Dépression : sortir de l’abîme
Un Français sur trois ou quatre souffrira dans sa vie d’une dépression. Je l’ai vécue auprès de ma compagne et aussi pour moi-même. Aujourd’hui, l’un et l’autre, nous avons un nouvel horizon. Mon témoignage veut donner de l’espoir à tous ceux, nombreux, qui souffrent de cette maladie du siècle.
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Ma compagne, Edith, souhaitait un deuxième enfant. Par ailleurs, elle-même, dans son enfance, n’avait pas bénéficié de l’amour le plus idéal qui soit, notamment de la part de son père. Après que nous avons eu une première fille, en 1994, nous avons dû attendre de longues années avant d’être à nouveau parents. Ma compagne a suivi plusieurs traitements. Au total, ils se sont soldés par quatre fausses couches en deux ans, dont une un 31 décembre, avec anesthésie, etc. Je me souviens encore de ce premier nouvel an, ma compagne était malade, avait fait une hémorragie énorme qui avait nécessité une hospitalisation d’urgence, ma plus grande fille m’avait alpagué à la sortie de mon travail : « Maman perd son sang ! Maman va mourir... » Une fausse couche est comme comme un un deuil qui n’aurait ni matérialité ni tombe.
Socialistes : contre l’humanité
Elle a stoppé ensuite tout traitement pour soigner la stérilité. Curieusement, alors que contre - j’avais moi-même été victime d’un accident et j’étais plutôt malhabile dans les relations physiques - ma compagne fut finalement enceinte en octobre suivant, et ceci sans aucun traitement. Il paraît que ce genre de chose est fréquente en obstétrique. Il suffit que l’on se désintéresse de la question d’un enfant, pour une raison inopinée, pour qu’il paraisse enfin.... Dans le même temps, Edith vivait d’importantes difficultés dans sa vie professionnelle. Schématisons : Edith avait un poste à responsabilité en fort lien avec les élus politiques, lesquels furent complètement inconsistants, notamment le président de l’époque, vert comme vert de gris. La municipalité a cru bon, rien n’est trop beau pour les amis, de nommer, comme responsable du secteur de ma compagne, l’épouse d’un élu local. Népotisme, quand tu nous tiens... Edith lui a refusé quelques passe-droit. A partir de là, la guerre fut déclarée. Ma compagne, enceinte jusqu’au cou, fut obligée de justifier ses actions auprès de la municipalité socialiste (socialiste ?), de la direction du travail, etc. Elle obtint gain de cause à chaque fois, alors que ses adversaires, sa principale adversaire aigrie et triste bien qu’épouse d’un élu, montraient leur incompétence.
Six mois d’hospitalisation
Notre deuxième fille, Aurélie, est née en juillet 2004. Adorable et épanouie, malgré toutes les difficultés que nous avions vécues. Cependant, quelques mois plus tard, avant de reprendre son travail, Edith fit une sérieuse tentative de suicide. Je l’ai retrouvée un soir, ahurie, méconnaissable, changée complètement, si triste... J’ai appelé les urgences. Puis elle fut hospitalisée dans un centre spécialisé pour les maladies psychologiques des mères, avec Aurélie. Edith, disaient les médecins, était victime d’une dépression post-partum des plus sévères. Je ne savais pas que les femmes après l’accouchement pouvaient être victimes de ce genre de maladie dépressive. Ce genre de dépression, qui touche une femme sur dix, est bien plus grave que le baby blues connu de tous. Bref. J’ai vécu là les périodes les plus douloureuses de ma vie. J’avais peur à chaque instant, bien qu’elle soit en résidence hospitalière, qu’ Edith ne renouvelle son geste. Elle fut des semaines, voire plus, avec un visage défiguré, douloureux, hagard... Puis, peu à peu, grâce à nous, à ses amis dont Geneviève, une amie si chère de Bressuire, hélas décédée, grâce surtout à Edith elle-même, la pente a pu être remontée. Peu à peu, de jour en jour, de semaine en semaine... L’hospitalisation d’Edith a duré environ six mois. Au retour, elle a négocié sa rupture de contrat avec l’association qui avait été si néfaste à son endroit. Elle ne s’en tirait pas trop mal, finalement...
Renaissance
Le symptôme dépressif est comme une marque au fer rouge. En effet, la dépression est souvent récidivante. Même lorsque les malades s’en sortent bien, il leur reste une fragilité qu’ils garderont la vie entière. Au fur et à mesure que je voyais Edith progresser, se sortir de ses tourments, j’avais néanmoins à l’esprit cette donnée essentielle. Cela dit, la dépression post-partum ou post-natale est liée à un événement précis, qui est la naissance d’un enfant. Par conséquent, la récidive est moins évidente, voire inexistante. Malgré tout, mon amour a réalisé un travail sur elle-même remarquable, avec une psychologue également remarquable, Agnès. Bien sûr, elle était au chômage, ayant négocié sa rupture de contrat. Mais elle a entrepris rapidement une formation et une validation des acquis professionnels au Cnam. J’avoue qu’après trois ou quatre ans de difficultés, je ne savais plus si ma compagne pouvait entreprendre une nouvelle vie. En ces temps où le chômage est partout, je me suis posé des tas de questions. Et puis, Edith aurait-elle l’énergie nécessaire pour recommencer une vie professionnelle, y compris avec un nouveau diplôme ?
Pendant qu’Edith était en difficulté, j’ai voulu assumer. Mes filles et tout le reste. A partir du moment où elle allait mieux, je me suis moi aussi retrouvé en perte d’énergie, comme si je me laissais aller, après tous ces mois d’effort pour protéger ma compagne et mes enfants. Il fallait que je tienne. Je l’ai payé après.
Mais aujourd’hui, je ne paie plus. J’ai la récompense. Edith est devenue responsable d’établissement, avec une quarantaine de personnes sous ses ordres. Elle est resplendissante. Et moi aussi. Qu’il est loin le temps de la dépression. Elle a retrouvé son air de jeunesse, toute sa beauté, l’amour qui la porte.
Et moi, je suis heureux d’avoir vaincu avec elle ce mal de vivre. J’ai plus que jamais envie de bonheur ! Même si je l’ai un peu déjà, ce qui était inespéré, il y a un ou deux ans. Bon courage et amour à tous ceux qui ont des blessures de l’âme.
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