Einstein vous explique pourquoi la France ne s’en sortira pas

La France vit la plus grande crise de son histoire récente. La fronde jaune de décembre 2018 est sans commune mesure avec les grèves de décembre 1995 qui ont eu la « peau » d’Alain Juppé. La seule comparaison reste mai 68 mais si les intensités sont comparables, les ressorts sont bien distincts. Le mouvement des gilets jaunes nous enseigne ou plutôt nous confirme que la France est un pays divisé et pire, la France est un pays abimé. Même si le mouvement des gilets jaunes se calme avec l’argent du temps acheté, les blessures sont profondes et… Et alors, quelle suite ? Revenons sur le passé récent.
Acte 1, de 1993 à 1995. Edouard Balladur devient premier ministre dans une France sinistrée par le chômage, retapée grâce au budget chaque année en déficit et aux mesures de colmatage, RMI, TUC, CES. Jacques Chirac se fait élire avec comme slogan de campagne la France pour tous et comme élément de programme la réduction de la « fracture sociale ». Les partis dits républicains ont recueilli près de 70 % des voix si l’on additionne les électeurs de Chirac, Balladur, Jospin et Hue.
Acte 2, 2002. Le premier tour de la présidentielle de 2002 a mis la France KO. Jean-Marie Le Pen, qui n’avait aucune intention de gouverner, arrive second et balaye le candidat du PS, Lionel Jospin. Des millions de Français vont dans la rue pour dire leur indignation. La démocratie ne se porte pas bien. Pour la première fois depuis l’institution des débats du second tour, les deux candidats ne s’affrontent pas devant les téléspectateurs. Cet épisode aurait dû alerter les élites politiques et intellectuelles sur la gravité de la situation, mais aussi incliner les gens d’en-haut à réfléchir sur les modèles de société. Qu’est-ce qui a été fait pour changer depuis 2002 ? RIEN ! Enfin, le « rien » est un peu exagéré. Les gouvernants ont géré la France et des orientations ont été prises par les deux successeurs de Chirac qui ont certainement contribué à abimer le pays encore plus qu’il ne l’était.
Acte 3, 2007. L’effet du Net a galvanisé la vie démocratique mais avec le recul, cette agitation autour du triumvir Sarkozy, Royal, Bayrou a laissé l’impression d’une discussion en trompe-l’œil, à l’instar de la toilette opposé à la gymnastique par Platon ou de la sophistique opposée à la justice. Comment penser qu’un Sarkozy ait pu résoudre la crise sociale et économique en se reposant sur un système global qui a créé la faillite d’Enron en 2001, puis la chute de Lehman-Brothers en 2008 et la crise financière qui s’en suivit ? Pendant ces cinq années, les individus protégés ont bien vécu, d’autres ont été déclassés ou paupérisés. La crise financière de 2008 a été épongée en rognant sur les revenus des gens ordinaires tout en faisant ressortir quelques situations critiques dans les budgets de pays européens assez indélicats. Bref, la déception légitime suscitée par Sarkozy a légué le pays à l’alternance.
Acte 4, 2012. Que dire de vraiment pertinent sur l’élection de François Hollande due non pas à une adhésion mais au rejet de son prédécesseur. Dans le programme de Hollande, il n’y avait rien de nouveau, percutant, original. Le destin de ce président était sur les rails et comme son prédécesseur, Hollande a fini par susciter la défiance et le rejet. Il n’a fait que bricoler des réformes pour finir par adhérer au mythe de la politique de l’offre. Une politique de dernier recours qui contribue à la destruction des classes laborieuses.
Acte 5, 2017. Hollande en incapacité de se représenter lègue le pays à Macron, l’homme en marche du centre, ce qui traduit un retour à la case départ avec la sensibilité proposée par Bayrou. Macron tente la voie du centre qui n’a pas été explorée et qui finira dans une impasse parce que les réformes en marche ne peuvent qu’accentuer cette sorte d’impasse politique et sociale française dévoilée par un peuple doué d’une aptitude politique comme en témoigne le mouvement des gilets jaunes.
Acte 6, 2018, gilets jaunes. Pour l’instant où allons-nous ? Nulle-part nous dirait Einstein dont voici la sentence qui s’applique à notre monde
« Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu'il a été créé. »
Je paraphrase Einstein :
« Un problème créé par des politiques et des mythes ne peut pas être résolu par les mythes et les politiques qui l’ont créé. ».
Il n’y a aucune solution au sein du système et que si solution il y a, il faut sortir des cadres du système. Sarkozy lègue à Hollande qui lègue à Macron. Quelle est la suite ? Nulle personne douée d’une lucidité ne peut imaginer voir Mélenchon ou Le Pen gouverner ce pays. La sentence d’Einstein s’applique aussi, mais dans le champ politique. Le Pen et Mélenchon ont jeté de l’huile sur le feu et ont contribué à diviser le pays. On ne voit pas comment ces deux-là pourraient réunir le pays. Ils ont alimenté les problèmes et ne peuvent pas résoudre ce qu’ils ont semé.
Acte 7. 2019 et les élections européennes. Si Macron devait dissoudre l’Assemblée, ce serait après les élections européennes pour autant qu’elles envoient un signal à la nation. Un signal qui pour l’instant se dessine comme abstention. Une chose est certaine, la dissolution est prévue par la constitution mais seules les circonstances déterminent le déclenchement de la procédure. Dissolution en juin 2019, élections en octobre 2019. Timing parfait, nous serons à mi-mandat. En l’état actuel des choses, ce scénario n’est pas envisageable. Cela dit, rien ne s’oppose à ce qu’une réflexion de fond sur l’état de la civilisation et de la société ne se mette en place. Je pense connaître au moins quelques obstacles face à un enjeu global. La plupart des intellectuels, journalistes, politiques, élites intermédiaires, professeurs de fac, jouent une carte personnelle dans leur vie. En l’état actuel des choses, la France ne s’en sortira pas de l’état dévoilé par les gilets jaunes mais elle continuera à être gouvernée.
Je ne me rendrai jamais à l’évidence d’une absence de solutions et de nouvel horizon. Admettons qu’aucun alpiniste n’ait gravi l’Everest. Ce n’est pas parce qu’aucun homme n’est parvenu au sommet de l’Everest que l’Everest n’existe pas. Ce n’est parce que vous ne trouvez pas les solutions qu’elles n’existent pas.
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