses massacres : puisqu’on ne change pas d’idée, il faut changer les hommes (des hommes « nouveaux »), changer les peuples (les camps). La politique, alors, change de sens. Finie la démocratie (électeurs qui votent pour des hommes incarnant une politique) mais arrive la tyrannie (quelques hommes imposent à tous leur conception étroite, abstraite et normalisatrice de la politique - à leur profit exclusif, naturellement).
Surtout, tenons la laisse courte aux « utopies » !