Le génie génétique, symbole de l’incompatibilité entre la recherche et les marchés
Le 25 Avril 1953, James Watson et Francis Crick, grâce aux travaux de Rosalind Franklin quelques années plus tôt, publient dans la revue Nature un article qui va révolutionner la recherche génétique. La découverte de la structure en double-hélice de l’ADN va littéralement désintégrer l’idée admise par la communauté scientifique que l’hérédité était portée par les protéines. Eh bien non, elle est bien portée par ce très simple code dont le nombre de variables se compte sur les doigts d’une main. Frederick Griffith et quelques autres avaient donc raison...
L’avènement de la génétique moderne mit fin à 10.000 ans de manipulations génétiques passives. Pendant tous ces millénaires l’homme, par la sélection et la reproduction, a manipulé le génome d’animaux, de végétaux afin d’en tirer des avantages. Dans l’agriculture par exemple, en sélectionnant les semences les plus productives et en les fécondant par d’autres semences ayant une caractéristique utile (plus résistantes à la sécheresse.) C’est ainsi que la Téosinte est devenue progressivement le Maïs que l’on connaît aujourd’hui.
L’être humain avait enfin une opportunité d’intervenir directement dans le génome, et ne pas laisser faire le hasard. Le génie génétique était né. Les perspectives qu’offraient cette nouvelle science étaient énormes (et le sont toujours). Agriculture, médecine et plus récemment bioénergies sont les symboles d’une science qui possède un potentiel inouï. Pourtant la France manque cruellement de chercheurs dans cette discipline et les différentes applications du génie génétique, à quelques exceptions près, subissent de cuisants revers. Et si nous étions allés trop vite ?
Tout d’abord, il faut bien comprendre que le génie génétique est directement lié aux OGM et aux MGM (Micro-organismes Génétiquement Modifiés). On ne reviendra pas totalement sur la conception de ces derniers. En revanche, il convient de s’arrêter quelques instants sur un point particulier : l’insertion d’un transgène dans une cellule/bactérie (qui pourra éventuellement donner par la suite une plante). Il existe plusieurs techniques, mais elles sont toute l’illustration d’un triste spectacle.
- Première technique, l’utilisation de la bactérie Agrobacterium Tumefaciens dont on aura au préalable neutralisé la maladie qu’elle peut inoculer à certains organismes. Cette bactérie a la faculté d’insérer du matériel génétique étranger dans une cellule. Mais cette technique est approximative. Dans une immense majorité des cas, le gêne que l’on veut s’insère mal ou ne s’insère pas entraînant l’échec de l’expérience. Il faut donc une quantité faramineuse de bactéries et de cellules pour que ça marche.
- Deuxième méthode, la biolistique. Concrètement on utilise un canon à particules pour bombarder une cellule cible de micro-billes enrobées du matériel génétique à insérer. On espère ainsi, que dans un énorme coup de chance, parmi les milliers de milliers de billes, une arrive à la fois à transpercer la cellule, le cytoplasme, la membrane nucléaire et à arrive à s’insérer correctement dans l’ADN, à l’endroit voulu. Vous l’aurez compris, cette technique est également extrêmement approximative.
- Deux autres méthodes existent également : la micro-injection du matériel directement une cellule oeuf ou bien l’utilisation d’autres vecteurs comme des virus dont on aura au préalable inhibé le pouvoir pathogène. Mais ces deux techniques, et surtout la dernière, n’ont pas eu le succès escompté.
L’illustration d’un triste spectacle, qui ramène l’homme sur Terre. Le génie génétique est une science balbutiante, encore très approximative et donc imprévisible. Pourtant, dans une ahurissante pensée unique, on continue à faire rêver les gens, à les amadouer. Monsanto pour l’agriculture, le Téléthon pour la médecine, des leurres.
Monsanto est LA firme mondialement connue à propos des OGM. Il faut dire qu’elle est en pointe dans le domaine. Pourtant, l’entreprise qui se vante de posséder des semences très rentables a simplement trouvée un moyen lucratif de breveter le vivant. En effet, les semences de Monsanto ne sont pas auto-reproductives. Il faut donc en racheter (et donc payer des royalties) chaque année. Les prétendus bénéfices sont donc littéralement phagocytés par ce "détail". Il ne faut donc pas s’étonner de voir des agriculteurs indiens mettre fin à leurs jours, ruinés après une mauvaise récolte qui leur empêche de racheter des semences l’année suivante. En outre, pour les OGM commercialisés, certains se révèlent avoir un impact environemental désastreux.
Le maïs Bt est un exemple pertinent. Cette variété de maïs a été génétiquement modifiée. On y a inséré des gênes de la bactérie Bacillus thuringiensis, présente dans les sols, l’eau et sur les feuillages, capable de produire une protéine s’attaquant au système digestif de lépidoptères comme la pyrale, particulièrement vorace. Si on fait abstraction du coût élevé de cette variété de maïs et du fait qu’il y ait des risques que la protéine Cry1Ab ait des effets néfastes sur l’être humain, l’insertion du maïs Bt à grande échelle a induit chez certains organismes une résistance inquiétante à la protéine rendant ainsi de plus en plus inefficace le traitement direct contre la pyrale, via la bactérie.
Autre exemple, les variétés résistantes au Round Up, l’un des désherbant les plus efficaces qu’il puisse exister. C’est simple, le Round Up neutralise une enzyme intervenant dans la synthèse des acides aminés aromatiques, essentiels à la survie des êtres vivants. Le Round Up est donc extrêmement toxique pour toute forme de vie, dont évidement les plantes, mais aussi les animaux comme l’être humain. Monsanto eut la brillante idée de créer une variété de soja, puis de maïs résistante au Round Up (retenez bien le résistant). La variété est donc RESISTANTE, le Round Up n’a aucun effet sur elle. L’agriculteur peut donc pulvériser son champ de Round Up à volonté. Les mauvaises herbes seront éliminées mais pas le maïs. Miraculeux, et pourtant. Le maïs RESISTE, il RESISTE au Round Up, mais il ne le détruit pas. Il ne faut pas s’étonner dès lors de retrouver dans nos conserves contenant ce maïs des traces, certes extrêmement faibles, de Round Up, mais des traces quand même. Et on ne connaît pas les effets de telles traces, à long terme, Monsanto s’étant contenté de tests de trois mois sur des rats. Il aura d’ailleurs fallu une procédure judiciaire pour que la firme américaine soit forcée de les publier, contre sa volonté.
L’agriculture n’est pas le seul domaine d’application du génie génétique. Les recherches en médecine, notamment par la thérapie génique ont un énorme potentiel. Pourtant, mis à part quelques exceptions comme les enfants bulles, les chercheurs ont essuyé de cuisants échecs, principalement à cause du vecteur qui a inséré le transgène. C’est notament le cas du traitement contre le cancer. En théorie, avec la thérapie génique, on pourrait éliminer tous les cancers. Pourtant, à cause justement de ces fameux vecteurs, la recherche fait du sur-place.
Cependant, il ne faut pas perdre espoir. La découverte récente de MGM, par des chercheurs comme le québecquois Serge Guiot, pouvant être utilisés dans les bioénergies offre de nouvelles perspectives.
La société tend à voir s’opposer deux pensées uniques : d’un coté nous avons les pro-OGM aveugles, et de l’autre les anti-OGM tout aussi aveugles. Les OGM sont une chance énorme pour la science. Mais il faut laisser le temps à la recherche de se développer, et empêcher les entreprises et le monde économique de mettre son grain de sable dans une machine déjà très défaillante. Les OGM sont l’exemple parfait qui illustre le fait que économie et recherche font parfois très mauvais ménage. Lorsque l’on se précipite hâtivement sur des découvertes scientifiques, sans se préoccuper des conséquences, fatalement on joue avec le feu. Le risque étant à terme un rejet massif d’une population mal informée du génie génétique, pourtant extrêmement prometteur, préoccupée par un mauvais impact des OGM utilisés sur le marché sur l’environnement et la santé. Les chercheurs auront pourtant imposé entre 1975 et 1994 un moratoire interdisant la dissémination des OGM dans l’environnement. Mais finalement, les politiques, influencés par les lobbies auront fait de manière insensée machine arrière. Il convient pourtant à tout et à chacun de rester à sa place, surtout sur ces sujets aussi délicats et complexes.
Finalement, le seul politicien qui aura un avis pertinent sur le sujet n’est tout autre que François Bayrou, qui se fait le défenseur de la recherche en terme du génie génétique tout en s’opposant farouchement aux pratiques de firmes comme Monsanto et à la dissémination irréfléchie d’OGM dans l’environnement. On est très éloigné du positionnement odieusement démagogique de bien des politiciens. Le débat sur les OGM vole très bas en France, il serait bienvenue de s’en rendre compte.
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