A Boutcha, en Ukraine, des témoignages confirmant les accusations de crimes de guerre commencent à émerger du brouillard informationnel
Au-delà de l'utilisation de photos satellite, un procédé high-tech qui ne démontre pas grand chose dans cette affaire, les témoignages des habitants de Boutcha sont accablants pour les Russes.
Au mois de mars 2022, les Russes ont occupé la ville de Boutcha, située dans la banlieue nord-ouest de Kiev, capitale de l'Ukraine. Après le départ des Russes le 30 mars, de nombreux cadavres de civils ont été retrouvés dans Boutcha, dans les rues, dans les caves, dans les arrières cours... L'agence de presse AFP, présente sur place le 2 avril, rapporte avoir vu éparpillés dans une rue une vingtaine de cadavres d'hommes habillés en civil dont l'un comporte une large blessure à la tête et un autre a les mains liées dans le dos (ref). Le maire de la ville déclare qu'après le départ des Russes, les autorités locales ont récupéré et enterré dans des fosses communes environ 300 corps (ref).
Le 3 avril, le gouvernement ukrainien affirme que la Russie est responsable d'un massacre de civils à Boutcha (ref).
Ce massacre présumé serait délibéré : « Les Russes veulent éliminer autant d’Ukrainiens qu’ils le peuvent. » déclare le ministre des affaires étrangères ukrainien sur Twitter (ref).
Un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, reproche aux occidentaux de ménager les Russes pour éviter une troisième guerre mondiale. Et le résultat, selon lui, est que « le monde a vu une horreur indescriptible d’inhumanité à Boutcha, Irpin, Gostomel. Des centaines, des milliers de gens tués, déchirés, violés, attachés, violés à nouveau et tués à nouveau » (ref).
Les dirigeants russes nient toute implication, affirmant que tout s'est produit après leur retrait de Boutcha. Les médias occidentaux apportent en réponse une preuve censée clore le débat : une photo satellite de Yablonskaya, la rue centrale de Boutcha, montre qu'une dizaine de cadavres y étaient déjà présents le 11 mars 2022, bien avant le départ des Russes.
Pour le moment, la cause du décès des personnes retrouvées sur la rue Yablonskaya ou ailleurs n'est pas connue. Des enquêtes scientifiques sont en cours, menées notamment par des gendarmes français (ref).
Donc, à l'heure actuelle, les seuls éléments disponibles pour juger de la réalité des faits allégués sont principalement les témoignages.
Le plus intéressant est celui de l'adjointe au conseil municipal de Boutcha, Kateryna Ukraintseva. Ce témoignage a la particularité d'être très long, ce qui en fait une ressource rare.
Dans ce témoignage, l'adjointe au conseil municipal affirme que certains civils dont les cadavres jonchent la rue centrale Yablonskaya étaient des combattants civils pour la défense de Boutcha (« defense fighters »).
Ce type de déclaration est évidemment important : les personnes protégées par les Conventions de Genève sont les civils ne participant pas aux combats. Un civil qui participe directement aux hostilités n'est pas protégé (ref)(ref).
Notons que ce témoignage de l'adjointe au conseil municipal de Boutcha a été pris au sérieux par Libération : le journal s'en est servi pour contrer une affirmation contestable des Russes.
Il faut cependant noter que cette adjointe au conseil municipal a également été volontaire dans les défenses territoriales ukrainiennes qui ont combattu les Russes. Elle fait donc partie des habitants de Boutcha « anti-russes ».
Témoignage de Kateryna Ukraintseva
(source)
L'adjointe au conseil municipal était présente jusqu'au 11 mars à Boutcha, une ville de la banlieue de Kiev, capitale de l'Ukraine. Elle raconte l'arrivée les 24 et 25 février des hélicoptères russes qui ont attaqué l'aéroport d'Hostomel, tout près de Boutcha. L'adjointe explique ensuite que Boutcha était initialement utilisée par les Russes comme voie de passage vers Irpin, ville adjacente à Boutcha et Kiev et située entre les deux. Le 4 mars, un convoi de matériel militaire russe a traversé Boutcha en direction d'Irpin. L'artillerie ukrainienne basée à Irpin l'a quasiment complètement détruite. Les Russes ont continué à passer à travers Boutcha. Mais ils ont essuyé des tirs par les forces de défense territoriale ukrainienne de Boutcha. Les Russes ont répondu en tirant directement sur des immeubles d'habitation. L'adjointe au conseil municipal ne précise pas si les forces de défense territoriale ukrainienne ont tiré sur les Russes depuis des immeubles d'habitation. Quoiqu'il en soit, elle décrit un tir d'obus sur l'immeuble où elle habite, l'incendie qui en a résulté, et la façon dont elle l'a éteint avec ses voisins. Des incendies ont eu lieu de la même manière dans « tout Boutcha » dit-elle.
Kateryna Ukraintseva continue son récit en expliquant qu'elle a fait descendre toutes les personnes âgées et les enfants dans les sous-sols de son immeuble. Ainsi, les habitants de la ville ont commencé à vivre dans les sous-sols dès les premiers jours de la guerre.
Mais des catastrophes humanitaires avaient déjà commencé en février 2022, lorsqu'un char russe a touché un centre commercial de Boutcha. Les habitants de la ville se sont alors rués dans le magasin et ont pillé ce qu'ils pouvaient pour constituer des réserves de nourriture. Puis ils ont fait de même dans d'autres magasins, notamment des pharmacies, anticipant une pénurie de médicaments.
Ces pillages de survie étaient possibles car la police de Boutcha avait quitté la ville dès les premiers jours de la guerre.
Les habitants de Boutcha se sont donc retrouvés livrés à eux-mêmes et se sont organisés pour défendre leur ville par leurs propres moyens. Ils sont allés au bureau d'enrôlement pour y chercher des armes, mais le bureau d'enrôlement, comme la police, avait disparu.
Il se trouve que quelques vétérans des évènements de 2014 avaient encore leurs armes. Ils les ont prises pour défendre la ville.
L'adjointe au conseil municipal aborde ensuite la question de l'évacuation des civils hors de Boutcha. Elle affirme qu'aucune évacuation n'a été possible avant le 8 ou le 9 mars.
Les troupes russes se sont installées dans Boutcha le 5 mars avec leur artillerie et ont bombardé la ville d'Irpin. Les tireurs d'élite russes se sont retranchés dans les étages supérieurs des immeubles résidentiels. Les Russes interdisaient aux habitants de sortir de chez eux. Les habitants qui tentaient de sortir étaient menacés de coups de feu.
A cet endroit de son récit, le témoignage de Kateryna Ukraintseva devient un peu confus.
Elle dit qu'elle était le 3 avril 2022, après le départ des Russes, parmi les volontaires délivrant de l'aide humanitaire lorsqu'une brigade a vu les cadavres sur Yablonskaya, la rue centrale de la ville. Les Russes avaient mis des postes de contrôle sur cette rue. Ils y contrôlaient les habitants voulant évacuer la ville. Kateryna Ukraintseva semble à la fois faire un lien entre les morts et ces postes de contrôle, tout en disant que les cadavres sur la rue centrale résultaient de « tirs aléatoires ». Et, en plus, elle disait en début de témoignage que les cadavres sur Yablonskaya étaient ceux de « combattants de défense ». Il ne faut donc retenir qu'une chose : la cause de la mort des civils dont les cadavres sont allongés sur la rue centrale Yablonskaya doit être déterminée en enquêtant individuellement pour chaque personne : certaines personnes étaient peut-être des civils ayant pris les armes, d'autres étaient peut-être des personnes ayant enfreint les consignes russes, etc.
Elle dit d'ailleurs ne pas avoir vu les tirs, et ne pas savoir de quoi sont morts ces gens.
Elle explique ensuite que la volonté initiale des habitants de s'unir a vite décliné face à la brutalité des Russes. Boutcha n'a donc pas été agressive envers les Russes. Il n'y a pas eu de rassemblements pro-ukrainiens, personne n'est sorti avec des drapeaux ukrainiens. Elle, et d'autres, ont tenté de protéger la population. Par exemple, un jour, une femme fumait une cigarette sur un balcon commun avec un téléphone portable à la main. D'autres ukrainiens présents, dont la narratrice, l'ont interrompue brutalement, craignant que les Russes ne la prennent pour un observateur d'emplacement d'artillerie, ce qui aurait signifié la fin de l'immeuble.
L'adjointe au conseil municipal raconte ensuite une histoire plutôt étrange.
Des soldats russes auraient distribué des rations alimentaires à des Ukrainiens dans un sous-sol avant de jeter une grenade dans ce même sous-sol. Pourquoi un acte de bienveillance suivi d'une attaque à la grenade ? La narratrice ne l'explique pas. D'ailleurs Kateryna Ukraintseva dit ne pas savoir quel a été le résultat de ce lancer de grenade. Quoiqu'il en soit, elle dit également que les Russes, au cours d'une « opération de nettoyage », ont eu peur d'entrer dans un sous-sol sombre et y ont alors jeté une grenade, « juste au cas où ». Par bonheur, personne ne fut tué cette fois-là.
Décès des habitants par la famine
Kateryna Ukraintseva décrit une situation où les Russes ont « tout pris » et où de nombreuses personnes meurent par manque d'eau, de nourriture, et aussi par manque de médicaments. Selon elle, les Russes ont tout raflé dans les hôpitaux, même les ambulances. Ils ont tout emporté.
Kateryna Ukraintseva relie cette situation, où les habitants de Boutcha meurent de faim ou d'absence de soins, au fait que la première évacuation de civils ukrainiens hors de Boutcha n'a commencé que le mercredi 9 mars 2022. Pendant toute la semaine précédente, aucune évacuation n'a été possible, et il était même impossible de se déplacer en ville.
Le témoignage de l'adjointe ne dit pas si les Russes avaient conscience que les civils mouraient.
Mais, l'adjointe affirme un peu plus loin dans son témoignage que les Russes ont occupé la ville et ont « tout détruit » (notamment la plomberie et le service téléphonique), et qu'il n'y avait donc plus d'eau. Il n'y avait également plus d'électricité, et plus d'internet. Le témoignage de l'adjointe est là peu clair. Il est difficile de savoir si les Russes ont détruit volontairement ou involontairement ces services. Une destruction volontaire serait criminelle envers la population, ainsi privée d'eau. Mais, comme le dit la narratrice elle-même, les Russes devaient également survivre. Alors pourquoi auraient-ils volontairement détruit l'accès à l'eau ?
Kateryna Ukraintseva n'explique pas non plus de façon très claire pourquoi les évacuations ont commencé si tard. Elle dit que les Russes auraient pu organiser des évacuations avant le 9 mars mais ne l'ont pas fait. Elle note qu'à Irpin, ville proche de Boutcha, les évacuations ne se sont pas effectuées de la même façon qu'à Boutcha, car à Irpin les Russes étaient en contact avec les autorités locales et les forces ukrainiennes, tandis qu'à Boutcha, les Russes n'avaient pas pu trouver d'interlocuteurs avec qui coopérer et les habitants de Boutcha devaient donc s'en sortir seuls.
L'adjointe dit également que les troupes russes dans Boutcha appartenaient certainement à différentes unités et qu'elles ne se sont pas comportées toutes de la même manière. Il y avait notamment de très jeunes Russes au centre ville, ressemblant presqu'à des collégiens, et le centre ville a eu de la chance car il y avait là une sorte d'unité médicale. Les jeunes Russes ont même donné du carburant à l'hôpital, et ont dit qu'ils devaient aller attaquer Kiev mais qu'ils ne voulaient pas. Ils ne voulaient pas se battre. Ils préféraient dire à leur hiérarchie militaire qu'ils manquaient de carburant.
D'autres unités russes, ceux qui sont arrivés au tout début, étaient par contre des « animaux », selon l'adjointe.
Meurtres des anciens du Donbass et patriotes
L'adjointe raconte que les Russes recherchaient des vétérans urkrainiens ayant combattu au Donbass.
D'après son témoignage, des habitants de Boutcha ont collaboré de leur propre chef avec les Russes. Ces habitants ont dénoncé des vétérans ukrainiens aux Russes. Ils ont également dénoncé les familles de vétérans. Ils ont également dénoncé de simples patriotes.
L'adjointe au conseil municipal raconte que les Russes ont tué le fils d'un vétéran du Donbass. Les Russes ont à peine enterré son corps. Et puis, ensuite, la mère du fils tué a également disparu.
De plus, l'adjointe narre la mort d'un autre homme, tué pendant l'occupation russe, et dont elle a vu une photo envoyée par une amie. L'homme avait les mains liées dans le dos, un câble entourait sa tête et pressait sa bouche, et un ruban adhésif était scotché sur ses yeux. L'adjointe estime qu'il a été abattu car sur sa carte d'identité, datant de 2005, était inscrit : « conseiller du président ».
D'après l'adjointe, beaucoup d'habitants de Boutcha ont collaboré avec les Russes. Mais la plupart ont résisté, aidant les forces armées ukrainiennes comme elles le pouvaient, chacun rapportant tout ce qu'il voyait. Bien que cela ne soit pas précisé de façon claire dans le témoignage de l'adjointe, on suppose que les habitants de la ville rapportaient aux forces ukrainiennes environnantes le positionnement exact des blindés russes. En tous cas, les forces ukrainiennes ont probablement tenté de détruire des blindés russes stationnés à Boutcha. Par exemple, le journal Le Monde rapporte la destruction d'un blindé russe stationnant dans Boutcha : « A la fin de la bataille, la maison de Viktor a été ravagée et a brûlé lorsque l’artillerie ukrainienne a fini par atteindre le tank posté là, et qu’un dépôt de munitions a explosé. »
Les tirs d'artillerie ukrainienne sur Boutcha
Kateryna Ukraintseva a quitté Boutcha le 11 mars 2022 et, lors de son retour en avril, elle fait une comparaison entre la ville d'Irpin et Boutcha. Selon elle, Boutcha a été bien plus épargnée que Irpin. Elle estime que si les forces ukrainiennes avaient répondu pleinement aux forces russes, la ville de Boutcha aurait été complètement détruite.
C'est une information importante, car cela signifie qu'une partie des civils ukrainiens tués à Boutcha ont peut-être été tués par les artilleurs ukrainiens eux-mêmes. Certains habitants de Boutcha ont pu être victimes « collatérales » des tirs d'artilleries urkrainiennes sur Boutcha.
Le journal 20 minutes montre des photos qui témoignent de la violence des combats à Boutcha : le journal publie par exemple cette photo avec la légende « Des soldats marchent au milieu de chars russes détruits à Boutcha ». On y voit une rue remplie de carcasses métalliques tellement déchiquetées que l'on a du mal à reconnaître la forme originelle des blindés russes.
Notons par ailleurs que, dans son témoignage, l'adjointe parle plusieurs fois d'« opération de nettoyage » menées par les Russes. Elle dit qu'une « opération de nettoyage » implique des combats de rue et que ces combats de rue sont encore plus dangereux pour les civils que les tirs d'artillerie : « les balles ne se préoccupent pas de qui elles frappent ». On peut en déduire deux choses : les Russes ont certainement dû se battre à l'intérieur de Boutcha contre des défenseurs armés, probablement ceux dont l'adjointe parlait (les vétérans du Donbass), et que les tirs d'artilleries ukrainiennes sur Boutcha étaient dangereux pour la population.
Autres témoignages sur des crimes de guerre et diverses violences russes
Human Rights Watch, organisme de défense des droits de l'homme, rapporte une exécution sommaire d'un civil à Boutcha. Un témoin rapporte en effet que les soldats russes « ont forcé cinq hommes à s’agenouiller sur le bord de la route, ont tiré leurs t-shirts sur leur tête et en ont tué un d’une balle dans la nuque » (ref).
Un employé municipal affirme avoir récupéré au mois de mars les corps de 10 hommes tués d'une balle dans la tête : « Apparemment un sniper “s’amusait” » (ref).
Une habitante, Olena, affirme qu'au début de l'occupation, il y avait de jeunes soldats, mais que deux semaines plus tard sont arrivés des russes plus âgés, la quarantaine, et qu'à partir de ce moment les massacres ont commencé. Elle rapporte le meurtre sous ses yeux d'un homme allant chercher de la nourriture au supermarché. Elle ne donne aucune raison à ce meurtre et n'en explique pas les circonstances, mais, un peu plus loin dans son témoignage, explique que les hommes habitants de Boutcha étaient sommés par les Russes de rester chez eux et que seuls les femmes avaient l'autorisation de sortir pour se ravitailler en eau et en nourriture (ref).
D'autres témoins rapportent des pillages par des soldats russes, des logements vandalisés, des meurtres d'habitants pour loger à leurs places dans leurs habitations.
Pour expliquer la présence de cadavres les mains attachées dans le dos, The Times suppute que les envahisseurs russes ont été pris de paranoïa, croyant que certains habitants aidaient l'armée ukrainienne. Si l'on recoupe cette analyse avec le témoignage d'Kateryna Ukraintseva, l'adjointe au conseil municipal, on peut dire qu'il ne s'agissait sûrement pas de paranoïa, puisque, selon Kateryna Ukraintseva, la plupart des habitants tentaient d'aider les armées ukrainiennes. D'ailleurs, un peu plus loin dans son article, The Times rapporte que les Russes stationnant à Boutcha sont devenus fébriles lorsque les armées ukrainiennes ont commencé leur contre-offensive, et qu'ils s'en sont alors pris aux civils, craignant que ces derniers ne signalent aux militaires ukrainiens les positions russes. Volodymyr Ivanov, 40 ans, vendeur d’équipements sportifs, déclare : « ils m’ont capturé, m’ont interrogé et m’ont torturé. Ils m’ont déshabillé pour voir si j’avais des tatouages nazis ou nationalistes ; ils n’ont rien trouvé. »
Svetlana Klioumtchyk, habitante de Boutcha et mère au foyer de 46 ans, affirme qu'au début les Russes les ont laissés tranquilles, puis qu'ils ont commencé à venir frapper aux portes pour demander : « où sont les nazis ? »
Le Monde rapporte un autre meurtre de civil ukrainien par les Russes : Volodymyr Cherenichenko envoyait des messages avec son téléphone aux volontaires ukrainiens de la défense territoriale concernant la situation à Boutcha. Volodymyr Cherenichenko a été interrogé chez lui par les Russes et torturé. Ses mains et doigts ont été écrasés. Il a été exécuté par les Russes le lendemain, le 8 mars 2022.
Des habitants de Boutcha, rue Ivana-Franka, racontent que les Russes fouillaient les maisons, menaient des interrogatoires et passaient beaucoup de temps à analyser le contenu des téléphones mobiles. Les Russes interdisaient aux habitants de sortir de chez eux et de communiquer avec leurs voisins. La situation a empiré au cours du temps. Natalya raconte qu'au début les Russes disaient bonjour, puis que les jours passant ils devenaient de plus en plus en colère, réclamant de l'argent et de l'alcool. Les habitants de Boutcha décrivent des soldats russes souvent imbibés ou drogués.
Récapitulatif, conclusions
Si l'on en croît les multiples témoignages d'habitants de Boutcha, il y a eu très certainement des crimes de guerre commis à Boutcha par certaines unités Russes contre les civils ukrainiens. Ces crimes de guerre ont très probablement été étalés dans le temps, et ont été sûrement de plusieurs sortes : exécutions sommaires, tortures, tirs sur des habitations, manque de ravitaillement aux civils, etc.
Kateryna Ukraintseva, l'adjointe au conseil municipal de Boutcha, explique que les Russes ont recherché une coopération avec les autorités locales, mais n'ont pas trouvé d'interlocuteurs. Ce point explique une évacuation tardive des habitants de Boutcha, qui a pu conduire à des morts par manque de nourriture, d'eau et de soins.
Ce qui ressort également des témoignages est que les Russes se sont retrouvés dans une situation très complexe lors de la contre-offensive ukrainienne contre Boutcha : ils étaient bombardés par les ukrainiens, mais devaient également faire face à des civils hostiles à l'intérieur de la ville. Probablement certains civils ukrainiens ont pris les armes contre les Russes, et d'autres se sont contentés de fournir aux armées ukrainiennes les coordonnées des positions russes.
Les Russes ont interdit aux hommes de circuler en ville, seules les habitantes de Boutcha avaient le droit de sortir de chez elles.
Les Russes tentaient également de débusquer les habitants « pro-ukrainiens », fouillant leurs téléphones portables et cherchant à obtenir des aveux de collaboration avec les armées ukrainiennes pilonant la ville.
Dans ces circonstances, il semble que tout soit réuni pour qu'une importante violence russe se soit exercée contre des civils urkrainiens de Boutcha.
Evidemment, comme des habitants de Boutcha ont aidé les Russes à pourchasser les « patriotes » ukrainiens et les vétérans du Donbass, on ne peut écarter aussi l'hypothèse que les forces ukrainiennes aient mené également leurs propres « opérations de nettoyage », liquidant les « collabos » lorsqu'elles sont entrées dans la ville après le départ des Russes.
L'agence de presse Unian, qui est une agence de presse ukrainienne indépendante située à Kiev, annonce le 2 avril 2022 qu'à Boutcha des unités spéciales de la police nationale ukrainienne ont nettoyé la zone des saboteurs et des complices des troupes russes (ref).
Christelle Néant, une française établie depuis 2015 dans le Donbass et qui anime le site Donbass Insider, propose sur Agoravox deux articles soutenant que le massacre découle d'une liquidation des habitants « pro-russes » : article1, article2.
Le « massacre de Boutcha » pourrait donc résulter de l'action des deux camps en présence : d'une part les Russes pourraient avoir commis des crimes de guerre envers les civils de Boutcha pour briser toute résistance « anti-russe ». D'autre part, certains crimes de guerre pourraient découler de l'action des forces spéciales ukrainiennes liquidant leurs compatriotes civils « pro-russes », perçus comme étant des « collabos » ayant été complices de meurtres de civils « anti-russes ».
Il faut désormais attendre le résultat des enquêtes menées sur le terrain pour en savoir plus.
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