Affaire Depardieu : le temps des reniements
Gérard Depardieu a de bien étranges amis. Enfin, je devrais écrire : avait, car je crois qu’il les perd comme les feuilles mortes : à la pelle. Les développements de cette affaire dépassent l’entendement. Voici quelques éléments de ma réflexion.
Biais
Sur les accusations de viol je n’ai rien à dire. La justice est là pour tenter de démêler les choses. Ces dernières années de nombreux artistes ont été accusés, faits prescrits ou non. Les accusations, non encore validées, sont lancées à la foule. Quand vient un classement, assez fréquents je crois dans le cas de célébrités, le mal est fait.
Il faudrait savoir quels actes précisément désignent le terme viol, devenu un fourre-tout, comme agression sexuelle, et analyser honnêtement au cas par cas.
De plus je déplore l’acharnement de groupes féministes sur certains cas, et leur silence par exemple sur les viols monstrueux commis par les sbires du Hamas le 7 octobre. Deux poids deux mesures. Il y a les bonnes et les mauvaises victimes.
Dans une manifestation suite à la riposte d’Israël cet automne, un groupe de femmes a défilé avec des panneaux condamnant les viols du Hamas : elles ont été conspuées par les autres manifestantes !
Étonnant ? Pas tellement car l’idéologie féministe est gangrenée par des biais.
Bouquet
L’affaire Depardieu m’interpelle à deux titres.
D’abord sur les propos filmés par Yann Moix et diffusés par France 2. On nous a dit qu’ils s’agissait de rushes. Les rushs sont l’ensemble du matériel tourné. Certains sont ensuite gardés au montage du film, d’autres non.
Mais on ne sait exactement pourquoi ces images, celles des propos reprochés, ont été tournées. Soit elles pouvaient en effet être incorporées au film, auquel cas Depardieu joue, voire se surjoue, et c’est de l’ordre de la fiction.
Soit c’est en dehors des séquences de tournage proprement dites et leur enregistrement tient du voyeurisme, celui de Moix ou celui de son caméraman. Dans ce deuxième cas les images montrent l’acteur parler surtout à la caméra, comme en aparté.
Je n’aime pas les propos tenus par Depardieu, mais je trouve qu’on en fait trop. Les grands artistes ne sont pas forcément exemplaires, ni lisses. D’ailleurs je ne leur demande pas l’exemplarité. Trop peu de gens savent être exemplaires de manière efficace c’est-à-dire sans vraiment le montrer.
Les propos vulgaires du Gérard sont-ils une grosse provocation ? Un sentiment de pouvoir tout se permettre ? Une vulgarité crasse ? Une rustrerie incommensurable ? Ou l’effet répété de l’alcool ? Je n’ai pas de réponse. Peut-être un peu tout ensemble.
Je me dis que si Carole Bouquet a pu vivre 10 ans avec lui malgré sa lourdeur occasionnelle, c’est bon signe pour le Gérard. Car je considère madame Bouquet comme une femme intelligente, indépendante d’esprit et drôle, percutante sans fioriture mais avec finesse. Elle l’a choisi et pratiqué, signe que le Gérard n’est pas seulement un rustre. À moins qu’elle n’aime les bad boys. D’ailleurs je n’exclus pas qu’il soit un gros ***.
Culs
J’entends et comprends que l’on puisse détester les propos de l’acteur. Mais je trouve qu’ils devraient faire débat sur le thème de la vulgarité plus que sur celui de la misogynie (d’autant que la misandre étalée par certaines féministes relègue Gégé dans la classe des mioches). Le prisme de la vulgarité serait je crois moins clivant, cela laisserait au personnage une place pour exister. On pourrait dire : il est génial mais si vulgaire ! Nous ne serions pas obligés de nous renier et de brûler (sous pression morale des dominants) ce que nous avons aimé.
Quant à retirer ses films de la diffusion, cela ressemble plus à la censure soviétique qu’à l’intelligence française. L’effacement, l’annulation par le bannissement, ont toujours existé.
Mais c’est ainsi. Je ne suis pas certain que tout le monde soit bien honnête dans cette affaire, Yann Moix pas plus que les autres. Nous ne sommes pas des saints. Quel homme ne pense pas tout bas, en voyant passer une femme sexy et court vêtue (ça aide) : « Je lui conterais bien fleurette, et plus si affinités ».
La manière du Gégé est plus graveleuse mais c’est l’idée. Et je connais bien des femmes dont les yeux brillent quand elles parlent de beaux culs de mecs. Seulement cela doit rester dans le silence de nos soliloques ou tout au plus dans l’intimité d’une discussion coquine avec une personne amie.
Reniement
J’en viens aux étranges amis du comédien. Ceux qui ont signé la première tribune en sa faveur. Il y avait Nadine Trintignant, Pierre Richard, Francis Weber, et autre beau monde principalement du showbiz. Pierre Richard a ensuite été « annulé » par l’asso qu’il parraine, Les Papillons.
D’autres tribunes ont été publiées ensuite contre l’acteur. Dans la rue, des groupes féministes ont conspué Depardieu. La volonté d’annulation est explicite dans le terme Rideau écrit sur une pancarte.
Amour-haine. On prend puis on jette. Société de consommation, réactive et émotionnelle.
Il se trouve que plusieurs de ces personnalités ont depuis renié leur signature. En une semaine c’est un début d’hécatombe. Leurs trois explications sont surprenantes.
La première : elles ont agi sans assez réfléchir. Est-ce bête… Je pensais l’affaire suffisamment importante pour qu’elles prennent leur temps. Leur reculade est pathétique.
La deuxième : cette tribune est initiée par un jeune journaliste d’extrême-droite, houuu, pouah, beurk, gargl, shit ! Parce qu’il écrit dans le mensuel Causeur. Causeur qualifié d’extrême-droitisme ? Je me marre. De droite, oui, une droite normale, forte, drôle, intelligente, une droite intello qui s’assume sans jamais tomber dans le mauvais goût ni dans l’extrémisme idéologique.
Lisez-le pour voir. Vous pouvez même montrer dans le bus que vous le lisez, ce n’est pas une tare.
Cela dit, ils se renient par crainte de perdre les bénéfices de leur carrière. Ainsi va le monde.
Signature
Donc en résumé : parce que l’initiateur de la première tribune écrit dans Causeur il devient infréquentable. Effacé. Annulé. Mauvais. Houuu, pouah, beurk, gargl, shit !
Les amis de Gégé ne doivent pas être fiers. Ils avaient signé pour une idée, pas pour l’organisateur de la tribune. L’exclusion de l’individu à cause de ses idées, cela rappelle trop de choses extrêmement sombres. La gauche est en cour de réactivation de ce mécanisme vecteur du fascisme, ou au moins d’une terreur morale. Patrice Leconte regrette d’avoir signé et confirme : « J’ai appris après de qui elle émanait. »
La troisième est de Jacques Weber : signer cette tribune est un viol. Encore un retournement peu glorieux, mais augmenté cette fois d’une auto-flagellation magistrale.
Il a posté ceci :
« Coupable.
Signataire de la tribune « n’effacez pas Gérard Depardieu » parue dans le Figaro, je mesure chaque jour mon aveuglement et je veux le dire clairement. Oui, ma signature était un autre viol. »
Référence aux accusatrices qui dénoncent le comédien. Rappelons toutefois qu’il n’y a pas encore eu de procès.
Mais il faut réaliser ce que cela veut dire : la criminalisation grandissante des comportements masculins. Après le geste non désiré ou inopportun, l’intention maladroite, le baiser volé, le regard insistant, les propos mal interprétés, même la signature d’un homme devient un viol !
Meute
Outre le ridicule de cette auto-flagellation, le réalisateur n’a aucune dignité et se soumet à genoux à la nomenklatura féministe et assimilée qui s’active dans l’ombre pour orchestrer ce tintamarre.
Car il semblerait que des pressions ont été faites pour les inciter à retirer leur signature. De leur reniement dépend peut-être de futurs financements ou royalties. Mieux vaut donc être dans le camp du bien. Être amis avec GD pourrait vous mettre vous aussi à l’écart. C’est peut-être déjà fait.
La pression est lisible aussi dans la décision de la Télévision suisse romande (et d’autres) d’éviter de programmer Depardieu dorénavant. Elle prend ainsi ses payeurs-spectateurs pour des enfants à qui il faut montrer comment penser bien.
La censure morale est rétablie. La peur d’être exclus les rend frileux avant de les coaguler en meute. Et quand la meute est lâchée elle tue aveuglément.
Rentrez chez vous, les temps du reniement sont venus. Des temps mauvais. Il y a deux mille ans Pierre reniait un certain Jésus pour éviter d’être associé à son nom. Comme l’écrit justement Causeur :
« La contre-tribune va dans le sens du vent et l’on s’y expose en excellente compagnie. Voilà le lieu parfait où la bourgeoisie de farces et attrapes peut parader tranquille, faire mine de mener la lutte d’une vie, et ceindre par anticipation l’auréole de la sainteté idéologique. »
2000 ans après rien n’a changé. Les nouvelles générations, plus anti-Depardieu que les anciennes, reconduisent pourtant le vieux monde. Normal : derrière les vertus affichées, trop affichées même de nos jours, il y a la réalité humaine toujours recommencée.
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