Afghanistan - > Syrie : Peut-on comparer les interventions occidentales avec quelques traits de la politique hitlérienne ?
J’ai écrit un billet qui visiblement pose des problèmes aux rédacteurs d’Agoravox. Pourtant, quelques idées développées ont été présentées à un auditoire lors d’un café citoyen que j’anime et je n’ai pas vu d’opposition. Sans doute est-ce une question de présentation. Alors je présente ce texte différemment, comme une interprétation, libre et dégagée des normes de la pensée correcte, visant à interroger les politiques agressives menées par les Occidentaux vers des pays dont le point commun est d’être de culture musulmane, mais aussi des pays au régime dictatorial. Ce qui donne quelques arguments solides aux interventionnistes mais si l’on observe les monarchies du Golfe on notera que les régimes sont tout aussi dictatoriaux, sauf qu’aucun occidental ne pense à punir des pays parce qu’ils ne sont pas démocratiques et que de plus, ils réservent un mauvais sort aux femmes. L’interprétation que je donne aux événements récents réfléchis dans le miroir de l’Histoire ne va pas de soi. Elle est argumentée mais ne peut pas être publiée dans le Monde ou Libé ni même Charlie Hebdo. En plus, j’ai un énorme doute, ne sachant pas si cette réflexion est légitime ou complètement hors du sens de l’Histoire. Alors, je compte sur les internautes citoyens pour m’éclairer. C’est la première fois que je n’assume pas un propos mais je trouve intéressant de diffuser un texte qui n’énonce pas une opinion mais un doute. J’espère que cette présentation est claire et sans ambiguïté. A vous de voir…
Munichois ! L’anathème a été lancé, par John Kerry et chez nous Harlem Désir, pour désigner les opposants à l’intervention. Mais l’Histoire est cruelle. Si on ouvre ses pages, on pourrait bien découvrir alors que les munichois sont plutôt de l’autre camp, du côté des interventionnistes. Cette idée me trouble énormément. Ces choses ne sont pas aisées à écrire. Elles vont à l’encontre de tout ce qui a pu être dit dans les médias, que l’on soit d’un camp ou d’un autre. Mais nul ne peut exclure que les analystes fonctionnaires et l’opinion ne soient aveuglés par une bienveillance patriotique envers la présidence, à laquelle s’ajoutent les flux émotionnels véhiculés par les mots et les images. La raison est suspendue. Alors, le mieux à faire est d’ouvrir un livre d’Histoire pour comprendre les événements ayant abouti à ce pas très glorieux épisode que fut le traité de Munich signé en 1938 par Hitler et les dirigeants de l’Europe occidentale. Cet examen de l’Histoire devrait permettre de mettre en examen philosophique le présent et notamment la politique interventionniste des Etats-Unis depuis 2001 et de la France depuis 2011.
Le mieux est de remonter à partir des événements où le problème s’est intensifié. Après la fin de la Grande Guerre, beaucoup de territoires ont été redécoupés, que ce soit dans l’ancien empire Ottoman ou en Europe orientale avec la création de la Tchécoslovaquie. Dans ce nouveau pays vivaient une importante minorité germanophone, les Sudètes. L’Histoire moderne et récente nous apprend que les nations formées de plusieurs minorités finissent par générer des conflits. L’opposition entre Tchèques et Sudètes germanophones s’est intensifiée au cours des années 1930. Avec à la clé la création d’un parti allemand des Sudètes. Pendant ce temps, Hitler s’est emparé du pouvoir et au nom de la défense de la race et du pangermanisme, s’érige en protecteur de la minorité germanophone de Tchécoslovaquie et au final, une annexion de cette région qui sera rattachée au IIIème Reich. Le 29 septembre 1938, l’affaire est entérinée par Hitler, Mussolini, Chamberlain et Daladier avec un traité signé dans la ville de Munich.
Avançons d’environ 70 ans pour examiner le cas de la Libye et de la Syrie. Ces deux pays étaient dirigés par des régimes autoritaires et même despotiques. Ils pouvaient se prévaloir d’une relative stabilité, imposée par la crainte certes, mais n’oublions pas que Kadhafi a réussi à faire tenir ensemble des tribus aux intérêts antagonistes pendant des décennies alors que Assad fils et père ont tant bien que mal réussi à stabiliser une Syrie aux dizaines de communautés, islamiques mais aussi chrétiennes. Sauf que le printemps arabe est arrivé et que des populations, profitant de la vague insurrectionnelle en Tunisie et Egypte, se sont soulevées, dans la région cyrénaïque en Libye et dans quelques villes périphériques en Syrie, dont Homs et Alep. C’est de là que part l’argumentation. En reconnaissant des similitudes entre le soulèvement des Sudètes germanophones et celui des communautés dressées contre le régime en Libye et Syrie.
Le cas de la Libye a été réglé par trois puissances occidentales qui, sous couvert d’une résolution de l’ONU vite dépassé, tout en arguant de la légitimité d’ingérence à visée humanitaire, ont pilonné une Libye souveraine pour ensuite procéder à l’exécution de son dirigeant. En Syrie on retrouve les mêmes prêts à frapper au nom d’une même légitimité, sauf que la Grande-Bretagne s’est rétractés et que le doute plane sur les convictions d’un Obama assez hésitant cette fois. Les interventions en Libye et en Syrie sont, quoi qu’on pense des justifications, une agression de puissances occidentales contre des pays souverains et qui n’ont rien demandé. Il n’y a rien de comparable avec le Mali qui, en tant qu’Etat souverain, a demandé de l’aide pour régler un problème intérieur dû à des combattant venus du désert qui ne représentent aucune nation. L’intervention des troupes françaises ressemble plus alors à une opération musclée de police qu’à une authentique guerre. La rage vindicative envers le régime syrien ne tourne qu’autour d’une idée fixe, une obsession, les armes chimiques, qui devraient se traduire par une réponse automatique de punition et si on suit les développements médiatiques de cette crise, on voit l’obsession envahir les esprits au point d’occulter à la fois l’historique de cette crise et les conséquence d’une intervention. A croire que nos analyses et dirigeants soient devenus des psychopathes.
La démonstration semble solide. Les interventions en Libye et Syrie, réalisée et projetée, placent les puissances occidentales dans une situation géopolitique similaire à celle de l’Allemagne nazie face aux Sudètes. Après, la légitimité reste distincte. Hitler se réclamait du pangermanisme alors que les Occidentaux se prévalent de la démocratie mais dans les deux cas de figure, il était question de protéger une minorité face à un régime en intervenant de manière autoritaire dans un pays souverain. C’est assez gênant cette histoire. Les partisans de l’intervention en Syrie (mais aussi en Libye) étant alors les munichois, de BHL à Colombani en passant par les ténors du PS et nombre d’analystes et autres éditocrates. La politique des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, est une politique d’agression. Menée au nom d’idéaux humanitaires mais gageons que pour Hitler, le souci humanitaire envers les germanophones des Sudètes était aussi mis en avant.
L’Histoire a montré en fait quelles étaient les intentions nazies. On ne peut pas comparer les interventions occidentales avec les invasions germaniques après 1939 mais les motifs géopolitiques se ressemblent. Les Etats-Unis et la France ont deux point commun, celui d’avoir une armée capables de mener des opérations loin de son territoire et celui d’adopter un régime présidentiel qui de fait, façonne la personnalisation du pouvoir tout en favorisant des pratiques où se forgent des personnalités fortes lors de féroces combats électoraux. Ce qui permet d’évoquer avec prudence la psycho-politique en interrogeant le ressort qui, chez Sarkozy et Hollande, motive cette agressivité militaire et l’usage de la force qui pourrait être l’instrument d’une autosatisfaction de la puissance et de la volonté de punir et régenter les affaires du monde. Dans un contexte où les affaires intérieures sont moisies avec les crises financière et sociale. Néanmoins, le psycho-politique ne tient pas si on l’applique à une personne. C’est plutôt un système au sens de Luhmann, un système militaro-politique qui disposant de la force de frappe, finit par frapper en trouvant des prétextes. Qui sont fort légitimes, humanitaire, peuple, protection, démocratie… mais ne correspondent pas forcément à la réalité du terrain et des pays concernés.
Alors, ironie de l’Histoire, la situation globale met face à face Obama et Poutine dans une négociation qu’on espère voir aboutir car nous ne sommes pas dans une configuration de guerre froide mais plus près de 1940. Avec un Poutine prêt à fournir les batteries antimissiles à Assad, sortes d’orgues de Staline revisités et employés dans un contexte différent. Quant à la politique des Etats-Unis depuis 2001, elle est agressive, comme si la justification démocratique permettant de légitimer les interventions en Afghanistan puis en Irak et maintenant en Libye et Syrie et après… Quel sera le prochain maillon ? L’Iran sans doute. Pourtant, les Etats-Unis n’ont pas été agressés par un Etat et l’Iran est plutôt connu comme un pays peu agressif. Les attentats du WTC ont pour auteurs une dizaine de terroristes dont les soutiens opérationnels n’ont jamais été dévoilés. La démocratie serait-elle un instrument de domination occidental comme l’a été le pangermanisme du 21ème siècle ? Ce genre de comparaison est certainement douteux mais qui a décrété que le philosophe devrait contourner le doute ?
Dernier coup d’œil sur le cas de conscience du président Obama qui certainement, réfléchit à cette politique hitlérienne menée par son pays depuis plus de dix ans. Alors que nos médias y vont de leur appréciation de bistrot en jugeant indécis et couille molle le président américain sans comprendre le sens des événements. Il faut dire que nos médiarques sont bien peu éclairés, sans doute imprégné d’une culture de la punition et de la leçon de morale, des médiarques somme toute assez collabo dans l’âme, bureaucrates serviles des puissants et de la gloire narcissique. La révolte des élites a conduit à l’avènement de démagogues démoniaques pour reprendre une formule de Broch. Des démoniaques prêts à risquer une troisième guerre mondiale en appuyant une intervention en Syrie. On ne mesure pas à quel point la position du président Obama est décisive et cruciale et que la Russie a aussi un rôle déterminant. Quant à Hollande, son attitude a été surprenante. Jaurès abandonné ! Les Occidentaux ont certainement commis une erreur dès lors qu’ils ont reconnu la légitimité de l’opposition syrienne puis aidé les rebelles à s’armer, oubliant au passage les principes démocratiques dont ils se réclament. Erreur ? Ou peut-être calcul, pour se débarrasser d’un régime jugé indésirable. Et Hollande de persister en souhaitant le départ d’Assad et l’armement des rebelles. De quoi faire encore plus de morts mais sans doute la fonction présidentielle légitime-t-elle les incompétents à ce poste à agir de manière inconsciente et obsessionnelle.
Dans cette séquence, les rebondissements venant des Etats-Unis montrent quelques retenue et peut-être une conscience supérieure des Américains pas disposés à frapper la Syrie et cherchant une porte de sortie. Ce qui a été réalisé avec les Russes alors que la diplomatie française ne parvient pas à sortir de l’option agressive et qu’on doit maintenant commencer à douter des capacités de François Hollande à occuper son poste. Avec le sentiment que la diplomatie française ne veut pas lâcher prise en trouvant tous les moyens pour parvenir à « dégager » Assad au risque de saboter un fragile processus de négociation. On s’en aperçoit avec l’insistance de Laurent Fabius a ficeler une résolution de l’ONU incluant les dispositions de l’article 7 qui prévoit un usage de la force. On comprend que les Russes ne souhaitent pas être dupés comme avec Libye. Une résolution contraignante de l’ONU équivaudrait à une sorte d’accord de Munich validant l’agression contre une Syrie pays souverain. Je crois avoir été plus que déçu, comme jamais, depuis la gestion de la crise syrienne par la France. Je ne me reconnais plus ici. Mais au fond, ma conviction est que le monde finit par devenir agressif et ressembler à l’hitlérisme, si on ajoute en plus la domination des élites intellectuelles, industrielles et financières. Il y a bien une prise de conscience du basculement qui se dessine, entre un monde humain, éclairé, démocratique, et un monde dominé par des élites, par la violence, la domination, la peur et l’agression avec des peuples faisant office de matière humaine livrée au monstre économique et militaire.
Difficile d’établir des similitudes avec le nazisme, sauf en reconnaissant les jeux de domination, d’extension, de puissances qui se déroulent depuis la Modernité avec des mariages de sang nobles pour composer les nations puis des impérialismes et autres colonialismes avec les guerres qui ont découpé les empires et les nations et à notre époque, des régimes qui ont été dans les pays périphériques renversés. Pas seulement au Chili. Comme quoi la folie impérialiste n’a pas décliné au 20ème siècle. La démocratie, comme d’autres idéaux en d’autres temps, justifie les politiques agressives. 25 millions de dollars, c’est selon une source personnelle le coût des deux (six en réalité) missiles tirés il y a peu par les Etats-Unis et Israël en Méditerranée en pleine crise syrienne. Des armes nouvelles sans doute. Et l’énigmatique Fabius, si pressé d’aller en guerre. Attitude suspecte comme celle du président Hollande. Il ne semble pas qu’il y ait un plan global. Juste des jeux opportunistes avec un fond agressif. Je ne vois pas non plus de plan cohérent de la part des Etats-Unis mis à part la puissance et l’agressivité qui anime quelques cercles près du pouvoir. Obama reste une énigme. Si ça se trouve, il ne maîtrise pas totalement les cartes, et finalement, les Russes et les Iraniens peuvent contribuer à une solution négociée alors que les Occidentaux sont tentés par l’usage des armes. Et donc par une option agressive qui en rappelle d’autres…
Finalement, la seule question universelle qui ressort de cette réflexion, c’est la fin justifie-t-elle les moyens. Car finalement, les régimes talibans, irakiens et libyens n’étaient pas sympathiques mais était-ce une raison légitime pour intervenir, comme cela est aussi prévu en Syrie ? Il y a non seulement la question de la légitimité mais aussi celle de la responsabilité car dans les trois cas précédents, le résultat a été pire. En Irak, combien de morts depuis 2003 ? Sans doute plus que dans le conflit syrien. L’emploi des moyens occidentaux mérite alors de questionner les fins. C’est la conclusion logique de cet étrange billet.
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