La France, sur les traces de « son » Breivik
L'annonce du jour est confondante. Un extrémiste, en France, est entré dans une école pour tuer des enfants et leur père. L'école est une école confessionnelle, juive, située à Toulouse, là où un militaire avait été tué la semaine dernière, juste avant deux autres à Montauban. Visiblement, les trois affaires sont liées, affirment à la fois les policiers et même le président Sarkozy venu étrangement parler de "communauté française" à deux reprises à Toulouse même. On lui laissera ça sur le coup de l'émotion, l'individu, quelles que soient les circonstances, étant incapabable de faire la part des choses, et fonctionnant irrémédiablement au pathos. L'attaque du jour évoque irrésistiblement un tueur de sang froid accomplissant une action élaborée : les personnes (et les enfants !) ont été "ciblées" bien avant. Le type d'action, par sa violence et son caractère organisé, fait obligatoirement penser à une tuerie à la Breivik réalisée par séquences différentes. C'est pourquoi je vous propose de revenir aujourd'hui sur une analyse évoquant le tueur d'Oslo, l'homme aujourd'hui recherché par toutes les polices de France ressemblant à ce qu'on appelle désormais un "loup solitaire", un homme armé qui a décidé de régler à sa façon ses propres problèmes de société. Obligatoirement un extrémiste, comme l'est Breivik.
Ce qui vient de se passer à Toulouse et à Montauban me rappelle étrangement cet épisode, le N°30 de la longue saga sur Breivik, celui où j'exposais le cas de deux tchèques, Hynek Matonoha (ici sans son casque) et le capitaine Jan Cermak, suspendus de leur corps d'amée pour avoir arboré ostensiblement des insignes d'une unité nazie. Tous deux étaient des militaires tchèques, en poste dans le district difficile de Logar, en Afghanistan. Je vous avais fait remarquer le plus affligeant de cette sinistre histoire : "mais il y a pire encore... tout d’abord, à propos d’Hynek Matonoha lui-même, présenté comme étant aussi un déserteur de la légion étrangère française, qui aurait déjà utilisé les mêmes symboles au Kosovo". Un des deux à arborer ces insignes était passé dans nos troupes ! Or le démantèlement d'un groupe néo-nazi à Prague lié à ces militaires avait directement mené à une enquête sur une exaction sans nom : l'incendie d'une petite maison occupée par des roms sédentarisés, qui avait choqué tout le pays avec le cas d'une petite fille brûlée : "une enfant de 2 ans, brûlée à 80%. La petite fille, Natálka, défigurée, s’en était sortie vivante, par miracle, après 8 mois d’opérations successives et l’aide financière apportée par une souscription nationale pour ses soins" vous avais-je alors dit. Des soldats engagés en Afghanistan seraient-ils revenus traumatisés à ce point ? Leur racisme n'aurait-il fait qu'empirer là-bas, au point de les faire disjoncter à leur retourt en métropole ? Ou auraient-ils eu envie là-bas de faire ce qu'un militaire américain frustré de ne pas avoir de promotion assez rapide a fait cette semaine ? Le cas ne pourrait-il pas se produire en France, en ce cas ?
Car ailleurs qu'en Tchéquie, me direz vous, cela peut-il exister ? Et bien oui, et ce n'est guère mieux : aux Etats-Unis, l'extrême droite a infiltré l'armée depuis bien longtemps, on l'a décrit ici. Le comportement de certains soldats, les tortures infligées aux prisonniers, dénotent d"un certain état d'esprit. Un article affligeant de Salon avait clairement posé le problème : James Douglas Ross en était un bon exemple. Membre d'une ligue d'extrême droite prônant la suprématie blanche, il s'était retrouvé officier de renseignement en Irak ! Ne cherchez pas son premier lieu d'affectation, c'est à Fort Bragg bien entendu ! Et ce malgré les documents interdisant ce genre de recrutement ! L'homme a été banni de l'armée pour avoir tenté d'envoyer des armes à ces anciens amis du Nazi National Alliance. Une cache avait été découverte dans ses quartiers... à peine renvoyé dans ses foyers.... il paradait à nouveau à Spokane County avec les insignes de son groupe néo-nazi... Ce n'est pas tout : selon un autre interviewé qui affirmait avoir entendu le Général George Casey à la Forward Operating Base de Tikrit dire qu'il fallait pourchasser "ces bâtards islamistes", et qui concluait par le fait que "c'est une guerre qui plaît aux néo-nazis, car la guerre elle-même est raciste".
Un autre de ces "loups perdus" ("loups solitaires" aux USA) s'appelle Terence Gavan, 39 ans. L'homme avait chez lui un arsenal impressionnant quand la police anglaise est venue l'arrêter. 54 bombes improvisées, dont des bombes à clous et 12 armes à feu. Il était inscrit au BNP, l'équivalent anglais du FN. Chez lui on avait retrouvé une liste de personnes à tuer, dont notamment une femme vue sur une vidéo comme étant la voisine d'un des poseurs de bombe du 7 juillet. L'homme était fasciné par les armes : il possédait en plus de ses fusils un sabre de samouraï, un arc et un pistolet d'alarme. Chez lui, un nombre considérable de bottins... sur lesquels il s'exerçait au tir ! Il a fini par hériter de 11 années de prison.
Officiers dans quels régiment ? A Montauban ? Voilà qui n'est pas pour rassurer du tout, en effet ... A Montauban, dans la caserne décrite par le Canard Enchaîné, on entendra en effet ce témoignage atterrant : « Plusieurs soldats ont des tatouages particulièrement explicites. Sur les casiers, ils placardent des affiches de propagandes nazies », relate Jamel Benserhir, qui poursuivait : « Un soir, mon chef de section, complètement saoul, est monté sur la table et a fait le salut nazi… Devant tout le monde », lâche-t-il passablement écœuré. L'action s'étant alors déroulée lors d'une soirée (arrosée) au Kosovo. La semaine dernière, parmi les soldats tués et achevés par le Breivik français circulant en scooter ou en moto, on dénombrait deux soldats de confession musulmane, a-t-on appris à leur décès ; auraient-il pu être la résultante d'un long cheminement psychologique à la Breivik ? Les trois militaires appartenaient... justement au 17 eme RGP ! Mohamed Legouad, 26 ans, Abel Chenoulf, 24 ans et le guadeloupéen Loïc Lieber, 28 ans, qui a échappé de justesse à la mort (il a été touché à la moelle épinière). Auquel cas, la phrase relevée avant hier comme quoi la BAT à intérêt à éplucher les échanges de mails de ceux affiliés à ce genre de groupe prend tout son sens. Les échanges mails, et l'épluchage de sites comme... le Bon Coin. Car en effet, le premier tué à Toulouse, le maréchal des logis chef Imad Ibn-Ziate, musulman lui aussi était visiblement tombé dans un piège, suite à une annonce dans le « Boncoin » pour vendre sa moto Suzuki 650 cm3 Bandit. Et lui aussi avait servi en Afghanistan. L'homme qui a tiré à Montauban connaissait particulièrement bien la ville, selon les enquêteurs : il s'est échappé par des ruelles peu connues.
Reste néanmoins aussi, il ne faut pas l'ignorer, la piste de l'extrémiste islamiste, comme on a pu voir en Belgique où entre communautés il existe de très fortes tensions, pouvant aller, on l'a vu jusque mort d'homme. Un cas similaire vient de se produire ce week-end en France à la mosquée du quartier des Blancs-Monts à Arras. Mais pour le second cas, on a bien eu affaire à quelqu'un atteint de troubles mentaux, et à chaque fois les actions menées ont été désordonnées, en forme de coup de sang non préparé, ou d'un coup de folie. En ce cas, on aurait affaire à un extrémiste antisémite, qui aurait reproché aux militaires musulmans d'être intervenus en Afghanistan. Cela reste plausible, malgré le fait que la balance penche davantage vers le cas du loup solitaire issu de l'armée pour sa science du timing à exécuter aussi rapidement des personnes ou à chercher à les achever : en banlieue, cela m'étonnerait qu'un jeune armé sache autant organiser pareille opération nécessitant beaucoup d'heures de surveillance, à moins de mettre tout un quartier dans le coup. A Montauban et à Toulouse, la répétitivité exclut de plus le coup de folie subit. Un homme qui s'est muni récemment de son véhicule de prédilection... un puissant scooter Yamaha T-Max.
"Sur les nombreuses vidéos exploitées dans le cadre de l'enquête, le tueur apparaît toujours le visage masqué par son casque, avec des manches longues. Son calme a impressionné les policiers. « Il s'agit d'une personne qui a l'habitude de tirer. À Montauban, il a rechargé son arme automatique. Il ne montre aucun signe de panique », glisse un proche du dossier. Il est déterminé, ne rate pas sa cible, ose tuer en plein jour dans des quartiers fréquentés et laisse peu d'indices derrière lui. Si ce n'est pas un professionnel, il prend de nombreuses précautions, notamment d'effacer toute empreinte ou trace ADN du chargeur de son pistolet automatique, « nettoyé », comme l'a relevé le ministre de l'Intérieur Claude Guéant.« Un pro » résume un policier mais dont le profil, un militaire (?) et les motivations intriguent" enfonce comme clou la Dépêche. Beaucoup d'indices laissent planer l'idée de quelqu'un provenant de l'univers militaire.
A Toulouse, en tout cas, l'islamophobie existe aussi, comme ailleurs, à part qu'elle a pris une tournure singulière en novembre dernier, avec l'arrestation d'un homme de 48 ans ayant profané des tombes musulmanes avec des morceaux de porc. Un militaire, ancien du 8e Régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMA) de Castres, inscrit au FN. "En décembre 2009, quand des pieds de cochon avaient été suspendus à la poignée du portail et des oreilles de porc agrafées sur la porte. Des inscriptions xénophobes et des croix gammées avaient également été retrouvées sur les murs du lieu de culte" note 20 minutes. Car l'enquête se dirige déjà vers ce genre d'individu note le 19 mars la Dépêche : "à ce stade la piste d'un meurtrier issue des rangs de l'armée n'est pas privilégiée, mais les policiers recherchent un tireur expérimenté. « Une série d'éléments font penser que le tireur n'avait pas une arme dans la main pour la première fois. Il y a une connaissance manifeste des armes. Il est habitué à utiliser des armes de ce type. C'est peut-être un ancien militaire, un habitué d'un club de tir ou quelqu'un qui a l'habitude de manipuler des armes ». La vague actuelle d'islamophobie avait oublié que les enfants de la patrie France d'aujourd'hui puissent l'être, musulmans, visiblement. Je n'ai pas entendu parler d'eux chez Riposte Laïque, pourtant si nationaliste, ou au FN, qui possède une bonne partie de ces électeurs chez les admirateurs des militaires. Un oubli qui n'a rien d'extraordinaire ; le racisme a toujours fonctionné avec des facultés d'oublis assez prononcées. De même pour le Bloc Identitaire niçois et son curieux auto-collant réclamant le retour des militaires d'Afghanistan pour "remettre de l'ordre dans les quartiers'... L'homme qui a tiré à Montauban a-t-il tenté d'appliquer le slogan à sa façon ? Ce soir, la France est à la recherche de son "Lone Wolf" ; espérons qu'elle découvrira au plus vite qui il est, et quelles ont été ses motivations.
A l'heure actuelle, beaucoup d'indices laissent envisager que le pays vient de se trouver un Breivik, preuve que ce que j'ai pu expliquer longuement ici à son propos était d'intérêt, tant il avait correspondu avec un nombre important de français, dont plusieurs personnes du FN (et avec Pamella Geller, qui, elle, correspondait avec quelqu'un d'autre, au même moment !). Il ne reste pas beaucoup d'autres orientations possibles, avec aujourd'hui l'annonce de la troisième attaque visant la communauté juive, ce jour. Militaires, musulmans, guadeloupéen, et juifs : les objectifs du Breivik français sont clairement... anti-communautaristes, et fondamentalement racistes. Le profil parfait de l'homme d'extrême droite, ayant eu un passé militiaire, ou passionné de la chose militaire. Ce qui déjà restreint pas mal le champ d'investigation des enquêteurs.
"Dans le cas du tueur de Norvège, Anders Breivik, les experts ont eu l'intelligence de le déclarer fou alors que ce type réclamait un procès."
273 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON