La « Sécurité sociale professionnelle » de Ségolène Royal n’est pas celle de Nicolas Sarkozy
La Sécurité sociale professionnelle... Ces termes sont désormais utilisés tant par Nicolas Sarkozy que par Ségolène Royal. Derrière ces mêmes mots ce sont pourtant des conceptions antagonistes des (non)-protections des salariés qui nous sont proposées.
Nicolas Sarkozy
En octobre 2005, alors que le Premier ministre ne cesse de défendre le « modèle social français », Nicolas Sarkozy cherche à s’affirmer sur le terrain social. Lors d’un discours prononcé au Centre de recherche d’Arcelor, à Maizières-lès-Metz (Moselle), Nicolas Sarkozy parle de la Sécurité sociale professionnelle : « Il convient que les protections soient désormais attachées aux salariés et non aux emplois qu’ils occupent. » Le président de l’UMP parle ensuite rarement de la Sécurité sociale professionnelle. Il privilégie la nécessité d’une « plus grande flexibilité dans l’emploi » et la défense du « contrat unique ». Depuis, Nicolas Sarkozy a changé... Il visite les usines, s’adresse à « la France qui souffre » et à « ceux qui se lèvent tôt », ses nouvelles références sont Jaurès et Blum... Dans ce nouveau contexte, la Sécurité sociale professionnelle fait son retour lors du discours de Saint-Etienne, le 9 novembre dernier : « Ma conception de la Sécurité sociale professionnelle, c’est aussi une plus grande exigence dans la préservation de l’équilibre entre les droits et les devoirs. Toute personne au chômage qui satisfera à l’obligation dûment vérifiée d’une recherche active d’un emploi verra ses droits à indemnisation préservés. Je propose que pour les bas salaires, ces droits ne puissent être inférieurs à leurs salaires antérieurs. Mais en cas de manquement à cette obligation, par exemple en cas de refus d’un emploi correspondant aux qualifications de la personne ces droits devront être réduits. En cas de refus répétés, ils devront être supprimés. Il est temps de parler vrai. La solidarité c’est pour aider ceux qui veulent s’en sortir, pas pour protéger ceux qui ne font rien. »
La Sécurité sociale professionnelle version Sarkozy serait donc une « plus grande exigence dans la préservation de l’équilibre entre les droits et les devoirs »... Côté devoirs, on voit... Côté droits, c’est beaucoup moins clair ! Le contrat unique serait accompagné de « droits sociaux qui augmenteraient en fonction de l’ancienneté de l’employé ». Cette histoire de droits progressifs est un mirage. Nombre de salariés « flexibilisés », c’est-à-dire encore plus précarisés qu’aujourd’hui, auront bien du mal à voir leurs droits progresser dans un tel système. Ceux qui vont aujourd’hui de contrat précaire en contrat précaire avec des périodes de chômage entre les contrats iront demain de contrat unique en contrat unique avec toujours des périodes de chômage entre les différents contrats. En définitive, la situation des salariés concernés ne sera pas substantiellement modifiée. Le contrat unique, c’est moins de droits pour les salariés. On est là bien loin du renforcement des protections du travailleur.
La flexibilité... Le chômage de masse place les entreprises en position de force sur le marché du travail. Dans ce contexte, ce n’est pas un hasard si ce sont les moins qualifiés, ceux que l’on peut le plus facilement remplacer, qui ont les emplois les plus précaires. De plus, il n’est aucunement démontré que les entreprises ont besoin de plus de flexibilité pour résister à la concurrence internationale. Ne serait-ce pas d’ailleurs la stabilité et la sécurité du salarié qui favoriseraient sa productivité ? Tout cela pour dire que le développement de la flexibilité prôné par Nicolas Sarkozy va, lui aussi, à l’encontre de la sécurisation des parcours professionnels.
Enfin, quand Nicolas Sarkozy parle de Sécurité sociale professionnelle, il ne dit jamais rien des questions essentielles qui pourraient donner un contenu crédible à cette expression. La sécurisation des parcours professionnels interroge, entre autres, les dispositifs de formation et la qualification des salariés ; elle implique aussi un haut niveau de prélèvements obligatoires tel qu’il existe déjà dans plusieurs pays scandinaves. Ce dernier aspect est totalement éludé par Nicolas Sarkozy.
Ségolène Royal et le projet socialiste
Du côté de la candidate socialiste, dans son pacte présidentiel présenté ce dimanche, le concept de sécurité sociale professionnelle est précisément défini. Sa mise en place, garantie par l’Etat, doit permettre à chaque personne privée d’emploi de se voir proposer par les pouvoirs publics un contrat de droits et devoirs comportant :
- une rémunération, pendant un an, égale à 90 % du dernier salaire net perçu
- une formation qualifiante
- une aide personnalisée à la recherche d’emploi qui serait assurée par le service public de l’emploi.
Dans le projet socialiste, c’est la création d’une « couverture professionnelle universelle » qui est déclinée : « Nous le ferons avec les partenaires sociaux dans une grande négociation sur la Couverture professionnelle universelle (CPU). Elle assurera les trois éléments majeurs du travail : l’emploi, une garantie de ressources et la promotion professionnelle. Dans ce cadre, nous créerons un droit individuel à la formation tout au long de la vie d’autant plus élevé que la formation initiale aura été courte. Il prendra la forme d’une carte vitale professionnelle. Nous unifierons les droits des demandeurs d’emplois : une garantie de ressources de base, ouverte à tous les actifs privés d’emploi et financée par la solidarité nationale et un régime complémentaire, proportionnel au dernier salaire ; l’Unedic, géré par les partenaires sociaux. Chaque demandeur d’emploi bénéficiera d’un accompagnement individualisé dans un dispositif comportant un bilan, la formation professionnelle et un référent unique. Nous lancerons une négociation pour aller vers un service public de l’emploi unifié mettant en synergie les différents acteurs de la politique de l’emploi, notamment les régions qui sont l’échelon pertinent pour définir les orientations et les objectifs de la politique de formation. »
A l’heure où la remise en cause de la notion de carrière est une donnée (il est certain que de moins en moins de salariés font et feront une carrière linéaire au sein de la même entreprise), il y a une responsabilité collective à garantir à chacun un revenu et une activité (emploi ou formation) tout au long de sa vie professionnelle. Les carrières « normales » deviendront une succession de périodes de travail et de périodes d’apprentissage de nouveaux savoirs. Les premières périodes doivent évidemment être payées par les employeurs. Les secondes doivent être financées par la collectivité. C’est pourquoi l’expression Sécurité sociale professionnelle est particulièrement bien appropriée. La construction de ce dispositif relève sans aucun doute d’une rare complexité. L’enjeu est essentiel : lutter enfin efficacement contre le chômage de masse tout en satisfaisant les besoins des entreprises et, évidemment, les salariés. Le mérite du projet socialiste, même s’il est loin de répondre à nombre de questions et notamment à celle du financement du dispositif, est de commencer à appréhender sérieusement la complexité de la Sécurité sociale professionnelle.
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