Après 2010 année de mensonges, 2011 sera-t-elle une année de vérité ?

Avant de démarrer une nouvelle année, il est sain de faire le bilan de l’année qui s’écoule et d’en tirer les conséquences, sur ce qu’il faut améliorer, sur l’orientation à donner des priorités.
Ce qui m’a frappée en 2010, c’est la profusion des mensonges, des fausses promesses du passé révélées non tenues, les faux a priori servant de surcroît à justifier une politique, enfin les mensonges par omission, les non-dits. Et la presse n’est pas étrangère à la diffusion des mensonges, notamment une presse mise au service du gouvernement et qui devient un outil de propagande, dérivant de sa mission d’origine. J’en cirerai quelques uns qui ont marqué l’année :
- Le bouclier fiscal, un véritable écran de fumée :
Initialement mis en place par le gouvernement Villepin à un taux de 60%, Nicolas Sarkozy a abaissé ce seuil à 50% en 2007. Objectif initial : lutter contre l'évasion fiscale et le départ de contribuables aisés à l'étranger. Or en mars 2009, la Cour des compte fait un rapport sur le bouclier fiscal, en notant les effets pervers et négatif sur les comptes publics. Ce rapport révèle que l'évasion fiscale a des conséquences marginales par rapport au coût du bouclier fiscal. Cet article montre aussi que la presse a traité très différemment l’événement pour faire ressortir une réalité différente selon les chiffres sélectionnés … Malgré la communication de Bercy cherchant à démontrer que le bouclier fiscal a bénéficié à des classes moyennes et a contribué à la baisse des exilés fiscaux, cet article de l’Expansion montre que ces vérités sont contestables : 10% des contribuables les plus riches bénéficient de 83% du bouclier fiscal. Comme le dit cet article de Les Echos, le gouvernement a dû admettre en avril 2010 que les départs ont été plus nombreux que le retour des exilés fiscaux. D’ailleurs, il est faux de prétendre que le critère de résidence des riches est déterminant pour la localisation des emplois, car les actionnaires peuvent investir dans des entreprises situées en dehors de leur pays de résidence !
- Le plan de relance : il a coûté plus que rapporté
Annoncé en décembre 2008 par Nicolas Sarkozy pour contrer la crise économique, le plan de relance, doté d’un budget de 26 milliards d’euros (34 milliards finalement sur 2009 et 2010), se voulait ambitieux et efficace. Or, un bilan en est dressé en septembre 2010 par la Cour des comptes (voir le résumé par mesure dans cet article de l’Expansion). La Cour des comptes estime que le plan de relance a coûté bien plus aux finances publiques qu'il n'a rapporté de croissance. Le verdict semble sans appel : l'impact sur la croissance du plan de relance serait d'environ 0,5 point de PIB sur 2009 et 2010, selon la Cour des comptes, très en deçà de son coût pour les finances publiques (1,4% du PIB).Il a cependant atténué les effets de la crise.
- Les paradis fiscaux : eh bien non, ce n’est pas fini !
Nicolas Sarkozy nous avait annoncé à la télévision le 23 septembre 2009 : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé ! ». Or, comme le signale un article du Parisien du 7 décembre 2010, faisant référence à un rapport publié ce jour par le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), les choses ont très peu évolué pourtant depuis l’éclatement de la crise financière, il y a trois ans. Soucieuses d’alléger leur comptabilité, de payer moins de frais de siège ou moins de droits de propriété, par exemple, les multinationales ont bien compris les avantages qu’offre l’implantation dans ces territoires à la fiscalité parfois opaque et continuent comme avant à en profiter. Depuis le 1er mars, les entreprises françaises implantées dans l’un des 18 paradis fiscaux référencés par le gouvernement sont passibles de sanctions financières. « Ces dispositions ne valent que pour les pays n’ayant pas de convention fiscale avec la France », remarque Jean Merckaert, auteur du rapport. En revanche, pas de sanctions, a priori, pour les entreprises implantées dans des pays ayant un accord de coopération avec Paris. « Et comme ces Etats sont incapables de fournir des informations fiables sur les sociétés établies sur leur territoire, ajoute Jean Merckaert, pour ces dernières, le risque est quasi nul. »
Il n’y a pas que les multinationales qui font de l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux ou Etats pratiquant de secret bancaire. Comme les affaires Bettencourt et Wildenstein l’ont révélé, c’est chose courante chez les grosses fortune et nous sommes frappés par l’inertie de l’administration fiscale à cet égard. Le fait que ces fortunes soient de grandes donatrices au bénéfice de l’UMP, du parti du gouvernement, n’est pas anodin … Nous sommes en plein conflit d’intérêt et le gouvernement continue de nier l’évidence de ces conflits d’intérêt !
Mais le plus fort, c’est que la France s’avère être elle-même un paradis fiscal pour les riches ! En effet, l’affaire Bettencourt a aussi dévoilé qu’il suffit de loger les revenus mobiliers (dividendes des titres de l’Oréal) sur une société Holding (Téthys), détentrice des actions, société détenue à majorité par le bénéficiaire final. Cette société n’est imposée elle-même qu’à 1,6% sur ces revenus et le bénéficiaire final (Liliane Bettencourt) n’est imposé sur ses revenus que des sommes qui lui sont reversées par la société écran pour ses dépenses personnelles. Elle est donc imposée sur ses dépenses et non sur ses véritables revenus. Elle bénéficie du bouclier fiscal, censé garantir une limitation de l’impôt à 50% des revenus, mais si l’on rapporte l’impôt finalement payé sur les vrais revenus reçus au travers de ces sociétés écrans, le taux n’est plus que de 9%, le même que sur un petit salaire, comme le décrypte le Canard Enchaîné (voir cet article de l’Expansion) …
- Wikileaks : ce que « Sarkozy l’américain » ne nous avait pas dit
La révélation des câbles des services secrets américains a eu l’effet d’une bombe à vérité, déclenchant des réactions extrêmes avec d’un côté ceux qui dénoncent par cette révélation une « dictature de la transparence », de l’autre ceux qui s’ébahissent de vérités dévoilées qui en fait pour la plupart étaient connues de tous … Ce qui est assez choquant et aurait dû faire plus réagir la presse et le monde politique (le journal Marianne l’a fait), c’est la révélation des visites répétées que faisaient Nicolas Sarkozy en 2005 et 2006, alors ministre de l’Intérieur, à l’Ambassade des Etats-Unis, pour critiquer devant des officiels étrangers la position diplomatique de la France, de son propre gouvernement, pour dénoncer le veto français à l’ONU et l’arrogance du président Chirac et du premier ministre Villepin contre la guerre en Irak, assurer par avance ses amis américains de son allégeance aux Etats-Unis s’il devient président de la République. Ses révélations m’ont profondément choquée car j’y ai perçu une forme de traîtrise, touchant la raison d’Etat. En effet, Nicolas Sarkozy a tenu sa promesse d’allégeance aux américains en effectuant ce virage atlantiste, en décidant de la réintégration de la France dans le commandement armé de l’Otan, alors que cette décision n’avait aucunement été annoncée dans son programme présidentiel. Comme une promesse non tenue, une telle position prise sans avoir été annoncée, ce non-dit, est une forme de mensonge à l’égard des Français.
- Le Mediator : combien de morts évitées si on avait dit la vérité plus tôt ?
Comme dans le cas du nuage de Tchernobyl, qui se serait par miracle arrêté à nos frontières, comme le scandale du sang contaminé, qui aurait pu aussi limiter les morts par une application plus précoce du principe de précaution, l’affaire du médicament Mediator révèle que les services publics ont continué à autoriser sa vente alors que d’autres pays d’Europe l’avait interdit plusieurs années avant et de surcroît également à autoriser son remboursement par la sécurité sociale alors que son efficacité contre le diabète n’était pas démontrée … Selon l’UNOCAM, les remboursements du médicament ont coûté 423 millions d’euros en 10 ans à l’Assurance Maladie et aux complémentaires santé, médicament qui pourrait avoir été responsable de la mort d’au moins 2000 personnes.
- L’Allemagne, modèle à copier pour sa compétitivité, son moindre coût du travail et pour sa fiscalité : encore des fausses idées !
Nicolas Sarkozy nous a d’abord vanté le modèle américain, ce pays de cocagne qui donne sa chance à chacun, où le mythe du self-made-man fait rêver, de la ruée vers l’or à Bill Gates, le pays de l’argent facile et de la société de consommation, de l’endettement décomplexé. Il se trouve que les études récentes (OCDE notamment) montrent que c’est un des pays où la pauvreté a le plus augmenté et où les inégalités se sont le plus creusées. Comme je l’écrivais récemment dans cet article « Après le rêve américain, le mythe allemand », Nicolas Sarkozy et François Fillon veulent à présent nous montrer le modèle allemand comme l’exemple à suivre pour retrouver la voie du succès, tant sur le plan économique que fiscal. Rappelant que le succès des entreprises allemandes, notamment à l’exportation, a été possible au prix de dix ans de stagnation des salaires, de charges sociales moindres qu’en France, expliquant leur meilleure compétitivité. Or comme le montre cet extrait de rapport sur les comptes de la Sécurité Sociale en 2010, les chiffres démontrent que le coût du travail est plus important en Allemagne qu’en France, en brut comprenant les charges sociales (+38%) comme en net (+6%), alors que leur productivité est moindre qu’en France. La raison du succès des entreprises allemandes est autre. De plus, le taux de chômage allemand reste élevé malgré sa balance commerciale positive (7,1% en mai 2010 contre 10% pour la France, 9,3% au 3ème trimestre).
Du côté fiscal, même discours en trompe-l’œil. Il y un mois, Nicolas Sarkozy expliquait aux Français qu’il fallait viser la convergence fiscale avec l’Allemagne. Dans cet objectif : rester compétitif et éviter les délocalisations. Après avoir justifié le bouclier fiscal à 50% en prétendant que l’Allemagne l’avait mis en place depuis 15 ans (ce qui était faux), pour retenir les riches créateurs d’emplois sur le territoire, Nicolas Sarkozy nous dit maintenant qu’après réflexion (mais surtout sous la pression non seulement de l’opposition et de l’opinion mais même de son propre camp politique), il justifie sa suppression en disant que ce bouclier fiscal n’existe pas en Allemagne depuis 15 ans. Loin de se déjuger, il prouve par là son précédent mensonge !).
En fait, à bien regarder les chiffres, les prélèvements obligatoires (taxes + charges sociales contraintes) sont plus élevés en France en % du PIB mais la part des prélèvements sociaux et de l'impôt sur le revenu dans le coût du travail est supérieure en Allemagne (52% contre 49,3%).
- Les banques françaises, injustement montrées profiteuses de la crise et rétives à financer l’économie
On entend couramment dire, et c’est repris par la presse, que l’Etat a donné de l’argent aux banques, que les banques ont réduit leur financement à l’économie, qu’elles font du profit injustifié sur le dos des clients en engrangeant des marges d’intérêt importantes, qu’elles maintiennent des taux d’intérêt élevés à l’égard de leurs clients alors que la liquidité est fournie à 1% par la BCE ou sur le marché interbancaire. Là aussi, il y a mensonges sur les chiffres et amalgames trompeurs, comme je l’ai souligné dans cet article récemment. La FBF (Fédération Française des Banques) vient de publier une brochure « Parlons clair » pour démontrer par les chiffres que d’une part le soutien de l’Etat aux banques françaises n’a rien coûté au contribuable et a même rapporté 2 milliards d’euros au budget de l’Etat (sans compter la nouvelle taxe bancaire qui a rapporté 1,3 milliards en 2009 et une nouvelle taxe qui rapportera 500 millions en 2011), d’autre part que les encours de prêts à l’économie ont augmenté de °3,6% (alors que le PIB augmentait de 1,4%) et que les taux d’intérêt français sont parmi les plus bas d’Europe (3,22% en moyenne).
Bien sûr je ne nie pas la part de responsabilité des banques dans l’origine et la propagation de la crise financière (notamment plutôt des banques américaines), je ne nie pas les méfaits de la spéculation financière, ni le caractère indécent et injuste des bonus mirobolants versés aux traders et aux dirigeants, bonus calculés sur un profit sans tenir compte du coût du risque, ce qui est anormal. Mais dénonçons en connaissance de cause, sur des faits réels et non sur base de fausses idées.
Pour conclure, ce que je souhaite avant tout pour 2011, de la part du gouvernement, des personnalités politiques, de la presse et des médias, c’est LA VERITE.
Comme le disait la philosophe Hannah Arendt, « l’exigence de vérité est en elle-même une œuvre d’action politique ». Souhaitons que la presse œuvre pour l’exigence de vérité, par sa curiosité et son investigation, qu'elle ait une action pédagogique dans l’analyse comparée des faits, des opinions, des expériences des autres pays.
Aujourd’hui, la presse relaie des informations déjà pré mâchées, des dépêches et des annonces, rapidement, l’une succédant à l’autre et faisant oublier la précédente, une information plus ou moins copiée sur l’autre. Peu de temps pour l’analyse, peu de temps pour la réflexion, pour la recherche des causes et l’évaluation des conséquences, peu de motivation pour la critique et la comparaison des vérités. Or la première tâche des journalistes est de fournir de l’information sur des faits justes et pas seulement l’information délivrée par les canaux officiels.
Les journalistes ont une responsabilité immense dans l’équilibre de la démocratie, l’information et la formation du peuple, dans la formation de sa conscience et de sa responsabilité, du discernement et de son sens critique, comme dans la gestion de sa déprime et dans la confiance de la société en elle-même et dans la politique. La manière dont ils couvrent les faits, en rendent compte ou au contraire les occultent, oriente le sentiment général de défiance ou de confiance, de confusion ou de clarté, de mensonge ou de vérité, de malaise ou d’harmonie.
J’ai aussi un message à destination des personnalités politiques : il faut redonner l’espoir sans pour autant bercer le peuple d’illusions. Il faut être optimiste sans cacher la vérité. Ne pas attendre passivement que la croissance revienne, en laissant croire que le plan de relance tout seul va être capable de créer des emplois sur fond de désindustrialisation et de délocalisation non seulement industrielle mais aussi des services, en entretenant l’illusion qu’un simple renfort de régulation va sécuriser les marchés dans la mondialisation. Il faut aller plus loin, à la source des maux. Ne pas laisser croire non plus que l’Etat peut tout prendre en charge, qu’on aura les moyens de financer toutes les mesures que le PS préconise dans ce document de 40 pages pour « l’égalité réelle », qu’il vient de produire et de valider sans le chiffrer, malgré les réticences exprimées par certains de ses représentants comme François Hollande et Manuel Valls, doutant de son réalisme.
Je vous souhaite donc à tous ESPOIR ET VERITE pour 2011 !
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