Analysons maintenant la définition que François Perroux,
un des plus grands économistes français, donne de l’entreprise, dans son
ouvrage Le Capitalisme.
« L’entreprise n’est pas une unité de production
quelconque. Dans toutes les formes d’organisation (socialisme, artisanat,
économies fermées), les personnes et les choses sont groupées en petits
ensembles, subordonnés a une même direction qui se propose de porter au maximum
un résultat jugé avantageux. Une confusion bien inutile est répandue par
certains interprètes qui placent toutes ces unités de production sur le même
plan, sans discerner en chacune ses traits propres. L’entreprise présente
divers caractères qui permettent de la concevoir et de la reconnaître sans
ambiguïté.
Elle ne combine pas des facteurs
de la production considérés en nature et elle ne se propose pas d’obtenir un
produit considéré en nature. Elle combine les prix des facteurs de la
production et elle tend a obtenir un produit évalué lui-même en termes de prix.
La combinaison technique n’est qu’un moyen de la combinaison économique.
L’optimum
économique seul est décisif non le maximum technique. Par là, l’entreprise se
situe dans le cycle indirect de l’échange (facteurs, marché des facteurs, achat
des facteurs, combinaisons des facteurs, vente du produit, marché du produit)
et non dans le cycle appelé parfois direct ou élémentaire (besoin-nature) : ce
dernier est presque négligeable`dans les" sociétés évoluées.
L’entreprise combine les facteurs de la production en vue
d’obtenir un produit qu’elle écoule sur le marché. Elle ne tend pas
immédiatement et principalement à satisfaire les besoins de ses membres. Elle
s’oppose sous ce rapport a diverses unités de l’économie agricole ou des
économies fermées de villa et de domaine avaient pour objet principal d’assurer
la subsistance de leurs membres. Pourvu qu’elle puisse vendre son produit au
coût ou au-dessus du coût l’entreprise est satisfaite. Elle répond à l’appel
des besoins solvables sur le marche ; elle se conforme à la hiérarchie de leur solvabilité
et non à celle de leur urgence appréciée en termes de laboratoire ou par
référence à la morale d’un groupe.
L’entreprise combine techniquement et économiquement des
facteurs de la production qui lui sont apportés par des agents distincts de
l’entrepreneur. Ce sont les travailleurs salariés. Ce sont les capitalistes
prêteurs. Tandis que l’exploitation artisanale sous ses formes originaires
implique combinaison de facteurs qui, pour la plupart, sont fournis par
l’artisan lui-même, l’entreprise n’apparaît que lorsque le marché des facteurs
de la production lui fournit une partie substantielle ou la plus large part du
travail et du capital qu’elle emploie.
Les calculs et les paris économiques par lesquels
l’entreprise met en oeuvre une combinaison productive, sont rattachés à un même
patrimoine. Le patrimoine est l’ensemble juridique et économique de valeurs par
référence auquel ces calculs et ces paris revêtent un sens. Il donne son unité
a l’entreprise à établissements multiples. L’avantage que, comme toute unité de
production, l’entreprise s’efforce de porter au maximum n’est autre que son
revenu monétaire net ou profit. »