Inné-acquis, sexe-genre
Pierre Henri Gouyon est biologiste, professeur au Muséum national d'histoire naturelle, équipe diversité, évolution végétale et fongique. Compte-rendu d’une vidéo extraite de l'événement "Les 10 heures de l'éthique", organisé par l'Espace éthique/Ile-de-France le 2 juin 2014 à La Bellevilloise.
Les gènes sont une information. Ils ne créent rien par eux-mêmes. Ils sont inactifs en eux-mêmes.
Pierre Henri Gouyon prend une métaphore pour expliquer ce que sont les gènes : la recette de cuisine (on peut aussi prendre l’image de la partition).
On n’a jamais vu une recette de tarte aux pommes faire une tarte aux pommes. Les gènes ne sauraient agir seuls et tout commander. Pour faire la tarte aux pommes, il faut un pâtissier et son savoir-faire, il faut des ingrédients, il faut du matériel (four… etc.). Les gènes ne peuvent agir que par et dans un environnement, et cet environnement ne peut produire une tarte aux pommes qu’avec une information (même si la recette n’est pas écrite).
Cependant, ce n’est pas en ces termes que les choses sont perçues dans les discours courants publiés. Dans la pensée unique, la gauche attribue tout l’être d’une personne à l’environnement social, les gènes étant perçus comme des dictateurs insupportables et rejetés de ce fait ; la droite attribue tout ou presque tout aux gènes, et minimise voire nie l’influence sociale.
La politisation de ces questions n’est pas récente et a fait des ravages : le nazisme, « théorie » génétique, mais aussi l’agriculture soviétique s’appuyait sur des bases fausses (refus de la génétique) et les rendements décroissaient sans cesse.
Repartir de propositions scientifiques claires sur le sujet est une entreprise de salubrité publique. Il serait temps de faire un effort pour comprendre la génétique et pas donner aux gènes cette toute-puissance pour ensuite l’accepter ou la refuser selon des options politiques-philosophiques.
Par exemple, la galactosémie est une maladie génétique qui empêche de digérer le lactose. Tant qu’on ne connaissait pas cette maladie tous les bébés mouraient. Pas d’effets de l’environnement. Maintenant, qu’on sait tester cette maladie à la naissance, cette maladie n’a plus d’effet. L’environnement a arrêté l’effet de ce gène. L’obésité sort de gènes, et il y a de plus en plus d’obèses, l’environnement favorisant le « travail » de ce gène plus que les environnements précédents.
On peut toujours changer l’environnement pour changer l’effet des gènes.
La question de savoir quelle est la part de chaque élément est des plus difficiles à traiter. On ne peut pas dire que la victoire d’un motard est due à 50% à la moto et à 50% au motard (il n’aurait pas eu deux fois moins de chance de gagner sans sa moto). C’est 100% pour les deux. Il n’y a pas de partage.
Chaque individu a besoin à 100% de ses gènes et à 100% de son environnement. Il n’y a pas de parts.
Par contre, si les lampes ne s’allument pas dans ma maison, il vaut mieux que je sache la part des filaments rompus et la part des ampoules sans courant, pour savoir où je dois changer l’ampoule et où je dois vérifier l’installation et peut-être la refaire. Chaque ampoule a besoin de courant et de filament à 100%. Ça ne vaudra que pour cette maison, que pour cette situation.
On ne peut travailler que sur l’hérédité des variations, pas sur l’hérédité de la norme. Une autre métaphore : quatre cavaliers font la course puis font une autre course avec un autre cheval, quatre fois. Ils ont tous couru avec chaque cheval. Si c’est toujours le même cheval qui gagne, on peut penser que le cheval est déterminant, si c’est le même cavalier, ce cavalier est déterminant… En général, ce n’est pas ce qui se passe : on peut faire des moyennes par cavaliers, des moyennes par cheval. Ces moyennes donneront une idée de la part du cheval et du cavalier pour ces chevaux là pour ces cavaliers-là, qui auront une valeur prédictive probabiliste dans une 5ème, une 6ème course. On peut trouver un lien de conséquence sur les variations mais pas sur la norme (pas pour la part du cavalier et du cheval d’une manière général).
Cela a des conséquences sur sexe et genre. On ne peut pas dire, comme il est si souvent cru et dit, que les comportements féminins et masculins dans la société sont dus à cette société et seulement à elle. On peut comparer le caractère féminin et masculin des comportements dans d’autres sociétés.
Mais on ne peut pas dire qu’un certain travail volontaire de la société amènerait un comportement égal des hommes et des femmes dans la société. Ce type de discours n’est pas du côté du savoir, ne sera jamais un savoir. Il est du côté de l’idéologie.
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