Autopsie d’une erreur judiciaire...
- Marc Machin
- David Sagno
Pont de Neuilly (Hauts de Seine), 1er décembre 2001.
Le corps de Marie-Agnès Bedot, 45 ans, est retrouvé, lardé de coups de couteau…
La police est sur les dents.
Les enquêteurs de la Brigade Criminelle ne disposent que du témoignage d’une jeune infirmière, témoignage selon lequel elle aurait été agressée verbalement le matin même sur le Pont de Neuilly.
La jeune femme est alors invitée à fournir une description de l’individu : âge, taille, corpulence, apparence ethnique, signes particuliers éventuels avant de contribuer à l’élaboration d’un portrait-robot.
Munis de ces quelques éléments, les enquêteurs vont tâcher de retrouver un homme qui a eu probablement des antécédents judicaires pour agression sexuelle en élargissant progressivement le rayon des recherches à partir du Pont de Neuilly.
Jusqu’ici, procédure classique.
Une dizaine de jours plus tard, ils finissent par sortir huit photos de suspects à partir des quelles la jeune femme sera invitée à identifier l’individu qui l’a interpellée.
Après moult hésitations, elle « croit reconnaître » le bonhomme en question, hésitations qui se transformeront ensuite, on ne sait trop pourquoi, en certitudes quasi absolues.
Aussitôt, Marc Machin dont c’était, vous l’aurez deviné la photo, est interpellé manu militari et présenté à l’infirmière derrière une glace sans tain. On est allé jusqu’à l’affubler d’un blouson identique à celui dont se serait souvenu la soignante. L’homme est seul ; aucun « tapissage », procédé par lequel le suspect est présenté aux côtés de plusieurs autres personnes sans lien avec l’affaire, n’ayant semblé nécessaire.
Devant l’étonnement, à ce sujet, de la présidente Blandine Froment, ce 19 décembre 2012, les policiers répondront qu’ils ont jugé la chose inutile puisque l’individu avait été reconnu sur les photos !
C’est à se demander pourquoi on a pris la peine de le présenter !
Quoi qu’il en soit la jeune femme confirmera qu’il s’agit bien du même homme.
Nous nous permettrons ici de souligner la très relative confiance que l’on peut accorder aux témoignages oculaires :.
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2007-01-23/les-pieges-du-portrait-robot/920/0/75368
Mais désormais, à partir de cet instant, le sort de Marc Machin semble réglé…
Il commence par nier. Alors que la garde à vue va toucher à sa fin, il est présenté à un policier expérimenté surnommé par ses collègues « le Maître », tant sa réputation est affirmée.
Après que les policiers l’aient bien fatigué pendant 40 heures sans lui accorder, selon lui, le moindre sommeil, les questions s’enchaînant telles des banderilles, le maître entre en scène pour porter l’estocade.
Il va jouer le rôle classique du « gentil », acquerrant la confiance du jeune homme, lui offrant cigarettes et chocolats, adoptant une attitude amicale voire paternelle envers ce jeune qui n’a jamais connu de guide, n’hésitant pas, selon les dires de Marc, à évoquer les scènes de viols que le jeune homme a dû subir pendant l’enfance afin de le déstabiliser. Il serait allé jusqu’à lui promettre de l’aider à s’engager dans la Légion Etrangère à sa sortie de prison.
http://www.wat.tv/video/meurtres-pont-neuilly-machin-4vjo1_2i0u7_.html
Il n’en faut guère plus au jeune homme, fragilisé psychologiquement par les tourments subis, pour craquer et avouer partiellement.
Il sera aussitôt présenté devant le juge d’instruction devant qui, hébété, il réitérera ses déclarations. Le magistrat n’émettra aucune réserve et délivrera une ordonnance de mise en accusation, renvoyant ainsi le jeune homme devant les Assises.
A-t-il respecté l’article 81 du CPP lui commandant d’instruire, dans la recherche de la vérité, « à charge et à décharge » ?
Présenté devant les Assises, Marc aura beau nier, il sera condamné à 18 ans de réclusion en 2004, peine confirmée en appel un an plus tard.
Coup de théâtre dans la nuit du 3 au 4mars 2008 : David Sagno, 34 ans, pousse la porte du commissariat de la Défense des Hauts de Seine.
« J’ai des choses à dire pour soulager ma conscience ; j’ai tué deux personnes au Pont de Neuilly » lâche-t-il aux policiers éberlués.
L’homme fournit des détails troublants : le nom du chanteur qui figure sur le CD volé dans le sac de sport de la première victime qu’il dit avoir mordu à la main droite, la marque de la bouteille de mousseux qui a servi à égorger la seconde.
Quoi qu’il en soit, il est miraculeux que les scellés contenant l’ADN retrouvé sous les ongles de M .A. Bedot et établissant sans nul doute possible la culpabilité de Sagno, aient été conservées. Le jeune homme retrouve la liberté après sept ans d'incarcération. La justice accepte d’ouvrir le procès en révision de Marc machin dont la condamnation pour meurtre sera annulée en 2010 et dont le procès en révision du 20 décembre dernier l’acquittera définitivement.
A l’issu de ce procès en révision, Marc Machin accusera le juge d’instruction devant les caméras, d’avoir instruit uniquement à charge, se contentant d’entériner le travail des policiers, tout comme il accusera le commissaire l’ayant interrogé de harcèlements en vue de lui extorquer des aveux de culpabilité.
A noter que ces deux personnes produiront des certificats médicaux établissant que leur état de santé ne leur permet pas de se déplacer devant la Cour d’Assises, les jours du procès.
N.B. On se permettra simplement de s’étonner de la raison pour laquelle l’ADN retrouvé sous les ongles de la victime n’a pas été comparé à celui de Machin, la première analyse de ce gente ayant été effectuée en 1998 pour confondre Guy Georges, le Serial Killer de l’Est parisien.
A noter que la police britannique avait une sacrée longueur d’avance dans ce domaine, ayant confondu dès 1987 le criminel Colin Pitchfork à Leicester, ville où ces techniques d’analyse furent mises au point.
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