Deux remarques :
1. Aujourd’hui, les défenseurs de l’ordre établi disent : « Ce serait trop simple s’il y avait les gentils ouvriers contre les méchants patrons, ou les gentils pauvres contre les méchants riches ». Mais cet « argument » est à côté de la plaque. Il ne s’agit pas de gentils et de méchants, mais de dominés et de dominants, ce qui n’a pas grand-chose à voir. A l’époque de l’esclavage, il y avait aussi sans doute beaucoup de gens pour dire : « Ce serait trop simple de dire il y a les gentils esclaves et les méchants esclavagistes » !
Il y a parfois des réalités très simples qu’on ne voit pas parce qu’elles dérangent. Une de ces réalités, c’est que certaines fortunes n’ont absolument aucune justification. Vouloir, comme Mélenchon, une impôt confiscatoire au-dessus d’un certain revenu n’est absolument pas faire preuve de démagogie. C’est simplement vouloir un minimum de justice sociale. La suprême intelligence, parfois, cela consiste à voir les choses qui crèvent les yeux et à ne pas se laisser berner par les sophismes des défenseurs de l’ordre établi.
2. Maître Lévy a peut-être raison quand il dit que Mélenchon jouit de ses propres discours. Il a encore plus raison de dire qu’il faudrait avoir peur si Mélenchon arrivait au pouvoir. Mais là où il a tort, c’est de s’en prendre au seul Mélenchon. Car le même soupçon peut être dirigé contre n’importe quel politicien ! Tout politicien, vraisemblablement, est narcissique et aime à s’écouter parler. Tout politicien peut devenir tyrannique s’il arrive au pouvoir et qu’il n’y a pas de sérieux contre-pouvoir pour limiter ses ambitions. Il est donc curieux de considérer Mélanchon comme particulièrement narcissique et dangereux.
Tout bien réfléchi, ce n’est pas si curieux que ça. Comme Mélenchon se met du côté du peuple, il est forcément plus suspect que les autres. Car le peuple, par définition, est irrationnel, stupide, animal. Quiconque dit ce que le peuple veut entendre ne peut donc être qu’un vil démagogue. Voilà sans doute ce que pensent Lévy et d’autres bourgeois bien-pensants. C’est le même genre de préjugés sociaux qui fait porter la responsabilité du nazisme sur les classes populaires allemandes, comme si Hitler n’avait pas été soutenu activement par une bonne partie de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie.