Merci pour cet article qui éclaire avec justesse les éléments de droit de ce dossier. A ce titre, la décision du tribunal de Lille est effectivement logique. On peut néanmoins de poser quelques questions sur le fond du dossier, qui permettent légitimement de s’interroger sur la décision finale :
- tout d’abord, la notion de virginité est un concept flou. Un femme peut parfaitement ne pas être physiquement "vierge" sans pour autant avoir eu une relation sexuelle. Quelle était donc la revendication du mari ? D’autant que le coran n’impose pas cette condition... On voit là les conséquences possible d’une telle décision
- Ensuite, la décision se base sur la notion de vice du consentement, avec erreur de l’un des époux sur les qualités essentielles de l’autre. Or, l’épouse se retrouvait manifestement dans une situation psychologique intenable : d’un côté un mari exigeant une virginité, de l’autre le risque d’oprobe à l’égard de l’épouse de la part d’une famille ou d’une communauté si elle avait indiqué avant le mariage son état. En conséquence, on pouvait considérer que l’épouse avait été contrainte, sinon de fait, du moins de façon psychologique, à mentir. D’une certaine façon, le mari était en partie responsable, de part ses exigences, du mensonge. Sans connaitre ici le fond du dossier, on peut aussi se poser la question de la liberté réelle de l’épouse à informer le tribunal des pressions qu’elle aurait pu subir.
- Reste enfin le fond du problème : la virginité est-elle considérée comme une qualité essentielle d’une personne lors d’un mariage... ? Cela peut-il faire l’objet d’un contrat ? Dans la mesure où la virginité pourrait être ou non démontrée chez la femme et non chez l’homme, n’existe t-il pas une discrimination qui renderait caduque une telle exigence ? La comparaison avec d’autres cause citées d’annulation de mariage me semble assez faible : un ancien condamné à une peine sévère peut présenter légitimement un aspect de dangerosité ; la stérilité, l’impuissance ou une maladie grave remettent en question des aspects fondamentaux de la famille (durée, enfants). Rien de tel dans la demande de virginité : son absence n’empêche aucunement le fondement d’une famille et son épanouissement, et il n’existe pas non plus de raisons religieuses à cette demande. Sur le fond, le juge aurait donc pu considérer que la demande de virginité n’était pas un élement essentiel d’une personne dans le cadre d’un mariage, et que mentir sur cet aspect ne pouvait donc pas constituer un élément valable d’anulation. Pour prendre un autre élément de similitude, le juge aurait-il annulé un mariage parce que le mari aurait menti sur une tendence génétique à la calvitie dans sa famille ?