C’était mieux avant

Bien sûr !
La plupart de ceux qui trouvent leur content dans ce monde-ci, situation confortable qui autorise, outre une auto-satisfaction, un peu d'aise pour l'altruisme et la solidarité résumée à mettre la main à la poche ( où l'on trouve la menue monnaie comme chacun sait), trouve toujours à ringardiser, si ce n'est culpabiliser, ceux qui souffrent ou galèrent et qui pensent que c'était mieux avant !
Pour ce faire, ils mettent en avant le plus grand confort, pour tous, quand même, une vie plus facile, etc ; mais que regardent-ils ?
Ils regardent les objets, les vêtements qu'on trouve en quantité pour trois francs six sous aux fripes ou démarqués – j'ai failli écrire démasqués !- tous ces trucs inutiles qui ont changé le monde et qui sont les seuls à diminuer de coût chaque année, pendant que tout le nécessaire augmente ! C'est vrai que pour les fringues, il y en avait moins avant, et elles étaient plus chères ! Mais est-ce vraiment la peine de réduire en esclavage des milliers et des milliers de petites mains pour tout ce gaspillage ?
Ils regardent les loisirs, les parcs d'attractions, les théâtres de rue, les concerts gratuits ( il y en a toujours eu !), les cours de ci les ateliers de ça qui occupent les vieux principalement et qui remplacent les relations, toute bêtes, du quartier, du village où les femmes ( car ce sont surtout les femmes qui suivent ces cours de danse de toutes sortes, de dessin, de modelage...) échangeaient leur savoir-faire sans chichis ni monnaie.
Et puis ils regardent ce qu'ils possèdent eux, les cuisines équipées – mais ils ne font plus de cuisine-, un mode de chauffage propre et facile – c'est vrai, mais à quel prix ?- les trajets faciles et rapides – Bruxelles/ Nîmes ! Six heures à peine – oui, mais, pour qui ?- et, le pompon, les voyages. Ah oui, les voyages se sont dé-mo-cra-tisés, ça veut dire, à la portée de tous, de n'importe qui si vous préférez. Qu'est-ce qu'on répond à ça, hein ? D'abord que c'est pas forcément vrai, que rarement les familles ont les moyens de se barrer parce que le voyage lui-même ne coûte pas grand chose, mais surtout au moment où le peuple bosse, où les gosses sont en classe, et que la vie là où on va, elle, n'est pas donnée. Que donc cela concerne les vieux, enfin les jeunes retraités, les gosses de riches, et les célibataires des classes moyennes qui consomment du voyage pour s'en mettre plein les yeux, se distraire de leur solitude et donner un peu de bouffant au vide de leur vie et, peut-être, rencontrer l'âme sœur ?
« Tu préférais le temps où on brûlait les sorcières ? », est-ce quand il n'y a vraiment pas d'argument ?
Parce que la liberté d'expression est bien sûr donnée comme une réussite, l'aboutissement de revendications et souhaits millénaires, le nec plus ultra de la liberté,etc.
Je ne vais pas cracher dans la soupe, mais enfin, quand on dit « c'était mieux avant », faut-il remonter au temps des cavernes ? Des guerres de religions ? Pas forcément... La liberté d'expression, oui, elle semble bien élastique, un peu comme la laïcité, elle encombre bien des tribunaux la liberté d'expression ! Mais surtout, je crie sur mon tonneau pendant que les hauts parleurs, les écrans géants dispensent la bonne parole au bon peuple !! Alors, forcément, on m'emmène et on me met la camisole, parce qu'il faut être fou pour imaginer se faire entendre !
Au fond, je crois que ceux qui affichent leur contentement en dénigrant le passé, ne provoquent jamais de discussions, ils se débarrassent d'un truc gênant, une espèce d'épine dans le pied, comme une culpabilité d'être bien dans un océan de malheur... mais cela, malheureusement, n'affleure pas à leur conscience ! Je pourrais faire un roman des naïvetés de ces gens-là, mais surtout ils ne sont jamais politisés ! Ils ont acquis pour leur bonheur la conviction qu'on ne peut rien faire.
L'argument le plus précieux ( oui, précieux, pas spécieux, bien qu'il le soit !) que j'entends est celui-là : le peuple est con de toutes façons, il gobe tout, est dupe de tout, ne pense qu'à être riche, t'imagines si on était gouvernés par des cons pareils ? C'est bien lui qui les veut les écrans plats et tous les gadgets, qui rêve de rouler en grosses bagnoles... laisse lui ses rêves, pendant ce temps-là ça donne du boulot à certains... et patati et patata. ( c'est vrai qu'il y a des bobos qui n'ont pas la télé ou pas de bagnole).
Le peuple a rêvé, la finance a exaucé ! C'est pour ça que le monde est tellement mieux aujourd'hui.
Il n'y a pas plus de criminalité, c'est des foutaises ! On en parle plus c'est tout ; il y a toujours eu des blousons noirs, des brigands sur les routes ; avant ( au Moyen-âge), les rues n'étaient pas sûres, les villes n'étaient pas éclairées, il y avait des coupes-gorges dans tous les coins. C'est vrai que le nanti qui ne tient pas commerce est rarement agressé ; et quand il est cambriolé, il s'en fout, il est bien assuré ! Donc il sait plus son Histoire que les faits-divers qui intoxiquent la populace. Lui, il écoute radio-conseil, la radio intelligente de l'intelligentzia médiatique au service de l'ultra libéralisme : la bourgeoisie, les nantis, les classes moyennes supérieures croient tout ce qui s'y écrit ! Tout ce qui s'y dit, n'y a-t-il pas toujours des experts ? De fin connaisseurs de l'âme humaine, oui !
En un mot : ceux qui trouvent que tout va mieux aujourd'hui sont ceux qui ont laissé leur esprit critique dans sa nymphe, qui gobe Obs ou la libération du monde , peut-être parce qu'ils n'ont pas vu le temps passer.
Et pourtant, c'était mieux avant !
Bien sûr je fais partie des nostalgiques, je ne m'en cache pas ; je ne sais pas tout de la fabrication d'un nostalgique mais je sais la mienne et j'en connais le résultat : le nostalgique ne hait point ! Il ignore la haine ; le nostalgique a des attaches affectives, ne désire pas faire du passé table rase parce qu'il aime à garder ce qui est bon- et qui se transforme lentement au fil du temps, au rythme normal sur une ou deux (ou plus) générations quand le changement n'est pas contraint par quelques-uns mais le fait de tous ; comme l'évolution de la langue, et de la musique avant les provocations narcissiques communes à l'art contemporain. Mais il envisage sans problème de se débarrasser de tout ce qui ne va pas, au risque d'en paraître dictatorial ; certains changements d'habitudes sont urgents et mériteraient d'être imposés jusqu'à ce que nouvelle habitude se prenne et oblitère l'ancienne ! Donc j'ai un penchant pour regretter ce qui était bon et a été détruit alors qu'on a mis à la place du mauvais ; l'inverse aurait été tellement plus souhaitable !
Je ne vais pas remonter jusqu'à Mathusalem car l'idée que je me fais du passé n'est qu'idée, mais jusqu'au début de ma conscience ou peut-être de la mémoire familiale.
Je garde donc comme importants tous les premiers moments d'une conquête ; ma grand-mère qui a passé le permis de conduire dans les années vingt, puis a été conseiller municipal avant d'être adjointe au maire ; les premiers congés payés, ce qu'on m'en a raconté, ce que j'en ai lu ou vu au cinéma,etc. Et au vu de tout ce qu'il y a encore à accomplir, je me réjouirais d'autres premières fois, comme celles de la pilule en vente libre, l'avortement légal, que j'ai connues moi-même, enfin un peu tard !!
Bâtir sur du solide c'est-à-dire sur la volonté et l'action de tous, en tout cas d'une grande majorité et non pas sur du mou imposé par quelques-uns qui, à part s'en mettre plein les poches, se foutent un peu de tout.
Eh bien aujourd'hui on détricote et il y en a qui applaudissent parmi ceux qui vont se retrouver à poil.
Avant, il y avait moins de béton, moins de goudron, moins d'horreurs de toutes sortes ; tout ce béton et tout ce goudron et toutes ces horreurs n'étaient pas obligées, pour faire face à une augmentation de la population ; il y avait des tas de gens, des urbanistes, des architectes, des sociologues, des philosophes, qui pensaient les choses avant, mais que personne n'a écoutés.
Parce que ceux qui ont l'argent et ceux qui gèrent l'argent public, comme par un méchant hasard, sont tout à fait inaptes à la réflexion, à l'anticipation, au respect : s'ils sont là, à leur poste, c'est qu'ils ne savent que gérer une fortune qu'il faut faire fructifier, sans s'oublier. Tout le monde sait ça ; on aurait pu mettre des instances garde-fous, mais le « on » avait très envie aussi d'être fou. Les choses se sont présentées, les complices, les courtisans ont accourus ; les lâches ou les indifférents ont fermé leurs volets...
Il y a une chose à dire quand même : chaque fois que je parle du présent et en dénonce les indécences, il en est toujours pour me dire que l'homme a toujours été comme ça ; toujours une ordure, sauf moi, pense l'interlocuteur. Eh bien je pense au contraire que s'il existe des gens comme moi aujourd'hui, naguère et jadis il y en avait encore plus parce que les conditions de vie étaient plus favorables ; je n'irais pas jusqu'à dire plus douces, mais les difficultés et la rudesse de la vie n'en empêchaient pas la décence ni la dignité. Et cela ne veut rien dire que ça a toujours été comme ça ! Ce sont les conditions qui font le larron, tandis que c'est l'homme qui fait les conditions, ou qui laisse faire ! Naguère, nous étions dans des conditions de progrès social, dues aux luttes ouvrières, à la politisation des classes populaires, à une volonté forte d'implication, par l'éducation populaire et plus largement d'instruction à l'école ; puis, il y a eu la conscience écologique qui au début des années soixante dix a pris un essor prometteur ; puis, pouf, après une légère stagnation, un endormissement, la dégringolade.
Avant la dégringolade, c'était mieux.
Personne ne peut nier ce qu'on a perdu entre une trentaine d'année ; un chapitre ne suffit pas pour en faire l'inventaire.
Je vous ferai grâce de tout ce que j'ai déjà dit en matière d'alimentation, d'agriculture, d'espace naturel, de condition animale...
Je n'insisterai pas sur les pertes définitives, d'espèces animales, végétales ; je ne développerai pas l'aspect social, moral, violent des relations humaines ; je n'évoquerai pas la banalisation de la corruption des fonctionnaires ; je ne rappellerai pas les mensonges, les silences, les pirouettes, les hypocrisies et le manque de vergogne des politiques ; nous savons tous tout cela.
Juste se poser la question de savoir pourquoi certains ont besoin d'occulter, de nier l'évidence ou bien d'accepter sans broncher que tout se déglingue pour quelques loisirs.
Comment faire prendre conscience, dix fois par jour, à tous ces nantis, ce que coûte aux autres, à l'environnement, leur petit confort ?
Comment leur faire avaler qu'ils ne sont rien, rien de plus, que personne ne leur doit rien mais que ce sont eux qui sont redevables ?
Et qu'il ne suffit pas de planter son petit arbre pour compenser le tour du monde qu'on vient de faire en Airbus !
Oui, il y a du pognon qui traîne, encore une foule de gens qui, au fond de leur mémoire familiale, savent qu'ils vivent mieux qu'avant, tous ces nouveaux riches qui se sentant encore le vent en poupe n'ont que faire de leur direction ! Et que la culpabilité enfouie les oblige à déclarer que les médias sont alarmistes qui sont là pour faire peur, mais que non, tout va bien et que le peuple s'estime heureux d'avoir des conditions de vie comme jamais auparavant.
J'insisterai sur la mortalité infantile qui a quasi disparu, je développerais bien l'allongement de la durée de la vie si ce phénomène déjà ne régressait, j'évoquerai les bienfaits d'Internet et de l'informatique et je rappellerai les progrès incroyables de la chirurgie cardiaque...et de l'hygiène
Relisons Dickens, Orwell !!!!!! pour nous en convaincre
Et je terminerai comme Catherine Clément terminait son émission : Faites de beaux rêves, soyez heureux !
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