Un débat crucial, quasi absent de nos grands médias, si ce
n’est par ses aspects caricaturaux et grotesques. La nature a horreur du vide.
La déchristianisation de l’Occident européen (à la façon de la désoviétisation
de l’URSS : on fait semblant mais au fond, on n’y croit plus) a pour
corollaire la montée des deux autres religions monothéistes en Europe. Que l’on
se promène en France ou que l’on suive ses médias, c’est l’évidence : les
musulmans et les juifs sont présents, sans renier leurs origines et leur
religion. Tariq Ramadan se présente comme le pédagogue d’une identité française
pour les jeunes musulmans, tout en affirmant sa religiosité, sa foi, et en
cherchant à vivifier celle des jeunes. On comprend qu’il puisse effrayer ceux
qui ont perdu la foi, ou qui vivent la religion comme un héritage culturel en
voie d’extinction, où tout est négociable au regard de la modernité. On
comprend le reproche de « double discours » qui lui est fait, qui
marque chez lui la frontière entre ce qui est négociable d’une part, et ce qui
ne l’est pas de l’autre. B XVI suscite d’ailleurs, sinon le même type de
réactions, du moins une opposition violente aux fondamentaux de sa foi. On
comprend moins bien en revanche le reproche que l’auteur de l’article adresse à
Ramadan, musulman né et éduqué en Suisse si j’ai bien compris, de n’être pas
parmi les « siens », au Sud de la Méditerranée. L’auteur
de l’article semble avoir de la peine à admettre qu’un musulman né en Europe
puisse faire partie de l’élite européenne (Sarkozy n’est ni Hongrois ni Grec,
il est Français, tout comme Ramadan est Suisse. Par parenthèse, je n’ai vu
aucune humiliation de Ramadan face à Sarkozy, plutôt un numéro de cirque
médiatique préélectoral de NS). La seule question qui me préoccupe est de
savoir si la parole ramadienne est totalement compatible avec la République, sans
concession aucune côté républicain. L’auteur de l’article, tout à sa
dénonciation un peu fantasmatique de TR, ne répond pas clairement à mon souci. A
titre personnel, je soutiens une loi d’interdiction du voile intégral en
France, contrairement à TR. Mais TR n’est pas l’unique Français à soutenir la
non interdiction du voile intégral, au nom de la liberté. C’est un débat normal
dans une démocratie. Enfin, il est évident que la France de 2050 sera très
différente de celle de 1950. J’espère que cette mutation se fera sans drames. C’est
aussi, me semble-t-il, et sans renier sa foi, le souhait de Tariq Ramadan,
non ?