La révolution syrienne à nouveau en marche
A la surprise générale, Alep, la deuxième ville de Syrie, est à nouveau dans les mains des insurgés en Syrie. Sous la direction d'une coalition de groupes rebelles les masses populaires sont à nouveau à l'initiative. Les forces loyalistes tentent de s'opposer à la révolution qui déferle...
Dans un article publié par Médiapart le 30 novembre 2024, on peut lire :
"La ville est d’ailleurs tombée comme un château de cartes, y compris l’antique citadelle mamelouke qui la domine – celle-ci avait été le théâtre d’âpres combats il y a une dizaine d’années entre le régime et la résistance syrienne. La prise de la ville a été si rapide et inattendue que l’on a pu voir, sur le réseau X, un soldat hébété se faire arrêter samedi matin dans la rue, alors qu’il sortait de chez lui pour aller acheter des cigarettes. Il ignorait visiblement que la vieille cité avait été conquise pendant la nuit. La veille, les rebelles n’en contrôlaient que le tiers.
Un couvre-feu a été décrété samedi par les insurgés. Selon divers témoignages, des policiers sont venus d’Idlib et se sont déployés dans Alep pour tranquilliser les habitant·es et leur faire savoir que leur vie et leurs bien seraient protégés.
C’est à l’issue d’une offensive éclair lancée mercredi que les rebelles ont foudroyé l’armée syrienne. Assez peu de combats mais deux voitures-suicides ont néanmoins explosé pour leur permettre de forcer les défenses des forces gouvernementales. Celles-ci ont ensuite très peu résisté, avant de négocier leur reddition.
Même la grande base aérienne d’Abou-Douhour, située entre Alep et Idlib, a été rapidement prise par les insurgés, alors qu’il leur avait fallu près de trois ans de siège, à partir de 2012, pour s’en emparer – elle avait été reprise par le régime en janvier 2018. C’est depuis cet aérodrome militaire que partaient nombre de drones qui, presque quotidiennement, bombardaient l’enclave d’Idlib. Un opérateur russe aurait été fait prisonnier."
La presse réactionnaire internationale donne immédiatement une interprétation conforme à la ligne politique adoptée conjointement par Poutine et l'OTAN lors du sommet de Rome de 2002 du "Conseil OTAN-Russie". La déclaration commune stipulait : "S'appuyant sur l'Acte fondateur et le vaste champ de coopération qu'il définit, le Conseil OTAN-Russie intensifiera les efforts déployés dans la lutte contre le terrorisme, la gestion des crises...". Autant pour Poutine que pour l'OTAN, il fallait lutter désormais contre tout mouvement révolutionnaire, où que ce soit dans le monde, au nom de la lutte contre le terrorisme. Le djihadisme a dès lors été le prétexte privilégié pour que toutes les forces réactionnaires se liguent contre toutes les révolutions.
Poutine était tout particulièrement intéressé par cette orientation puisqu'elle lui donner le feu vert des forces de l'OTAN pour écraser le peuple tchétchène au nom de cette lutte contre le terrorisme-islamique. Dans son allocution, il déclarait :
"Vingt Etats exerçant une influence à l'échelle mondiale ont réalisé qu'ils partageaient les mêmes intérêts essentiels de sécurité dans un contexte international en rapide évolution. Ils se sont suffisamment rendu compte de la nécessité d'arriver à une meilleure compréhension mutuelle et du danger universel des nouvelles menaces. Et avant tout, de la menace liée au terrorisme international"
Poutine enchaînait en donnant deux exemples : l'un permettait aux américains d'envahir l'Irak et l'autre lui permettait de massacrer en Tchétchénie :
"Le 11 septembre de l'année dernière, le terrorisme a fait des milliers de victimes à New York. Et tout récemment, le 9 mai, jour de célébration de la Grande victoire sur le fascisme, les terroristes n'ont épargné ni les femmes, ni les vieillards, ni les enfants dans la ville russe de Kaspiisk. Ils ont violé la mémoire de ceux qui ont apporté au monde la liberté et l'espoir."
Ce pacte essentiel entre Poutine et les divers dirigeants américains n'a jamais été rompu depuis. Poutine a encore bénéficié du "feu vert" des dirigeants américains pour envahir l'Ukraine et tous les évènements qui ont suivi depuis n'ont rien changé de fondamental à ce sujet.
Toute la presse réactionnaire se ligue pour voir dans cette montée révolutionnaire en Syrie une action du "djihadisme". Qu'en est-il en réalité ? Le mouvement n'est nullement impulsé par un groupe mais par une vaste coalition de groupes opposés à Bachar el Assad. Ceux-ci se sont rassemblés dans la province d'Itlib laquelle n'est pas contrôlée par le régime Syrien.
Cette coalition dirigeante se nomme "Hay'at Tahir ab-Sham". Elle est le plus souvent désignée avec le sigle HTS. Elle rassemble au moins six groupes rebelles syriens et le dirigeant Abou Mohammed al-Joulani est parfaitement conscient de l'instrumentalisation du "djihadisme" faite par toutes les forces réactionnaires.
Les titres des vidéos de Youtube montrent qu'encore une fois c'est la même chanson qui est interprétée à l'unisson :
- "Syrie : l'entrée des rebelles islamistes dans Alep"
- Syrie : qui sont ces djihadistes rebelles, auteurs de la prise de contrôle d'Alep ?
- Syrie : après l'offensive à Alep, les djihadistes de retour ?|LCI
- Syrie : Alep de nouveau aux mains des jihadistes ?|LCI
- DAECH EST-IL DE RETOUR ? Alep tombe aux mains des djihadistes !
- Syrie : Des rebelles islamistes lancent une offensive dans la région d'Alep • FRANCE 24
- Offensive éclair en Syrie : Alep aux mains des djihadistes|TF1 INFO
- Offensive éclair des djihadistes en Syrie
- Syrie : les jihadistes avancent vers Alep, bombardée | AFP Images
Je pourrais continuer ainsi longtemps. AFP, TF1, FRANCE 24, LCI... tous sont d'accord : ce sont des djihadistes, des islamistes qui ont attaqué ALEP. Nous entendons déjà les appels à la répression...
Et tous ceux qui s'évertuent à analyser le fonctionnement du monde, avant tout autre considération, comme des oppositions entre des blocs devront bien une fois de plus convenir que, comme en 2002, Poutine et l'OTAN sont d'accord : il faut lutter contre ce terrorisme islamique. Les idiots de l'extrême-droite française expliqueront-ils encore qu'en Syrie, comme ailleurs, c'est "l'Occident" qui s'attaquent aux gentils dictateurs de Syrie, de Russie, d'Iran, de Corée du nord...
Où voient-ils des islamiques et où voient-ils du terrorisme ? Est-ce du terrorisme que de s'emparer d'une ville dans un mouvement révolutionnaire rassemblant à l'évidence la majorité de la population.
Et, à propos de jihadisme, même Wikipédia écrit : "Après avoir formellement coupé tous ses liens avec al-Qaïda, puis changé de nom, le mouvement jihadiste se dissout désormais dans une formation dirigée par des rebelles syriens. Cependant malgré cette fusion, le régime syrien, la Russie et l'Iran continuent de désigner Hayat Tahrir al-Cham sous le nom de Front al-Nostra".
Le HTS est donc une coalition de rebelles syriens. Il a d'ailleurs été rejoint par des groupes de l'Armée Syrienne Libre. Bien évidemment s'il existe des jihadistes leur admission dans le HTS ne leur est pas refusée mais, comme le dit Wikipédia, le mouvement jihadiste se dissout dans HTS. Il ne le dirige pas.
De plus, si le HTS a été a l'initiative, il n'est pas le seul à être engagé dans ce mouvement révolutionnaire. L’opération a été lancée au matin du 28 novembre. Le mouvement a pris très rapidement une ampleur considérable que personne n'avait anticipé. L’État syrien et son armée sont en décomposition ce qui a amené les militaires à décamper et déserter massivement. Beaucoup d'armes sont ainsi passées immédiatement dans les mains des rebelles. De nombreux habitants d’Alep qui avaient été contraints de fuir en 2016 sont revenus en se réclamant de l’ASL (Armée Syrienne Libre). Ils ont investi Alep et ont libéré le centre-ville dans la nuit du 28 au 29 novembre.
Immédiatement les forces réactionnaires coalisées se sont opposées à la révolution. Les bombardements des russes ont repris faisant au moins 18 morts. Les troupes russes sont imbriquées au nord d'Alep avec les FDS (Forces Démocratiques Syriennes) coalition armée formée sous l’égide des États-Unis autour du parti kurde PYD, lié au PKK de Turquie, et à ses milices YPG. Ils ont tenté de reprendre l’aéroport mais ont renoncé. Bachar el Assad est arrivé à Moscou le 28 novembre pour y mettre sa famille à l’abri.
A nouveau, la révolution arabe fait trembler tous les puissants. Le lien avec la résistance palestinienne est évident. Tout le monde se souvient des massacres de l'armée syrienne, épaulée par l'aviation de Poutine, dans les camps de réfugiés palestiniens de Syrie. Désormais syriens et ukrainiens luttent aussi ensemble obligeant l'armée de Poutine à se disperser sur deux fronts. Au même moment, à Tbilissi, capitale de la Géorgie, les manifestants affrontent la police... Telle est la réalité. La lutte des classes est le moteur de l'histoire et la désinformation contre le peuple syrien n'y changera rien. Ce ne sont ni des nazis-ukrainiens ni des terroristes-islamiques qui se mettent en mouvement. Les racontars de Poutine autant que ceux des politiciens de l'UE et des USA sont ridicules. Ils voudraient faire croire qu'Alep a été prise par Daesh ou par de quelconques jihadistes. En fait, ils essaient de préparer, dans tous les pays, l'opinion publique à une massive répression mais ils doivent craindre que cela amène d'autres mobilisations.
Le spectre de la révolution socialiste hante les puissants.
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