Le pape en boucle
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH216/pape-benoit-b48ec.jpg)
Je ne me faisais pas beaucoup d’illusion mais j’espérais tout de même que les excuses du porte-parole du Vatican après son sermon controversé, les réactions pour une fois vigoureuses des cardinaux dont celle de l’archevêque de Paris et le caractère répétitif de la polémique sur la pédophilie finiraient par lasser même ceux qui s’arrogent d’autant plus le droit de requérir contre le pape qu’ils s’affirment hermétiques à tout sentiment religieux. Evidemment je me trompais. Rien n’y fait. On s’acharne avec une volupté mauvaise contre le catholicisme parce qu’on sait qu’il est interdit à celui-ci, sur le long terme, de répliquer avec la même pugnacité aux attaques, une telle démarche de combat étant contradictoire avec sa philosophie profonde.
Le pape Benoît XVI se voit reprocher aujourd’hui d’avoir tardé à défroquer, quand il n’était que cardinal, un prêtre californien soupçonné d’agressions sexuelles (nouvelobs.com, lepoint.fr). Demain, on trouvera autre chose. Quand il mourra, si le nouveau pape ne plaît pas - c’est le comble - à la part du monde médiatique et intellectuel qui s’affirme extérieur à l’Eglise, il sera, au fil du temps, vilipendé subtilement ou grossièrement de la même manière. La tolérance, c’est le devoir de se laisser traîner dans la boue par ses ennemis. Il en est de toutes sortes.
Par exemple Caroline Fourest. Le hasard fait que dans la même journée j’ai lu sa chronique dans Le Monde - peu ou prou, pour justifier la papophobie - et l’ai entendue sur Radio Classique avec Olivier Bellamy. Un festival de "bondieuseries" laïques et de congratulations progressistes. Le plus important, c’est la manière sereine, apparemment objective dont elle mène la lutte contre le religieux. Elle ne pourrait pas une seconde le laisser vivre sans elle ? Le procédé est bien huilé. Elle distingue le culturel, l’art religieux qui est magnifique, du cultuel. Pour ce dernier, on comprend vite qu’en dépit de ses précautions de langage il est assimilé à l’intégrisme de sorte qu’il ne reste aux fidèles des diverses confessions que la honte ou l’abjuration. J’avoue - et je n’ai pas à m’en défendre puisque cette femme est portée aux nues car elle cumule le "must" d’aujourd’hui : l’éloge des minorités forcément sublimes et la haine des intégrismes disqualifiés sans nuance - que je ne suis pas fanatique (heureusement, j’échappe à un autre intégrisme !) de cette personnalité.
Je suis au coeur de mon sujet. On voudrait nous laisser croire que les chrétiens, les juifs ou les musulmans n’ont le choix qu’entre les extrémités choquantes de leur foi ou des contempteurs de celle-ci "à la Caroline Fourest". On oublie tous ceux - et ils sont nombreux - qui à partir de leur pratique religieuse et de leur réflexion offrent d’autres chemins et suggèrent des infléchissements et des avancées qui permettraient à tous les croyants de mieux vivre et de respirer plus librement.
Je pense en particulier à un entretien à tous points de vue remarquable que Mgr Albert Rouet, archevêque de Poitiers, a accordé à Stéphanie Le Bars pour Le Monde. Avant une conférence qui m’avait été demandée, j’avais eu la chance de dîner avec lui et en très peu de temps je n’avais pu qu’être séduit par cette personnalité brillante, profonde et atypique sans être farfelue. Dans les réponses faites à la journaliste, je retrouve ces mêmes dispositions d’esprit et de caractère. Une volonté de se distinguer de la pensée et de la pente dominantes mais sans provocation et en n’ayant pour souci que de faire comprendre, d’inciter au partage et de favoriser les évolutions nécessaires. Sa paisible originalité ne le rend pas aveugle aux dangers puisqu’il n’hésite pas à affirmer que "l’Eglise est menacée de devenir une sous-culture".
Ce qui m’a semblé le plus neuf dans son propos, sans doute parce que je l’ai rapproché du monde judiciaire auquel il se serait appliqué parfaitement, réside dans sa conclusion quand il énonce ce qui est tout sauf une banalité pour les institutions, religieuses ou autres. Mgr Rouet déclare : "C’est à nous d’apprivoiser le monde et c’est à nous de nous rendre aimables". Ce précepte, que la vie quotidienne ne refuserait pas, est fondamental pour les univers qui s’estiment en crise toujours à cause des autres, jamais de leur faute. Attendant tout d’ailleurs, ils en oublient, par leur action même modeste, leur respect et leur persévérance, de changer ce qui mérite de l’être et qui ne dépend que d’eux. Accepter de mettre en oeuvre une "amabilité" religieuse ou démocratique, je suis persuadé qu’en effet, ce devrait être le début de toute réforme véritable. On n’est pas détesté par hasard, on n’est pas aimé sans raison.
Il n’y a aucune fatalité pour que le pape passe en boucle comme un bouc émissaire commode. Il y faut moins de mauvaise foi chronique et plus de Mgr Rouet.
Pour la Justice, c’est la même chose.
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