Le capitaliste prévoyant
Il est majoritairement accepté que l’égoïsme soit la qualité par excellence du capitaliste. Cependant, par une réflexion méthodologique, et par une approche systémique à l’échelle planétaire, il semblerait qu’à long terme cet égoïsme pourrait s’avérer bénéfique pour l’avenir de la planète et des générations futures.
Il convient de préciser de l’emblée qu’une telle perspective n’était pas envisageable à l’époque de Marx, ou encore à l’époque de Keynes. A l’époque de Marx la planète comptait à peine un milliard d’individus, et donc le rapport population/ressources naturelles était largement en faveur des ressources. De même à l’époque de Keynes, la planète comptait moins de trois milliards. Ce qui fait que dans les deux cas une meilleure redistribution des richesses était possible et souhaitable. Néanmoins, de nos jours, les choses sont plus complexes, car l’humanité dénombre sept milliards d’individus, pour une même planète qui n’a pas augmenté en taille, ou en quantité de ressources naturelles.
Evidemment, à l’encontre de notre pensée, de nombreuses voix se lèvent affirmant qu’il est toujours possible d’opérer une meilleure redistribution des richesses, voire même une allocation universelle à l’échelle planétaire. En effet, mais seulement dans une perspective purement théorique, ou plutôt mathématique, car dans la triste réalité ce sentier est une pure illusion. Il suffit de scruter les dernières sept décennies, pour constater que malgré les efforts consentis par les forces démocrates et par les Nations Unies, les inégalités socio-matérielles se sont accrues, tout à la fois à l’intérieur de chaque pays, qu’au niveau international.
Parmi les facteurs qui pourraient expliquer cette situation, il y a tout d’abord la corruption de certains dirigeants politiques, ainsi que de certains fonctionnaires d’état (tout pays compris, notamment les pays moins avancés, PAM). Il y a ensuite la raréfaction des ressources planétaires, dans un contexte d’explosion démographique, ce qui a porté sur une rude compétition autour de ressources disponibles, d’où les divers conflits politico-militaires à travers la planète. Il y a enfin, et surtout, la stratégie du capitaliste, dit-on égoïste, d’empêcher par tous les moyens la redistribution des richesses vers les catégories et les pays moins avancés.
Néanmoins, et à l’encontre de tout savoir de sens commun, il se pourrait que cette attitude inhumaine, méchante et égoïste de la part d’une poignée de riches, soit bénéfique pour l’avenir de la planète et pour les générations futures.
Notons à ce propos, que la perspective keynésienne d’une meilleure redistribution des richesses, traduite par une augmentation des revenus, est efficace de nos jours seulement à l’échelle régionale. Cependant, à l’échelle planétaire l’effectivité de cette politique économique finira par étouffer la planète. Car certes, l’augmentation des revenus stimulera la demande, donc la consommation et implicitement la production et la réduction du taux de chômage, mais pour satisfaire cette demande il nous faudra 5 à 6 planètes équivalentes à la terre.
Rappelons à ce titre, qu’en 2008 l’humanité avait consommé largement plus que la planète a pu produire pendant cette année-là. Selon le WWF, l'empreinte écologique de l'humanité en 2008 a été de 17,5 milliards d'hectares globaux, tandis que la biocapacité de la Terre est seulement de 13,7 milliards hag. Il a fallu donc à la Terre une année et quatre mois pour régénérer ce que l'humanité avait consommé cette année-là.
Or, en dépit de tous ses défauts, le capitaliste a la grande qualité d’être économe et rigoureux en termes de rationalisation et optimisation des ressources disponibles. Max Weber l’avait précisé déjà au 19ème siècle, « le capitaliste est hanté par l’esprit de l’épargne et par la rentabilisation des ressources », et cela n’a pas changé de nos jours. Dès lors, il semblerait qu’il avait profité de la crise des subprimes, pour imposer une politique d’austérité afin de ralentir la production dans les pays en voie de développement, et donc ralentir la consommation des ressources planétaires.
Cela explique que depuis la crise de 2008, le détenteur du capital est devenu beaucoup plus réticent lorsqu’il il s’agit de financer les projets de développement des pays moins avancés. Mêmes les pays émergeants subissent cette politique d’austérité de la part des Banques, dont les dirigeants ont remarqué qu’en finançant les projets de développement et de croissance économique dans tous les pays du monde, cela conduira inévitablement vers un blocage en termes de ressources naturelles, car ces investissements n’ont pas fait l’objet d’une optimale rationalisation.
Si cette nouvelle position prise par le monde capitaliste est très critiquée à juste raison, force est de reconnaître qu’elle a toutefois le mérite d’avoir arrêté les quelques « dérives » produites avant la crise de 2008.
Rappelons à ce titre, que depuis la chute du mur de Berlin, l’économie mondiale a connu un rebondissement grâce notamment à l’augmentation des échanges socio-économiques suite à la création de l’OMC. En parallèle, tout à la fois la construction européenne et la mondialisation économico-financière ont facilité les crédits et ont augmenté les investissements. Or, cette politique de relance a engendré de nouveaux capitalistes, particulièrement dans les pays émergents, qui n’ont pas fait preuve d’une véritable rationalisation et optimisation des ressources.
Si on prend les cas de l’Espagne par exemple, on constate que les investissements (dont la plupart européens) n’ont pas été utilisés de manière rigoureuse et rentable. D’une part, les infrastructures construites sont largement supérieures à la demande, d’où l’immensité de villes-fantômes, et les dizaines d’aéroports jamais fréquentés. D’autre part, les promoteurs immobiliers espagnols, dit-on « nouveaux capitalistes », ont fait venir travailler des étrangers, grâce à l’appui bienveillant de certains hommes politiques. Notons à ce propos, qu’entre 2002 et 2007 environ trois millions de roumains et deux millions de marocains ont rejoint le marché immobilier espagnol.
Cet exemple constitue une de grandes dérives de la politique européenne de relance. D’abord en termes d’optimisation des ressources humaines dans l’espace européen, sachant que le nombre de chômeurs espagnols était quand-même de 6,5 en 2007, ce qui signifie que le pays n’avait pas besoin d’autant d’étrangers, tandis qu’en Roumanie, le gouvernement a fait appel à son tour à des étrangers (chinois, pakistanais et moldaves) pour remplacer ceux qui sont partis pour Espagne. Ensuite en termes d’optimisation des ressources naturelles, sachant que ce boom immobilier espagnol a puisé dans les ressources planétaires sans aucune efficacité.
Depuis des siècles les capitalistes occidentaux ont agi selon une logique de rentabilisation des moyens, en les adaptant aux nécessités, c’est-à-dire relier l’offre à la demande. En Espagne les « apprentis capitalistes », ont avancé l’offre sans tenir compte de la demande. De même, les occidentaux ont toujours synchronisé l’investissement et la production, en investissant également dans les recherches d’ordre scientifique et technologique (R§D) afin de favoriser la production. Or, en Espagne, on a investi massivement dans une infrastructure qui n’a pas amélioré la production. Dès lors, la crise de 2008 a permis d’une manière directe ou indirecte d’estomper la dérive de ces nouveaux capitalistes.
Un autre exemple éloquent le constitue la Chine. A l’encontre de toutes les opinions qui soutiennent et admirent la croissance économique chinoise (vue comme un facteur positif pour l’économie mondiale) force est de l’affirmer que la production chinoise est très nuisible et contreproductive.
Il n’est pas un secret le fait que les produits chinois sont de mauvaise qualité, en termes de viabilité et de fiabilité. D’une part, la durée de vie d’un produit chinois est inférieure de trois, quatre, voire plus, que celle d’un produit occidental. D’autre part, la fabrication d’un produit chinois est plus couteuse en ressources naturelles que son équivalent occidental, car l’industrie et les technologies chinoises sont plus gourmandes en énergie. Ce qui fait que la production occidentale est préférable à la production asiatique, car à long terme elle est moins consommatrice en ressources naturelles.
En outre, notons que l’avènement économique de la Chine n’a pas produit des effets bénéfiques sur le plan social, car les inégalités sociales se sont accrues, tandis que la qualité de vie a plutôt baissé en raison de la pollution. Tout au contraire, cet avènement a créé de nouveaux capitalistes, dont les actions, tant en termes de rentabilisation des ressources, qu’en termes de rapports sociaux, sont peu orthodoxes, (notamment en Afrique où les investisseurs chinois se comportent en véritables spoliateurs). Dès lors, à multiples égards et à long terme, la crise économique mondiale qui a fait chuter la croissance économique chinoise semblerait plutôt bénéfique.
On peut citer comme exemple de dérive, également l’Inde, où les autorités se sont lancées dans des projets pharaoniques de construction d’autoroutes, dont jusqu’à présent les ressources consommées sont indirectement proportionnelles aux résultats obtenus.
De même, on peut citer Brésil, Russie, Indonésie, ainsi que certains pays d’Afrique, où les nouveaux capitalistes (formés soit suite à la spéculation, à la corruption ou au détournement de fonds) ont fait en seulement quelques années davantage de dégâts à l’environnement et de préjudices à leurs propres concitoyens, que le capitaliste occidental n’avait pas fait en trois siècles.
En somme, déclenchée intentionnellement ou non, la crise économique de 2008 a permis d’arrêter, ou du moins d’atténuer, les dérives des « capitalistes apprentis » dont les conséquences sur l’avenir de la planète et des générations futures sont de loin plus néfastes, que celles générées par les capitalistes traditionnels occidentaux. Il revient à dire que le capitaliste occidental est prévoyant, car en bloquant l’argent sur son compte, il évite indirectement l’émergence de nouveaux capitalistes, qui, comme on vient de le voir, sont encore plus dangereux que le capitaliste traditionnel. Egoïste, certes, mais toutefois prudent et prévoyant pour les générations futures, même si cela serait fait inconsciemment.
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