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Accueil du site > Tribune Libre > Extra ! Extra ! La guerre est finie !

Extra ! Extra ! La guerre est finie !

Une bonne nouvelle qui nous arrive de Baghdad et de Kabul : la guerre est finie. Ce qui n’empêchera pas les Irakiens et le Afghans de mourir demain, mais c’est un espoir pour les autres. Les civils morts par milliers ne seront pas morts en vain.

La bonne nouvelle que véhiculent les massacres en Irak et en Afghanistan - la seule, hélas - c’est que la guerre est un concept fichu. L’idée de faire la guerre est un anachronisme. Parce que la guerre n’apporte plus rien... et qu’elle crée vraiment trop d’ennuis au gagnant...

Jadis, on faisait la guerre pour asservir une main-d’oeuvre, contrôler des ressources, détruire un rival commercial. Trois raisons qui n’ont plus de sens. Aujourd’hui la main-d’oeuvre est surabondante et un envahisseur a sur les bras une multitude pauvre et incompétente qu’il faut nourrir. L’accès aux ressources rares s’obtient par la simple corruption des potentats locaux, soutenus au besoin par quelques bataillons d’élites. L’élimination des rivaux commerciaux se fait sur les marchés boursiers ; Mittal n’a pas occupé Arcelor à la tête d’une horde de cavaliers en turbans.

La guerre va disparaître. Elle ne disparaîtra pas parce qu’elle est abominable - elle l’a toujours été - mais parce qu’elle ne constitue plus une opération rentable pour ceux qui ont le pouvoir de la faire. On se doutait qu’elle était inutile, on en est à prouver une fois pour toutes, en Irak et en Afghanistan, qu’elle est impossible.

Quand la première puissance du monde ne peut imposer sa volonté à quelques millions de paysans et de bergers sur quelques milliers de kilomètres carrés de sable et de reg, peut-on penser que quelque pouvoir militaire que ce soit pourra jamais affirmer sa domination tranquille sur un territoire disputé ? Le monde a changé. La guerre n’a plus d’avenir. Comment la donne a-t-elle anisi changé ?

Traditionnellement, on faisait la guerre à une nation ennemie, perçue comme une masse homogène et, essentiellement, malléable. Parce qu’elle était homogène, on pouvait la considérer comme globalement hostile, ce qui pouvait servir de prétexte aux exactions en pays conquis, aux prises d’otages puis, avec le temps, au bombardement des populations civiles et autres horreurs, culminant avec Guernica, Dresden et Hiroshima.

Parce que la nation était malléable, on pouvait penser qu’il suffisait de défaire son armée en rase campagne, d’obtenir la reddition de ses leaders et de les remplacer pour avoir gagné la guerre. S’il subsistait des velléités irrédentistes, il n’y avait qu’à faire régner la terreur quelque temps, pour obtenir de la population de nouveaux comportements. Une population était là pour obéir à ses maîtres et on avait changé le maître.

C’est avec les guerres de religions, d’abord, que les choses sont devenues moins simples, avec ces hérétiques qui ressemblaient tout à fait aux bons croyants et vivaient dans la maison voisine. Ensuite, est venue l’émergence de la conscience de classe et la loyauté au Parti qui, chez certains, pouvait prendre le pas sur la loyauté à la patrie, sans qu’ils jugent nécessaire d’émigrer. Avec la constitution de grands ensembles multiethniques, toute la notion d’appartenance s’est finalement transformée en casse-tête, compliquant la tâche des envahisseurs. Bien hasardeux de penser que l’on a nécessairement en face de soi un opposant... et donc bien plus habile de chercher des soutiens parmi les adversaires, que de les massacrer tous sans discernement.

Quand les nations sont devenues hétérogènes, certains ont compris que la zizanie pouvait être une arme et ont marqué des points. Le Japon de 1937 l’a utilisé en Mandchourie contre la Chine. D’autres ne l’on pas vu. Si Hitler l’avait compris et avait traité les Ukrainiens comme des amis, libérés du joug soviétique, il aurait traversé l’Ukraine comme à la parade. Il serait entré à Stalingrad, puis à Bakou, avant que ne tombe un premier flocon de neige, changeant du tout au tout l’issue de la campagne de Russie et peut-être le sort du monde.

Le Viet-Cong l’a compris et, contrairement aux idées reçues, n’a torturé que bien peu de prisonniers américains, il en a plutôt endoctriné beaucoup, ce qui était une défense efficace contre une force d’invasion multiraciale. Ensuite, le concept s’est raffiné. Israel, dès sa première invasion du Liban, a bien profité de la scission de la population libanaise en une multitude de factions, l’encourageant jusqu’à ce qu’il ne reste plus du Liban une entité capable d’opposer une résistance sérieuse. Une nouvelle façon de faire la guerre.

Une vieille façon, en fait, puisqu’on ne faisait que revenir à l’adage romain qu’il faut diviser pour régner. Depuis lors, on a utilisé à fond la zizanie programmée. Toutes les guerres récentes en Afrique et au Moyen-Orient ont obéi à la même règle. L’Afghanistan en est devenu le cas d’école et la rivalité entre Chiites et Sunnites en Irak, portée à son paroxysme par l’invasion américaine, en est la toute dernière illustration. Tout ça est connu, mais pourquoi en déduire que la guerre devient impossible ?

Parce qu’ il y a un effet pervers à la zizanie, spontanée ou implantée. Quand l’hétérogénéité augmente et que la zizanie est partout, les conflits n’opposent plus deux camps, mais une multitude de factions ; la loyauté et la discipline sont peu à peu redirigées vers la base, à mesure que l’on passe de l’identification à la nation à l’appartenance au clan. Le rapport de force entre les protagonistes fluctue donc sans cesse, au rythme de la cohésion entre leurs composantes auxquelles ils ne commandent plus, mais qu’il leur faut désormais convaincre.

En l’absence de groupes identitaires forts, on peut même sauter l’étape clanique et arriver directement à l’égocentrisme primaire ; on n’est plus jamais, alors, qu’à une formation réactionnelle près de voir chaque individu se transformer en pur prédateur. Chacun n’agit plus que pour soi et sa motivation suit strictement ses intérêts. Le sort des batailles en vient alors à dépendre de la capacité de persuader ou de soudoyer et ce n’est plus du charisme de César que le général a besoin, ni même de la duplicité de Machiavel. Seulement d’une propagande à la Goebbels et d’une promesse crédible de butin.

Quand l’hétérogénéité atteint un seuil critique, la population cesse aussi d’être malléable. Chacun a son objectif et l’on a autant de factions qu’il y a de belligérants. Chaque mousquetaire est contre tous et tous contre chacun. Comment faire la guerre, quand le monde ne se divise plus en unités territoriales peuplées de gens ayant des intérêts communs permanents, mais en regroupements précaires d’individus créant et défaisant leurs alliances au gré de leurs objectifs immédiats ?

Quand c’est chacun pour soi, il n’y a plus de guerre possible, car l’ennemi n’est pas là. Le défi n’est plus de triompher d’un adversaire évanescent, dont on ne connaiît même pas les intentions réelles, mais de rétablir l’ordre entre des gens dont chacun a son agenda, qui n’ont en commun que leur haine de l’envahisseur et qui n’ont évidemment nul respect pour l’ordre que celui-ci voudrait imposer. Comment remporter une victoire dont on ne peut même pas définir les conditions ?

La guerre est une partie perdue pour l’agresseur et chaque manche est l’occasion d’une défaite. Avec les techniques modernes, chaque belligérant dispose d’un pouvoir terrifiant qu’il peut exercer SEUL. Chaque individu du pays agressé peut se dire combattant ou non-combattant... et en changer à sa guise. Il a le choix du temps et du lieu. Il n’est plus possible de tirer vengeance d’une attaque ou d’un attentat en s’en prenant aux alliés de celui qui en a été l’auteur, car celui-ci n’a plus d’alliés, ni même une population civile à laquelle il s’identifie. Ce n’est plus SA population. Il est, à lui seul, son parti tout entier.

Pour l’agresseur, le seul ennemi visible est le désordre. Un ennemi invincible, car plus l’on se bat, plus il augmente. Sans un adversaire bien identifié à combattre, chaque soldat devient un agent libre, et vite aussi dangereux pour celui qui l’emploie que pour celui contre qui on a voulu l’employer. Le conflit ne peut cesser, puisqu’il n’y a personne qui ait l’autorité d’y mettre fin. L’envahisseur n’a le choix qu’entre une retraite ignominieuse ou un génocide qui le mettra au ban de l’humanité

Le génocide conduira à un élargissement du conflit dans lequel l’envahisseur pourrait bien se retrouver l’envahi. Si c’est le retrait qu’il choisit, les querelles intestines dans le pays envahi continuent longtemps après son départ. Pour créer une nouvelle solidarité, on doit y refaire le chemin qu’on avait mis des siècles à parcourir. Il n’est pas sûr que cette solidarité renaisse avant des décennies, des générations, si la cohésion initiale était faible.

L’envahisseur, pour sa part, n’a aucune raison de chanter victoire. Il n’a rien gagné qu’il n’aurait pu obtenir autrement, sans violence et il s’est créé un épouvantable problème. Il doit, en effet, rapatrier ses soldats auxquels il a inculqué le mépris de la discipline, du bon droit, du respect des autres et de la vie. Beaucoup ont été physiquement blessés, encore bien davantage l’ont été mentalement ; ils sont aigris et, en l’absence d’une victoire, ils se sentent trahis. Un nombre significatif d’entre eux se perçoivent comme des pillards et des assassins. Leur plan de carrière dans la criminalité et la violence est tout tracé. La guerre aura coûté bien cher à l’État qui se sera voulu conquérant. Trop cher.

On ne fera plus la guerre. On fera encore des razzias, des expéditions punitives brèves, mais on ne fera plus la guerre. L’Afghanistan et l’Irak ne sont déjà plus des guerres. Seulement des espaces-temps mal définis de violence gratuite d’où l’on sortira après y avoir tué, détruit et bêtement créé le désordre.


Pierre JC Allard


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27 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 11 septembre 2007 16:04

    comme ton article sonne juste ! qu’il devient hasardeux d’entreprendre des aventures militaire au bout du monde !

    le chaos règne toujours en Somalie bien après le départ du dernier GI et dans de nombreuses zones , la présence d’un état n’est plus que virtuelle , mais la barbarie est bien présente !


    • stephanemot stephanemot 11 septembre 2007 20:02

      le Gourou a parlé, sa voix de stentor a tonné avec la puissance du canon.

      la guerre ne s’est jamais aussi bien portée. elle a simplement évolué.

      la guerre n’est pas finie : la guerre ne se finit plus.

      la guerre n’est pas vaincue : la guerre ne se gagne plus.

      c’est peut-être la guerre entre nations qui a vécu.


      • stephanemot stephanemot 12 septembre 2007 18:29

        @le furtif,

        Heath faisait-il référence à l’Irlande du Nord ?

        PS : Trotskyste ? On ne me l’avait jamais faite celle-là

         smiley


      • Forest Ent Forest Ent 11 septembre 2007 23:48

        J’aimerais bien souscrire à cette vision optimiste. Mais non ... smiley

        La violence change de forme, c’est tout. Le cas du Rwanda montre qu’il n’y a pas besoin de technologie pour se faire mal.

        Liste très partielle de pays avec une guerre civile larvée ou en cours :

        Afghanistan Arménie/Azerbaidjan Colombie Congo Inde Indonésie Irak Liban Serbie Somalie Soudan Sri-Lanka Tchad Tchétchénie Tibet


        • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 02:34

          @ Le chat : Merci. La disparition de l’État comme force concrète est bien la conséquence que j’entrevois.

          @ Stephanemot : On est d’accord, C’est bien le point que je veux faire. Gourou ? smiley

          @ Le furtif : j’ignorais cette citation de Heath, merci. Plus précisément - et encore plus trostkyste - Orwell dans 1984 :« tous les gouvernements sont désormais en guerre avec leur population » (n.b La Roquetaillade, c’est chez-vous ?)

          @ Forest Ent. Tous des exemples de ces « Espaces-temps mal définis de violence gratuite, d’où l’on sortira après y avoir tué, détruit et bêtement créé le désordre. » Je crois vraiment que la guerre traditionnelle n’a plus d’avenir, mais si j’ai donné l’impression que je croyais qu’on aurait la paix, je me suis bien mal expliqué ! Je crois plutôt que nous entrons dans un moyen-âge, avec l’anarchie partout.

          http://nouvellesociete.org/713F1.html

          Amitiés à tous

          Pierre JC Allard


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 02:38

            Désolé, mauvais lien : voir plutôt : http://nouvellesociete.org/713F2.html


          • Forest Ent Forest Ent 12 septembre 2007 14:15

            Ben désolé. J’ai pas bien compris. En tout cas, on est d’accord. Une forme de guerre est peut-être démodée, mais la violence est en plein essor. smiley


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 15:23

            Forest Ent. Vous etes dans mon « top 10 » des commentateurs sur ce site. Si vous n’avez pas bien saisi, c’est que je ne me suis pas clairement expliqué. smiley

            PJCA


          • Forest Ent Forest Ent 12 septembre 2007 17:50

            Merci, mais non. Je pense que c’est le mot « guerre » qui m’a induit d’erreur dans une lecture trop rapide. Ce qui disparait est la « guerre conventionnelle », dans laquelle on s’efforce de déployer sur un champ de bataille défini une masse de moyens lourds. Ce qui se développe, c’est le combat décentralisé sans champ de bataille. C’est le triomphe de la machette, de l’AK-47, du 4X4 et du stinger.


          • Marsupilami Marsupilami 12 septembre 2007 18:04

            @ Forest Ent

            ... et aussi des robots tueurs pour dans pas longtemps...

            @ J.C. Allard

            Très intéressant article, dommage que le titre ait prêté à confusion. C’est vrai que nous allons tout droit vers de nouveaux types de guerres asymétriques avec l’irruption du terrorisme mondialisé et de l’urbanisation anarchique et proliférante. Les bonnes vieilles batailles où deux armées s’affrontaient dans un espace géographique délimité et bucolique, c’est fini. Tous les manuels de stratégie militaire sont désormais obsolètes. Il faut de nouveaux Sun-Tse ou Clausewitz.


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 20:04

            @ Marsupilami : Le titre était un peu un effet de manches... n’oubliez pas que je suis avocat et un essayiste, pas vraiment doué pour le journalisme. smiley J’aimerais lire les écrits de Giap, mais je ne connais pas de traduction en langue occidentale.

            Si vous avez une minute, j’aimerais votre opinion sur ce texte : http://www.nouvellesociete.org/5170.html

            PJCA


          • Yves Rosenbaum Yves Rosenbaum 12 septembre 2007 12:04

            Bjr Pierre,

            Bon article, je suis globalement d’accord avec votre analyse. Néanmoins, ne pensez-vous pas que la raréfaction des resources essentielles à notre vie (eau) ou mode de vie (pétrole) ne conduisent dans le courant de ce siècle à une résurgence des conflits plus « traditionnels » ?


            • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 15:30

              Je crois que la désintégration des pouvoirs fédérant au profit des pouvoirs locaux va accroitre la tendance à travailler avec des Quisling locaux et à tout regler par la corruption et des « interventions de police »plutôt que par des invasions en masse et des batailles rangées. C’est le modèle de colonisation des USA en’Amerique latine, plus efficace que la colonisation traditionelle à l’Européenne que nous avons d’ailleurs abandonnée. http://nouvellesociete.org/414.html

              PJCA


            • spartacus1 spartacus1 12 septembre 2007 14:05

              Je ne veux parler que d’une guerre particulière, celle d’Irak !

              Cela fait bien longtemps qu’elle est finie. C’est le 1er mai 2003, à bord du porte-avions USS Abraham Lincoln, dans une mise en scène que pourrait lui envier moulte réalisateurs, que Bush, a déclaré :

              Major combat operations in Iraq have ended. In the battle of Iraq, the United States and our allies have prevailed. (Applause.) And now our coalition is engaged in securing and reconstructing that country.

              C’est à dire, sommairement traduit : Les opérations de combat importantes sont terminées. Dans la bataille d’Irak, les Etats-Unis et leurs alliés l’ont emporté. (Applaudissement). Et maintenant notre coalition est engagée dans la sécurisation et la reconstruction du pays.

              Curieux sens de la reconstruction les étatsuniens !

              Sur un plan plus général, cela fait longtemps que l’on annonce la « der des der », hélas ...


              • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 15:41

                Ma thèse est que TOUS les conflits armés opposant un fort à un faible vont se terminer de cette façon. L’individu dispose d’une trop grande puissance de feu et, agissant sans structures formelles, devient tout à fait insaisissable. Il n’est pas LUI victime des exécutions d’otages ni des exactions. S’est SA guerre et il n’arrêtera jamais... jusqu« à ce que le »vainqueur" admette sa défaite. Le seul recours de l’envahisseur est l’extermination du vaincu, que la communauté internationale et sa propre population n’acceptent pas... pour l’instant. Je n’ai pas dit que les choses iraient mieux... http://nouvellesociete.org/5161.html

                PJCA


              • finael finael 12 septembre 2007 14:11

                Je ne suis pas d’accord, les guerres balkaniques n’ont pas 20 ans et se déroulaient à nos portes. L’année dernière c’est bien une guerre conventionnelle qu’a mené Israel au Liban.

                Globalement, il faudrait revenir sur de nombreux points de votre analyse : Les raisons des guerres (il n’y a pas que les riveaux commerciaux que l’on désire parfois éliminer), leur historique, les différents acteurs, etc ...

                Rien qu’en Europe, des tensions renaissent entre allemands et polonais quant au tracé des frontières (comme entre polonais et biélorusses ou ukrainiens). Elles n’ont jamais cessé entre la Hongrie et la Roumanie. La Russie n’acceptera pas éternellement d’avoir été dépecée de son territoire historique. Il en va de même presque partout dans le monde où des frontières, tracées par des puissances coloniales, n’ont aucun sens géographique ou humain.

                Vous ne prenez en exemple que la guerre en Irak, mais que se passe-t-il au Soudan (et accessoirement au Tchad) actuellement ?

                Vous imaginez la disparition des « groupes identitaires forts » cela ne semble pas être le cas si l’on étudie l’état actuel du monde, bien au contraire !

                Il est vrai que les états - mais il faudrait préciser certains états - sont affaiblis (d’autres se renforcent dans les pays anglo-saxons), mais ils ne sont pas indispensables et se reformeront (ceux-là ou d’autres).

                De plus, comme le montre cet article du journal « Le Monde »

                http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=998083&clef=ARC-TRK-G_01

                « Une étude dans le numéro d’août de la revue »Human Ecology« apporte des arguments sérieux à ceux qui pensent que les changements climatiques poussent les sociétés à la guerre »

                Et là, on est mal barrés !!!

                Je vous conseille un petit tout sur ce site :

                http://www.checkpoint-online.ch/

                juste pour vous faire froid dans le dos

                J’ai proposé dernièrement un article sur la guerre que le comité de rédaction (dont vous faites partie ce me semble) vient de refuser comme « sujet trop sensible » et dont le titre, volontier provocateur est « sauver la guerre ? ».

                Malheureusement, il semble que la publication soit de plus en plus réservée à certains : le précédent a été considéré comme « trop long », bien que plus court que le vôtre, et ce dernier - qui tient dans les « limites autorisées » comme « pas assez documenté pour un sujet sensible » (bien qu’il expose des exemples bien concrets) - Il faudrait savoir !


                • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 16:46

                  @ finael. Prenant vos points dans l’ordre.

                  1. les guerres balkaniques ont été selon le modèle traditionnel, avec deux variables : massacre massif de civils et prise en compte dans la stratégie initiale de l’intervention finale d’une force pour séparer les combattants. Ils ont été les derniers. http://nouvellesociete.org/713F2.html

                  2. Israel au Liban a été tout le contraire d’un conflit traditionnel. Invasion limitée, pas d’occupation, accent sur la destruction pour détruire. Israel a agi selon les exigences de la nouvelle dynamique que je décris des « guerres qu’on ne peut gagner »... Un agenda caché ? http://nouvellesociete.org/5138.html

                  3. « Globalement, il faudrait revenir sur de nombreux points de votre analyse... » Bien sûr. :

                  4. Il n’y avait que les Yougoslaves en Europe, un peu en retrait, pour ne pas avoir appris les nouvelles règles du jeu. Il y aura des « troubles » dans les Balkans, mais personne, sauf peut-ête les Moldaves, pour faire une bataille rangée.

                  5. Le défi de la Russie est de bluffer sur sa puissance militaire, très réelle, mais de s’intégrer à l’Europe où elle jouera un rôle majeur et apportera l’innovation sociale qui n’y existe plus. Cette union, à mon avis, représente le véritable avenir de l’Occident.

                  6. « frontières, tracées par des puissances coloniales... » l’Afrique subsaharienne, si on n’y intervient pas autrement, va tout entière sombrer dans l’anarchie. Elle y est presque. La frontière Soudan Tchad, par exemple n’existe plus que sur papier. http://nouvellesociete.org/414.html

                  7.« Vous imaginez la disparition des »groupes identitaires forts" NON ! Au contraire. Je dis que seuls vont garder leur cohésion les groupes identitaires forts et que les autres vont se fragmenter ad infinitum. Quand le groupe identitaire réel devient trop restreint, il ne reste que des bandes et, parfois, une idéologie en superstrat pour justifier les comportements dont les individus eux-mêmes décident.

                  8. j’ai lu les liens que vous me suggérez. j’ai mis ’checkpoint’ en bookmark. L’article « condottieri » me semble d’ailleurs apporter de l’eau à mon moulin. Pour le climat, je n’ai pas fait les recherches requise pout intégrer cette variable. Quand j’aurai une minute..

                  9. Je crois que vous avez tort pour la politique éditoriale de AV. Mis a part une fascination pour le créationnisme et un biais favorable pour certains rédacteurs - qui n’enlève rien aux autres - je crois qu’elle est simplement aléatoire. On m’a refusé des articles pour des raisons saugrenues, la meilleure preuve en étant que plusieurs de ces articles ont été publiés sans problèmes quand je les ai re-soumis, en modifiant seulement le titre et la premiere phrase. Essayez...

                  10. AV - comme beaucoup de medias citoyens - se croit une mission de reporter-enqueteur plutot que d’analyste-commentateur des evenements. Cette vision va changer maintenant que Google va offrir les fils de presse à tout venant. En attendant, il reste quelques articles qui sont VRAIMENT des enquetes et dont je m’inquiete un peu de l’intrepidité des auteurs...

                  PJCA


                • finael finael 13 septembre 2007 13:24

                  Alors reprenons point par point :

                  Vous reconnaissez que les guerres balkaniques furent bien des guerres « conventionnelles ».

                  Israel, au Liban, a bel et bien mené une guerre tout à fait classique, les « guerre de trente ans » ou « guerre de succession d’espagne » n’ont pas plus entrainé d’invasions à grande échelle ou d’occupation et les destructions causées dans les zônes de guerre ont été bien pires qu’au liban en 2006.

                  Les combats se sont déroulés entre unités militaires et la défense mise en place par le Hezbollah, très sous-estimée par Tsahal croyant avoir affaire à des « groupes terroristes » mal organisés a cassé les reins de l’offensive.

                  Vous pensez que seuls les « yougoslaves » (lesquels, les serbes, les croates, les bosniaques ?) n’ont « pas compris » les nouvelles règles du jeu. Mais vous devriez visiter Chypre !

                  En 1913 les « esprits éclairés » délaraient qu’une guerre en Europe était impossible à cause des liens étroits entre les différents pays. C’est un peu comme maintenant quoi.

                  Vous parlez de la Russie, mais vous ne devez pas beaucoup parler avec des russes, c’est très bien de faire des extrapolations sur nos fantasmes, mais c’est encore mieux de discuter avec les populations qui savent pertinemment que Kiev fut la première capitale de la Russie. En tous cas mes correspondants russes sont assez fermes sur ce genre de sujet et ne sont pas prêts à accepter des « indépendances » surréalistes.

                  En afrique, en asie, les frontières ne dureront que le temps où NOUS les défendrons, les identités ne concernent pas des groupuscules mais bien des nations (en Corée, en Chine, au Timor oriental, ...)

                  Je crains, pour ma part, que l’évolution actuelle des rapports d’intérêt, de forces, de différences culturelles, n’engendre de nouvelles sources de conflits et de guerres ... y compris en europe.

                  Pour ce qui est des articles refusés par AV, le dernier a été considéré comme « trop sensible » :

                  http://www.finael.fr/finaelb/guerre.html


                • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 13 septembre 2007 17:20

                  Je crois qu’une divergence d’opinions entre personnes intelligentes et de bonne foi les amène toujours au constat que les mots utilisés n’ont pas pour elles la même connotation. Quand elles font ce constat, elles découvrent que leurs vues sont complémentaires et en sortent avec une vision plus large.

                  1. Ainsi, je pense que vous comme moi sommes d’accord sur la réalité de ce qui s’est passé au Sud-Liban. Le choix de décrire cette réalité comme une guerre conventionnelle dépend uniquement de la définition qu’on veut donner et ces définitions ne sont pas mutuellement exclusive.

                  Voyant les opération sur le terrain, les avances, la résistance organisée pour défendre certaines positions, vous pouvez parler à juste titre d’une une guerre conventionnelle. Voyant ces opérations se dérouler sur le territoire d’un État souverain avec lequel on prétend ne pas avoir de querelle, en détruisant les infrastructures par des bombardements massifs de cibles non-stratégiques loin des zones de combats, pourchassant des adversaires qui ne constituent pas une entité stable, mais qui émergent de la population civile et y retournent après le combat sans laisser de traces - où étaient les prisonniers ? - cette guerre me semble s’écarter des schèmes habituels. Quand je vois ensuite une armée victorieuse sur le terrain qui se replie sans avoir atteint aucun de ses objectifs, je trouve cette guerre non conventionnelle.

                  Ma thèse est justement que l’on ne PEUT PAS atteindre les objectifs traditionnels d’une guerre par des opérations militaires traditionnelles et l’opération d’Israel au Liban m’en semble une excellente démonstration, mais ceci ne contredit en rien la vôtre. On s’est vraiment battu et tué au Liban, avec tous les moyens de la guerre conventionnelle. Au bout de ma thèse,cependant, il y a une conclusion : Israel ne recommencera pas, parce que le gagnant n’y trouve pas son profit.

                  2. En Yougoslavie, on a eu entre Serbes et Croates des opérations conventionnelles, mais sans que s’établisse un front continu. En Bosnie, il s’est créé cette situation que j’évoque ou il n’y a plus deux protagonistes, mais plusieurs. Le conflit a vite l’allure de massacres, les forces militaires de part et d’autres cherchant moins à s’affronter qu’à décimer leurs populations civiles respectives, comprenant que celles-ci représentaient à terme le vrai danger.

                  L’objectif raisonnable traditionnel, qui aurait été le rattachement d’une partie de la Bosnie à la Serbie, n’a pas été atteint. Au Kosovo, l’intervention russe a rétabli une forme d’équilibre qui a rendu impossible une véritable opération militaire. Je vous parie que le Kosovo ne sera pas conquis... mais acheté !

                  http://nouvellesociete.org/5080.html

                  3. A Chypre - que je connais - l’intervention turque tant décriée a finalement créé un partage raisonnable, avec un strict minimum d’effets négatifs. Ici, comme au Kosovo, on évitera bien des larmes si on donne des compensations aux victimes lieu de jouer du clairon.

                  4. J’ai été une dizaine de fois en Russie, entre 1992 et l’an dernier. Peu de gens sont aussi russophiles que moi. Oui, je connais un peu l’histoire russe et donc le rôle de Kiev - je descends en droite ligne des Vikings smiley Je m’attends bien à ce que, tôt ou tard, l’Ukraine et le Belarus rétablissent avec la Russie des liens, disons, privilégiés. Quand je parle de Russie dans l’Europe, je prends pour acquis ces rattachements, mais je ne m’attends pas à ce qu’il en découle de violence de ce type d’anschluss. (Peut-être, aussi, tout ou partie du Kazhakstan, mais je ne me prononce pas)

                  5. Pour les frontières d’Afrique, ne sommes nous pas bien d’accord que ce ne sont pas des guerres traditionnelles qui vont éclater, mais simplement l’anarchie qui va s’étendre partout, avec des clans et des bandes de pillards imposant leur autorité précaire, au mieux, sur quelques centaines de kilomètres carrés ? Simplement comme la Somalie, en fait, mais à la grandeur de l’Afrique subsaharienne, avec quelques îlots urbains où le pouvoir « légitime » sera maintenu, mais servant surtout d’arbitre entre des gangs de rue qui feront la loi au quotidien, quartier par quartier ?

                  6. Les seuls zones où des conflits seraient possibles en Europe sont celles où des population hétérogènes souhaiteraient récupérer leur indépendance. On ne réussira pas à empêcher par la force la sécession des territoires où une majorité effective de la population veut cette sécession. A bien y regarder on voit , d’ailleurs, que c’est une application du même principe qui fait que l’on ne pourrait plus les conquérir et en avoir le possession tranquille.

                  7. Quand je dis que les guerres conventionnelles n’ont plus d’avenir, je ne rêve pas à la fin de la violence ; je pense simplement qu’il n’y aura plus d’intérêts a faire marcher de grandes armées contre des pays dont la population est hostile et dont le conquérant ne sortira que des ennuis. Il vaut mieux soudoyer.

                  PJCA


                • finael finael 13 septembre 2007 18:50

                  Merci de faire progresser ainsi le débat.

                  Bien entendu, je comprends tout à fait votre position, même si la mienne reste différente : effectivement tout dépend de ce que l’on entend par « conventionnel ».

                  Je crois - mais ce n’est que mon opinion - que les conflits sont tous différents les uns des autres, et qu’alors il faudrait mettre « conventionnels » au pluriel.

                  Mais je tiens pour valide l’affirmation que « la guerre n’est que la poursuite de la politique par d’autres moyens ».

                  Parallèlement il me semble que nos sociétés « paisibles » sont le théatre de tensions violentes, que ce soit sur des questions économiques, politiques, religieuses ou de croyances (ou de certitudes, ce qui revient au même).

                  Je ne suis pas aussi optimiste que vous en ce qui concerne le sous-continent européen. Comme je vous le disais, début juillet 1914 personne n’imaginait ce qui allait se passer. Il faut relire « L’Illustration » de l’époque.

                  L’europe peut encore éclater, ne serait-ce que de par la façon dont on prétend « faire l’Europe ».

                  En tout cas je comprends beaucoup mieux votre point de vue - différent - à la lumière de cet échange.

                  PS : Pour un autre point de vue, il y a l’étude : « Statistics of deadly Quarrels » de Richardson, je n’ai pas retrouvé le lien direct, seulement celui-ci :

                  http://ann.sagepub.com/cgi/reprint/336/1/209

                  Richardson a essayé de trouver une, ou des, causes aux conflits par une analyse statistique ; il n’en n’a trouvé aucune !


                • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 14 septembre 2007 05:40

                  Nous sommes d’accord et vos liens sont intéressants. Vous avez particulièrement raison sur cette Guerre de "14 qui est venu satisfaire tous ceux qui en rêvaient en partant du prétexte sans doute le plus nul de l’Histoire. Je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui en Europe de l’Ouest cet instinct de mort, mais les Balkans peuvent toujours réserver des surprises.

                  PJCA


                • Alpo47 Alpo47 12 septembre 2007 14:42

                  Je cite l’auteur : « ...La bonne nouvelle que véhiculent les massacres en Irak et en Afghanistan - la seule, hélas - c’est que la guerre est un concept fichu. L’idée de faire la guerre est un anachronisme. Parce que la guerre n’apporte plus rien... et qu’elle crée vraiment trop d’ennuis au gagnant... »

                  Je CRAINS que vous ne preniez vos désirs (fort honorables) pour la réalité... Vous oubliez une donnée essentielle : Les « marchands de canon » et leurs intérêts, bien compris. Quels sont les véritables, ET SEULS, gagnants des guerres ? Les fabriquants d’armement.

                  Or, et notamment, aux USA, ceux ci ont pris une importance majeure, notamment en multipliant les usines aux 4 coins du pays, donc les possibilités de pression sur les élus ou bien, directement, en « sponsorisant » les élus.

                  « War is our business » pourrait être leur devise et, aujourd’hui, au travers des USA, ils gouvernent le monde.

                  Ah, au fait, qui sont les amis proches de Sarkozy ?


                  • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 septembre 2007 16:56

                    Mon optimisme est, disons, à 1,5 degré... smiley en réaction à votre commentaire, cette citation d’un de mes articles récédents :

                    « Ces conflits entre satrapies disparaîtront aussitôt qu’on aura mis hors d’état de nuire le complexe militaro-industriel que dénonçait Eisenhower dans ses adieux à la nation américaine. (Farewell Speech 1961) Quel que soit le prétexte avancé, ces « guerres » n’ont en effet ni sens, ni réelles raisons d’être. Elles sont uniquement fomentées, de provocations en provocations savamment orchestrées, par ceux qui en tirent profit : ceux qui vendent des armes aux combattants et ceux qui reconstruisent ce qui a été détruit. »

                    Nous sommes d’accord ?

                    PJCA


                  • Alpo47 Alpo47 12 septembre 2007 20:02

                    Tout à fait ! Le seul gagnant est toujours le complexe militaro-industriel.


                  • Internaute Internaute 13 septembre 2007 11:56

                    Voilà un article bien intéressant qui montre plusieurs points :

                    - La guerre au sens où vous la présentez n’est pas une guerre mais une opération de police. 3.000 américians tués en 3 ans de « guerre » ce n’est rien contre 200.000 en une semaine à la bataille d’Arras pendant la première guerre mondiale. Le jour où les USA feront la guerre contre le Chine le tableau sera différent et il y aura bien au bout du compte un vainqueur et un vaincu. Une guerre ne peut être que totale et conduire à la quasi-disparition d’un des belligérants. L’ingérence policière dans des pays où l’on n’a rien à faire est du passé révolu.

                    - La guerre a changé de théâtre d’opération et de moyens matériels. L’exemple de l’acier est excellent. D’un tas de canons on est passé à un tas de billets, de compromis et de contrats. Les ressorts sont les mêmes et je crains que l’Europe n’ait pas bien compris que la guerre économique est en plein développement et qu’il faut la traiter avec les ressorts mentaux et la discipline de la guerre, non pas avec le laisser-aller, laisser-faire, ahri krishna alleluia que l’on voit actuellement.

                    - La décomposition sociale est un vrai problème et nous amène à un enfer ingérable sur terre. La démocratie n’est pas une fin en soi et avant de détruire la structure sociale et politique d’un pays il vaut mieux y regarder à deux fois. Une lente évolution vaut toujours mieux qu’une révolution. Vous montrez bien l’effet dévastateur du mélange universel. Lutter contre l’immigration c’est se préparer un avenir plus tranquille.

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