Compétition ou coopération : une distinction hommes-femmes ?
Markus Theunert, ex-Délégué aux questions masculines du Bureau zurichois de l’égalité, posait hier un principe : « La lutte des sexes n’est pas envisageable, car elle ne peut être gagnée. Il n’existe tout simplement aucune perspective stratégique en dehors de la coexistence et de la coopération entre hommes et femmes. » Ce préalable devrait figurer en tête de toute déclaration d’intention sur l’égalité des sexes.

Parité et liberté
Il n’y a aucune finalité positive à une quelconque guerre des sexes. Toute généralisation dénigrante, toute stigmatisation est nulle et non avenue, de quelque bord qu’elle vienne. Cela étant posé, rien n’interdit de rechercher les différences entre les femmes et les hommes. La quête d’une identité spécifique, qu’elle soit culturelle ou biologique, reste d’actualité. Si l’on admet d’ailleurs qu’il y a des réalités spécifiquement féminines, on doit aussi admettre qu’il y a des réalités spécifiquement masculines. Sans quoi parler d’égalité n’aurait aucun sens. L’existence d’un féminisme est la preuve d’une distinction entre les hommes et les femmes. Distinction qui ne signifie nullement subordination ou différence de valeur.
La parité, soit la représentation numériquement égale des hommes et des femmes dans les administrations publiques comme dans les activités privées, conduit à quelques réflexions :
1. Dans le contexte de la fin de la répartition des rôles qui prévalait jusqu’au XXe siècle, la parité est un coup d’accélérateur à la présence des femmes dans le monde du travail et de la politique. Toutefois on remarque aussi que les besoins de l’économie ont plus fait pour cette présence des femmes dans le monde du travail que l’idéologie de la parité. Notons aussi qu’en fait les femmes n’ont jamais été absentes du monde du travail. Dans le passé européen entre autre, elles excellaient dans l’artisanat, le commerce, la gestion de l’exploitation familiale et en remplacement des hommes pendant les guerres. La parité ne serait aujourd’hui utile qu’aux postes les plus élevés de pouvoir et d’argent et en politique. A noter qu’elle n’est jamais demandée pour les postes les plus bas de la hiérarchie sociale : éboueurs, manoeuvres de chantier par exemple.
2. La parité est malheureusement une contrainte politique contraire aux sociétés de liberté et de libre détermination des individus. Car elle devrait imposer le retrait des femmes enseignantes au profit d’hommes pour atteindre une égalité numérique, et aussi de femmes soignantes au profit d’hommes. La logique de la parité est contraignante également dans les filières de formation. En effet pour ne pas former des individus pour rien, il faut dès le départ qu’il y ait autant de femmes que d’hommes dans toutes les filières et dans tous les niveaux préparatoires. Par exemple il faudrait retirer le droit de faire des études de médecine à un certain nombre de femmes, puisqu’elles sont plus nombreuses que les hommes. La différence est encore plus forte dans les sciences sociales.
La parité devient donc contraire à la liberté et au libre choix du métier ou de la manière de chacune et de chacun de s’investir dans le monde. Ce n’est pas une vue de l’esprit : faire des goulets d’étranglement paritaires à l’arrivée, dans le travail, obligera à anticiper et à contraindre à une parité dès la formation, et peut-être dès les premières filières scolaires. Si donc il y a plus de filles douées en sciences, certaines n’auraient pas le droit de développer leur talent à cause de la parité. On les remplacerait par des garçons moins bons, uniquement pour une question de nombre et non de qualification. Dans ce sens la parité tirera la société vers le bas.
Parité et liberté ne font donc pas bon ménage. L’évolution vers la parité est une évolution vers une société de contrainte où la libre détermination ne sera plus une référence fondamentale. Ce qui mettrait en cause toute la philosophie libérale du libre consentement, dans le domaine de la formation, mais pourquoi pas aussi par contagion et par souci de cohérence dans le domaine du couple ?
Les besoins des hommes
3. Les hommes se sont toujours investis dans le travail. C’est historiquement leur lieu de réalisation. Nourrir une famille était une motivation et une fierté, en plus d’un rôle social. Aujourd’hui peu d’hommes souhaitent renoncer à ce domaine de réalisation. Très peu voient comme un plan d’avenir le fait d’être père au foyer. S’étant historiquement plutôt bien acquitté de la tâche du travail ils ressentent comme une injustice ou comme une contrainte le fait que l’on veuille leur retirer ce domaine ou du moins le partager. Pourtant le travail était déjà partagé avant. Qu’est-ce qui change ? Peut-être la contrainte justement, et le stéréotype d’exploiteur qui est parfois utilisé pour justifier cette contrainte.
Allez faire avaler à des hommes qui ont toujours pensé que leur rôle était utile et important, qui avaient le souci de leur famille, qu’il n’auraient été en fait que des salauds d’exloiteurs de femmes, de tyrans de pondeuses cuissables à merci, de fabricants d’esclaves domestiques ! Et en plus déniez leur culture, demandez-leur dans le même paquet de développer leur côté féminin, de pleurer, de se plaindre (je ne dis pas que les femmes se plaignent mais le féminisme nous a habitué à ne voir dans ses revendications qu’une litanie de plaintes). Ajoutez à cela la dévalorisation qui est faite de l’activité domestique, de l’éducation des enfants. Je doute que beaucoup d’hommes aient des raisons de changer de rôle.
4. Les hommes ont besoin des femmes. Ils ont ainsi voté de nombreuses loi en leur faveur depuis 60 ans, bien qu’ils soient majoritaires en politique. C’était déjà le cas lors de la rédaction du code d’Hammourabi il y a 4000 ans. Cela montre que la défense des humains quels qu’ils soient ne passe pas automatiquement par une représentation numériquement égale des sexes. La parité n’a donc d’autre fondement idéologique que d’imposer la présence des femmes à égalité numérique dans tous les domaines.
Elle ne peut être fondée sur l’affirmation qu’il y aurait une différence qualitative de gestion des affaires selon qu’on est femme ou homme. Cette indifférenciation est un des courants féministes. Il suggère l’équivalence des hommes et des femmes. Il conduit peu à peu à nier toute différence entre les sexes bien au-delà de l’égalité fondamentale qui est celle des droits, des devoirs, des chances et de la valeur. Au point où l’on voit se développer des théories qui dénient toute influence aux distinctions biologiques (la nature) et qui refusent et déconstruisent les différences acquises (la culture). Ce courant heurte de front la notion d’identité spécifique à chaque sexe, alors pourtant que cette question est loin d’être tranchée, et alors que l’existence même de courants féministes et en France d’un ministère du droit des femmes affirme de fait que les deux sexes ont des besoins différents. On pourrait rétorquer que le but est justement d’aplanir les différences et de les effacer. Ce qui laisse entendre que le comportement masculin, le rôle des hommes, est celui de référence puisqu’on ne propose pas de ministère en son nom : il serait donc l’aboutissement.
C’est le phénomène de la masculinisation de la société. L’indifférenciation se réalise en fait en prenant référence au modèle masculin d’implication dans le monde. La société égalitaire sera masculine. C'est ce que semble souhaiter les féministes.
Cela ne peut que conforter les hommes à rester ce qu’ils sont. S’investir comme hommes au foyer est un total contre-sens dans cette dynamique, une négation du modèle positif au profit d’un modèle décrit comme aliénant par les féministes elles-mêmes. Serait-ce à dire que si des féministes réclament des hommes au foyer, ce serait uniquement pour prendre la place qu’ils laissent vacante ? Soit. Mais combien de femmes sont prêtes à nourrir leur homme quand il reste à la maison ? Le féminisme politique, grand pourvoyeur de stéréotypes, n'a pas encore inventé celui qui motiverait les femmes à payer pour les hommes.
Compétition versus coopération
Un autre courant du féminisme affirme que la gestion du monde par les femmes est différente de celle des hommes. Les femmes seraient plus enclines à la coopération alors que les hommes privilégieraient la compétition. Dans un prochain article je reviendrai sur cette question à partir d’une étude sur les résultats des entreprises où il y a des femmes dans le conseil d’administration, étude qui consacrerait cette différence de gestion et de résultats. Dans l’immédiat, bien que je ne sois pas opposé par principe aux stéréotypes, j’en constate un qui divise le monde entre le masculin et le féminin. La société serait construite sur des valeurs masculines de compétition, donc supposément d’écrasement de l’autre et de guerre, de dureté, de violence, d’absence d’empathie, de haut risque. Il serait temps selon certaines théories de basculer dans une ère féminine, caractérisée par la coopération, la paix, l’empathie, la compassion, la douceur, le respect.
Peut-on vraiment dire que les hommes n’ont pas de compassion ? Qu’ils n’aiment pas la paix ? Qu’ils ne savent pas coopérer ? De même peut-on affirmer que les femmes n’ont pas soutenu les hommes quand ils partaient en guerre ? Qu’elles sont toutes pacifiques ? Jamais en compétition entre elles par exemple pour s’approprier un mâle ? Qu’elles sont incapables de dureté ? Qui affirmerait cela ne verrait pas le monde tel qu’il est. Ce stéréotype sert surtout une stratégie de prise de pouvoir par le dénigrement des hommes et la valorisation a contrario les femmes.
Actuellement différentes recherches sur l’humain et sur certaines espèces de singes, ainsi que la théorie de l’économie de comportement, démontrent que les espèce sociales ne peuvent survivre sans coopérer. La coopération est le comportement le plus développé, même s’il n’exclut pas, à l’intérieur de lui-même, qu’il puisse y avoir des compétitions. Dans le comportement de coopération l’intérêt et les avantages du plus grand nombre priment, à différents degrés, sur la satisfaction d’un seul.
Cette coopération est le fait autant des hommes que des femmes. Si les hommes n’étaient que dans la compétition ils disparaîtraient rapidement de la surface de la Terre puisque l’aboutissement de la compétition est la survivance d’un seul et l’élimination de tous les adversaires. Si les hommes sont plus dans la coopération que dans la compétition, cela infirme le stéréotype précédemment décrit. Cela démonte aussi la théorie du patriarcat qui aurait été une infériorisation systématique et délibérée des femmes par les hommes. Comment aurait-il été possible de coopérer dans une relation où l’une est l’esclave et l’autre tient le gourdin pour la frapper si elle désobéit ? L’espèce n’y eût pas survécu. Les hommes ne seraient d’ailleurs jamais parti faire la guerre en laissant tout le pouvoir civil aux mains des femmes si la coopération n’était pas prioritaire. Que ce soit pour reproduire l’espèce, pour faire tourner une exploitation agricole, pour aller à la guerre, les hommes ont eu besoin des femmes. Ce qui suppose forcément un mode de relation fondé sur l’échange (selon les modes développés précédemment) et non sur la domination.
C’est en laissant chacun être ce qu’il est et faire ce qu’il sait faire que la société est prospère. Ce que démontre notre société.
Il faut donc relativiser le stéréotype de l’homme essentiellement compétiteur et de la femme essentiellement coopératrice. La réalité est plus mélangée, plus complexe. Nous sommes coopérants dans certains cas, compétiteurs ou compétitrices dans d’autres cas. Cela depuis toujours.
Il ne saurait donc y avoir de bascule d’une ère masculine vers une ère féminine. Ce d’autant moins que, comme mentionné plus haut, le masculin reste le modèle...
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