29 femmes tunisiennes auraient été jetées à la mer. Réaction discrète des médias
Vingt-neuf femmes tunisiennes en route pour Lampedusa ont-elles effectivement été jetées à l'eau de deux bateaux différents, afin de les délester, comme le relatent dans un très discret entrefilet les journaux " le Figaro " et " La Marseillaise " ? Et pourquoi cette information, si elle est avérée , suscite-t-elle une telle absence de réactions ? Examinons les faits.
1°) Dans un article du " Figaro ", en date du 6 avril 2011 intitulé " à Vintimille, un " Sangatte " entre France et Italie " (1), le reporter, Vincent Xavier Morvan, au cours de son article, rapporte brèvement le récit de voyage de l'un des migrants, nommé Tarek, qui fait cette déclaration simultanément ahurissante et choquante : " Nous étions entassés à 150 dans un bateau prévu pour 60, explique le garçon. Au cours du trajet pour Lampedusa, douze filles ont été jetées à la mer. "
2°) Dans un article de " la Marseillaise ", daté du 29 avril 2011 , intitulé " pas d'accueil pour les 200 tunisiens en exil ", le journaliste, Myriam Guillaume relate, sans s'étendre sur le sujet, l'entretien qu'elle a eu avec un autre migrant, Hamed, lequel déclare avoir vu « un zodiac virer 17 femmes par-dessus bord pour délester l’embarcation. Un ami a abandonné son frère en pleine mer car le capitaine le menaçait de le jeter à l’eau s’il récupérait ce frère tombé du bateau. »
Curieusement, l'article du " Figaro " était consacré aux mesures humanitaires prises par le maire de Vintimille au sujet des réfugiés tunisiens, tandis que l'article de la " Marseillaise ", qui est un journal de gauche (3) , contrairement au " Figaro ", s'offusquait contre les conditions d'accueil des clandestins à Marseille.
Ceci dénote un sens pour le moins curieux de la hiérarchie de l'information : le véritable sujet intéressant de ces deux reportages, à mon sens, était plutôt l'incroyable et effroyable affirmation selon laquelle les femmes embarquées dans ces bateaux en mauvais état de navigation serviraient de sacs de lest tout juste bons à être jetés à la mer au cas où la flottaison des embarcations qui les transportent le nécessiterait, ( on remarque que les hommes, eux, ne sont pas jetés à l'eau, on interdit seulement aux passagers de récupérer ceux qui y sont tombés...). Ce sujet est, à mon humble avis, d'un intérêt bien plus capital que le sujet " officiel " de chacun de ces articles, et aurait même mérité de faire la " une " de ces deux journaux, et d'être repris par l'ensemble des médias.
Essayons de voir pourquoi il n'en a pas été ainsi.
Plusieurs hypothèses sont possibles :
1°) Les événements allégués par ces deux immigrés clandestins sont peut-être complètement imaginaires. On se demande dans ce cas quel besoin avaient-ils de les raconter. En effet, la révélation de ces faits fait automatiquement peser sur eux le soupçon de complicité. S'agit-il de mythomanes ? Mais la mythomanie est une affection psychiatrique fort rare, qui a donc peut de chance d'être observée sur un si petit échantillon de personnes et cette hypothèse n'explique pas pourquoi ces deux mythomanes raconteraient des récits aussi analogues à plusieurs centaines de kilomètres l'un de l'autre.
Racontent-ils ces histoires par vengeance, dans l'espoir que les passeurs, qui ont dû les exploiter lourdement sur le plan financier, se retrouvent avec une enquête de police sur le dos ? C'est également envisageable.
Si les faits relatés sont imaginaires, quel besoin ont, dans ce cas, ces deux journalistes d'en parler dans leur article ? Evidemment, la vérification du caractère imaginaire ou non de cette histoire est des plus délicates. On aimerait supposer que les deux journalistes ont été recouper ces informations avec d'autres passagers des mêmes bateaux. Ce recoupement semble avoir été fait par le journaliste du " figaro " qui indique que " tous, exclusivement des hommes jeunes, plutôt pauvres et rarement francophones, racontent la même histoire " ( dans ce cas, cela ne plaide pas en faveur d'une histoire imaginaire ).
Si les deux journalistes ont un gros doute quant à la réalité de l'histoire, ils ont tout intérêt à la raconter, comme ils l'ont fait, dans un entrefilet , dans l'espoir qu'elle passe inaperçue si elle est fausse . En effet, la divulgation de fausses nouvelles par un journaliste est passible de l'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 (4) Par contre, au cas où elle s'avérerait exacte, la rétention de cette information pourrait être considérée comme une " non dénonciation de crimes ", ( article 434 1 du Code pénal ) (5) d'où l'intérêt d'en parler au moins un tout petit peu, ce qui, en outre, au cas où l'affaire finirait par s'ébruiter, leur permet de pouvoir claironner qu'ils étaient les premiers à avoir donné l'information !
On peut également écarter, sans grand risque de se tromper, l'hypothèse selon laquelle les personnages de Tarek et Hamed soient des pures inventions journalistiques : que deux journalistes inventent la même histoire paraît aussi peu vraisemblable que la présence simultanée de deux mythomanes sur un petit nombre de passagers.
2°) Les événements relatés par ces témoins sont réels.
Mais dans ce cas, l'affaire est tellement énorme qu'on comprend mal pourquoi un journal aussi puissant que " le Figaro " n'a pas envoyé des enquêteurs en nombre pour essayer de reconstituer l'affaire et de vérifier l'existence de femmes disparues en mer auprès de leur famille tunisienne, ou des autorités de police tunisiennes.
Dans l'hypothèse ou ces faits sont réels, on est quand même saisi d'étonnement. Chaque bateau ne devait pas avoir plus d'une dizaine de membres d'équipages, et probablement beaucoup moins pour le zodiac ( même si certains gros zodiacs ( 6 ) pourraient contenir 20 ou 30 passagers tassés comme des sardines ). Comment auraient-ils pu jeter respectivement douze et dix sept femmes à l'eau sans la complicité active et même l'assistance des passagers masculins, et sans qu'une révolte n'éclate parmi les passagers ? Cela paraît inconcevable !
Evidemment, si les faits sont exacts, cela écornerait fortement la mythologie journalistique officielle qui voudrait que ces immigrés tunisiens et libyens, seraient de pauvres et honnêtes gens qui espèrent une vie meilleure en Europe, et principalement en France, et ne demandent qu'à travailler. S'ils laissent, sans réagir, balancer par dessus bord des femmes embarquées, sous prétexte de surcharge du navire, le capital sympathie qu'ils pourraient susciter risquerait de fondre comme neige au soleil.
En effet, depuis l'affaire du naufrage du Titanic, chacun sait que lorsque un navire est sur le point de sombrer, on applique le principe " les femmes et les enfants d'abord ", ces deux catégories de personnes étant à sauver en priorité, avant toutes les autres. La procédure contraire serait universellement considérée comme un acte de barbarie et comme un recul de la civilisation.
On a donc l'impression que ces deux journalistes ont cherché à " noyer le poisson " de l'information capitale sous une information d'un intérêt mineur ( les sujets apparents de chacun de ces articles résumés par leur titre ).
Qu'est-ce qui pousse les journalistes du " Figaro " et de la "Marseilaise " à prendre cette information avec des pincettes et à en diluer soigneusement le signal dans des articles que l'on est tenté de lire en diagonale ?
La crainte de divulguer une fausse nouvelle ou de dénoncer des crimes imaginaires ne semble habituellement pas gêner outre mesure les médias en général.
On se souvient qu'il y a quelques années, une fausse et grave accusation contre un restaurateur chinois, basée sur un témoignage plus que douteux et très indirect, avait immédiatement fait la une des médias, et avait mis ce restaurateur dans une situation très inconfortable (7) . On se souvient également de l'émission à charge d'une journaliste de FR 3 contre le vaccin destiné à prévenir l'hépatite B, journaliste qui, sans preuves convaincantes, avait accusé ce vaccin de donner la sclérose en plaques et s'était bien gardé de démentir la chose une fois que des études ultérieures eurent prouvé scientifiquement le contraire.
On peut supposer que la divulgation de cette information douteuse comporte pour ces deux journaux un risque plus important que ceux mentionnés plus haut. Quel est ce risque ? Celui qui est bien plus à craindre de nos jours que les accusations de non dénonciation de crimes ou de divulgation de fausses nouvelles : l'accusation de racisme, de stigmatisation, de xénophobie ou même d'islamophobie. En effet, les protagonistes des faits supposés étant des passeurs et des réfugiés tunisiens, ce genre de critiques risquerait de survenir très rapidement.
Or, s'il s'avère en fin de compte que l'accusation grave formulée par ces deux clandestins tunisiens est imaginaire, une publicité trop importante donnée à cette affaire serait fort dommageable à un journal de gauche comme " la Marseillaise ", que certains commentateurs n'hésiteraient pas alors à accuser de " lepénisation ". On imagine que la rédaction de ce journal n'a pas envie de se retrouver avec une histoire de stigmatisation sur le dos.
Cette accusation de racisme ou d'islamophobie serait malgré tout une casserole, même pour un journal de droite comme le " Figaro ". Par ailleurs, la ligne éditoriale du " Figaro "est très proche des intérêts du patronat. Or , celui-ci ne semble guère apprécier les restrictions à l'immigration que risque de créer l'afflux de clandestins tunisiens. En effet, les immigrés clandestins sont une manne pour le patronat qui y voit le moyen d'avoir de la main d'oeuvre peu regardante sur les conditions de travail, à un prix très inférieur à celui fixé par l'usage des conventions collectives. Jeter le soupçon, dans un article, sur cette main d'oeuvre à bas coût risquerait donc de ne pas faire les affaires du patronat.
Une chose est certaine , c'est que personne n'a intérêt à enquêter sur cette affaire :
- les journaux pour lesquels, comme on l'a vu, il y a plus d'ennuis à prévoir avec une telle enquête que de scoop à en tirer.
- Le gouvernement provisoire tunisien, qui est bien trop content d'exporter ses chômeurs vers l'Union Européenne, pour s'inquiéter des conditions dans lesquelles cette exportation se fait. Par ailleurs, compte tenu des purges qui ont probablement eu lieu dans son appareil policier et judiciaire, la Tunisie n'a sans doute pas la possibilité matérielle d'enquêter sur ces hypothétiques crimes.
- Le gouvernement italien a pour principale préoccupation de freiner l'immigration de clandestins, et de s'arranger pour qu'ils partent en France au plus vite s'ils arrivent à Lampedusa. Il ne va pas s'amuser à enquêter sur ce genre d'histoire, qui ne le concerne en rien.
- Le gouvernement français n'a pas plus de raison d'enquêter que n'importe quel autre gouvernement de l'UE.
- Les associations de défense des droits de l'homme sont en face d'un conflit d'intérêt : certes, elles sont censées défendre les droits des femmes, mais dans une affaire comme celle-ci, cette défense rentrerait en conflit avec une des raisons d'existence principales de ces associations, qui est de défendre l'immigration sans restrictions, et la régularisation de tous les clandestins. Ce principe " généreux " risquerait fort de se voir remis en question au cas où l'affaire se confirmerait.
Reste à espérer que cette information soit fausse, car, dans le cas contraire, il est fort peu probable que justice soit un jour rendue à ces vingt-neuf femmes, dont la fin épouvantable, si elle est avérée, risque fort de passer par profits et pertes.
Docdory
(2) http://www.lamarseillaise.fr/soci-t-quartiers/pas-d-accueil-pour-les-200-tunisiens-en-exil.html
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Marseillaise_(journal)
(4) http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070722&dateTexte=20110507
(5) http://www.easydroit.fr/codes-et-lois/article-434-1-du-Code-penal/A51079/
(6) http://www.zodiacmarineusa.com/sport-cruising/zodiac-pro
( 7) http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/restaurant-chinois-de-brie-compte-35337
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