Du spectacle de la douleur humaine
Je propose à votre attention un petit essai critique sur la distinction entre le temps du spectacle et celui de la réalité des douleurs humaines, afin de mieux cerner pourquoi nous avons souvent, d’un sentiment diffus au constat avéré, un constat de décalage entre ce que l’on constate de la réalité d’une douleur humaine et son reflet dans le spectacle médiatique et politique.

Le spectacle distingue et discrimine les douleurs humaines munie d’une échelle temporelle lui permettant idéalement de garder le contrôle de la disponibilité des affects
Diffusant et déstructurant le réel d’une situation de douleur humaine pour en faire une information sélectivement transmise, fragmentée, contestée, parodiée, cotée à la hausse ou à la baisse, banalisée, faussée puis démentie, niée, détournée, et autres subtilités, mais dont l’ensemble environnementale permet l’assise de son pouvoir d’englober les sensibilités disparates au sein du même ensemble d’attention de spectateurs captifs.
Le spectacle déstructure ainsi le temps de la douleur humaine réelle, en y imposant son choix du temps de sa prise en compte médiatique et sa lecture afin d’en catégoriser l’essence et l’usage à son profit.
Si les douleurs sont spectaculairement anticipées, elles offrent le temps au spectacle de pouvoir les scénariser. Les douleurs de guerre, par exemple, et le traitement médiatique de la première guerre en Irak en reste le parfait exemple. Il en découle la possibilité de déterminer, entre autres éléments d’importances, quelle douleur est légitimement infligée, et ce non par la force des arguments mais par le volume médiatique et la crédibilité des acteurs choisis par le spectacle pour porter l’affirmation comme la contestation.
On rencontre ce procédé pour les réactions consécutives a des manifestations programmées, ou bien provoqué. La réponse du spectacle commence son écriture à partir du dépôt de la date de la manifestation ou grève, ou mouvement de foule prévisible, parfois même intervient dans son choix , et commence son casting ainsi que son offre de réponses dans un timing qui arrive a échéance dans l’amplitude que le spectacle accorde a cet évènement.
On rencontre également ce distinguo temporelle orienté dans les montages filmés par les caméras de groupes violents en vue d’être diffusé sur Internet. Il y a préméditation, et donc ils sont pensés en vue d’une orientation d’un spectacle dans le spectacle, vers un but.
Si les douleurs sont continues dans le temps mais se distinguent en étant propices à un usage politique, c’est-à-dire avec un discours de réponses pré établies afin de cautionner le dit pouvoir dans son assise spectaculaire et affirmer l’idée de sa capacité a y répondre, ce qui n’est pas la prévenir, ni l’anticiper, ni l’éradiquer même quand c’est humainement possible, et cela doit se faire si possible pendant que l’émotion suscitée par le spectacle est encore agissante pour occlure l’esprit critique.
Il va de soi que ce sont ces douleurs qui ont légitimité dans le spectacle pour former des collectifs, en droit d’avoir la parole médiatique afin de lui fournir des intervenants capables d’être publiquement rassurés par la parole politique d’une part, et de donner l’impression aux spectateurs d’une vigilance citoyenne accrue à cette douleur que l’on part d’une vertu mobilisatrice. Ce qui en terme marketing veut dire ouverture au marché de la vente de produits dérivés et intention de votes à vocation aussi longtemps captive que la situation des douleurs perdure.
Les exemples d’associations engagées, vendant des pins, des T-shirts, des soirées concerts autorisées et promus par le spectacle, sont assez nombreuses pour ne pas avoir besoin d’en citer une. La longue litanie des discours de luttes contre le chômage n’a pas à être ré auditionnée non plus.
Si les douleurs sont en hausse constante jusqu’à dépasser le point critique du déni et du détournement d’attention du spectacle, elles en deviennent un élément intermittent au sous-jacent quasi continue, captant d’autant plus fortement l’attention qu’on les soupçonne cachées et constate rare. Comme le démontre le traitement par le spectacle de la hausse de la violence et de la délinquance continue depuis 20 ans en France.
Du sentiment d’insécurité et des victimes d’agressions automatiquement suspectées d’être raciste dés qu’elles donnaient la description physique de leur agresseurs des années 80, à la vidéo de l’agression dans le bus où l’on a supprimé dans sa version diffusée dans les journaux télévisées la bande son originale, celle comportant les mots « sale Français », pour lui préférer une voix off, ultime recours pour dénaturer la réalité de la violence verbale choisie par les agresseurs.
On constate encore maintenant le décalage entre le mois de décembre 2008 de cette agression et le mois d’avril 2009 où elle sort de l’inattention légale orchestrée par les lois du spectacle via un Internet où le volume de visibilité s’est avérer déjà trop important pour pouvoir en faire l’impasse par les mesures de censure habituelles.
On constatera par la suite l’absence d’un volume médiatique du traitement des agressions de ce type, l’absence de prise de parole politique nationale, et même de réponses par le spectacle.
Il n’est pas interdit d’en conclure que ce que le spectacle ne prépare pas pour l’attention des peuple, quand bien même un évènement les en détourne, l’important est de le traiter sans profondeur , le ramener a une dimension de fait divers non significative, pour ramener rapidement l’attention aux programmes prévus.
On constatera aussi qu’aucune incitation à la création d’un collectif des victimes d’agressions de ce type, aucune organisation regroupant les témoignages de cet nature, n’a été mis en avant ni même sollicité par le spectacle, qui de cette manière n’a pas à organiser de plateaux entre des représentants légitimés témoignant de centaines de milliers
d’agressions cumulés sur des années, sans compter la parole des menacés, des humiliés et des insultés aux portables volés, face à des politiques.Si les douleurs sont historiques, discriminées et sublimées dans leurs intensités par la subjectivité identitaire et temporelle, le volume de leur traitement et l’intensité d’attention mise à disposition du public pour chacune sont d’inégales importance dans le spectacle.
Cette inégalité engendre sur les subjectivités ce que le spectacle dénonce, la concurrence victimaire, qui revient à une contestation du pouvoir du spectacle sur le temps d’attention médiatique et la disponibilité des affects. Ce point est un véritable moteur du repli des attentions subjectives vers Internet, et le renvoi vers une instrumentalisation de l’histoire a des fins utilitaires et communautaires.
Mais c’est aussi une des raisons de la fragmentation de la conscience historique des familles, en décalage avec la réécriture imposée de l’histoire et de la vision politique de l’avenir par le spectacle.
Pour le jeune français qui regarde la télévision sans donner foi aux livres d’historiens rigoureux, ce sont les américains qui ont battus l’intégralité de l’armée allemande en France, et non l’armée russe qui a vaincu ses principales forces en Russie, ou encore l’esclavagisme n’a jamais été pratiqué par aucun peuple ni ethnie à part la blanche occidentale, et dans son paroxysme déstructurant la réalité historique pour le besoin de sa mise en scène, il y a des ninjas au service du roi Arthur.
Si les douleurs sont considérées comme contraire à l’intérêt temporelle du spectacle et a celui de ces intervenants, ce qui diminue d’autant leur capacité a accéder a la possibilité d’informer les spectateurs. Elles sont tues ou symboliquement rendues honteuses d’expressions publiques.
Prenons par exemple les douleurs spécifiquement masculines, qui immanquablement si elles étaient traitées amènent à la réalité de la criminalité féminine, et sa variante à l’encontre exclusif du masculin. Hors cette réalité criminelle est exclue du monde du spectacle, notamment pour raisons économiques quand un cœur de cible privilégié est la maman ménagère de moins de 50 ans que l’on veut libre de consommer.
Et enfin si les douleurs sont invisibles, loin de la possibilité d’être filmées ni même d’attirer l’attention d’un journaliste, sont excluent de toutes parole et considération par le spectacle. comme par exemple la proximité des bébés et enfants en bas âge à la fumée de cannabis et ses conséquences neurologiques, reconnues médicalement, sur le développement cognitif et comportementale.
Hors de la possibilité d’être montrée, l’existence même avérée de cette douleur, constatée par des métiers tenues au devoir de réserve, ne rentre pas dans le monde du spectacle. Aucun bébé ne viendra prendre un micro pour défendre sont droit à la pleine intégrité de ses moyens mentaux ni aucun parent assumer publiquement ce qu’il fume illégalement.
Ces douleurs ne feront partie du spectacle que lorsqu’elles engendreront chez l’enfant aux neurones à la croissance chimiquement modifiés au THC, plus adulte physiquement, des images issues des comportements déviants et visibles qui en découlent.
Alors il sera possible non pas d’en parler, mais d’interpréter ces actes sur leurs visibilités ( même floutées) dans leur contexte de visibilité, sans jamais traiter les causes non autorisées par le spectacle, causes qui ne font pas d’image.
Cela équivaut à admettre une faiblesse dans le pouvoir d’informer du spectacle, et confirmer l’atteinte a la crédibilité journalistique, voir la saine défiance, des citoyens qui connaissent pour partie, de leur propre vie ou au travers d’un(e) proche, la réalité d’une douleur humaine rejetée du traitement médiatique.
En conclusion ouverte, si l’homme n’a pas le temps d’attendre une caméra et une prise de son pour éloigner sa main de la flamme qui le brûle, s’il n’a pas le temps d’attendre la parole et la réaction télévisée des spécialistes autorisées a parler pour aller chercher de quoi soulager sa peine, ni n’a le temps d’espérer une prise en compte de sa brûlure suffisamment massive pour valider son droit à réagir, alors par nature, il est l’ennemi de la passivité spectaculaire et de la gestion des douleurs humaines par le spectacle.
En hommage à Guy Debord, dont la richesse de la pensée critique inspire cet article,
" A mesure que la société se trouve socialement rêvée, le rêve devient nécessaire, le spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n’exprime finalement que son désir de dormir."
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