Islam et Occident : peut-on sortir du déni de réalité ?
L'islamisme est devenu la figure du mal pour les occidentaux, tout comme l'Occident l'est pour les islamistes. Les islamistes sont prêts à tuer et à se faire tuer pour leur rêve d'islamisation du monde entier. Les occidentaux sont tout aussi prêts à tuer (guerres pétrolières et gazières) et à se faire tuer (attentats) pour leur rêve de multiculturalisme et de consommation heureuse.
A cette aune, l'escalade de la violence semble fatale. Peut-on cependant l'éviter ? Peut-on sortir du déni de réalité ?
ISLAM ET OCCIDENT : PEUT-ON SORTIR DU DÉNI DE RÉALITÉ ?
12 octobre 2016
Par Olaf, auteur du Grand Secret de l’Islam
Qui a dit « Et combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'association [ou d’oppression] et que la religion soit entièrement à Allah seul. S'ils cessent, donc plus d'hostilités, sauf contre les injustes »[1] ? Est-ce l’islamiste Larossi Abballa, qui a tué ce couple de policiers à Magnanville en juin 2016 ? Est-ce l’islamiste Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a fait 519 victimes, dont 85 morts, au volant de son camion à Nice, le 14 juillet 2016 ? Sont-ce les islamistes Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, eux qui ont égorgé le Père Hamel sur l’autel de son église, offert en sacrifice abominable à Allah ? Est-ce encore l’un ou l’autre de ces islamistes qui n’ont de cesse d’endeuiller la France et le monde puisque « la religion » n’est pas encore « entièrement à Allah seul » et que les « injustes » y prolifèrent ? Chacun d’eux l’a sans doute psalmodié ou lu puisqu’il s’agit d’un verset du Coran (Q2,193) que, selon la légende, l’islamiste en chef Mahomet aurait proclamé à Médine (verset qui abroge donc ceux, antérieurs, qui pourraient le contredire). Lequel serait la parole incréée de Dieu, révélée dans « une langue arabe claire » (Q26,195), on ne peut plus explicite.
Les savants de l’islam Ahmed el-Tayeb (al-Azhar) et |
Et pourtant tous les savants du vrai islam, « ceux qui savent », qu’il s’agisse du Pape François, de Malek Chebel[2], de Barack Obama, de Manuel Valls, d’Ahmed el-Tayeb le grand imam de la mosquée d’al-Azhar[3], ou d’Alain « Ali » Juppé sont unanimes : l’islam est une religion de paix, rien ne saurait y justifier la violence. Et Mahomet ne serait donc pas un bon musulman ? Et Allah alors ? Pour être aussi invraisemblable, cette attitude de déni frontal et buté de la réalité quant à la nature islamique de la violence islamique doit trouver des justifications au moins aussi fondamentales que celles, toutes islamiques, de cette violence … Quelles sont-elles ? Quels sont les obstacles à leur prise de conscience ? Et comment alors sortir du déni ?
Commençons tout d’abord par souligner que c’est sans doute chez les musulmans que cette attitude de déni est la plus enracinée. Pas chez tous cependant : on se souvient des paroles fermes du Maréchal al-Sissi[4]. Elles n’ont hélas pas (encore ?) été suivies d’effet. On se souvient du sort des Moutazilites, qui soutenaient que le Coran n’était pas un livre incréé et qu’il pouvait se discuter : ils ont été persécutés et décimés par le calife al-Mutawakkil au 9e siècle. On se souvient encore du sort de Mahmoud Taha, qui proposait la même réforme qu’al-Sissi (purge des commandements de haine et de violence) : il a été pendu pour cela en 1985 dans son pays, le Soudan. L’histoire semble ainsi montrer que toujours, depuis 1400 ans, ce sont les violents qui l’ont emporté en islam sur les partisans de la modération. Ils ont pour eux la doctrine et l’exemple de Mahomet, comme le souligne ce fin connaisseur du sujet qu’est le P. Henri Boulad.
La tête de cortège de la manifestation des |
Ce qu’on observe aujourd’hui chez les musulmans de France semble hélas aller dans ce sens. Considérons la manifestation musulmane qui eut lieu le 19 juin 2016 à Mantes La Jolie, en hommage aux victimes de Larossi Abballa que nous avons mentionnées plus haut. Saluons tout d’abord la démarche, bien trop rare en France, et le courage de ceux qui sont allés manifester, bravant en cela les condamnations de certains de leurs frères en religion. Pourquoi ces derniers ne sont-ils pas allés manifester ? Approuvaient-ils le crime, ou bien estimaient-ils, pas d’amalgame, que tout cela n’avait rien à voir avec eux et avec l’islam ? Remarquons aussi, par ailleurs, que les manifestants ne sont pas rassemblés au slogan de « Mobilisons-nous contre l’islamisme ! » mais à celui de « Mobilisons-nous contre la barbarie ! ». Ainsi, même pour ces musulmans courageux, la violence des islamistes est considérée comme « barbare », c’est-à-dire étrangère. Etrangère à leur communauté, bien que Larrossi Abballa en ait été issu, et que sa famille ait demandé qu’il soit enterré dans le carré musulman du cimetière de Mantes La Jolie. Etrangère à leur religion, bien que celui-ci ait laissé une confession détaillée où il justifie explicitement son crime par l’islam, en conformité avec ses textes.
Comment ne pas voir ce qui se donne à voir, ne pas lire ce qui se donne à lire explicitement dans les textes de l’islam ? Avec un tel niveau de déni de la réalité chez les musulmans, on peut parler de psychologies schizophréniques, comme certaines voix, dont des musulmanes, ont pu le décrire. La réalité est déniée au profit d’une réalité imaginaire, d’une surréalité dans laquelle l’islam n’aurait rien à voir… avec l’islam ! C’est bien ce que l’on constate : il y a plus en islam que le Coran et les traditions, il y a dans les consciences musulmanes un élément moteur très puissant, au point même de pousser ces musulmans jusqu’à manifester publiquement leur déni de la réalité des textes, tenus pourtant, en tant que « révélation », comme ce qu’ils ont de plus sacré. Ce déni dévoile ainsi un élément essentiel de la foi musulmane, puisque supérieur même au Coran : l’islam est une sorte de rêve collectif. Les musulmans rêvent en effet des promesses de l’islam, rêvent du monde de paix et de félicité, délivré du mal, que leur apporterait l’islam – le mal étant défini par ce qui échappe à la soumission à la loi de Dieu. En islam, le paradis n’est pas que dans l’au-delà, il est aussi à portée de main, ou d’épée[5], ici sur terre !
Le Rêve du croyant (Achille Zo) |
C’est cette espérance qui anime l’islam, une espérance très séductrice, de type idéologique, révolutionnaire ou millénariste, caractéristique des messianismes politiques. Elle sépare le monde en deux camps : les bons musulmans, qui portent le projet, qui détiennent le sens de l’Histoire, et ceux qui s’y opposent, mécréants comme mauvais musulmans. Elle galvanise les consciences et, une fois qu’elle s’en est emparée, elle y construit la surréalité que nous mentionnons : un monde dans lequel l’islam ne peut être que le plus grand bienfait à apporter à l’humanité, et donc ne peut être que la meilleure des religions, apportée par un prophète qui ne peut donc avoir été que le meilleur des hommes. C’est pour cela que tout ce qui pourrait venir contredire cette surréalité et cette espérance semble ne pas toucher la plupart des musulmans : les abominations des islamistes comme celles décrites dans la geste légendaire de Mahomet ne peuvent pas être considérées comme abominables sans faire s’effondrer toute l’espérance qui constitue les musulmans comme tels. Le déni pourra prendre plusieurs formes – « c’est pas l’islam ! », justifications honteuses et alambiquées, refoulements psychologiques, délires de persécution, parfois jusqu’à la violence, voire légitimation de cette violence comme mal nécessaire à l’établissement du bien supérieur. Il est en fait consubstantiel au conflit entre dure réalité et surréalité.
Un comprimé matin, midi et soir pour tous les mal-pensants ! |
En comprenant ce mécanisme psychologique, on réalise aussi qu’un phénomène similaire est l’œuvre dans nos sociétés, tout aussi idéologisées que l’islam. Le progressisme qui nous gouverne depuis quelques siècles est, sous ses divers avatars, lui aussi un rêve collectif : le rêve que le progrès permettra l’avènement d’un monde transformé, délivré de la guerre, des pesanteurs sociales, des aliénations, des oppressions… Délivré de ce que ces avatars veulent identifier au mal. En particulier est porté le projet de construction d’un monde de paix entre tous, toutes les cultures et toutes les religions, de convivialité multiculturelle dans la consommation heureuse. L’espérance qui anime les tenants d’un tel projet galvanise aussi les esprits, et y construit sa propre surréalité avec la même mécanique de séparation de l’humanité en deux camps, entre ceux qui œuvrent au projet de paix, les « Je suis Charlie », et ceux que l’on juge comme s’y opposant. Dans celle-ci, l’Autre - Big Other, comme le nommait Jean Raspail[6] - est sanctifié, le « dialogue des cultures » et le « vivre ensemble » sont dogmatisés, et tout ce qui pourrait y contrevenir est alors nécessairement refoulé et combattu : il est tout aussi impossible de questionner l’espérance bien-pensante en bien-pensance que de contester l’espérance islamique en islam. Toute la propagande et la coercition nécessaires sont donc déployées pour faire accepter les aberrations de cette surréalité, dans laquelle pour vivre « en paix » dans un « monde convivial », il faudrait y accepter l’autre tel quel, y compris lorsqu’il défend les pires sectarismes. Au déni de réalité islamique répond ainsi un déni de réalité occidental : « c’est pas l’islam, pas d’amalgame ». De là, on comprend pourquoi les politiques, la nomenklatura intellectuello-médiatique, et jusqu’à de très nombreux évêques (l’histoire dira ce qu’il en aura été du pape François) s’enferment ainsi dans le déni de la violence islamique : l’espérance du nouveau salut que représente le « monde de paix multiculturel » s’est emparée des consciences, et rien ne saurait remettre en cause ce bien supérieur à tous les autres.
« Coexister » ou s’aveugler l’un l’autre ? |
Ce n’est donc certainement pas par les approches de dialogue interreligieux relativiste, comme il est pratiqué actuellement par l’Eglise institutionnelle ou par de si sympathiques initiatives comme celle des jeunes de l’association Coexister, que l’on pourra espérer sortir du déni de réalité. Leurs tenants chrétiens sont pétris de cette bien-pensance, sans même entrer dans les considérations mystiques ou syncrétiques de certains parmi eux. Quant à leurs tenants musulmans, s’ils ne s’inscrivent pas eux-mêmes dans cette bien-pensance, ils doivent bien rire sous cape de l’aveuglement des futurs dhimmis… On sait ce qu’il en est de l’aveugle qui guide l’aveugle : ils tomberont tous deux dans la fosse[7].
Tu ne tueras pas ? |
L’approche du problème par la réalité des textes sacrés peut ici se révéler fructueuse[8] : de nombreux croyants ne les connaissent en effet pas, ou mal, et n’ont pas idée des exactions du Mahomet de la légende et de celles de ses successeurs, voire même des commandements de haine et de violence du Coran, des hadiths et de la tradition musulmane. La plupart des musulmans sont en effet nés ainsi, et n’ont pas choisi l’islam. Dans le contexte, rare, où leur serait permise la liberté de conscience et d’apostasie (techniquement interdite en islam), et où ils seraient protégés de la pression de la communauté, la simple mise à nu des textes de l’islam peut servir de repoussoir, de choc à même d’ouvrir les yeux aux musulmans les moins absorbés dans le rêve islamique. Tout comme aux bien-pensants les moins investis dans le projet de « monde de paix multiculturel ».
Mais que faire avec ceux que les promesses faramineuses de paradis sur terre – de l’islam ou du « multiculti » - ont enfermés dans la surréalité et le déni ? L’approche par les textes de l’islam est alors à manier avec des pincettes : elle risque, pour les bien-pensants, de faire basculer leur appréhension de « l’Autre » musulman depuis le camp des « bons », qui servent le projet, vers celui des « méchants » irrécupérables. On sait ce que peut produire cette tendance dure du progressisme, incarnée aujourd’hui peut-être par des Manuel Valls, ou hier par des Robespierre et des Carrier : elle mène droit à la guerre totale d’extermination prophétisée (voulue ?) par les tenants du « choc des civilisations ». On a vu par ailleurs combien la réalité violente des textes de l’islam ne touchait même plus l’humanité de nombreux musulmans, englués dans leur rêve collectif. Le danger est alors grand, à ne considérer l’islam que du point de vue de son corpus, de tomber dans une forme de fatalisme : l’islam serait entièrement déterminé par ses textes, il formerait un bloc hermétique, inexpugnable. Alors que l’on constate, par l’agir même des musulmans, que leur espérance est supérieure à ces mêmes textes. C’est cette espérance qu’il faut mettre en cause avec la finalité même de l’islam : son projet de construction par des moyens humains d’un paradis terrestre, d’un monde délivré du mal. Ne comptons donc pas sur les progressistes, qui partagent une espérance similaire : questionner en profondeur le sens de l’Histoire en islam, c’est aussi questionner celui auquel veulent croire ces derniers.
Le « vrai » choc infligé à la civilisation (consumérisme occidental contre fondamentalisme islamique) |
A l’examen, il n’y a que les chrétiens, eux dont « le Royaume n’est pas ce de monde » qui puissent ainsi renvoyer dos à dos les espérances matérialistes des frères ennemis. Aidés en cela par tous les hommes de bonne volonté – comme celle qu’a pu exprimer le président al-Sissi – il leur revient aujourd’hui comme au temps des Apôtres de poser au monde les questions fondamentales qu’il préfère éluder :
- Pourquoi le monde est-il livré à l’empire du mal ?
- Puisque l’inclination au mal est présente au cœur de chaque homme, est-il possible de libérer le monde du mal ?
- Que penser alors de la réalité historique des paradis sur terre présentés par les idéologies - « état de nature » cher à Rousseau, Médine au temps du Prophète, Al-Andalus et autres âges d’or de l’islam ?
- Pourquoi ces idéologies n’ont-elles alors jamais conduit au paradis sur terre, mais, au contraire, ont provoqué les abominations, génocides, guerres, massacres et oppressions qu’elles prétendaient pourtant abolir ? Pourquoi l’application intégrale de la charia comme des recettes progressistes ne fonctionne-t-elle jamais ? Est-ce seulement la faute de « mauvais musulmans » ou de dictateurs devenus fous ?
- Dès lors, les paradis sur terre que promettent les idéologies sont-ils vraisemblables ?
- Si l’homme ne peut pas lui-même libérer le monde du mal, qui le fera ? Et pour qui, alors, travaillent ceux que dupent les idéologies, et qui ajoutent du mal au mal en croyant pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie ?
« Maître, n'est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D'où vient donc qu'il s'y trouve de l'ivraie ? ». Il leur dit : « C'est quelque ennemi qui a fait cela ». Les serviteurs lui disent : « Veux-tu donc que nous allions la ramasser ? ». « Non, dit-il, vous risqueriez, en ramassant l'ivraie, d'arracher en même temps le blé ». (Mt 13,27-29)
[1] wa-qātilūhum ḥattā lā takūna fit’natun wa-yakūna d-dīnu li-Llāhi fa-’ini ntahaw fa-lā ‛udwāna ’illā ‛alā ẓ-ẓālimīna
- fit’natun, « association » dans la traduction proposée, que l’on peut aussi traduire par oppression, dissension, traitrise, persécution, ou discorde dans le sens historique (en rapport avec la fitna, la guerre civile des origines de l’islam, cf. note suivante)
- ẓālimīna, « injustes », « ceux qui ne font pas le bien »
[2] Voir la traduction mielleuse que Malek Chebel a proposée du Coran. Par exemple pour Q2,193 : « Quant au combat, il doit aller jusqu’à ce que la discorde cesse et que la religion de Dieu s’impose. Sitôt l’agression finie, l’hostilité ne sera plus dirigée que vers les injustes », à comparer à la traduction de l’IFTA (autorité religieuse saoudienne, sa traduction est très répandue chez les sunnites) que nous proposions en introduction, pour qui la « discorde », selon Chebel, est carrément traduite et assimilée à l’association, c’est-à-dire à la foi trinitaire chrétienne.
[3] Lequel a déclaré, à l’issue de son entretien du 23 mai 2016, que « le terrorisme existe mais l’islam n’a rien à voir avec ce terrorisme », « les concepts musulmans […] ont été déviés par ceux qui utilisent la violence et le terrorisme et par les mouvements armés », « ceux qui tuent les musulmans, et tuent aussi les chrétiens, ont déformé les textes de l’islam », « l’islam et le christianisme [encore heureux !] n’ont rien à voir avec ceux qui tuent ». Un vrai festival !
[4] “Il est inconcevable que la pensée que nous tenons pour sacrée fasse de l’Oumma [la communauté musulmane] une source d’inquiétude, de danger, de meurtres et de destruction pour le reste du monde… Comment est-il possible que 1,6 milliard d’êtres humains [= le nombre supposé de musulmans aujourd’hui] veuille tuer le reste de l’humanité – c’est-à-dire 7 milliards de personnes – en vue de pourvoir vivre eux-mêmes ?” (allocution de décembre 2014 à l’université d’al-Azhar, au Caire).
[5] Ce qu’illustre aussi le hadith « Le paradis est à l’ombre des sabres », Sahih Muslim, livre 19 (le Jihad), n°4314
[6] Préface de 2011 au Camp des Saints
[7] Mt 15,14
[8] On recommandera la synthèse grand public qu’en propose Bernard Antony, l’Islam ou la soumission au Prophète ou les travaux des islamologues Dominique et Marie-Thérèse Urvoy (le petit livre d'entretiens de cette dernière avec Louis Garcia est une très bonne introduction : Entretiens sur l'Islam avec le professeur Marie-Thérèse Urvoy, de Louis Garcia, aux éditions Docteur Angélique)
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