A Léon
Tu dis des choses intéressantes sur les problèmes du monde du travail, et moi je m’étonne que cela n’explose pas davantage. Mais ne crois pas que casseurs et ouvriers aient les mêmes problèmes. Les premiers n’ont aucune revendication réelle si ce n’est de foutre le bordel pour montrer qu’ils existent et se sentir fort. Quant aux ouvriers, ils sont en voie de disparition comme les syndicats censés les aider.
Ne te trompe pas : les deux jeunes morts de Clichy n’ont rien à voir avec Malik Oussekine. Ils sont morts en prenant des risques pour éviter un contrôle de police ; Malik est mort à cause de ses idées et sans doute de sa couleur de peau, du fait de la police.
Le problème de l’emploi n’est ni français ni européen, mais mondial. Tant que l’on obligera les personnes à quitter leur terre natale pour aller travailler ailleurs, nous aurons des problèmes. Cela vaut pour les africains et les maghrébins, mais aussi pour les antillais, les bretons, les basques, le provincial qui doit monter à Paris, le campagnard qui doit aller vivre en ville, le banlieusard qui traverse Paris pour bosser. C’est un luxe aujourd’hui de travailler à moins d’un quart d’heure de chez soi ; c’est un bonheur que de rester dans le pays (au sens large) de son enfance, de ses racines, que l’on soit de Dakar, Bayonne ou Villemomble. Par contre, je ne suis pas certain que l’on puisse rêver de vivre toujours dans sa cité ; être nostalgique oui, d’une époque, des potes, de son enfance, mais pas des tours, des barres, de l’escalier H ou de l’allée n’3.