La réponse se trouve dans la bouche du rapporteur, sénateur UMP (appartenance non signalée dans l’article...) :
Philippe Marini semble convaincu que les départs se poursuivront au même rythme dans les années à venir.
M. Marini a également des dons de voyance... Après ce double constat, la réponse est... oui :
Le gouvernement doit aller plus loin sur l’ISF. (...) D’autant que tous les pays européens ont les uns après les autres tiré les conséquences de cet impôt en le supprimant purement et simplement.
Le Point joue également au petit télégraphiste en annonçant la couleur :
En 2006, 843 redevables de l’impôt sur la fortune (ISF), soit 200 de plus qu’en 2005, se sont exilés à l’étranger...
La patrie est en danger si on en croit Marini :
Ces personnes sont une vraie perte pour l’économie puisqu’elles ont à la fois l’expérience et le capital pour entreprendre ailleurs.
Sachant que notre omniprésident est hostile à sa suppression, notre parlementaire préconise de lever le seuil d’imposition pour baisser le nombre de contribuables ISF :
Nous avons besoin de personnes aisées sur notre territoire pour investir, créer des emplois, de la richesse et pour, au final, payer des impôts.
Il aurait pu reprendre le traditionnel refrain selon lequel "trop d’impôts tue l’impôt"...
La messe est dite. Sauf qu’à L’Express on reprend, sans doute pour les sourds et les aveugles, in extenso ce qui déjà été dit ailleurs :
Le cumul des bases imposables délocalisées depuis 1997 se chiffrerait à 18,6 milliards d’euros. Pour l’année 2006, le manque à gagner pour le fisc serait d’environ 150 millions d’euros.
Dans ce concours, la palme revient à Valeurs actuelles. Le titre est on ne peut plus explicite :
L’ISF est toujours là ! Jusqu’à quand cet impôt idiot ?
L’introduction n’est pas en reste :
Supprimé partout en Europe, y compris par la gauche, il résiste en France, malgré trois victoires consécutives de la droite à la présidentielle. Il frappe plus d’un demi-million de familles.
Valeurs actuelles est un mag bien à droite qui ne s’embarrasse de formules diplomatiques comme le prouve cet extrait :
Cet impôt, économiquement injustifiable du fait de sa superposition avec d’autres prélèvements est aussi psychologiquement insupportable par son caractère d’intrusion dans la vie privée. La déclaration qui contraint le contribuable à ouvrir ses tiroirs au fisc pour dénombrer ses petites cuillères en vermeil et à déclarer la valeur de la bague de fiançailles, sauf à opter pour un forfait arbitraire et pénalisant puisque la valeur des meubles est censée croître à due proportion de l’immobilier et de la Bourse, revêt un caractère vexatoire.
Les mots soulignés sont de notre propre initiative... A chacun de juger.
Ces quelques extraits montrent comment les médias favorables à la droite, et la droite elle-même, commencent à préparer l’opinion pour d’abord rendre l’ISF inutile en le réformant et ensuite, l’abroger... Nous n’avons point vu la TV, mais le ton des reportages devait être similaire à cette prose anti-ISF...
Il suffit de prendre 3 ou 4 chiffres en omettant le reste, de les marteler, les commenter... C’est ainsi qu’on prépare le terrain à des mesures qui contribueront au bonheur fiscal de quelques ménages...
Or, la lecture du rapport qui a été faite par les précités est spécieuse, voire très orientée malhonnête.
Il faut prendre la peine de lire le rapport Marini.
On constate que la situation est moins simpliste simple que ce qui a été précédemment dit.
Ainsi, même si notre parlementaire de droite a peut-être ôté quelques données gênantes pour formuler sa thèse, on apprend tout de même que cet impôt n’est pas si inefficace que ça :
- le nombre de contribuables a plus que triplé en 10 ans (page 12) ;
- le produit de l’ISF à doublé de 2002 à 2006 (page 13) ;
- l’ISF ne pèse guère sur l’immobilier (page 15) contrairement à ce qu’on entend régulièrement (c’est l’exemple du paysan de l’île de Ré, si souvent utilisé).
Nous regrettons dans ce bilan que n’apparaissent pas deux données pourtant aussi importantes que les évadés fiscaux :
- les évadés fiscaux qui reviennent vivre en France ;
- les étrangers qui ont fait le choix de la France malgré l’ISF.
Il n’y a rien sur ces deux données, pourtant essentielles. Nous aurons du mal à croire que c’est inopiné...
On nous présente donc un rapport sur l’ISF qui ressemble à un bilan comptable, à la seule différence près qu’il ne présente que les sorties. Or, tout bilan comptable présente les sorties, mais aussi les entrées... Dès le départ, le rapport est donc faussé.
La ficelle utilisée par Marini est grosse, très grosse : ENORME. Mais, ça marche... La machine anti-ISF et contre les impôts est repartie de plus belle.