Le danger LFI et bien au-delà
Cahier de doléances de ceux qui ne veulent changer que ce qui permet de garantir et maintenir leurs avantages acquis ainsi que leurs futures conquêtes. Lecture pour ceux qui les écoutent et aussi ceux qui à leurs dépens croient les combattre.

Introspection préalable ou commérage, comme vous voulez.
Bien sûr des boucliers vont se lever contre le procédé utilisé ici. Personne ne peut prétendre posséder la vérité. C’est vrai mais si nous parvenons à en débroussailler et assimiler quelques dimensions et en parler dans la cacophonie devenue rituelle de notre kermesse électorale quinquennale, ce sera déjà un bon pas de fait. Parce que, pourquoi faut-il que soyons réduits systématiquement maintenant à des élections qui ont comme écrin toute cette comédie de sondages, d’outrances, de thèmes baroques montés comme des produits d’appel par des chauffeurs de salle, des duels d’opérette entre des gens qui soigneusement évitent de parler du fond des politiques publiques menées, des décisions qui ont été prises, des effets constatés ainsi que des responsabilités de ceux qui les ont menées. Qui pour la plupart sont là juste pour préparer le coup d’après en biaisant d’emblée la compréhension des primo électeurs et de ceux qui croient encore à leur bonne volonté de candidats.
Ces derniers semblent à l’approche du renouvellement d’un mandat brusquement devenir visionnaires et trouver des solutions qu’ils semblaient ignorer les semaines précédentes, comme saisis d’une révélation qui ne manque pas de nous impressionner grâce à l’encouragement des médias qui raffolent de participer à la fête dont nous serions amateurs. Nous par contre, nous nous retrouvons sommés au non du civisme et de la responsabilité de voter sur des promesses qui visiblement pas plus que la dernière fois n’engagent ceux qui les tiennent et nous sommes pour ce faire informés en continu de ce que nous pensons grâce aux nouveaux oracles de la sonde qui nous fournissent en même temps que les mots qui l’expriment ce que disent ceux qui, débités en pourcentage, nous ressembleraient. On peut comprendre qu’alors certains d’entre nous s’avancent vers l’urne la main tremblante voire même font demi-tour. Où est donc le loup dans cette histoire selon la formule consacrée ? Place donc à la comédie et aux Cahiers de doléances de ceux qui nous gouvernent.
Ne jouons pas avec le feu.
Attention à ces fous dangereux de LFI maintenant Union Populaire par-dessus le marché, qui nous font courir le risque de mettre en place et développer des processus démocratiques dans lesquels l’ensemble de nos concitoyens pourront intervenir. Mettre en place de réels contre-pouvoirs tout en évaluant leur efficacité, faire des propositions dont il faudra tenir compte. Quelle prétention irresponsable mais surtout dangereuse. Si chacun se met à réfléchir, à rechercher et disposer d’une information correcte et pertinente, à en discuter avec son voisin en dehors des cadres balisés par nos journaux papier, électroniques ou radiotélévisés, c’en sera fini pour nos politiques de leur entre-soi si pratique, de leurs petits arrangements tactiques, du chacun son tour, des astuces électorales qui permettent d’éviter les mauvaises surprises tout en redistribuant à l’occasion les chances aux seuls joueurs raisonnables et fréquentables. Prenons garde, une masse critique de citoyens bien conscientisés et gare à la contagion. Si les gens commencent à prendre conscience que c’est l’intelligence collective qui est au fondement des progrès technologiques, économiques et sociaux, et qu’ils se mettent en tête d’expérimenter des processus authentiquement démocratiques, c’en sera fini de beaucoup de paravents à l’abri desquels nous influençons le cours et la destinée des sociétés à notre avantage.
S'attaquer à la démocratie libérale et représentative, cela doit être présenté comme un blasphème républicain et un danger. Cela nécessite le recours à une stratégie et à la mise en œuvre d’un véritable champ de mines. Il s’agit de ne surtout pas se laisser entraîner à discuter du fond. Il s’agit avant tout à chaque occasion de sans cesse tenter de diviser les hommes, les disqualifier, les diaboliser eux et leurs idées afin d’éviter l’examen rationnel et méthodique de leurs propositions. Il s’agit de les présenter comme un empilement utopique, démagogique voire dangereux sinon nous serons amenés à devoir expliquer nos résultats, les justifier et au bout du compte, acculés, dévoiler nos réelles intentions. Il y a de quoi exploser une campagne électorale. Ne jouons pas avec le feu.
Une prise de conscience cherche les voies d’un rassemblement qu’elle finira par trouver.
Il faut prendre tout cela au sérieux parce que tout a eu un début. Le nez dessus, nous pouvons sous-estimer un moment historique en gestation et nous faire marginaliser. Si nos concitoyens se mettent à vouloir sérieusement s’impliquer dans des nouveaux processus démocratiques de base, prenons garde à l’effet cliquet et à la difficulté ensuite d’un retour en arrière. Plus que les cercles vicieux, craignons les cercles vertueux ainsi induits. Une meilleure représentation du pays et en réponse aux aspirations démocratiques des processus collectifs du niveau local au niveau national générant des démarches d’analyse, de diagnostics partagés, de propositions pour le choix et la mise en place de politiques publiques. L’organisation de réels débats consultatifs et contradictoires concernant les priorités économiques, le partage des fruits du travail et de la productivité, l’organisation de la vie publique et de la vie civique. Et c’en sera fini du dialogue social à l’ancienne où quoiqu’il arrive nous réussissions toujours à imposer ce qui était prévu du premier coup ou par paliers avec au besoin la menace de l’UE.
La manne que représente par exemple la privatisation rampante des retraites comme ressource supplémentaire pour les flux de la finance nous échappera. Le chantage à la dette publique ne sera plus possible. A chaque acte de consommation, du plus pauvre au plus riche, nous payons la même taxe en pourcentage qui au bout du compte représente près de 40% des recettes fiscales du pays (16% pour l’impôt sur les sociétés ce qui est inespéré) où nous puisons encore ensuite au nom de la compétitivité tout en mettant cela au compte de la redistribution que nous dénonçons comme excessive. Une telle martingale qui ne tient que par l’ignorance du plus grand nombre ne sera plus possible. Gageons que la souplesse comptable que permet la fraude fiscale sera cette fois-ci sérieusement combattue (environ 80 milliards au bas mot quand même) ainsi que le doux euphémisme que nous nommons optimisation. C’en sera fini du bouclier de l’UE qui nous a si bien protégé et derrière lequel nous nous sommes si souvent abrités pour ne pas dire cachés."Bruxelles" comme le reprenaient en cœur nos médias, tour à tour présenté comme bouc émissaire ou médication rude mais salutaire et incontournable. Coup de maître et panacée dont nous avons si bien profitée et avec quel brio même s’il a fallu prendre le risque de contourner des référendums.
Il ne s’agit pas de flancher en chemin, la France est le dernier gros bastion consistant qui résiste encore. Nous sommes ici arrivés à un jeu de quitte ou double délicat. Nous avons bien entamé le verrouillage démocratique auquel beaucoup de gens se sont déjà pliés mais nous ne sommes pas à l’abri d’une maladresse et surtout d’une prise de conscience qui se traduirait en revendication et actes. Les gens ont bien compris qu’en fait les traités se modifient malgré toutes nos dénégations passées. Cette prise de conscience en dépit du voile des médias est en fait déjà là et cherche les voies d’un rassemblement qu’elle finira par trouver rapidement si nous n’y prenons pas garde en nous souvenant de la rapidité des changements de ces trente dernières années.
Toutes nos rentes seraient progressivement remises en cause.
C’en serait fini des dogmes et des habitudes qui protègent les hiérarchies d’avoir à rendre des comptes précis et d’assumer leurs responsabilités si nous laissons se développer la pratique et l’envie de regarder de près la géographie des possibles, de recourir et participer à des séquences de travail et réflexion scandés par l’appropriation d’informations préalables, des débats contradictoires suivis de l’élaboration de processus de décision et d’arbitrages par exemple. Attention il ne faut surtout pas laisser s’installer l’idée d’une reprise en main décisive de l’économique par le politique qui plus est dans un processus d’approfondissement et de participation démocratique.
Nous serions alors ramenés à notre contribution économique réelle dans les chaînes de valeur et la juste réalité de notre utilité sociale mettant fin à l’opacité des marges prises, à la difficulté de justifier certains intermédiaires et leurs rémunérations, la réalité crue des circuits fiscaux. À la domination de la finance et sa recherche de rentabilité rapide sur les arbitrages économiques. Tout une partie de notre lobbying économique et politique s’effondrerait. Qui veut un retour à la planification et des comptes à rendre sur l’usage fait de l’argent public reçu ?
Toutes nos rentes de situation acquises par le fonctionnement de l’UE et leur sanctuarisation seraient progressivement remises en cause. Nous devons garder la main sur l’évolution de l’UE en lâchant du lest au besoin dans les moments de tension. Tout en continuant d’affaiblir les états et en créant progressivement une nouvelle mémoire collective en changeant les repères juridiques et historiques. Le soft power comme on dit qui a si bien réussi pour les Etats-Unis. La situation est déjà bien avancée mais la résistance se durcit au regard des promesses faites et des résultats obtenus en même temps que, il faut bien l’avouer, la prise de conscience d’une impuissance démocratique pour les citoyens. Fini aussi l’avantage psychologique, sociologique et pratique inespéré que nous avons acquis contre un peu de gratuité et beaucoup de publicité en dépouillant nos clients finaux d'une partie de leur vie privée et de leurs données.
C’est nous-mêmes qui éveillons la compréhension de nos concitoyens.
C’en serait fini de cette performance de réussir à faire voter contre leurs intérêts les plus modestes de nos concitoyens et la classe moyenne dont nous nous sommes si souvent joués. Masquer la préservation du fonctionnement du CAC 40 dopé à la mondialisation, boosté par une financiarisation de l’économie très peu encadrée, servi par la libre circulation des marchandises produites par des salariés mis en concurrence et par un prélèvement accru sur les ressources fiscales globales des pays en assurant le lancement et la promotion de la candidature d’un "arbitre-réformateur" ou selon l’angle donné d’ "un disrupteur-conservateur" ne sera plus possible et la combine électorale sera déjouée. Favoriser la promotion puis provoquer l’élimination électorale de l’extrême droite qui suscite par réflexe la démobilisation d’une partie des électeurs au premier tour, cette astuce médiatique et le jeu à trois bandes, Islam-Immigration-Insécurité sont en train de se détraquer à force d’avoir été trop joué. Zemmour grisé qui devait servir d’appui et de soutien ne pouvant s’empêcher de parler à tort et à travers et d’en faire trop a fini par fabriquer une sorte de sainte trinité baroque qui met à nu l’artificialité et la fragilité de ce qui apparaît maintenant comme une incantation sans débouchés opérationnels. Prenons garde, c’est nous-mêmes et ceux que nous soutenons politiquement qui éveillent la compréhension de nos concitoyens en tentant de leur faire croire avec trop d’insistance que leurs problèmes et les solutions pour le pays tiennent dans ce hochet à trois boules dont nous nous sommes déjà tant servi sans rien faire de sérieux et conséquent après. Le double langage a ses limites. Comme aurait dit Bourvil avec son bon sens populaire" forcément, cela marche moins bien maintenant."
Et pourtant, il est vital pour nous dans le contexte actuel qu’un nombre conséquent des plus modestes de nos concitoyens continuent de croire la bouche en cœur et les yeux écarquillés au moins le temps d’une campagne électorale que leur sort dépend de ce que nos politiques promettent et ne font pas bien sûr car depuis quand pourrait-on se faire élire en expliquant réellement où sont nos véritables intérêts et les leurs. Passons. Tout cela est très compliqué aussi parce que nous avons besoin d’un quota significatif de voix de la classe moyenne qui elle aussi est destinée à servir de variable d’ajustement fiscal sans fin pour financer et apaiser ceux que nous avons laissé tomber dans la précarité. Nous permettant ainsi de préserver nos patrimoines et revenus et le pouvoir d’influence qui va avec ainsi que leur progression au nom de l’efficacité économique, de l’ investissement, de l’innovation, de la disruption , de la réforme et tutti quanti.
Réussir cette manip à tous les coups nécessite la naïveté, la confiance, le manque de compréhension, une colère et une indignation qui se trompent de cible de la part des plus modestes d’entre nous et bien sûr un sérieux barnum médiatique. Cela nécessite aussi d’associer à l’idée d’un changement radical la peur d’un bouleversement dangereux dont nous serions le rempart. C’est délicat à manier si on regarde ce qui est quand même notre passif et cela présuppose aussi les attitudes déjà citées de la part de nos concitoyens et qu’ils ne comprennent pas l’effet de la multiplication des candidatures qui conduit à les disperser. Ce qui évidemment nous arrange. Mais tout cela va de moins en moins de soi.
Le doute s’installe
Nous avons bien fait de prendre le contrôle des médias mais là aussi le doute s’installe, la propagande flagrante ou dissimulée commence à flancher et à en dire plus sur nos réelles intentions et méthodes qu’à installer les représentations qui nous arrangent. L’aplomb, le culot, l’expert prétendu neutre et objectif, l’éditorialiste (qui a malheureusement perdu son sang-froid devant les gilets jaunes et il n’était pas seul) qui dit ce qu’il faut penser et croire, la répétition sous des formes différentes par des intervenants multiples ne suffisent plus. L’emprise à la Rupert Murdoch secrète des anticorps. Pas sûr que le sourire et la mondanité taquine de Karine Le Marchand ou la roublardise de Hanouna suffisent à masquer l’entreprise de dissolution de ce qui reste de sens civique chez nos concitoyens. Même les sondages sont de plus en plus déjoués. Nos concitoyens développent la prétention maintenant de penser par eux-mêmes et ont de moins en moins envie de faire un petit tour dans le train des sondeurs qui c’est vrai ont tendance à leur suggérer les stations et la destination sans jamais vraiment justifier les déraillements. À tous les coups, il sera question de remettre en cause la concentration des médias dont nous avons tant besoin.
Au fond, nous avons du en faire beaucoup trop. En promesses non tenues, en prise de contrôle brutal et tabloïdalisation des médias, en propagande et publicité simplistes, en déficit de respect concernant la vie au travail, la gestion des emplois, la démocratie tout simplement, civique, sociale, politique. Et surtout en gourmandise concernant le partage des fruits du travail, des gains de productivité, en appétit pour l’argent public qui nous a été généreusement servi, pour la possession/dépossession du patrimoine national et privé.
On dirait que l’heure de la tortue est en train d’arriver.
C’est un peu comme la fable du lièvre et de la tortue. Nous sommes le lièvre sûr de lui et conscient de ses atouts qui a toujours eu une longueur d’avance dans les réformes économiques et sociales, les réformes politiques, l’accaparement des richesses produites et leur concentration sans oublier celles du patrimoine public. Au dépens des plus modestes puis de la classe moyenne qui, tous ayant cru un temps nos promesses même si nous avons du à l’occasion forcer les mains, ont eu droit au bout du compte à une gueule de bois progressive tout au long de cette course en avant que nous avons si bien menée avec tant d’enthousiasme et récompenses. On dirait que l’heure de la tortue est en train d’arriver. Elle qui dans sa situation ne peut compter que sur sa lucidité (qu’elle paye au prix fort) et son opiniâtreté pour pouvoir compter à l’arrivée.
Il y a des vérités qui ne sont pas bonnes à dire.
Comme chacun sait, il y a des vérités qui ne sont pas bonnes à dire. Tout le monde sait et admet que la répartition du travail fondée sur des différences de formation, sur des compétences, des savoirs-faire, des responsabilités plus ou moins intenses et importantes engendrent des différences de statut et de rémunérations. Mais qu’en réalité nous en sommes arrivés à une accumulation de patrimoine et des écarts de rémunérations difficilement explicables encore renforcés par des règles fiscales qui coulent toujours vers les mêmes pentes. Cela devient trop visible et donc injustifiable au niveau des personnes et bien sûr apparaît comme contre-productif au niveau collectif. Recourir au chômage de masse permanent pour contenir les salaires et tenir en respect la dynamique revendicative n’a qu’un temps. Mettre en concurrence les salariés au sein de la même unité économique, qui plus est en autorisant la concurrence fiscale d’un pays à l’autre au nom de la liberté était socialement et politiquement risqué. A l’approche d’élections, promettre des évolutions que l’on disait impossibles et irresponsables hier encore ressemble aujourd’hui plus à un aveu d’opportunisme et de cynisme qu’à un engagement crédible tout en validant les critiques qui nous sont faites.
L’effet n’est pas immédiat et aurons-nous le temps ?
Pas sûr que le contrôle du discours dominant dans les médias par celui de la carrière des journalistes qui n’arrivent pas ou n’ont pas toujours envie de procurer le zèle attendu, associé à la énième inflation des rhétoriques argumentaires de nos politiques en décalage avec les réalités vécues et usés par la répétition des mêmes procédés suffisent à éternellement donner le change. Contenir la montée des savoirs et la dynamique d’une ascension sociale et culturelle, l’émancipation par l’accès à une pensée autonome, la compréhension de ce que sont un héritage culturel et une intelligence collective par une privatisation rampante des systèmes de formation initiale et continue est par contre une idée intéressante. Qui rencontre en fait peu de résistance parce que les élèves, les étudiants, les professionnels n’ont pas vraiment le temps de prendre du recul et de s’en apercevoir pas plus que les parents. Et c’est d’autant plus vrai que l’on est plus démuni dans la vie au départ.
Substituer en douce le mérite et la promotion de quelques-uns à la nécessité de répartir équitablement les moyens est une bonne opération qui accompagne avantageusement la réforme des structures en cours. Les enseignants étant entretenus eux dans une double contrainte impossible à résoudre. Instruire et éduquer en promouvant des valeurs que le monde médiatico-politique et économique transgresse en permanence tout en critiquant par ailleurs l’inefficacité du système éducatif. Cela concerne l’ensemble des services publics mais est particulièrement stratégique ici où se font la transmission et la socialisation autour de l’appropriation des savoirs et des valeurs. Tout cela est au fond beaucoup moins difficile à faire qu’on aurait pu le croire. Mais pas à l’abri de brusques montées en tension. Nos médias, le poids et l’influence que nous avons dans les réseaux sociaux par le biais d’informations orientées, la promotion du modèle de l’individualisme, la consommation fébrile, l’archipellisation des valeurs qui se neutralisent, tout cela renforce en fait les structures profondes du système et est assez efficace pour rendre acceptables ces contradictions. C’est important et nécessaire mais l’effet n’est pas immédiat et aurons-nous le temps ?
On n’a jamais vu 10 ânes se partager civilement 5 carottes dans la même écurie.
Comme on dit, socialiser les pertes et privatiser les profits, c’est bien et efficace mais cela finit par se voir. Surtout lorsque les gens, au départ mi-confiants, espérant s’en sortir mieux que le voisin constatent les effets sur leur vie quotidienne, la sécurité de leurs empois et la dégradation du sentiment d’utilité sociale qui les porte. Devoir payer plus cher pour le même service devenu privé, moins accessible à l’occasion et pour ce qui est maintenu au nom du service public, obtenir une prestation moindre, moins accessible le plus souvent, comment pourraient-ils ne pas s’en apercevoir même si, heureusement pour nous, il y a toujours un temps de retard.
Les plus conscients d’entre nous voient bien qu’il va falloir s’arrêter ou s’amender sérieusement avant que la situation ne se retourne contre nous mais ce n’est pas facile. Parce que nous sommes par principe en concurrence entre nous pour nous approprier la meilleure part possible de tout ce qui peut rapporter et se vendre. C’est le moteur du système mais aussi la drogue qui va avec, le pouvoir de décider et de dominer qui nous porte et nous emporte. Nous avons poussé le jeu au niveau international parce que c’est le niveau maintenant de nos appétits et celui de nos homologues.Mais on n’a jamais vu 10 ânes se partager civilement 5 carottes à l’amiable sans retourner toute l’écurie qui les abrite avec tout ce qui s’y trouve. Sommes-nous capables d’en sortir ? Il faudra bien un jour se poser sérieusement la question avant que d’autres ne règlent le problème à notre place.
Nous les avons embourbés pour un moment en troublant les repères et les réflexes de solidarité sociale et d’union des forces.
Ce qui nous préserve encore un peu, c’est qu’il est facile d’opposer les pauvres entre eux, entre plus ou moins pauvres .Et maintenant aussi, ceux de la classe moyenne entre eux bien sûr et surtout vis-à-vis des plus pauvres que nous laissons au bord de la route. En leur assignant la responsabilité morale dont nous exemptons (au nom de l’investissement et de l’innovation) avec laquelle toutes les religions ont joué. Partager le peu d’aisance et sécurité acquise, oui, mais ce serait dommage et injuste de s’en passer alors que l’on est loin du superflu, pensent-ils. D’autant plus que bien évidemment, nos français moyens ont la peur sourde de retomber là d’où ils viennent. Ils sont très sensibles à l’insécurité qu’engendrent les évolutions rapides que nous imposons aux organisations du travail et à leurs lieux de vie et de résidence. A la diversité des origines des travailleurs que nous avons su imposer aux politiques au nom de la rentabilité, de la tenue en respect des revendications sociales et de l’eldorado de la mise en concurrence mondiale des travailleurs qui immanquablement engendre du racisme qui est un très bon diluant civique et aussi un excellent facteur de clivage et d’aveuglement en politique. Bon courage aux syndicalistes et à ceux qui veulent restaurer une citoyenneté commune et le discours de la solidarité. Nous les avons embourbés avec l’aide des médias pour un moment en troublant les repères et les réflexes de solidarité sociale et d’union des forces.
Seul le résultat compte et nous avons tellement à perdre.
Heureusement tout cela entraîne toute une partie de la population autrefois revendicatrice dans le découragement, le malaise et l’abstention et une autre derrière les partis du ressentiment et de l’impuissance qu’il suffit de faire briller au bon moment et pour la durée voulue afin que nos délégués en politique n’aient pas trop de mal à les circonscrire. Du moins jusqu’ici. Il va falloir être très vigilants, imaginatifs et réactifs. Tous les coups vont être permis même si nous n’avons jamais eu la main légère. Nous avons l’expérience pour nous et pour l’essentiel les médias et les états major politiques qui jouent le jeu de la dispersion des candidatures et des voix autant que faire se peut au premier tour ce qui est déterminant. C’est une performance d’avoir réussi à chaque fois. Reste la population et sa résistance à nos mises en scène, à notre capacité à inonder l’espace médiatique et les réseaux sociaux de nos informations et explications, à susciter peurs et émotions, à instrumentaliser la part imprévisible de l’actualité, faits divers, rumeurs, calomnies, révoltes désordonnées, à exploiter les errements complotistes.
Il s’agit de ne pas hésiter à se salir les mains au besoin. Seul le résultat compte et nous avons tellement à perdre. Nous avons affaire maintenant à une dynamique intergénérationnelle de volonté de compréhension et de participation aux politiques publiques tenue à l’écart et dans l’impuissance par ce qu’il faut bien appeler notre dynamisme politique et notre culot, nos capacités de manœuvres rapides, notre pouvoir de mobiliser les ressources juridiques et institutionnelles et les outils de communication. Mais ne nous abusons pas, nous sommes sur le fil du rasoir. C’est une course de vitesse entre la prise de conscience qui monte en comprenant la nécessité de se rassembler et de s’organiser et notre capacité à la prendre de vitesse. Faut-il avouer que nous patinons un peu ?
Et pendant ce temps-là :
● Nous sommes rassurés : La Cour des comptes et monsieur Moscovici s’invitent dans la campagne présidentielle dans le but de lutter « contre la désinformation » et les « annonces caricaturales ». Parmi les sujets annoncés : l’efficacité de la police, les choix de production énergétique, la politique du logement, l’insertion des jeunes dans l’emploi, l’enseignement scolaire, la santé, etc.
http://www.politis.fr/articles/2021/10/cour-des-comptes-politiques-43709
● Bolloré (notre Rupert Murdoch à nous) : main basse sur l’édition.
https://www.acrimed.org/Vincent-Bollore-met-la-main-sur-le-deuxieme
● Xavier Niel, les médias et l'État : ce drôle de jeu à trois
https://www.marianne.net/societe/medias/xavier-niel-les-medias-et-letat-ce-drole-de-jeu-a-trois
Quelques repères
● « Dans une société bien huilée, on ne dit pas ce que l’on sait, on dit ce qui est utile au pouvoir. » (Noam Chomsky, Comprendre le pouvoir 2002)
● « Une des propriétés des sondages consiste à poser aux gens des problèmes qu’ils ne se posent pas, à faire glisser des réponses à des problèmes qu’ils n’ont pas posés, donc à imposer des réponses » (Pierre Bourdieu. La fabrique des débats publics - cours inédit de Pierre Bourdieu au Collège de France, 1990.)
● Recettes fiscales brutes du budget général en 2021
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381416
● Pour se faire une idée de la qualité d’une interview sans complaisance lorsque le questionnement évite les chausse-trappes d’habitude réservées à l’invité. Tout le monde se porte alors mieux à commencer par la démocratie. Avec en prime une leçon de déontologie sévère mais juste à un journaliste imprudent.
France Culture Emission "Politiques" le 6/11/21 (41 mn).
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