Chroniques dépressives
Nous serions en dépression disent les analystes. Et les psychanalystes, comment voient-il la dépression ? Des troubles d’humeurs se propagent, sans pour autant devenir bipolaires. Entre le bipole et saint Paul, il n’y a pas photo. Mieux vaut séjourner à Damas qu’à Saint-Anne. Quoique, un petit séjour à Patmos nous remonterait le moral.
Idées roses, le monde s’illumine
Le secteur hôtelier recrute. Le marché des séjours luxueux n’est pas en crise. Le PS va se doter d’une nouvelle direction. Sarkozy sera battu en 2012 et la France retrouvera ses couleurs, elle passera de l’ombre à la lumière grâce au président de gauche élu. La crise va susciter une prise de conscience. Les gens vont devenir bons et raisonnables, souriants et heureux. Le cancer sera vaincu. Il y aura de l’énergie pour tous. Plus de CO2 dans l’atmosphère. Adieu la pollution. Un autre monde arrive. Plein de nouveaux acteurs et chanteurs. Les gens font la fête et sont contents d’aller travailler. On rencontrera des professeurs heureux dans la rue, le samedi. Les centres commerciaux deviendront des lieux de convivialité où l’on sourit à la caissière automatique. Et où l’on flâne l’air guilleret entre les écrans plats diffusant de si belles images.
Idées noires, l’humanité est un naufrage
Les siècles ont poussé le progrès vers des sommets inégalés dans les domaines de la technique, la politique, l’usage des outils. Mais ce progrès n’a jamais pu se débarrasser des naufrages, à toutes les époques, y compris la nôtre qui vit à l’apogée de la technologie mais avec des sociétés en état de naufrage intellectuel, moral et spirituel.
Parler de naufrage est sans doute exagéré. Les mots ont un sens, autant ne pas les trahir pour ne pas adultérer la parole qui vaut son pesant de ligand social et de garant pour la civilisation. Ce n’est pas parce que les sociétés vont mal qu’il faut parler de naufrage. Crise, marasme, décadence, voilà quelques mots utiles. Pour ne pas parler de déclin parce que le déclin n’est pas à l’ordre du jour. La France, comme la plupart des pays du monde, vit son marasme qui se dessine avec ses spécificités culturelles. Le marasme allemand n’est guère préférable, sans parler de la décadence italienne. En fin de compte, nous ne sommes pas si mal lotis en France, même s’il faut se farcir Sarkozy et sa clique, Royal et sa secte, Drucker et ses émissions de cirage, Sébastien et son aura de beauf suprême. Et puis des tas de choses, notamment liées à des médias en perte de vitesse, inaptes à saisir les faits en les analysant dans un scanner républicains des valeurs. Prime aux notables qu’on n’inquiète pas tant qu’ils s’en prennent aux modestes citoyens (cf. l’affaire Lorme, Demange…) Mais quand les notables s’affrontent, les médias, s’ils ne prennent pas partie, relaient les faits d’armes de chaque camp. Les journalistes sont devenus des valets. Des larbins bien payés. Des chiens ! Classés en trois catégorie, les incapables, les irresponsables, les complices du système.
Suis-je exigeant, blasé ou frustré, les figures intellectuelles présentes dans les médias m’ennuient. C’est là l’interrogation. Suis-je juge des valeurs philosophiques de la civilisation ou bien un aigri du système mécontent de ne pas en faire partie ? Toujours est-il que les prestations des intellos à la télé m’emmerdent à un point tel que je coupe l’image. Alors que j’apprécie les débats de haute tenue. Ils m’ennuient, ces Onfray, Glucksmann père et son clone de fils, BHL, Barbier, Orsenna, d’Ormesson, Houellebecq, Picouly, Ruquier, Miller, Pujadas, Besancenot, Hamon, Marseille, Delerm père et fils, Cali, Yade, Nothomb, Dubosc, Albanel, Guillebaud, Domenach, Almanach….
Le catalogue est infini, comme du reste la bêtise humaine. Pourtant, la télé invite parfois des gens qui ont des choses à dire. C’est là mon terrible aveu. Je ne suis pas capable de citer les gens intéressants ayant des idées pertinentes à exprimer sur le monde. Trop épris de négatif, je suis devenu plus flingueur que bâtisseur. Je fais donc partie du naufrage. Et c’est ma manière de participer à l’évolution du monde. J’apporte ma contribution au naufrage, pour le bien de l’humanité qui va vers le naufrage. Je suis actif et c’est cela l’essentiel. J’aimerais bien secourir les naufragés de cette société mais n’ayant pas le goût d’être dictateur, je refuse de sauver des gens qui ont choisi de sombrer, que ce soit dans la consommation, la médiocrité, les jeux de pouvoir, les carriérismes. Je suis profondément démocrate. Un authentique démocrate, comme l’a montré Lasch, ne peut être progressiste au sens messianique. Il y a de l’être, de la technique, des gens et du bien-être, autant que du merdier. Alors, si vous avez accès au bien-être, profitez-en et si vous êtes en difficulté, démerdez-vous. La roue tourne.
L’homme dispose d’un savoir-faire immense. Le système technologique est son œuvre. L’homme est un déficient dans le savoir-être, de là découle ce marasme, cette incapacité à faire du monde un lieu de convivialité et de partage. Les hommes politiques sont tous malades si on les jauge à la lumière de l’Etre, les citoyens aussi. Ainsi va le monde. Ne pouvant installer le royaume de l’Etre qui est hors de leur capacité spirituelle, les hommes gèrent le royaume du Devenir, oeuvrant avec les deux faces du Temps, se soumettant à celle qui détruit et engendre les solutions finales du chaos et de la mort. Les assassins sont plus les instruments de la frénésie de puissance que les maîtres de la civilisation. L’homme n’a pas répondu à la question essentielle. Veut-il vivre, veut-il être ou bien préfère-t-il le suicide, lent pour les uns, rapides pour les autres ? Telle est la question saugrenue qui se pose en 2008, comme elle s’est posée en 1938.
En fin de compte, le mieux ne serait-il pas de fermer les écrans, prendre un livre de philosophie, lire Sénèque ou Strauss, en écoutant du Brahms.
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