• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > L’outil du cogito et ses limites

L’outil du cogito et ses limites

 

L'énoncé cartésien "je pense, je suis" est un outil qui aide à penser droit, à élaguer nos certitudes. Il est le fruit d'une pensée lucide et profonde qui rend sa valeur fiable. En quoi peut-il nous servir ? Il nous est utile sur trois plans au moins car il questionne trois choses : notre réalité, notre liberté, notre identité. Descartes a exploré autant qu'il est possible ces trois voies. Pour tirer toute son utilité du cogito, il suffit de poursuivre sa triple réflexion.

I - L'outil cogito et la preuve de la réalité de l'être

Le monde existe-t-il ou n'est-il qu'illusion ? La même question est posée pour l'existence de l'être. Au terme de ses patientes réflexions, Descartes énonce le cogito qui répond finalement à cette question existentielle : "je pense, donc je suis". La réalité de l'existence de l'être est ainsi universellement démontrée.

Mais quelle est la portée de cette réalité ainsi prouvée ? Descartes ne s'aventure jamais trop loin, il dit juste que le "je" est une chose pensante, une "res cogitans". C'est donc une substance (autrement dit, une chose pouvant se définir comme étant indépendante des autres choses), une substance en outre qui pense par elle-même. Mais là est la limite du cogito car il nous est impossible de définir avec cela ce qu'est la substance de l'être.

Impossible ? Vous avez dit "impossible" ? Je ne crois pas que cela soit tout-à-fait impossible. On peut prolonger d'un pas la pensée cartésienne en disant que, si le "Je" est une chose pensante, alors il est une réalité à part : la réalité humaine. L'introspection et la pensée réflexive sont les apanages exclusifs d'une seule espèce sur la Terre. Mais, plus encore, le critère de la spécificité de la réalité humaine vient donner corps à la définition de la substancce pensante. L'être ne se réduit pas à la qualité d'une chose pensante ; il est aussi une chose qui appartient en propre à une réalité spéciale que l'on nomme "Humanité". Il en émane, il en dépend. En résumé, on ne saurait se contenter de prouver la véritable existence de l'être par rapport au monde, il nous faut aussi éprouver la consistance de l'être en tant que partie de la réalité humaine. Le monde est une réalité, l'humanité est une autre réalité. L'être pensant appartient appartient deux réalités. "Je pense, je suis", version définitive de l'énoncé, exclut le "donc" et exprime la chose suivante : être et pensée ne vont pas l'un sans l'autre. Le cogito n'est plus un simple moyen de démontration logique (le "donc" étant supprimé). Il exprime l'indissociabilité de l'être et de la pensée qui s'accompagnent toujours. En cette seconde forme, le cogito est un outil qui nous permet d'évaluer la qualité de notre existence réelle : si nous fermons ou réduisons notre pensée, alors nous ne sommes plus vraiment. Je pense à moitié donc je suis à moitié. Au contraire, si nous sommes en pleine pensée, en pleine présence au monde, nous sommes alors au sens plein du cogito.

Auriez-vous encore des doutes sur l'existence d'une réalité humaine spécifique ? Alors songez à tout ce qui fait la réalité spécifique de l'humanité : la pensée très élaborée, la conscience réflexive, la conscience morale, la douleur morale. Mais, attardons-nous sur ce dernier point : les tourments de l'esprit ne sont-ils pas la preuve du caractère unique de notre espèce sur cette planète ? L'Histoire, mais aussi les drames dont les romans et les films se sont l'écho, ne montrent ils pas à quel point l'individu humain est capable de passions contradictoires, de déchirements, de haine (une chose spécifiquement humaine là encore), de tourments jusqu'à l'infini y compris envers lui-même ? Si vous admettez cela, vous admettez aussi que la réalité humaine est une singularité qui s'ajoute à la réalité du monde physique et qui fait un second univers, une seconde réalité pour l'Homme seulement. Le cogito doit donc d'éprouver doublement : au sein de la réalité du monde sensible, au sein de la sphère de la réalité humaine. 

Ce n'est pas rien comme avancée parce que cela aboutit à un meilleur emploi du précepte "connais-toi toi-même". En effet, la Res cogitans sait qu'elle appartient à la réalité humaine et que cette réalité humaine est différente de la réalité physique. L'esprit peut en tirer tout un tas de déductions utiles dans l'application du précepte, entre autres celle-ci : pour se connaître soi-même, il faut connaître l'humanité. La réalité humaine ressort d'une façon bien plus manifeste lorsque l'individu regarde sa part d'humanité chez les autres que lorsqu'il se voit dans le miroir, objet qui est plus une source d'apparences et d'illusions.

Notons que lorsque le précepte socratique est né, le miroir n'existait pas. Le précepte n'était donc pas une injonction d'ordre réflexif et solitaire, mais bien plutôt une incitation à voir notre humanité partout où elle se manifeste ; chez les autres. La connaissance est dans le surgissement de la prise de conscience chez l'Autre de ce qui résonne dans notre propre for intérieur : ce phénomène qui consiste à éprouver ensemble une même humanité mérite bien le nom de connaissance : de co-naissance.

Voilà un premier point qui nous a permis d'avancer un peu. Mais la limite du cogito comme outil est la suivante : nous sommes toujours bien incapables de définir ce qu'est la substance de notre être. Nous sommes forcés d'y renoncer.

Qu'à cela ne tienne, quand un outil montre ses limites, il faut chercher un autre outil !

II - L'outil cogito et la preuve de la liberté réelle

Ici aussi, Descartes répond de façon définitive. Je suis une chose pensante, une Res cogitans, une substance autonome. Ces qualités montrent que je suis libre par la pensée. Bien entendu, cela n'éloigne pas tous les dangers : je peux être abusé par les apparences, par les autres, par moi-même. Mais je peux aussi me détromper par la pensée. Je suis donc bien libre par principe grâce à la pensée.

Peut-on aller plus loin et apporter une preuve supplémentaire aux démonstrations cartésiennes ? J'oserai répondre par l'affirmative.

Je crée, donc je suis libre.

Voilà pour la preuve supplémentaire. Il me semble que la création artistique est la preuve même de la pensée humaine et de la liberté consubstantielle à cette pensée. L'art, c'est l'alliance de l'esprit et du coeur. C'est la liberté propre à l'être humain.

Il existe peut-être d'autres libertés pensantes dans l'Univers mais je ne connais que celle-là. Je veux dire qu'il ne faut pas s'arrêter à l'idée de la liberté humaine comme seule possible. Je veux dire donc que la liberté ne saurait se définir comme une seule voie possible (ni non plus, bien sûr, comme la seule aptitude à choisir entre les différentes options qui s'imposent à nous. Mais ce serait un autre sujet, ne débordons pas). 

Je suis responsable, donc je suis libre

De façon concrète, en quoi puis-je vérifier que ma liberté est réelle ? Je répondrai par ceci : Je suis libre, donc je suis responsable et vice versa. Toutes les fois que j'ai agi sciemment (avec l'aide de ma pensée) et que mes actes ont produit des conséquences, la réalité de ma responsabilité atteste de la réalité de ma liberté. Si je n'y crois pas ou que je feins de l'ignorer, les autres personnes s'empresseront de me rappeler à la raison. Ma responsabilité personnelle prouve ma liberté personnelle.

On ne fuit pas sa responsabilité ! Sur le plan de la conscience morale, nul ne peut dire que "je est un autre". Si j'ai commis une faute et que je le sais, je ne saurais me défiler par des subtilités littéraires.

Et pourtant ? Pourtant qu'avons-nous dit au point précédent ? Nous avons dit que l'individu est libre mais qu'il est aussi partie intégrante d'une réalité nommée réalité humaine, une réalité qui nous est commune. Tirons-en cette conséquence : parfois c'est "je" qui pense et agit pleinement alors que, d'autres fois c'est l'humanité tout entière qui parle à travers nous. Le "je" autonome se fait en quelque sorte embarquer, manipuler. Dans l''effet de meute, l'effet de foule ou le phénomène de la rumeur, il y a cette tendance à la dualité du moi pensant, partagé entre sa liberté propre et sa nature humaine qui l'englobe et dont il dépend souvent à son insu. Ainsi pouvons-nous nous prévaloir quelquefois de circonstances atténuantes, ce qui est aussi l'aveu que notre liberté n'est pas totale puisque notre dépendance à la réalité humaine nous détermine le plus souvent.

III - L'outil-mémoire vient seconder l'outil cogito pour la question de l'identité de l'Etre

Le cogito ne règle pas la question de l'identité ; l'outil-mémoire vient le seconder.

La question de l'identité se pose à l'esprit juste après celle de la réalité de l'existence de l'être. En effet, se savoir exister avec certitude, grâce au cogito, est une bien bonne chose. Mais cela ne répond pas aux questions : "que suis-je ?" et "Qui suis-je ?"

Nous avons toutefois répondu en partie en définissant l'être humain par sa double nature : un être autonome et pensant, mais aussi une simple partie intégrante d'une chose plus vaste, à savoir la réalité humaine qui l'englobe.

Pour ce qui est de l'identité, l'outil du cogito n'est pas suffisant. Un autre outil est nécessaire, celui de la mémoire. La mémoire, en effet, est avant toute une chose fonctionnelle. Je suis navré de décevoir les admirateurs de Proust et les romantiques qui idéalisent les souvenirs, mais la mémoire joue avant tout une fonction utile et pratique. Elle n'est pas tournée vers le passé qu'elle ne cherche pas à conserver ni à restituer fidèlement mais elle vise l'avenir proche et dans les buts intéressés qui guident notre action. Cela est très bien ainsi d'ailleurs car cette mémoire-outil nous permet de garder de la cohérence et de faire face à la plupart des difficultés qui se présentent à nous. 

Du "je" au "jeu" il n'y a qu'un pas.

Quand le jeu du Moi prend le dessus sue le "Je" métaphysique et que nous nous enfermons dans des rôles et des apparences qui dissimulent notre être authentique, le cogito est bien loin de nos pensées ! Nous sortons du "Je" universel pensant de Descartes pour entrer dans le Moi haïssable de Pascal. Notre identité est un savant équilibre à rechercher en permanence entre ces deux limites. L'identité à la fois utile et saine sait engager à bon escient tantôt le Moi et tantôt l'Etre.

"Deviens ce que tu es" n'est pas un projet

Nietzsche nous permet de compléter ce propos sur l'identité par son conseil "deviens ce que tu es" car il montre que l'identité n'est pas une chose figée mais en perpétuelle évolution. Cela dit, l'interprétation personnelle que j'ai de cette phrase est qu'il ne faut pas l'envisager comme une exhortation valant pour l'avenir (le verbe devenir" prête à confusion), mais comme un appel à agir dans le présent même. Cela serait synonyme de "adviens à toi-même" ! Deviens ici et maintenant ce que tu es, par le déploiement de ta volonté de puissance (au sens de Nietzsche, s'entend). Donne toute ta puissance dans ton être présent. Ce n'est donc pas un projet mais un appel pour l'immédiat. Ou bien encore "Rappelle-toi à toi-même ! " Et là, nous revenons au rôle-clé de la mémoire dans la révélation et l'expression de l'identité de l'être.

On pourrait aussi le traduire par "souviens-toi activement de ce que tu es authentiquement". Deviens ce "que" tu es et non pas "qui" tu es. Car le "qui" se rapporte à l'identité cernable et superficielle de l'individu par la société. Or, l'identité revêt un sens bien plus complet, intime et profond, que cette seule facette d'identité individuelle et visible. Accessoirement mais utile à rappeler : nul ne doit être contraint d'étouffer dans sa seule identité visible, n iréduit à sa fonction sociale, nul ne doit être contraint de devenir ce que d'autres voudraient qu'il soit.

Conclusion

L'être est une chose pensante au sein de deux réalités : monde concret, monde humain.

L'être est libre puisque non seulement il pense, mais il crée et parce qu'il se sait responsable.

L'être est une mémoire pensante. Cette caractéristique est formatrice de son identité.

Les trois voies creusées par Descartes pour aboutir à la preuve du cogito sont ainsi explorables et sources d'énoncés élémentaires non dénués d'utilité philosophique et aussi pratique.

 


Moyenne des avis sur cet article :  1.75/5   (4 votes)




Réagissez à l'article

45 réactions à cet article    


  • Étirév 5 avril 2019 09:57

    Descartes, le « Cogito » et l’origine du langage.

    Les théologiens soutiennent que l’homme primitif était en possession d’une langue parfaite qui lui avait été enseignée par Dieu lui-même. Et pour soutenir cette assertion, ils affirment qu’il eût été impossible à l’homme d’arriver à trouver le langage par ses propres forces et sans une intervention divine.

    Nous admettons tout cela, mais nous affirmons que ce n’est pas un Dieu surnaturel qui a appris à l’homme à parler, c’est une Divinité naturelle, la Déesse-Mère, c’est-à-dire la Femme, plus avancée que l’homme dans l’évolution psychique et mentale, ce que tout le monde peut constater chez nos adolescents. Déjà la petite fille parle plus tôt que le petit garçon, mais, à l’âge de la maternité, c’est bien elle qui enseigne à ses enfants la première langue.

    Ceux qui ne comprennent plus les origines et qui nient l’action maternelle dans la formation des sociétés primitives, ont expliqué l’origine du langage par une évolution lente, faite de tâtonnements.

    Cette opinion a rencontré beaucoup d’adversaires, notamment de Humboldt, qui refuse d’admettre la marche informe et mécanique des langues.

    Mais si le Dieu surnaturel des Théologiens avait été le révélateur du langage, il n’existerait qu’une seule langue comme il n’existe qu’un seul Dieu. Si les langues sont multiples, c’est parce que les Mères furent multiples et partout remplirent le même rôle éducateur, mais avec des différences de races, donc de prononciation, puis de langues.

    Ces langues primitives sont partout la langue sacrée ; quoiqu’elles ne soient plus, nulle part, la langue vulgaire, elles sont cependant conservées comme langues-mères, langues-racines des idiomes que les hommes ont greffés sur ces formes primitives.

    La langue est intimement liée à la pensée. La parole ne se conçoit pas sans le secours de la pensée préexistante, tandis qu’au contraire, la pensée se conçoit existant avant la parole. M. de Bonald disait : « Il faut penser sa parole, avant de parler sa pensée ».

    Si Platon a dit que la pensée est le discours que l’esprit se tient à lui-même, cela vient de l’habitude que nous acquérons en naissant de parler notre pensée, habitude devenue tellement forte en nous que nous ne pouvons pas concevoir la pensée imparlée et, dès qu’une pensée se forme dans notre cerveau, elle se présente tout de suite à notre entendement sous la forme de mots. Si intérieurement nous parlons notre pensée, c’est tout simplement parce que nous avons appris à parler en même temps qu’à penser.

    Par conséquent, lorsque Descartes voulut faire table rase dans son entendement, la première phrase qu’il aurait dû dire, pour reconstruire l’édifice de ses croyances, au lieu d’être son fameux : « Je pense, donc je suis », aurait dû être : « Je parle, donc je pense », car cette phrase qu’il prononçait mentalement, il la prenait dans sa connaissance qu’il avait du langage dont il avait oublié de se défaire comme de ses autres connaissances.

    Faits et temps oubliés


    • Taverne Taverne 5 avril 2019 11:05

      @Étirév

      Bonjour,

      Sur votre premier point (le lien entre la langue parlée et la mère)

      Nul n’ignore l’expression « langue maternelle » employée pour désigner le premier langage acquis par l’enfant. On ne dit pas, en France du moins, « langue paternelle ».

      Pour le reste, même s’il existe une lien entre la langue et le sacré. Le fait même que la langue soit attaché à l’idée de mère (y compris de mère patrie), avec toutes les images inconscientes auxquelles cela renvoie, confirme ce lien sacré. Mais je n’irai pas au-delà en y voyant la main de Dieu.

      Sur votre second point (La langue est intimement liée à la pensée)

      Descartes avait parfaitement conscience des limites du langage mais il prend la langue pour ce qu’elle est : un outil comme un autre pour avancer en démonstration.

      Sa défiance est telle qu’après avoir énoncé « je pense donc je suis », il reformule notamment sous la forme « je pense, je suis ». Il refuse de s’enfermer dans une formule unique car les mots sont une prison. Par exemple la premier énoncé introduit une fonction logique voire de causalité dans l’esprit du lecteur. Il corrige donc l’énoncé ou plutôt apporte une formule alternative donnant un sens plus large et permettant de sortir de ce piège du langage.

      Sur le troisième point : la pensée comme discours réflexif

      « Platon a dit que la pensée est le discours que l’esprit se tient à lui-même ». Il n’existait pas de miroir chez les gens à l’époque. Pour se réfléchir il existait fort heureusement le langage. Je ne suis pas loin de penser même que les personnes se parlaient à haute voix même dans leur solitude. Faute de grives, on mange des merles, faute de miroir on se réfléchit dans la parole.


    • Christian Labrune Christian Labrune 5 avril 2019 23:54

       : « je pense, donc je suis ». La réalité de l’existence de l’être est ainsi universellement démontrée.

      ==============================

      @Taverne

      Votre formule est tout à fait désastreuse. Il n’y a là rien qui ressemble à une « démonstration ». C’est une intuition. « Intuition originaire », dit Husserl, dans ses Méditations cartésiennes, en 1929..

      Toute démonstration s’inscrit dans la temporalité, produit ces « belles chaînes de raisons » dont parle justement Descartes.

      L’intuitition, elle, est immédiate, comme fulgurante, et produit une certitude qui se passe de tout raisonnement.

      La formule que vous rapportez est dans le Discours de la méthode, de 1637, et le « donc » peut faire un peu illusion. En revanche, dans les Méditations, quatre ans plus tard, Descartes écrit : « je pense, je suis, cela est indubitable ». Le « donc » à disparu. Le « je pense » et le « je suis » sont donnés comme immédiatement équivalents, sans chaînon causal.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 12:14

        @Christian Labrune

        Tout à fait exact. Il nous arrive donc d’être d’accord. J’ajouterai que cette intuition est sous toute probabilité erronée car elle est l’exact contraire de celle des innombrables méditants orientaux à la pratique élaborée.

        Que cela soit sur le plan de la « démonstration » ou de l’intuition cela laisse peu de place à la vérité de l’assertion.

        Il est amusant de constater que le wikipédia anglo-saxon relate les nombreuses critiques historiques du « cogito ergo sum » tandis qu’elles ne figurent pas dans sa version française. 

        La contribution de Descartes reste la méthode analytique, utile mais aussi pernicieuse pour ceux qui y voient l’alpha et l’oméga du raisonnement, entre autres la méthode systémique ou encore de la survenance étant indispensables pour la compréhension non réductionniste de nombreux phénomènes. 


      • Gollum Gollum 6 avril 2019 12:20

        @tiers_inclus

        J’ajouterai que cette intuition est sous toute probabilité erronée car elle est l’exact contraire de celle des innombrables méditants orientaux à la pratique élaborée.

        Bonjour. Que voulez vous dire exactement, bref à quoi faites vous allusion ? Car je ne pense pas que cette intuition soit erronée.


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 15:28

        @tiers_inclus

        Vous écrivez : « J’ajouterai que cette intuition est sous toute probabilité erronée car elle est l’exact contraire de celle des innombrables méditants orientaux à la pratique élaborée. »

        Le début de phrase relève d’un complotisme généralisé. Il remet en cause, sans rien démontrer, l’intuition universelle et originelle qui fonde la preuve cartésienne.

        Quant aux orientaux, ils ont choisi une voie dont ce n’est pas le propos ici. Du reste, je crois que la sagesse ne s’accumule pas. Celui qui l’atteint par ces voies expérimentales ne peut pas la rendre transmissible à l’Humanité. C’est donc une perte pour les autres.


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 15:35

        Votre seule preuve serait-elle contenue dans « sous toute probabilité » ?

        Je dirai que « sous toute probabilité » vous avancez des choses avec beaucoup de légèreté. Il faut bien distinguer ce qui relève de nos opinions de ce qui est « sous toute probabilité » assuré d’être vrai par la méthode de l’épuisement du doute radical et celle de la recherche de l’intuition la plus authentique et la plus profonde (et j’ajoute : une intuition qui soit partageable avec le reste de l’Humanité). 


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 16:25

        @Gollum

        Rien d’étonnant ici, la méditation éveille à l’absence de l’égo pour les bouddhistes.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 16:29

        @Taverne

        « Le début de phrase relève d’un complotisme généralisé. Il remet en cause, sans rien démontrer, l’intuition universelle et originelle qui fonde la preuve cartésienne. »

        Descartes ne démontre rien, vous non plus. On ne démontre pas une intuition. 


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 16:40

        @tiers_inclus

        L’intuition seule ne démontre rien. Mais, l’intuition profonde qui a méthodiquement résisté au doute radical, qui est éprouvée universellement comme vraie et que tout un chacun partage, vaut bien l’intuition du sage oriental qui a pratiqué des décennies de médiation.

        Le cogito est la preuve de l’existence de l’être par une voie méthodique et rigoureuse.


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 16:41

        Erratum : "des décennies de méditation.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 17:09

        @Taverne

        Sous toute probabilité signifie bien que cela ne soit pas une preuve, mais une forte présomption statistique eu égard au nombre impressionnant de méditants qui expérimentent l’exact contraire et qui de surcroît sont bien plus qualifiés à la pratique par leur tradition.

        Tout méditant réalise des expériences mystiques, notamment des expériences difficiles mais aussi des expériences de béatitude, de grande chaleur, d’immersion dans un tout, etc... En approfondissant il se rend compte qu’il s’agissait de leurres, la vacuité étant au bout du long chemin.

        On ne devient pas méditant en s’asseyant une heure dans son salon, et en s’arrêtant à la première fulgurance.
        Notre Descartes méditant occasionnel à l’esprit seulement aguerri à la pensée calculante s’est arrêté en chemin, c’est tout.

        Comme l’a signalé Christian Labrune, il s’est ravisé en transformant une pseudo déduction en juxtaposition qui relève alors de l’intuition et plus du domaine de la pensée ni du langage dont on connait les limites en matière d’ontologie.
        Ce revirement exprime d’ailleurs qu’il était initialement passé par un raisonnement dont il a compris qu’il serait l’objet de critiques et réfutations, ce qui fut le cas dans l’histoire philosophique et par des philosophes occidentaux.

        L’ « intuition » de Descartes n’est qu’une illusion de mon point de vue et de celui de tous les bouddhistes.

        En rejeton de l’héritage cartésien, vous attendez une preuve dans le langage. Cela n’est pas possible.

        Etant de culture et formation scientifique et m’adressant probablement à un novice en méditation, j’ai eu la délicatesse de ne pas attribuer une valeur de vérité à une pourtant très forte probabilité, ce que ressentent et vivent les alters de Descartes fussent ils en désaccord avec Descartes faisant sens.

        Pour le reste je vous invite à pratiquer la méditation ...


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 17:17

        @Taverne

        Heidegger a cherché l’être, et avec des outils bien plus élaborés, il n’a trouvé que le Dasein. Descartes ne produit pas de preuve, seulement un raisonnement circulaire.


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 17:25

        @tiers_inclus

        Vous dites que la méditation ne conduit qu’à la vacuité (« la vacuité étant au bout du long chemin. ») et, par votre conclusion, vous m’invitez à la méditation. Et donc, par une amusante logique, vous m’invitez à la vacuité !

        Descartes que vous critiquez tant n’aurait pas produit pareil paradoxe. Que Descartes ait été contredit, je dis que cela est excellent. C’est par la contradiction et en éprouvant les affirmations et les idées que l’on progresse. Et non en fuyant la réalité dans je ne sais quelle sphère mystérieuse et insondable. Mais ce n’est là que mon point de vue. A chacun son idée.

        Appliquer une cure d’amaigrissement à son ego comme le font les sages orientaux est une technique salutaire que l’on devrait généraliser au monde entier. Cela n’empêche pas de chercher la vérité aussi par la voie de la pensée et de la raison, même si cette voie aussi a ses limites.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 17:25

        @Taverne

        Vous devriez aussi prendre au sérieux l’expérience de Libet, que Jean de Sonchy vous signale. Cette expérience nous dit que les décisions sont établies en amont de leur prise de conscience, bref la conscience valide et antidate la prise de décision, donnant le sentiment qu’un soi a effectivement pris cette décision.
        Quant à ce qui prend la décision, avant la conscience, cela relève de la nébuleuse problématique corps-esprit.


      • Gollum Gollum 6 avril 2019 17:25

        @tiers_inclus

        Rien d’étonnant ici, la méditation éveille à l’absence de l’égo pour les bouddhistes.

        Ok je crois comprendre. Vous confondez ici, il me semble, le Je, dû à la prise de conscience, avec l’ego.

        L’ego ce sont les agrégats temporaires destinés à mourir. Bref, il s’agit des affects, du psychisme.

        Rien de tel chez Descartes, comme chez Husserl, où il s’agit d’expérience apodictique dirait Husserl, autrement dit une évidence qui ne peut être contestée.

        Bref, Je suis est vrai. Et l’illusion commence quand j’attribue à ce Je une identité égotique qui a pour nom Taverne ou Labrune, avec telle caractéristique psychologique, de mémoire, etc...

        En un mot Je suis est universel et est le même chez tout existant. C’est pour cela que Yahvé dit quelque part Je suis celui qui suis.


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 17:28

        @tiers_inclus

        Mais il a raison. Il a certainement lu Spinoza !


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 17:37

        @Taverne

        Vous avez du toupet. Je vous propose d’expérimenter et non pas de fuir (la réalité j’attends que vous me la définissiez). Pour le coup mon approche était très expérimentale. A vous de vérifier si c’est ou pas le cas, si oui ou non vous trouvez la vacuité. Bouddha lui même invitait ses disciples à la critique via la fonction mentale et à l’expérience méditative. Il leur recommandaient de ne jamais croire à ce qu’ils n’avaient pas validé.
        Vous même avez vous validé l’intuition de Descartes ?


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 17:38

        @Gollum

        Pas mal dit. Le malentendu vient peut-être du langage employé « je pense ». « Je » est compris comme le sujet et le sujet est ... subjectif. Or, il s’agit bien d’expliquer l’éveil à la conscience universelle de la vérité de l’être pensant et libre, une évidence absolue. Les mots nous trompent.


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 17:48

        @tiers_inclus

        Mais oui je voulais vous taquiner. La définition de la réalité pour un philosophe qui applique le doute « utile », c’est très grosso modo : « ce qui n’est ni le rêve ni l’illusion ni la tromperie et qui résiste au questionnement du doute radical ». C’est aussi d’autre part ce à quoi on se heurte et dont la vive conscience ne peut nous faire douter (par exemple, si je me prends une tuile sur la tête et que cela met fait très mal).

        Mais, attention, je ne confonds pas la réalité et la vérité. J’admets que des sages ou des croyants trouvent la vérité (pas la réalité) par certaines voies. Même le rêve nous apporte quelque vérité et pourtant la conscience n’est pas présente lors de son action.

        Et pour finir, oui, je valide l’intuition de Descartes : l’être est au monde.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 18:18

        @Gollum

        Ce je relève de la vérité conventionnelle, conséquence de Vijnana. 

        La prise de conscience d’un Je est la plus ancrée des erreurs, elle ignore l’absence de nature propre, l’interdépendance et en dernier ressort la vacuité.
        Elle cohabite avec l’illusion de « Rupa » c’est à dire des formes matérielles.
        Qu’il y ait un Je matériel et psychique dans l’illusion relève de cette illusion.
        Le bouddhisme est moniste pas dualiste, il n’a pas de traitement différencié entre le psychique et le matériel et bien sûr pas de substance et vous le savez bien pas rien non plus.

        Le Je auquel vous faites allusion est le Dasein, ce n’est pas un être. Or, le Dasein qui nous projette dans le monde, nous projette dans le monde illusoire, mais bien perçu comme réel au même titre que le Dasein qui in fine est illusoire aussi.

        Alors oui, il y a un Je relatif, conditionné, conventionnel mais on ne peut s’en servir comme le fait l’auteur en tout début d’article pour réfuter que le monde ne serait pas illusoire car ce Je participe de l’illusion. Il est vrai un bref instant de conscience (il y en a des myriades par seconde) pour se dissoudre, et renaître autre, l’erreur étant d’assimiler cet autre à l’antécédent.

        D’autre part la critique ne porte pas seulement sur le Je tautologique du cogito mais sur le « suis » qui relève de l’être introuvé et introuvable.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 18:39

        @Taverne

        Continuez d’appliquer le doute, et vous verrez que cette réalité est bien fragile.
        La physique moderne s’échine à trouver la matière, l’espace et le temps, et au bout du compte ne trouve que des flux de probabilités et de l’information, mais il faut y regarder de près. La réalité conventionnelle que vous constatez ne tient qu’au fait de regarder avec des yeux de myopes et la réalité et soi même aussi.
        Bref nous subsumons tout en étant subsumé.


      • Gollum Gollum 6 avril 2019 18:54

        @arthes

        Non ce n’est pas JC c’est Yahvé himself dans l’Exode si ma mémoire est bonne.

        Oui c’est le même Je, sauf que l’ego fractionne ce Je qui se croit multiple.

        Il ne pourrait y avoir non-dualité si ce Je était réellement  multiple.


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 19:06

        @tiers_inclus

        Vous dites : « La réalité conventionnelle que vous constatez ne tient qu’au fait de regarder avec des yeux de myopes et la réalité et soi même aussi. »

        « et la réalité et soi même » ? Je dis non, vous ne pouvez pas assimiler ces deux choses à deux choses identiques appelant à des regards identiques.

        On ne traite pas d’une manière unique la réalité extérieure et physique et la vérité, qui est quelque chose qui relève de la singularité et de l’intime. En outre, si la réalité est définissable, la vérité échappe pour sa plus grande part à toute définition. Ce qui est logique puisque l’opération de définition est une opération réelle (son champ est la réalité objective).

        « Soi-même » ’est pas la réalité (et encore moins la « réalité conventionnelle » dont vous parlez). C’est quelque chose qui excède la seule réalité tangible. La notion contient ce que l’on nomme la vérité (certains mêmes y mettant une majuscule). On ne parvient donc pas à la connaissance de la réalité et de la vérité par des voies identiques.

        Pour ce qui est du regard sur soi-même, il convient de recourir au précepte « connais-toi toi-même » qui est une invitation à suivre le chemin de la vérité sur soi. Bien sûr, ce précepte incite à nous confronter à la réalité de ce que nous sommes et de nous défaire de nos dangereuses illusions, mais ce précepte invite surtout à la révélation de la vérité sur soi.

        Il ne s’agit plus ici de jauger la réalité, mais de faire le tri en nous-même entre ce qui appartient à notre Etre authentique et ce qui relève du Moi. Le Moi court à ses intérêts, l’Etre prend le temps de regarder avec sincérité et recul. Le Moi veut tout maîtriser car il est tourné surtout vers le réel. Le « Je » ou « Etre » est épris de vérité et de présence à la vie.


      • Gollum Gollum 6 avril 2019 19:12

        @tiers_inclus

        Je ne pense pas que ce Je relève de la vérité conventionnelle. Ce qui est conventionnel c’est la croyance que les objets à l’extérieur de moi sont bien à l’extérieur. C’est très différent. Husserl d’ailleurs propose de mettre cette croyance en la réalité du monde de côté. Il ne veut trancher ni dans un sens ni dans un autre. Autrement dit la réalité du monde extérieur n’est pas une vérité apodictique, autrement dit une vérité non contestable. Elle peut être contestée.

        Il en est de même de la croyance en plusieurs égos, ou je, différents. Là aussi il s’agit juste d’une croyance et non pas d’une évidence. C’est parce que quelqu’un me parle en face de moi que j’imagine que cet être, est comme moi, vivant et pensant, mais dans le fond je n’en sais rien.

        Seul mon Je, lui, est indubitable. Il ne peut pas être illusoire. Et si on met la réalité du monde de côté comme le fait Husserl (ce que ne fait pas Descartes notons le) les perceptions cessent d’être extérieures pour devenir intérieures. Il s’agit de l’époché ou survenue du Moi transcendantal de Husserl.

        C’est la raison pour laquelle votre discours sur le Dasein ne tient pas (c’est d’ailleurs le vocabulaire de Heidegger pas de Husserl) car Husserl prend cette projection dans le monde, que vous appelez illusoire, comme une croyance. Pour Husserl la seule réalité sont les perceptions. C’est pas pour rien qu’il appelle ça phénoménologie. Husserl n’accorde du crédit qu’aux phénomènes, ce qui advient dans le champ de conscience. Par contre la tendance spontanée de la conscience à transformer ces perceptions en réalité du monde extérieur, des autres égos est reçue comme tel, c’est-à-dire que cela vient après coup en quelque sorte.

        Alors oui, il y a un Je relatif, conditionné, conventionnel mais on ne peut s’en servir comme le fait l’auteur en tout début d’article pour réfuter que le monde ne serait pas illusoire

        Oui mais ça c’est Descartes et ce qu’en comprend Taverne. Husserl ne dit pas que le monde ne serait pas illusoire. La seule réalité pour Husserl ce sont les phénomènes perceptifs. Nuance de taille.


      • Gollum Gollum 6 avril 2019 20:15

        @arthes

        Non, non c’est une certitude c’est bien dans l’AT. Pour l’Exode je suis sûr à 90 %.. 

        Si mes souvenirs sont bons il cause à Moïse.

        Jésus a dit : Avant qu’Abraham fut Je suis. Ce qui est assez équivalent d’une certaine manière. 

        Oui se débarrasser de l’égo c’est se débarrasser de l’individu, de la personne. Accéder à un état impersonnel. 

        Pour votre dernière question : Il n’y a qu’un Je unique qui réunit en son sein tous les petits je individuels, ces derniers étant encore dans l’illusion d’être séparés des autres.. 

        Pour faire court : Taverne = Gollum = arthes = Labrune dans leur être profond au-delà des caractéristiques momentanées (le bouddhisme appelle cela les agrégats)..
        C’est la définition même d’une fraternité où l’autre quelqu’il soit (cela peut être un animal aussi, mais le cosmos dans sa globalité aussi) est vu comme un frère, une autre partie de soi.

        En prendre conscience c’est le Nirvana un état non-duel où il n’y a plus ni barrière, ni limite... 

        Enjoy...  smiley


      • Gollum Gollum 6 avril 2019 20:17

        @kalamitor & arthes

        Arrêtez de vous chipoter les enfants.. smiley Soyez frère et sœur. smiley (c’est pas gagné)


      • Taverne Taverne 6 avril 2019 20:30

        @tiers_inclus

        Quoi qu’il en soit, Husserl a prôné le retour au cogito cartésien qu’il a défendu. Il diffère dans la méthode : plutôt que d’employer le doute radical, il choisit la mise entre parenthèse provisoire des choses le temps de trier par la voie méthodique et rejeter ce qui relève de l’illusion ou du préjugé. Husserl voulait faire du cogito un outil pour refonder les sciences sur des bases plus objectives et fiables. Cet article invite à examiner l’outil cogito, mais pour éprouver ses limites, non pas pour fonder quoi que ce soit. J’essaie surtout de faire progresser la méthode.

        Sinon je suis d’accord avec vous et Husserl : le « je » est une évidence indubitable.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 22:19

        @Taverne

        Désolé pour la coquille, il fallait corriger en « la réalité de soi même ». Il est erroné de croire qu’il y a un observateur qui jauge le monde et « soi », ceci aussi est une apparence.
        Le monde (illusoire) et l’observateur (illusoire) se réifient mutuellement. Il n’y a pas de pilote, un examen attentif des flux de pensées montrent leur caractère chaotique et dissipatif. Tout semble fonctionner comme une radio qui recevrait de multiples stations. La cohérence partielle s’établit sur l’accomplissement du désir et sur le refus de la souffrance, mais il n’ y a pas de pilote, tout s’établit en interdépendance, ce que l’on peut aussi constater dans la phase de rêve, où les contraintes sont provisoirement atténuées. 
        Le soi n’existe que par rapport à l’alter (êtres sensibles ou matière) et seulement
        parce qu’il y a souffrance potentielle ou ressentie.
        Faites une expérience de pensée, imaginez un monde sans souffrance. Pas de corps à entretenir et protéger, pas de souffrance psychologique, l’altérité sans incidence et donc l’égo sans consistance. Pas de désir non plus, la souffrance et le désir étant les deux faces d’une même pièce. La forme (matérielle et psychique) aussi n’est plus nécessaire par l’indifférenciation. Est-ce pour autant le néant ? Que nenni. Cette uniformité qui s’apparente à la vacuité, recèle de tous les possibles, mais elle est tempérée. Comme un bloc de marbre recèle de toutes les sculptures possibles, à ceci près que notre bloc à nous est toujours constitué de phénomènes. Globalement il ne se passe presque rien, localement des embryons de « sculpture » peuvent apparaître et même s’identifier. De là naît la réification (il peut s’agir d’un monde) et la souffrance par incomplétude et le désir par compensation. Le piège étant que le désir implique la souffrance qui implique ...le désir .... Le piège crée un soi (conventionnel) qui a oublié sa nature première sans soi, mais qui se débat en insistant sur son soi illusoire pour échapper à ce piège, donc en désirant, se recroquevillant dans un processus autoréalisateur, comme la mouche au bord de la fenêtre aspirant à se libérer mais trompée par la vitre pourtant ouverte et qui s’éreinte. 

        Bon, j’ai bien conscience que l’on pourrait croire que j’ai un peu insisté sur l’herbe.

        Prenons alors la question autrement. Plus scientifiquement. C’est une image mathématiques qui n’a pas vocation à expliquer mais à illustrer. Les fonctions holomorphes (dans le champ complexe) ont ceci de particulier, elles définissent implicitement leur domaine de définition et comme ce sont des fonctions leur domaine image. Bref la fonction, la relation établit les relatas qui sont mis en correspondance.
        Plus physique maintenant, Carlo Rovelli, physicien de la gravitation quantique, nous donne son interprétation de la réalité : « Le monde des choses existantes est réduite au monde des interactions possibles. La réalité est réduite à l’interaction.La réalité est réduite à la relation. » 
        Reste que c’est une interprétation d’un brillant physicien de l’école relationniste. Mais tout en physique (même en RG) nous fait converger vers la disparition des relatas au profit de la relation.

        On est loin de l’approche cartésienne, prenant les choses pour les décortiquer, pour les analyser, les décortiquer etc..Parce qu’ils posaient les choses à priori.
        De même la tabula rasa par le doute posait l’esprit,le soi comme observateur du monde et du présumé soi, mais rien n’empêche qu’il doute sans être effectivement là.

        Tout ceci est spéculatif, mais il y a des pistes. Nous ne pouvons plus nous contenter de l’intuition isolée d’un penseur du 17eme siècle, brillant certes, mais le monde occidental a progressé, et étonnamment convergé vers les intuitions bien plus datées auxquelles je faisais allusion. Par ailleurs Descartes est aussi pris en défaut sur son analyse des animaux, comme quoi l’homme n’avait pas forcément de bonnes intuitions.


      • tiers_inclus tiers_inclus 6 avril 2019 22:26

        @Gollum

        « Seul mon Je, lui, est indubitable. Il ne peut pas être illusoire.  »

        C’est une coproduction, pure relation, sans relatas. Il n’est pas illusoire dans l’illusion, c’est tout. Mais en fait vous comme moi ne sommes que phénomènes qui réifient le monde et nous même, et la prison est construite. Pire, plus on s’attache à cette pseudo idée du Je plus la prison devient étroite et douloureuse. 

        Lâcher donc ce JE que je ne saurais voir.

        Lisez ma réponse à Taverne, ça donne des pistes.


      • Gollum Gollum 7 avril 2019 09:50

        @Taverne

        Non. Husserl critique vertement Descartes. 

        Husserl voulait faire du cogito un outil pour refonder les sciences sur des bases plus objectives et fiables.

        Malheur ! Mais pas du tout ! Husserl critique précisément la notion d’objectivité dont il montre que c’est une notion subjective créée par ma propre subjectivité. En un mot l’objectivité est construite par ma subjectivité. Elle n’existe pas à priori. Même si elle est construite spontanément et inconsciemment par tout existant. C’est ce que Husserl appelle la perception naïve.

        Seule la subjectivité est réellement première. Je perçois des phénomènes. Et toute l’ambition d’Husserl est de construire une philosophie basée sur des vérités non contestables. Et la prétention à l’objectivité est contestable.

        Husserl critique précisément les sciences modernes fondées sur cette prétention à l’objectivité. En un sens il sape les fondements de la science moderne. Il est un anti-Descartes. Descartes pose un sujet (subjectif donc) face à un monde objectif. Toute la science moderne découle de ce postulat, non remis en cause jusqu’à Husserl.

        Husserl pose la conscience pure comme fondement de tout le reste. C’est la réduction au Moi transcendantal dégagé des perceptions et phénomènes..

        Bref, Husserl est plus proche du Bouddha que Descartes puisqu’il vise l’Un (par l’intermédiaire de la réduction au Moi transcendantal) alors que Descartes maintient la dualité (subjectivité contre objectivité).

        Chez Descartes le subjectif est de peu de poids face à l’objectif d’où toutes les maladies modernes : culte de l’objectivité, vu comme prééminente, du quantitatif, du pesable, mesurable, d’où matérialisme et le nihilisme qui va avec...


      • Gollum Gollum 7 avril 2019 10:04

        @tiers_inclus

        C’est une coproduction, pure relation, sans relatas.

        C’est une saisie pure, évidente. 

        Il n’est pas illusoire dans l’illusion, c’est tout.

        C’est bien ce que je dis. C’est la seule réalité.

        Mais en fait vous comme moi ne sommes que phénomènes qui réifient le monde et nous même, et la prison est construite.

        Si vous posez vous et moi, en effet, c’est une construction mentale. Et dès lors dualité et prison.

        Pire, plus on s’attache à cette pseudo idée du Je plus la prison devient étroite et douloureuse. 

        On peut très bien saisir le Je par intuition directe sans s’y attacher. 

        Lisez ma réponse à Taverne, ça donne des pistes.

        J’ai lu et je suis d’accord.

        Je rajoute que les contenus du Je sont alors pure Maya, pure fantasmagorie, en accord avec le Védisme et que ce Je devient pure Vacuité, non réellement définissable autrement, mais à vivre. L’accent mis sur le Je permet d’ailleurs le détachement vis-à-vis des contenus du Je. Une mise à distance.


      • Gollum Gollum 7 avril 2019 12:37

        @arthes

        Ma vision est plus chrétienne que la votre

        Oui je sais c’est pour cela que vous ne comprenez pas et n’arrivez pas à accepter ce que vous appelez la grande partouze cosmique fraternelle et que je me contenterai d’appeler communion.

        La raison profonde de votre refus est que vous mettez, et persistez à mettre, la Vie dans le mouvement et l’action. Or rien n’est plus faux. Le besoin d’action et de mouvement procède d’un déficit de vie. C’est parce que la vie n’est pas pleine et complète qu’il y a action et mouvement afin d’augmenter ce sentiment d’être vivant.

        Réfléchissez y bien. Je sais d’ailleurs que vous en êtes là car vous êtes une femme qui bouge, sportive, et c’est en raison de votre tempérament que vous bloquez.

        Je ne suis pas d’accord sur votre discours christique vous vous en doutez bien.

        Vous altérez complètement le Je suis du Christ. Car votre formule n’est pas complète car Jésus dit Avant qu’Abraham fut Je suis.

        Ce qui implique un Je suis hors du temps. Et c’est bien là le fondamental. Et c’est bien la raison pour laquelle les pharisiens furent choqués de cette formule car elle impliquait une identification totale à Dieu le Père qui est hors du temps et de l’espace. Et hors du temps et de l’espace il n’y a nul mouvement et nulle action. Il y a pur été d’être et de béatitude.

        Oui je sais c’est difficile à avaler.. smiley


      • Gollum Gollum 7 avril 2019 12:40

        Il y a pur été d’être

        Il y a pur état d’être (correcteur qui n’a pas compris que c’est le printemps..)


      • tiers_inclus tiers_inclus 7 avril 2019 12:54

        @Gollum

        C’est une saisie pure, évidente. 


        Nous voila bien avancé. Vous pourriez dire la même chose d’un mirage dans le désert, même si cette saisie relève d’un méta mirage.

        Je n’ai pas développé les objections à Husserl car ce sont les mêmes que pour Descartes. Il est allé un peu plus loin que Descartes avec l’abstraction du mental, mais c’est arrêté en chemin. 

        Il y a pourtant plein de situations dans la vie où l’oubli de ce je est patent.
        C’était une des objections de Sartre. 

        « Pure » est un concept relatif, rien n’est pur ni impur. « Evidente » est une auto référence toujours relative. Ce moi transcendantal par définition ne peut supporter aucun épithète, aucune substance, aucune propriété, il est un relata construit sur le paradigme que les phénomènes, bien appréhendés par Husserl, consistent en relatas alors qu’ils ne sont que relations qui produisent les relatas.

        Les relations, seulement les relations d’où le monisme bouddhiste. Que dire de ces relations, sont -elles figées, bien sûr que non, elles changent.

        Ce paradigme du changement est-il arbitraire, non, car il est observé, la physique nous l’impose par la superposition d’états et le principe d’incertitude. En revanche je ne suis pas sûr que le Tout change, voila un bien étrange paradoxe, mais il est concevable que le Tout soif figé et ses parties changeantes (localement même si ce référentiel spatial est abusif). Le Tout serait alors une superposition des possibles, les réifications se faisant par subsumations locales.
        Ce paradoxe apparaît en physique avec l’équation de Wheeler-Dewitt, qui conduit à un « monde » sans temps et pourtant changeant. Un Tout à l’entropie constante, et des parties à l’entropie croissante.

        Une autre façon de le voir c’est qu’il n’y a pas de Je possible sans le monde extérieur, les deux relatas sont coproduits. Ceci relève de la notion bouddhiste d’interdépendance.

        Ce moi transcendantal serait alors hors de l’espace, du temps, et de la matière dans l’acception conventionnelle, comment lui attribuer une identité, comment lui attribuer une forme, des limites, une différenciation ? 

        C’est en cela que la « saisie » husserlienne me semble être un leurre de plus, comme la méditation soutenue nous invite à ce constat des leurres récurrents.

        Cette tentative de faire toucher du doigt la vacuité est en fait vaine par le langage et la pensée. L’étude du catuskoti permet de l’appréhender, et surtout sa version négative. Le non bouddhiste n’est pas un non qui sous-tend autre chose, c’est un non définitif, sans substitution, reconnaissant en cela bien évidemment les limites du langage (cela nous pouvons l’atteindre par la logique classique) mais les limites de l’appréhension humaine en tant que relata réifié, immergé, coproduit. 
        Comment entrevoir une libération, il faut sortir du cycle des souffrances et désirs, comment sortir du cycle, lâcher prise et notamment sur le Je. En fait personne n’est libéré, personne ne se libère, en lâchant prise on en fait que cesser d’alimenter une méprise,une résistance par erreur comme la mouche. Comment un bodhisattva peut revenir à la méprise sans s’y attacher, par compassion ? Parce que tous les mondes possibles lui sont ouverts, parce qu’il incorpore une méprise, exactement comme lorsque nous regardons le cube de Necker après avoir perçu son caractère illusoire. Mais cela ne dépend pas, à mon avis, d’un moi, ou même d’une volonté mais seulement d’une opportunité, peut-être est ce la raison de la rareté du phénomène ? En cela je m’écarte un peu de la vue classique.

        C’est bien ce que je dis. C’est la seule réalité.

        Alors elle s’appelle vacuité. Mais la vacuité n’est pas une réalité.

        On peut très bien saisir le Je par intuition directe sans s’y attacher. 

        Cette saisie consiste justement en l’attachement primordial. Après on ne peut plus que faire appel à ce pseudo moi transcendantal pour s’en détacher et c’est bien évidemment contradictoire. Le lâcher prise étant le remède. Husserl a juste omis d’appliquer les catégories phénoménologiques à lui même. Enfin un dernier point la vacuité est vacuitaire, s’y attacher relève aussi de l’erreur et de l’ignorance au sens bouddhiste.


      • tiers_inclus tiers_inclus 7 avril 2019 13:05

        @arthes

        « Le Nirvana c’est aussi illusoire et peu excitant, je trouve , que le vieux paradis des chrétiens (façon ancien testament) , en ce sens qu’ils ne font que diriger vers une béatitude contemplative de l’esprit dans grande partouze cosmique fraternelle. »

        Vous trouvez le Samsara plus excitant ? Rassurez vous « on » ne s’ennuie pas au Nirvana car il n’ y a pas de on désignable, mais seulement des on potentiels qui peuvent replonger dans le Samsara qui n’est qu’une « réduction » du Nirvana, les deux étant identiques, disons potentiellement superposés.


      • Gollum Gollum 7 avril 2019 14:40

        @tiers_inclus

        Nous voila bien avancé. Vous pourriez dire la même chose d’un mirage dans le désert, même si cette saisie relève d’un méta mirage.

        Ben oui c’est un progrès. Cela relativise par là même la « réalité » du monde dit, et supposé, extérieur. Et ça c’est fondamental. Car la vision naïve, partagée par tous, c’est précisément l’incapacité à remettre en cause la « réalité » du monde extérieur.

        À partir de là un cheminement peut commencer. Quant au mirage je prends bien soin de faire la différence entre la perception elle-même, qui est vraie, du contenu de cette perception qui elle est support de fantasmagorie.

        Il y a pourtant plein de situations dans la vie où l’oubli de ce je est patent.

        Ben oui et alors ? Là encore vous ramenez le Je d’Husserl au je naïf de l’homme de la rue. Or ce ne sont pas les mêmes. Car celui d’Husserl est bien plus conscient. Cela se rapproche d’ailleurs de la notion d’éveil du Bouddha. Que le Je d’Husserl soit difficile à maintenir dans sa qualité cela me semble une évidence. Mais cela n’enlève rien à sa force.

        Ensuite vous privilégiez les relations. Je vous suis cela va de soi. Sauf que il ne peut y avoir de relations que s’il y a des « choses » à relier. Bref, ne pas faire des relations la seule réalité exclusive.

        Sur la physique moderne je vous suis également.

        mais il est concevable que le Tout soif figé et ses parties changeantes

        Oui si le Tout comprend l’ensemble de l’espace et du temps c’est forcément figé. 
        À l’inverse dans une partie du Tout, soumis au temps, le mouvement est la règle.

        Une autre façon de le voir c’est qu’il n’y a pas de Je possible sans le monde extérieur, les deux relatas sont coproduits. Ceci relève de la notion bouddhiste d’interdépendance.

        Oui, c’est ce que dit Husserl. Toute conscience est conscience de quelque chose. C’est l’intentionnalité de la conscience. Il suffit donc de remplacer la conscience naïve qui est conscience des « objets » « extérieurs » par la conscience de la conscience elle-même. C’est la conscience transcendantale qui se prend elle-même comme objet de conscience. Par là même elle s’intensifie considérablement.

        comment lui attribuer une identité, comment lui attribuer une forme, des limites, une différenciation ? 

        Pourquoi le faire ?

        Cette tentative de faire toucher du doigt la vacuité est en fait vaine par le langage et la pensée.

        Là dessus je suis d’accord. Mais on est sur un forum et il est difficile de se passer de mots. D’autre part on peut utiliser des mots pour approcher au plus près tout en sachant que ce n’est pas forcément la meilleure approche et qu’au moins il ne faut pas en être dupe. La théologie apophatique a toute ma préférence pour ces choses là.

        Alors elle s’appelle vacuité. Mais la vacuité n’est pas une réalité.

        On joue un peu avec les mots là. La vacuité n’est pas une réalité au sens de réalité du monde extérieur mais c’est la seule réalité le reste étant ramené à l’état de mirage. Vous préférez vous débarrassez des mots je préfère me reposer quelque peu sur eux même si je sais que cela peut être piégeur.

        Cette saisie consiste justement en l’attachement primordial. Après on ne peut plus que faire appel à ce pseudo moi transcendantal pour s’en détacher et c’est bien évidemment contradictoire.

        Marrant car le premier poison du bouddhisme c’est la torpeur. Autrement dit une absence de conscience. Or le Je d’Husserl est exactement l’inverse.

        Le lâcher prise étant le remède.

        Des remèdes il peut y en avoir une infinité. Le lâcher prise en est un à condition qu’il soit effectué correctement et que ce ne soit pas un avachissement plus proche du sommeil qu’autre chose..

        Pour finir sur Husserl : certes il n’a pas atteint l’éveil ultime. Sa démarche reste intéressante malgré tout dans un contexte occidental obsédé par la réalité des choses et l’objectivité maladive..

        Il faut savoir tirer parti de tout. Enfin je pense que nous ne sommes pas si éloigné, plutôt des problèmes de vocabulaire et d’incompréhension dus à nos parcours respectifs..

        Sur la méditation bouddhiste : elle consiste à se calmer tout en ayant une conscience aiguë de toutes les perceptions en les laissant filer sans opérer de jugement dessus et sans s’y attacher. Les agitations mentales cessent n’étant plus entretenues. Reste la lucidité. Le phénoménologue en mettant de côté le monde extérieur fait quelque peu la même chose, il ne porte pas de jugement dessus et n’en supporte plus la tyrannie.. Je pense qu’il y a plus en commun entre les deux approches que vous ne daignez admettre.


      • Gollum Gollum 7 avril 2019 15:04

        Je pense qu’il y a plus en commun entre les deux approches que vous ne daignez admettre.

        Je viens de me rappeler que je viens d’acheter le bouquin de Sandy Hinzelin qui utilise l’approche phénoménologique pour commenter un traité tibétain sur la nature du Bouddha du troisième Karmapa. Donc je ne suis pas le seul à penser que phénoménologie et bouddhisme peuvent se rapprocher.

        Je ne peux rien dire de ce livre je ne l’ai pas encore lu.

        Sandy Hinzelin est docteur en philosophie et bouddhiste tibétaine.


      • tiers_inclus tiers_inclus 8 avril 2019 09:57

        @Gollum

        « Quant au mirage je prends bien soin de faire la différence entre la perception elle-même, qui est vraie, du contenu de cette perception qui elle est support de fantasmagorie. »

        Raisonnement circulaire et incantatoire. Contenu sorti du jeu, comment être sûr que votre conscience de la conscience pris comme objet cette fois (comme vous le dites) puisse être plus valide que celle au premier niveau qui se trompe sur le mirage ?

        Ah oui l’évidence ! Pour vous une évidence, pour moi un erreur. Allez expliquer à une victime du mirage qui a soif qu’il n’ y a pas d’eau. Il lui faudra l’expérimenter, c’est tout.

        « Là encore vous ramenez le Je d’Husserl au je naïf de l’homme de la rue. »

        Je ne fais que citer Sartre. Pensez vous Sartre si naïf à confondre pseudo moi empirique et pseudo moi transcendantal ?

        « Oui si le Tout comprend l’ensemble de l’espace et du temps c’est forcément figé. À l’inverse dans une partie du Tout, soumis au temps, le mouvement est la règle. »

        C’est pas si simple. Enfin c’est le changement, pas le mouvement qui caractérise l’impermanence. Relisez Nagarjuna.

        « On joue un peu avec les mots là. La vacuité n’est pas une réalité au sens de réalité du monde extérieur mais c’est la seule réalité le reste étant ramené à l’état de mirage »

        NON. Pas de jeu avec les mots. La vacuité est vacuitaire. C’est une erreur typique du méditant avancé qui finit par réifier la vacuité dans une ultime tentative d’un support, d’une référence. Comme l’on fait les détracteurs de la relativité après 1905.

        « Marrant car le premier poison du bouddhisme c’est la torpeur. »

        Me croyez vous si béotien méditant pour ne pas le savoir ? D’autre part la torpeur n’est pas un poison, mais un obstacle, qui naît soit de la fatigue corporelle, soit du refus. Lâcher prise n’est pas relâchement, vous confondez. Le lâcher prise s’applique aux attachements, notamment le pire de tous celui du moi. Sur votre transat vous lâchez prise au stress, vous oubliez, mais vous ne quêtez pas.

        « Des remèdes il peut y en avoir une infinité. »

        Vraiment ! Citez en donc .

        « Pour finir sur Husserl : certes il n’a pas atteint l’éveil ultime. »


        Oui c’est ce que je vous dis depuis le début. Il s’est arrêté en chemin. Voyez ce qu’en pense Michel Bitbol :

        « Ce que j’ai appelé « un contact infiniment proche avec la chair du phénomène » dans la pratique de la méditation, s’apparente en effet à un travail d’épochè radicale. Il s’agit d’une entreprise de suspension du jugement plus poussée que pratiquement tout ce qui s’est fait dans l’histoire de la phénoménologie. N’oublions pas qu’en phénoménologie husserlienne, l’épochè doit s’arrêter à un certain point, et être convertie en « réduction phénoménologique » ; car c’est seulement à partir de ce point d’arrêt qu’on va se donner un nouveau terrain d’étude, fût-il aussi exceptionnel que celui de l’ego transcendantal, avec ses actes épistémiques saisis à l’état naissant dans la conscience pure. Si l’épochè se poursuit et se radicalise, même le nouveau terrain d’étude se dissout, même l’égologie transcendantale est mise en difficulté, et même la distinction entre transcendance et immanence, dont je me suis servi à titre d’étape provisoire de la pensée, perd de sa consistance. »

        « Il faut savoir tirer parti de tout. Enfin je pense que nous ne sommes pas si éloigné, plutôt des problèmes de vocabulaire et d’incompréhension dus à nos parcours respectifs.. »

        A ceci près qu’il est impossible de concilier un Je avec l’impermanence, l’interdépendance et la causalité. Quel axiome souhaitait vous réformer ?

        « Ensuite vous privilégiez les relations. Je vous suis cela va de soi. Sauf que il ne peut y avoir de relations que s’il y a des « choses » à relier. Bref, ne pas faire des relations la seule réalité exclusive. Sur la physique moderne je vous suis également. »

        Vous n’avez donc pas compris. La relation est supposée porter toute l’information, les relatas deviennent redondants. Concept difficile qui reste toutefois spéculatif dans son application au monde mais ...


      • Gollum Gollum 8 avril 2019 12:47

        @tiers_inclus

        Bon on arrivera pas à se rapprocher c’est pas grave, chacun sa route.

        Je n’arrive même pas à comprendre que vous remettiez en cause l’évidence du Je suis.

        Après vous me citez Sartre. Mais Sartre était un crétin fini. Aussi bien sur le plan philosophique que politique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il fut tant médiatisé, notre époque adorant les nihilistes qui n’apportent rien ou bien des concepts creux.. Sartre n’a pas compris Husserl.

        Enfin c’est le changement, pas le mouvement qui caractérise l’impermanence.

        Un changement sans mouvement je sais pas trop ce que c’est. Et, inversement, quand il y a mouvement, il y a changement... Bon d’accord il y a une légère différence entre les deux.. Une bille bouge, elle reste bille. Malgré tout, en bougeant, la bille aura perdu un atome ou deux et ne sera pas tout à fait la même.. Donc, quelque part, cela revient bien au même.

        D’autre part la torpeur n’est pas un poison, mais un obstacle, qui naît soit de la fatigue corporelle, soit du refus.

        Je parlais de la torpeur initiale celle qui met en route le devenir, le Samsara. Symbolisée par un porc dans le bouddhisme tibétain et associée aux deux autres poisons : haine et désir. Là vous évoquez la torpeur dans le cadre de la méditation due à l’immobilité de la posture. C’est à la fois différent et en même temps relié à la torpeur dont je parle.

        Lâcher prise n’est pas relâchement, vous confondez.

        Je ne confonds rien. J’évoquais le cas du méditant débutant qui pourrait confondre lui...

        Vraiment ! Citez en donc .

        Le Jnana Yoga, Le karma Yoga, le Bhakti Yoga, et même au sein du bouddhisme il existe différentes pratiques et écoles... 

        Michel Bitbol 

        Intéressant. Mais il ne dévalue pas Husserl. Il dit simplement qu’il n’est pas allé assez loin... Pourquoi pas ? C’est une façon de dire, ce que j’ai dit, à savoir qu’il est allé au-delà de la perception de l’homme de la rue..

        A ceci près qu’il est impossible de concilier un Je avec l’impermanence, l’interdépendance et la causalité.

        Pour moi seul le Samsara est impermanent, etc.. Le Je ne fait pas partie du Samsara. Sur ce point je serai plus près du Vedanta que du Bouddhisme.

        Dans le fond, Je suis toujours le même depuis ma naissance, et même sans doute avant ma naissance, et après ma mort, Je serai toujours le même.

        La relation est supposée porter toute l’information, les relatas deviennent redondants.

        Désolé mais ça n’a aucun sens. Moi je prends les deux, la relation et les deux pôles de la relation. 4 + 3 = 2 + 5 ; vous ne gardez que la relation il reste les + et le = et ça n’a plus rien de cohérent..

        Bon je ne sais pas trop ce que vous allez répondre on pourrai en rester là en constatant nos désaccords...


      • Gollum Gollum 8 avril 2019 12:53

        @arthes

        car il explique qu’il parle juste en son nom, de même que chacun peut parler en son propre nom, n’est ce pas ce que nous faisons ici à évoquer ce que chacun nous pensons de tout cela ?.

        C’est quand même pas tout à fait ça.. Le Christ dit bien qu’il agit et parle non pas de lui-même mais de Celui qui l’a envoyé. C’est assez différent.

        je pense que pour la méditation il n’y a pas besoin de mentor, de maître, de guide...

        À condition d’être bien sûr de ce que l’on fait..

        Sinon, la béatitude, du moment que vous y êtes bien

        Je n’ai jamais dit que j’étais dans la Béatitude.. smiley Juste une forme de sérénité qui arrive avec l’âge, la philosophie et l’expérience..

        moi, ce n’est pas l’état que je recherche, vous l’aurez compris,

        C’est clair.. Chacun sa route. smiley


      • tiers_inclus tiers_inclus 8 avril 2019 16:14

        @Gollum

        « Un changement sans mouvement je sais pas trop ce que c’est. »

        Un exemple en TQC il n’ y a pas de trajectoire, mais seulement des annihilations suivies de créations, les trajectoires étant des effets de groupe statistiques.

        Un autre exemple, au cinéma, les images changent donnant l’impression de mouvement sans qu’il y en ait. Nagarjuna a réfuté le mouvement et bien évidemment pas le changement, impermanence oblige.

        Laurent Nottale a repris l’idée dans une conférence rapprochant l’analyse de Nagarjuna à l’intuition de la relativité (et pour le coup je n’ai pas été convaincu, compte tenu des arguments de Nagarjuna que j’ai étudié), et plus loin l’assertion de Bouddha « la forme est vide, le vide est forme » à l’intuition de la relativité générale (là, c’est convaincant).

        Intéressant. Mais il ne dévalue pas Husserl. Il dit simplement qu’il n’est pas allé assez loin... Pourquoi pas ? C’est une façon de dire, ce que j’ai dit, à savoir qu’il est allé au-delà de la perception de l’homme de la rue..

        C’est aussi ce que je dis, il s’est arrêté trop tôt, sans le dévaluer puisqu’il y a progrès par rapport à Descartes. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire.

        Désolé mais ça n’a aucun sens. Moi je prends les deux, la relation et les deux pôles de la relation. 4 + 3 = 2 + 5 ; vous ne gardez que la relation il reste les + et le = et ça n’a plus rien de cohérent..

        L’ensemble N des entiers est défini implicitement par la relation de successeur. Il émerge de cette relation de récurrence. Bon il faut définir un élément initial étiqueté 0. (Ah ce zéro !) Une fois l’ensemble ainsi défini, l’humain met des étiquettes, définit un opérateur cad une loi interne à l’ensemble et créent des identités entre étiquettes 4+3 = 2+5 = 7. Mais N est né de la relation de récurrence.

        En physique avancée, de nombreuses choses sont définies sur des symétries, les objets étant in fine inconnus. Dans l’approche naïve ou bien expérimentale les objets concourent à l’établissement d’un modèle.

        Comme j’apprécie Carlo Rovelli (théorie des boucles) voici un autre extrait de son interprétation quantique (source Par delà le visible, Odile Jacob que je vous recommande) :

        « La théorie ne décrit pas comment les choses »sont« mais comment les choses se produisent et comment elles influent les une sur les autres. Elle ne décrit pas où est une particule mais où cette particule apparait grâce aux autres....

        Il n’y a pas de réalité dans le monde décrit par la mécanique quantique, sans relation entre systèmes physiques.Ce ne sont pas les choses qui peuvent entrer en relation, ce sont les relations qui fondent la notion de »chose« .Le monde de la mécanique quantique n’est pas un monde d’objets : c’est un monde d’évènements élémentaires, et les choses se construisent sur le devenir de évènements élémentaires...

         »Un objet est un processus monotone« un processus qui se répète égal à lui même pendant un moment. Un caillou est une vibration de quanta qui maintient sa structure pendant un moment, comme une vague maintient son identité avant de se fondre dans la mer. »

        Bref des processus pas des choses.

        Reconnaissons à Husserl d’avoir fait un grand pas là dessus.

        Je ne défends l’idée que comme illustration, voire comme piste, mais ...

        Bon je ne sais pas trop ce que vous allez répondre on pourrai en rester là en constatant nos désaccords... 

        Personnellement j’apprécie ce type d’échange moins superficiel que ne l’autorise le protocole agoravox habituel. Je ne cherche pas à avoir raison ni à convaincre, en tout cas le débat m’aura été profitable par l’effort de synthèse et de mémoire qu’il m’a amené à produire. A force d’étude, on pose des jalons établis, et l’on se rend compte que les fondements sont oubliés et de fait fragilisés. C’est aussi une excellente occasion de les confronter voire de les remettre en question.
        J’espère qu’il en a été de même pour vous.


      • Gollum Gollum 10 avril 2019 10:17

        @tiers_inclus

        Nagarjuna a réfuté le mouvement et bien évidemment pas le changement, impermanence oblige.

        Je ne sais pas ce que Nagarjuna a réfuté ou pas. J’ai essayé de m’y mettre mais il est d’une telle obscurité et aridité que j’ai renoncé pour le moment. Bravo à vous si vous avez réussi à vous accrocher..

        L’ensemble N des entiers est défini implicitement par la relation de successeur.

        Oui certes. M’enfin pas de succession non plus si l’ensemble N en question n’est pas rempli d’éléments bien définis.. On voit bien que dans l’idée de relation celle-ci est (inter)dépendante des constituants.

        ce sont les relations qui fondent la notion de « chose »

        Ouais.. Je trouve qu’on a simplement interverti les deux données du problème ce qui me semble une superstition guère mieux que l’ancienne, celle qui accordait du primat aux objets. Il n’y a nul primat à avoir à mon avis quant aux relations et ce qui est entre les relations. Ce sont deux aspects aussi nécessaires l’un que l’autre et qui doivent être vus de façon globale et simultanée.

        Personnellement j’apprécie ce type d’échange moins superficiel que ne l’autorise le protocole agoravox habituel.

        Bien d’accord, ça change des banalités du site : GJ, Macron, Europe etc...

        le débat m’aura été profitable par l’effort de synthèse et de mémoire qu’il m’a amené à produire.

        Oui Avox permet de pondre des choses qui parfois nous surprennent nous-même. smiley


      • Gollum Gollum 10 avril 2019 10:19

        @arthes

        c’est le coté fun, c’est chouette non ? youppie !!! 

         smiley smiley


      • Christian Labrune Christian Labrune 6 avril 2019 00:06

        Ici aussi, Descartes répond de façon définitive. Je suis une chose pensante, une Res cogitans, une substance autonome.

        ==============================

        Res cogitans, c’est la formule la plus contestable des Méditations, et cette erreur de Descartes a justement fait l’objet d’un commentaire extrêmement pertinent dans les Méditations cartésiennes de Husserl que j’évoquais plus haut. Difficile, donc, de la prendre au sérieux, cette formule, sans se souvenir d’une critique parfaitement connue et fondée.

        Husserl fait remarquer qu’un sujet ne peut se penser comme une chose, et il enrage de voir que Descartes passe ainsi tout près de la notion d’intentionnalité que lui-même doit à Brentano. Mais sa petite colère part quand même d’un sentiment très généreux : si Descartes avait inventé la phénoménologie transcendantale dès le XVIIe siècle, que lui serait-il resté à lui, Husserl, son grand spécialiste au XXe siècle !

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité