La crise financière comme un salutaire rappel à l’ordre : pas de confiance sans règles respectées !
La gravité de la crise financière que l’on vit tient, comme il est répété, à la crise de confiance qu’elle a provoquée. Les créanciers potentiels ne font plus crédit aux candidats débiteurs par crainte de n’être pas remboursés. Les loups ne se mangent pas entre eux, dit-on. Aujourd’hui, ils ne se font même plus confiance. C’est dire la profondeur du mal.

Voilà l’aboutissement de plus de vingt-cinq ans de libéralisme sans règle de jeu, sinon celle du profit maximum immédiat à tout prix. Ses partisans, ennemis déclarés de l’État, en sont aujourd’hui, les rusés personnages, à attendre leur salut… de l’État ! Mais est-ce pour recommencer comme avant à jouer au casino pour leur seul profit ?
Une éradication méthodique de toute règle sauf une
À quelque chose malheur peut être bon, si cette catastrophe permet de mesurer combien une société ne peut survivre sans une confiance minimale entre ses membres et combien cette confiance ne saurait subsister sans le respect de règles communes. Pendant un quart de siècle, ce libéralisme s’est défini avant tout comme un mode de relations d’où devait être exclue l’observation des règles minimales d’une vie commune. Il s’est agi de déréglementer à tout va. La seule règle qui devait être respectée était la loi du marché, jugée incomparable pour prendre en compte les innombrables contraintes qui conduisent à la production et à l’échange des produits appropriés aux meilleurs coûts et aux meilleurs prix. A donc été méthodiquement cassé tout ce qui était considéré comme des entraves à l’avènement de cette harmonie économique et sociale universelle.
Un saccage obstiné des institutions de régulation sociale
La privatisation est devenue une obsession pour démanteler l’une de ces entraves, les services publics, jugés budgétivores et leurs performances médiocres. Le marché du travail a été aligné sur celui des marchandises : le Code du travail français a été purgé des garanties protectrices des salariés pour une "flexibilité" et corvéabilité à merci. Pendant la crise, sans vergogne, d’ailleurs, les travaux continuent : le dimanche est en passe de devenir jour ouvrable. Les salaires et le système de protection sociale ont été passés au rouleau compresseur de la concurrence mondiale, sous un chantage permanent à la fermeture d’entreprises et à leur délocalisation dans des pays où les salaires peuvent être réduits à une bouchée de pain et la protection sociale à rien.
L’École publique a été saccagée, bienveillamment livrée au chaos de la délinquance, par le rejet des règles minimales d’une vie en société, l’administration donnant l’exemple, pour gagner les esprits à une nécessaire privatisation qui remettrait de l’ordre dans le sens libéraliste voulu. L’opération est en cours : au lieu d’y restaurer une vie sociale soumise à une règle commune qui garantisse l’étude pour tous dans les établissements scolaires, on a mis ces derniers en concurrence. Les familles recherchent évidemment des lieux où leurs enfants pourront apprendre et non le bouillon d’inculture qu’illustre désespérément le film Entre les murs.
L’industrie des médias, privée ou déjà privatisée pour une large part – chaînes de télévision, de radio, journaux, maisons d’édition –, est entre les mains des groupes économiques les plus puissants, tant par propriété que par dépendance publicitaire. Ainsi sont-ils assurés que l’information diffusée ne pourra pas leur nuire dans leurs aventures prédatrices : le moindre écart est sanctionné.
Et pour couronner le tout, l’institution judiciaire, chargée par fonction de dire le droit et, ce faisant, de garantir la paix civile, est la première à s’en moquer pour protéger les prédateurs.
Le respect de règles communes, seul fondement de la confiance
Si, au moins, la débâcle financière pouvait rappeler qu’il n’y a pas de confiance possible sans respect de règles communes ! Qu’est-ce qui fait qu’on s’engage serein à cent à l’heure sur la voie de gauche d’une autoroute pour dépasser un autre véhicule, sinon la certitude tirée du Code de la route de n’en rencontrer aucun venant en sens inverse ? Qu’est-ce qui fait qu’on cesse d’acheter telle marque d’huile végétale, sinon le fait que l’on a appris qu’elle était mélangée par des voyous à de l’huile minérale ? Qu’est-ce qui fait enfin qu’on évite d’engager une procédure contre une autorité, sinon la certitude de perdre en justice, fût-ce avec un dossier en béton, puisque « la culture de soumission » des juges au pouvoir l’emporte sur la soumission au droit et à l’équité.
Va-t-on tirer les conséquences de cette dérégulation et remettre le respect de la règle commune au centre des relations sociales ? Les temps s’y prêtent. Les sociétés ne se réforment que sous la contrainte des catastrophes qu’elles provoquent. Entre le carcan policier et totalitaire qui a ruiné des peuples et fait leur malheur, et le « laisser-faire » libéraliste qui en a fait autant au profit de prédateurs cyniques, il reste à retrouver le chemin étroit de la démocratie qui par des règles 1- limite l’exercice du pouvoir ; 2- garantit la formation et l’expression libres de l’opinion du citoyen et ; 3- le protège contre lui-même, ses concitoyens et les pouvoirs par une réciprocité de respect des droits et des devoirs de chacun. Paul Villach
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