Attentat de Charlie Hebdo : Maryse Wolinski pose la question du troisième homme
Des témoins gênants ?
Le 7 janvier, 2016, un an jour pour jour après le drame de Charlie Hebdo, a paru le livre de Maryse Wolinski, femme du célèbre dessinateur, Chérie, je vais à Charlie. On y lit ces passages évoquant un troisième homme, qui aurait conduit les frères Kouachi :
Selon Maryse Wolinski, "Joseph, Nathalie, Julien, Thomas" et "des policiers de la BAC" ont vu un troisième homme avec les deux terroristes de Charlie Hebdo. En outre, l'un des témoins, Nathalie, se serait vu intimer l'ordre, au Quai des Orfèvres, de ne pas mentionner le troisième homme. Précisons que Nathalie est habilleuse au théâtre de la Comédie Bastille, et que Thomas est acteur dans ce même théâtre.
Le 7 janvier sur France 5, dans l'émission C à vous, Maryse Wolinski évoque face à un Patrick Cohen dubitatif ces témoignages, ajoutant celui d'une conductrice, qui aurait eu un accident avec les Kouachi et qui, elle aussi, aurait vu trois hommes dans la voiture (voir à 14'30 dans la vidéo intitulée "Charlie hebdo : Les familles sortent du silence").
A ce stade, nous dénombrons cinq témoins civils, et des policiers au nombre imprécis.
Le 2 février, sur France Info, au micro de Philippe Vandel, Maryse Wolinski a réitéré ses propos relatifs au troisième homme et aux pressions policières exercées sur Nathalie pour cacher son existence. Elle ne parle plus alors que de trois témoins, alors qu'elle en mentionnait davantage auparavant. Elle précise que Thomas et Nathalie ont assisté à l'arrivée des Kouachi.
Les interrogations de Maryse Wolinski ont été fort peu relayées par la presse : une courte mention dans Metro, Le Figaro, et c'est à peu près tout.
Silence médiatique et théorie du complot
De quoi nourrir les théories du complot sur Internet, alors que, comme le relève l'Observatoire indépendant des Théories du Complot et des Contre-projets sur le net, "il serait certainement facile de retracer toute cette affaire, d’interroger les témoins qui ont déclaré avoir été managés par le 36 Quai des Orfèvres pour voir s’ils maintiennent ou non cette version, et de faire un compte-rendu public de l’avancée de l’enquête éclaircissant les points sombres".
Et, en effet, l'histoire du troisième homme, délaissée par les grands médias, a été principalement exploitée par le site Panamza, qui a tendance à voir du complot un peu partout.
Celui-ci rappelle d'abord à juste titre les propos du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, le jour même des attentats contre Charlie Hebdo, parlant "des trois criminels qui ont commis cet acte barbare" (voir à 2'15 dans la vidéo ci-dessous).
Puis, après avoir mentionné que, dès le lendemain, la "version officielle" ne parlait plus que de deux hommes, Hicham Hamza pose la question : "Qui sont les responsables de la police judiciaire parisienne ?", ceux-là mêmes qui auraient demandé à l'un des témoins de ne pas évoquer le troisième homme. Sa réponse l'amène a mettre en évidence ce qui constitue, selon lui, leur point commun : la franc-maçonnerie. Bref, nous serions possiblement au coeur d'un énième complot franc-maçon...
Peut-être aussi a-t-on demandé au témoin de ne pas parler d'un troisième homme parce rien par la suite n'a pu confirmer sa présence, ou parce que peut-être d'autres témoins ont infirmé l'existence de ce troisième homme, ou encore parce qu'il fallait protéger certains éléments sensibles de l'enquête. On ne le sait.
En tout cas, Panamza va très loin dans la suspicion, puisque, dans une vidéo publiée sur Facebook, il va jusqu'à mettre en cause l'authenticité de la vidéo de la fuite des frères Kouachi, dans la seule mesure où l'on n'y voit pas le troisième homme. Ci-dessous, deux copies d'écran de la vidéo :
Alors quoi ? Le troisième homme, selon Hamza, aurait-il été gommé du film ? Ou bien la scène serait-elle factice, tournée en studio ? Tout cela n'est pas sérieux. Remarquons qu'Hamza présuppose que l'accident avec la conductrice mentionnant trois hommes, dont parle Maryse Wolinski, aurait eu lieu après l'attentat, alors qu'elle-même, lors de son passage sur France 5, ne précise pas le moment (ce pourrait être, tout aussi bien, avant l'attentat).
Une hypothèse que les complotistes (ceux qui veulent à tout prix croire à un complot étatique dans cette affaire) négligent, c'est celle d'une confusion dans les quelques témoignages parlant d'un troisième homme. Car, dans toutes les affaires d'attentats, dans la précipitation et le stress, des témoignages divergent nécessairement, et chacun ne retient que ceux qui arrangent sa version préétablie des événements.
Souvenons-nous du 11-Septembre. Dans cette affaire, les complotistes (selon la définition restreinte que j'en ai donnée) nient l'authenticité des témoignages, très nombreux, des gens qui ont vu un avion de ligne frapper le Pentagone (ou s'en approcher à basse altitude). Car ça ne les arrange pas. Mais, a contrario, les tenants de la version officielle nient les témoignages des gens qui ont entendu, voire enregistré des explosions, nombreuses, dans les tours du World Trade Center. Car cela ne les arrange pas non plus.
Quid du troisième homme ?
Cela dit, faute d'information, nous ne pouvons pas exclure l'existence de ce troisième homme, qui aurait conduit la voiture des Kouachi, au moins pour leur arrivée devant Charlie Hebdo. Dans ce cas, l'attitude des fonctionnaires du Quai des Orfèvres, demandant à Nathalie de se taire, pourrait nous amener à nous poser de bien dérangeantes questions.
A ce propos, il me revient en mémoire les paroles du géopolitologue Aymeric Chauprade, lorsque, le 24 août 2011, il était l'invité d'Emmanuel Ratier sur Radio Courtoisie. Il avait alors déclaré : "Le terrorisme est une fabrication essentiellement étatique, qui est exécuté par des opérateurs, des agents, souvent non-étatiques, mais qui est pensé, initié, piloté par des services de renseignement, quels qu’ils soient". Et surtout, à la 25e min de la vidéo ci-dessous, il expliquait comment cette fabrication du terrorisme se passait pratiquement :
"Vous avez 2 ou 3 agents de la CIA, en l’occurrence, qui vont créer une cellule dans un milieu idéologique connu, qu’il soit d’extrême droite, d’extrême gauche... Ils s’infiltrent d'abord dans ces milieux, ils se font accepter tout en se faisant passer pour des militants idéologiques, et ils commencent à recruter des gens qui, eux, sont sincèrement des militants idéologiques, sur leur psychologie, en pensant qu’ils peuvent les manipuler, et ils développent des cellules à l’intérieur desquelles les véritables militants idéologiques, qu'ils soient d’extrême gauche, d’extrême droite ou islamistes, pensent sincèrement agir pour une cause de manière radicale, et ils vont aller poser des bombes, s’exposer eux-mêmes, alors que les initiateurs, le jour où la police arrête les exécutants, ont disparu dans la nature, et c’est exactement ce qui s’est passé avec les exécutants de l’attentat de la gare de Bologne. Ceux qui ont été arrêtés ont dit : "on comprend pas, parce qu'il y avait tels ou tels types qui étaient avec nous, ils ont disparu, on ne sait pas ce qu'ils sont devenus"..."
D'où la question dérangeante : l'hypothétique troisième homme, disparu dans la nature, pourrait-il être un agent infiltré à la solde de tel ou tel gouvernement ?
On se souvient encore de l’attentat de Noël 2009 au "slip piégé" du vol 253 Amsterdam-Detroit, conduit par un jeune Nigérian, Umar Farouk Abdulmutallab. Là encore, le terroriste avait été conduit dans l'avion par un autre homme, mystérieux, de type indien, que la version officielle avait curieusement oublié. Un témoin, l'avocat Kurt Haskell, raconte ce qu'il a vu lors de l'embarquement :
"J’étais près du terroriste quand il a passé les contrôles à l'aéroport d'Amsterdam au début de cette journée de Noël. Mon épouse et moi jouions aux cartes juste devant le comptoir de vérification. (...) Un homme de type indien, en costume élégant, âgé d'environ cinquante ans s'est approché du comptoir de contrôle avec le terroriste et a dit "Cet homme doit embarquer sur ce vol et il n'a pas de passeport." (...) L'agent au comptoir avait répondu "vous ne pouvez pas embarquer sans passeport." L'Indien avait répondu, "Il vient du Soudan, on le fait tout le temps." (...) L'agent de comptoir répondit ensuite "Il faudra en parler avec mon supérieur hiérarchique," et il les envoya tous deux dans un hall plus bas. (...)
Quoi qu'il en soit, de toutes manières, le terroriste a pu monter dans l'avion. (...) Le FBI a également arrêté un autre Indien alors que nous étions retenus en douane après la détection par un chien renifleur d'une bombe dans son sac de voyage et il a été fouillé après l'atterrissage. (...) un agent du FBI nous a dit "Vous allez être transférés dans une autre zone parce que celle-ci n'est pas sûre. Lisez entre les lignes. Certains d'entre vous ont vu exactement ce qui s'est passé." (l'arrestation d'un autre Indien). Je ne sais pas pourquoi ça n'a pas été rapporté dans les informations..."
L'histoire se répèterait-elle ?
Mais trève de spéculations. Comme le note le LABO 713705 :
"à trop vouloir cacher tous les éléments d’une enquête aussi importante que celle-ci, le Pouvoir prend le risque d’alimenter lui-même le conspirationnisme ! Cette affaire avait touché le coeur des Français par millions : la vérité et la transparence leur sont dus. (...) Malheureusement, la tendance naturelle va dans le sens inverse, qui vise à classer désormais « secret défense » tout élément de l’enquête…"
En cela, l'histoire se répète bel et bien, invariablement.
A l'heure d'Internet, les gouvernements et les journalistes seraient bien inspirés d'adapter leurs pratiques et de tenter de répondre au type de question soulevé dans cet article. D'autant que ce ne serait pas bien difficile, non forcément de déterminer l'identité du troisième homme, s'il existe, mais, au moins, de réinterroger les témoins évoqués par Maryse Wolinski. Cet effort serait le bienvenu.
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