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Accueil du site > Tribune Libre > Le temps des thuriféraires

Le temps des thuriféraires

La campagne des municipales est à peine tournée que la France médiatique s’apprête à nous livrer une séquence nostalgie dont elle a le secret. Il y a quarante ans, notre pays (comme bon nombre d’autres) vivait un événement soudain et paroxystique. Ah, qu’il était beau ce joli moi de mai de l’année 1968...

Ne comptez pas y échapper, n’espérez pas vous défiler, nous allons tous avoir notre dose de Mai-68-isme dans les semaines à venir. Ben tiens, 40 ans, ça se fête ! Et puis, Mai-68 n’est-il pas un événement majeur ? Ces événements ne sont-ils pas une date incontournable de l’histoire contemporaine ?

Le Monde vient de sortir un hors-série intitulé 1968 révolutions. Les panneaux de pub vantant l’ouvrage fleurissent dans le métro et autres news magazines. Dans L’Express de cette semaine, c’est une pleine page avec un titre choc : 1968, l’année où tout a changé.

J’avoue, je me sens d’avance nauséeux face à ce raz-de-marée commémoratif qui s’annonce. Nauséeux non pas parce que je suis un critique farouche de 68 ou des soixante-huitards. Non, ce qui me fout le malaise, c’est la manière dont tous ces souvenirs se présentent. Je sens venir la mise en scène de cet anniversaire comme un trip très revival, où l’on "sloguait" à fond dans les facs à grands coups de phrases chocs qu’on était sommé de faire siennes, sous peine d’être un affreux réac bourgeois, pro-Vietnam et anti-Mao.

68, l’année où tout a changé ? Et puis quoi encore ? Ainsi, 1968 serait l’année charnière du siècle dernier, l’unité de temps qui résume à elle seule tout le siècle, le moment après lequel rien n’a plus jamais été comme avant ? Ah ouais ? De qui se moque-t-on ?

Quid de la Première Guerre mondiale, de ses combats atroces, de ses convulsions qui marquèrent une forme de suicide de la toute puissance européenne ? Quid du grand krach boursier de 1929 qui précipité tout le monde occidental dans la tourmente économique, dans la pauvreté et la misère ? Quid des années 30 et du cauchemar nazi qui déferla sur une Europe malade pour achever le massacre civilisationnel commencé vingt-cinq ans plus tôt ?

Quid de la crise des missiles de Cuba ? La chute du Mur de Berlin et l’effondrement du communisme soviétique sont-ils si peu de choses par rapport à Mai-68 ? La fin de la terreur engendrée par la dissuasion nucléaire démente qui courut des années 1950 à 1991, une broutille ?

A la fin, Mai-68 est-il cet événement incontournable qui a fait les tournants majeurs dans l’histoire de l’humanité ?

La réponse se trouve peut-être sur la couverture même du hors-série du Monde. La photo d’illustration nous présente la sphère bleue et blanche de notre bonne planète Terre, vue depuis la Lune. Oui, mais Neil Armstrong sur le satellite terrestre, ce n’est pas en 1968. Ni en mai ni en décembre. C’est en 1969, le 21 juillet pour être précis.

Aveu inconscient ? Car, si on devait retenir une date vraiment marquante au cours de ce siècle de fer et de sang que fut le XXe siècle, ce serait peut-être celle-là. Avant le 21 juillet 1969, nul être humain, nulle créature terrestre vivante n’avait foulé le sol d’un corps céleste autre que notre planète. Ce jour d’été marque un virage fondamental dans notre histoire. Pour la première fois, l’homme a quitté son berceau. Pas pour aller bien loin, certes, mais il l’a fait. C’était une première fois. Et ça a tout changé. Entre autres, notre regard sur l’univers, que nous espérons désormais être un jour à notre portée. Sur cet infini que nous fouillons du regard avec une acuité redoublée, dans l’espoir de trouver un autre nous-même. Vert et petit peut-être, mais vivant...

Alors, Mai-68 ? Important, oui. Les conséquences de ce mois furent nombreuses et ont changé, parfois en profondeur la société française et occidentale. Mais des crises sociales, des évolutions rapides, nous en avons eu d’autres, avant. Parfois plus conséquentes encore.

Pour ces 40 ans, j’aimerais que les thuriféraires rangent leurs slogans péremptoires et vains. Au lieu de nous sommer de nous incliner devant l’oeuvre immense de la génération des baby-boomers, il est peut-être temps de nous proposer un premier bilan, une mise en perspective, un vrai travail d’analyse. Les protagonistes de l’époque vont vers leurs 60 ans. C’est l’orée de l’âge de la sagesse. Les secousses des hormones juvéniles sont loin désormais. Il est temps de commencer à songer à s’inscrire dans l’Histoire, de prendre sa place dans ce flot de générations qui défilent.

Mai-68 est loin. Votre boulot désormais, c’est moins de vouloir changer la vie que d’expliquer ce que fut votre jeunesse. Et peut-être - je dis peut-être ! - avec un brin de détachement et de sérénité. Après tout, Mai-68, sans être l’avènement du paradis terrestre, a encore des choses à nous dire. Sans slogans.

Manuel Atréide


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30 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 19 mars 2008 10:47

    Un seul film 2001, L’Odyssée de l’espace,un seul titre Révolution des beatles

    Le reste n’est que de l’agitation d’individus qui se sont ensuite toujours trompés de combats et ont soutenu des régimes criminels (mao,les khmers rouges....)

    Bref ,une vieille page de l’histoire de France qui se tourne enfin sur les ruines des idées socialistes de transformation et de justice sociale

     


    • Manuel Atreide Manuel Atreide 19 mars 2008 11:37

      Salut Lerma ...

      Bel essai mais dommage, vous tombez à coté de la plaque. Peut être à force de ne pas lire les papiers ... Je ne critique pas l’héritage de mai 68 ici, je m’insurge contre la présentation dénuée de toute analyse qui semble se dessiner à l’occasion de cet anniversaire.

      J’aurais tendance à renvoyer dos à dos thuriféraires et sycophantes, tant leurs propos, dans un sens ou dans un autre sont outranciers.

      Je crois que mai 68 mérite mieux que cela : un travail de fond mettant en lumière ses objectifs, ses réussites comme ses echecs. J’aimerais sortir de l’adoration des icônes comme de l’anathème des diaboliques pour enfin trouver un travail de raison.

      Votre intervention, première as usual, me semble indiquer qu’au contraire, on pataugera encore cette année dans le grand guignol. Dommage.

      Manuel Atréide

      P.S. : 2001 est un film interessant, mais somme toute prétentieux et égocentrique. Kubrick s’est affranchi de toute explication quand à la fin du film et je défie quiconque de me l’expliquer s’il n’a pas lu en parallèle le livre écrit par Clarke qui vient de s’éteindre. Autant le livre est un monument de la littérature de science fiction écrit par un géant dont je salue l’oeuvre immense, autant le film est un travail très égocentrique d’un réalisateur plus préoccupé par l’exactitude, la précision et l’esthétique de ses images que par le message délivré par cette histoire hors du commun. Mais, bien sur, je suppose que critiquer Kubrick est une hérésie, même pour quelqu’un comme vous ...

      M.

      P.P.S : Ah oui, j’aime pas non plus les beatles !!! Comme quoi ...

       

      Manuel Atréide, depuis les plages d’Ilion.


    • 5A3N5D 19 mars 2008 10:52

      Bonjour,

      "Mai-68 est loin. Votre boulot désormais, c’est moins de vouloir changer la vie que d’expliquer ce que fut votre jeunesse."

      Expliquer quoi ? Les clichés sur 68 sont tellement ancrés dans les esprits que ce n’est même pas la peine de tenter une explication : la génération 68, c’est celle qui a vécu à crédit sur le dos de ses enfants, qui a détruit toute autorité en France, etc... (vous complèterez à votre guise.)

      Mai 68, c’est l’alpha et l’oméga des capitalistes libéraux qui jouissent de leur revanche sur un mouvement qui les a longtemps tenus en respect. Cet aspect vous a échappé. Alors, ils désignent l’ennemi : l’héritage de mai 68. Vous ne savez pas ce que c’est, mais ce n’est pas grave : il faut des réformes, n’importe lesquelles de préférence, l’essentiel étant de s’agiter, sans faire trembler les bourgeois.


      • ZEN ZEN 19 mars 2008 11:02

        @ Manuel

         

        Une illustration de plus du triste l’état de notre presse , son formatage, son état de décomposition avancée...Un bon article de Jacques Bouveresse récemment :

         

         

        L’indépendance de la presse est une question cruciale , à l’heure où les concentrations vont bon train , où les barons des affaires achètent des titres comme des entreprises ordinaires pour les contrôler insidieusement , où l’information complète et objective est déjà en péril , où le traitement des nouvelles donne lieu à un formatage généralisé , où la diversité des sources informatives se réduit de jour en jour...Marchandisation de l’information, manque de distanciation par rapport aux élites : deux dérives principales dont on est en droit de s’inquiéter...

        Jacques Bouveresse : « La presse doit résister à la soumission »
        "... Peut-on rêver d’une presse réellement libre et autonome, dévouée à la cause de la vérité et de la justice, dans un monde où l’information est devenue une simple marchandise soumise comme toutes les autres à peu près exclusivement à la loi de l’offre et de la demande, et où le règne du marché et le pouvoir de l’argent sont devenus à ce point absolus et tyranniques ? Comment ce qui, aux yeux des nouveaux réalistes qui font désormais la loi, est un non-sens économique pourrait-il ne pas apparaître également de plus en plus comme un non-sens pur et simple ? Rêver du genre de presse dont la plupart d’entre nous continuent à rêver pourrait bien être à peu près aussi déraisonnable que de rêver d’un capitalisme qui aurait fini par devenir moral, ce qui est pourtant le genre de chose que nous font espérer et auquel font semblant de croire les détenteurs actuels du pouvoir politique et économique. Il est, paraît-il, indispensable et urgent de « dédiaboliser » l’argent. C’est le genre de discours que tiennent aussi bien le président de la République que le penseur qui semble être devenu depuis quelque temps l’intellectuel de référence de la gauche, Bernard-Henri Lévy. Je croyais plutôt, pour ma part, qu’il fallait avant tout éviter de diviniser l’argent au degré où il l’est actuellement. Au point où nous en sommes déjà arrivés, j’aime mieux, je vous l’avoue, ne pas penser à la situation dans laquelle se trouvera le monde quand ce que certains demandent aura été réalisé complètement et que le dernier reste de gêne et de mauvaise conscience, pour autant qu’il y en ait encore un, aura disparu. Si je me suis permis d’évoquer cette question, c’est parce que je ne sais pas quelles sont aujourd’hui les chances réelles d’une presse soucieuse de défendre les valeurs qui ont inspiré initialement sa création et qui justifient son existence face au pouvoir moralement, socialement et humainement destructeur de l’argent-roi..." (JB)

        -La forêt des médias (F.Ent) : les rapports des media avec le monde des affaires

        Observatoire français des médias]

        Acrimed | Action Critique Médias

        Les journalistes rassemblés à Paris pour l’indépendance de la presse

        Presse dominante : Plaider l’indépendance

        <<_TRAHISON DES MEDIAS ?_>>_______


        • ronchonaire 19 mars 2008 11:03

          Complètement d’accord avec vous, Mai 68 n’a finalement pas changé grand chose, socialement et politiquement parlant.

          Je comprends la nostalgie des personnes de cette génération, mais nous sommes tous plus ou moins nostalgiques de notre jeunesse et notamment de nos années de fac (pour ceux qui y sont allés.) Ce n’est pas pour autant que nous bassinons tout le monde avec nos histoires d’anciens combattants, à grands renforts de mythes créés autour de "l’amour libre" et de coucheries à tout va.

          Les soixantehuitards ont surtout pour eux d’être plus nombreux que les autres classes d’âge. Mais n’oublions pas qu’ils sont la génération au pouvoir depuis 20 ans, celle qui a ruiné ce pays et endetté sa descendance pour plusieurs générations. Il est grand temps qu’ils nous laissent la place, ils ont fait suffisamment de dégâts comme ça.


          • 5A3N5D 19 mars 2008 11:30

            "histoires d’anciens combattants, à grands renforts de mythes créés autour de "l’amour libre" et de coucheries à tout va."

            C’est tout à fait vrai : 68 fut une vaste orgie et rien d’autre .


          • jondegre jondegre 19 mars 2008 11:56

            mai 68 a ete completement digere par le systeme, la preuve en est comment la presse nous vend du mai 68 comme elle nous vendrait du Sarko, du tss, du savon, de l’immobiler, la guerre....

            Maintenant que la societe a ete vendue, la revolution a change de forme, elle est plus personnelle ou communautaire, a la recherche de l’autonomie fuyant la recuperation.

             


            • ZEN ZEN 19 mars 2008 12:19

              @Jondegre

              Mai 68 ,"digéré par le système" : exact

              Digéré et récupéré .

              Il suffit de lire l’étude de Boltanski : "Le nouvel esprit du capitalisme" ^pour s’en rendre compte


            • sisyphe sisyphe 19 mars 2008 12:06

              l’inenarrable lerma !!

              "Bref ,une vieille page de l’histoire de France qui se tourne enfin sur les ruines des idées socialistes de transformation et de justice sociale"

              Ouf ! On l’a échappé belle !

              Moins de transformation et de justice sociale, et le lerna est rassuré !

              Il n’aurait plus manqué que ça : plus de justice sociale ! Et puis quoi encore ? Plus de solidarité peut-être ?

              Mon bon lerna, si tu n’existais pas..... ça ne ferait de mal à personne !

              Tiens : un cadeau pour toi :

              http://salades-nicoises.net/IM...

               


              • sisyphe sisyphe 19 mars 2008 12:08

                Pardon, mon lien ne passe pas : celui-là oui, j’espère, mon bon lerna ...

                [url=http://www.imagehotel.net/?from=6beeiu2ead.jpg][img]http://images.imagehotel.net/6beeiu2ead.jpg[/img][/url]


              • sisyphe sisyphe 19 mars 2008 12:15

                Bah non : passe pas non plus .... Dommage, et désolé, cher lerma...


                • chmoll chmoll 19 mars 2008 12:17

                  presse ne pas avaler ?? pourtant c’est conseillé par le pharmacien sarko


                  • geko 19 mars 2008 12:18

                    Bon article

                    On nous vend du mai68 comme du Che guevara ! Je crois de plus en plus au rôle cathartique des medias : Fais ta révolution sur ton canapé devant la tv ça suffira amplement a calmer tes pulsions ! Faites comme moi mettez la TV dans un placard, à n’ouvrir qu’en cas de bonne émission ! et je vous assure qu’on se sent mieux et lucide !

                    Mai 68 était une crise sociale de croissance, ce qui nous attends aujourd’hui c’est le grand merdier mondial et la décadence de l’humanité en fond de planète malade, rien à voir avec les espoirs de 68  !



                      • Nemo 19 mars 2008 16:10

                        Un élément est à souligner à propos de la probable déferlante "1968, le souvenir" qui va nous assaillir : La plupart des leaders de la presse d’aujourd’hui étaient dans les rues en ce fameux moi de mai.

                        Il ne vont donc que nous servir leur propre hagiographie, comme une bande de vieux copains qui se racontent leurs exploits de jeunesse, en prenant à témoin l’ensemble de la France, qui, franchement, s’en fout complètement...

                         


                        • sisyphe sisyphe 19 mars 2008 16:50

                          Ah bon ??

                          Qui y avait-il "dans la rue" en 68 ??

                          Quelques milliers d’étudiants... Et "la plupart des leaders de la presse" y étaient ??

                          Nemo serait vraiment avisé de nous en donner les noms, alors !

                          Parce que les seuls "leaders" étudiants de l’époque, qui étaient "dans les rues" sont bien connus, et je n’en vois aucun devenu leader de presse : Laguillier, Krivine, Sauvageot, Geismar, Cohn Bendit : tous leaders de presse ???

                          Il y en a marre de cette éternelle antienne confusionniste qui assimile le mouvement de mai 68 aux dirigeants actuels, et, pourquoi pas, (certains n’hésitent pas) à la responsabilité de la mondialisation, de l’ultra-libéralisme  : marre !

                          En Mai 68, la jeunesse a revendiqué pour une progression sociétale, pour la remise en cause d’un vieux système qui n’était plus adapté à l’époque, sur le plan des moeurs. Et les acquis en sont : la représentation syndicale dans les entreprises, la pilule, le droit à l’avortement, les droits des femmes en général, les radios libres, la fin de la peine de mort, la fin des mandarinats (quoique....), la fin de la toute-puissance des interdits hérités de l’église sur le divorce, l’homosexualité, l’union libre : tous acquis qui profitent aujourd’hui à chacun, quand ils ne sont pas remis en cause par le retour de la réaction, qui ne les a jamais digérés, et qui voudrait revenir au pétainisme : travail, famille, patrie, retour de l’ordre moral, de l’autorité, suppression des acquis sociaux : un splendide retour en arrière.

                          Mai 68, c’était, aussi, la revendication d’une société solidaire, non consommatrice, lucide, fraternelle, chaleureuse ; exactement le contraire de ce qu’il en est advenu, sous la pression des forces contre lesquelles, justement la jeunesse, lucide, s’élevait déjà, et qui ont, malheureusement, vite repris le dessus : les forces des multinationales, des compagnies pétrolières, de l’ultra-libéralisme, du monde de la finance, du fric-dieu, de la loi de la jungle et du chacun-pour-soi, encouragées, imposées au forceps par les tenants du sacro-saint "marché", et de l’économie triomphante.

                          La différence essentielle entre Mai 68 et aujourd’hui ; on l’a déjà dit, c’est que l’économie et le finance ont totalement imposé leur loi (ou plutôt, justement, leur absence de loi) au politique et aux sociétés : ce justement contre quoi la jeunesse de 68 mettait en garde, et qui n’a pas manqué d’arriver, tant les forces de la réaction ont tout fait pour écraser, lénifier, anesthésier, toute vélléité de résistance.

                          Ce sont les générations d’après 68, totalement dociles, et moutonnesques, qui, au lieu d’entendre les avertissements lancés, ont préféré se laisser endormir, et tenter par les réussites individuelles, au mépris de toute solidarité : ce sont elles qui se sont laissées manipuler par l’appât de quelques miettes du gateau, ce sont elles qui ont laissé, progressivement, les forces économiques, les bourses, la finance, dicter leur volonté, imposer le chomage, la pauvreté, la misère, aggraver les inégalités, virer du libéralisme vers l’ultra-libéralisme ; elles qui ont, par entente tacite, par endormissement sous l’hyper-consommation, laissé le rouleau compresseur des bulles spéculatives imposer la situation où le monde en est : avec la moitié de l’humanité dans la misère absolue, vivant avec moins de 2 dollars par jour, la planète polluée, les conflits pour l’eau, et la survie.

                          Alors, oui ; marre d’entendre ces générations de pleutres, d’égoïstes, d’aveuglés, venir pleurer sur une situation qu’ils ont entérinés par leur appat du gain ou leur silence coupable, et baver sur ceux qui, au contraire, se rebellaient contre un ordre imposé, revendiquaient une solidarité, et ont permis les rares avancées culturelles, sociétales, politiques, aujourd’hui remises en cause par ceux-là mêmes qui, déjà à l’époque, s’élevaient contre, à qui elles sont restées en travers de la gorge, qui ont tout fait pour les empêcher, et qui trouvent, aujourd’hui, comme alliés, tous les nouveaux imbéciles qui sont les victimes d’une situation qu’ils ont eux-mêmes provoquée, et qui continuent à faire le jeu de ceux qui les exploitent en s’en prenant aux 68ards ou aux un peu moins laches...

                          Tant que les grugés se battent entre eux, tirant tout le monde vers le bas (protestant contre les régimes spéciaux, les scandaleux "avantages" des honteux "privilégiés" de fonctionnaires), ceux qui tiennent la finance, dans leurs paradis offshore, peuvent en ricaner en tirant sur leur cigare : pour eux, la richesse (produite par les travailleurs) augmente, sans qu’ils aient à lever le petit doigt : la spéculation se porte bien ; merci !!

                          Alors, quand vous aurez fini, avec vos oeillères, de vous laisser berner et tromper de cibles, vous entendrez peut-être les cris de saine rébellion qui montaient de la rue en 68 : "Ouvrez les yeux, fermez la télé !"


                        • Manuel Atreide Manuel Atreide 19 mars 2008 18:10

                          @ Sysiphe ...

                          je plaide coupable. Entre 75 et 85, durant mon enfance et mon adolescence, je n’ai pensé quà ma pomme, qu’à mon profit, qu’à mon individualisme. A 10 ans j’ai voté pour le fric. En 80 j’ai voté pour Reagan à 13 ans. L’année d’avant j’avais porté Thatcher au pouvoir en Angleterre. J’ai combattu la gauche, voté VGE en 81. Ah oui, j’oubliais, en 69, à deux ans j’avais manifesté pour Pompidou !

                          Je suis un pleutre, un lâche, une de ces petites lopettes qui suivent les nobles guerriers qui ont offerts leur vie pour la paix universelle et l’amour infini en 68. A peine avaient-ils obtenu quelques avancées que du haut de mes quelques années de salaud, j’ai tout foutu par terre ...

                          Je continue ou vous sentez déjà le rouge monter à votre noble front ?

                          Mai 68 m’interesse, vraiment. Autant pas ses aspirations, ses rèves, sa générosité, que par son coté parfois dilettante, son amateurisme, son coté irréaliste. Vos propos sont l’exemple type de ce que je ne veux plus avoir à entendre. Marre de m’entendre faire la morale à longueur de colonne par des gens qui - alors qu’ils exercent les responsabilités - en rejettent les echecs, les erreurs, les fautes sur leurs ainés ou leurs puinés. Marre de l’arrogance. Marre de la condescendance. Avec vos petits jeux, vous continuez à faire votre petite guerre contre vos adversaires d’hier et vous osez nous demander de faire comme si 40 ans n’avaient pas passé ?

                          Depuis 68, les choses ont changé. Crise économique, chômage de masse, capitalisme financier sauvage, effondrement des idéologies communistes, ravages du SIDA. On vit dans un environnement plus difficile au quotidien. On fait avec. On se bat, avec nos methodes et nos armes. Alors, les donneurs de leçons rances ...

                          Manuel "puiné" Atréide


                        • Ferusse 19 mars 2008 16:29

                          Certes, au cours des cinquante dernières années, il y a eu des événements politiques ou sociaux importants. Cependant il serait vain de vouloir dresser une sorte de hit parade. L’Histoire est vécue subjectivement par chacun de nous. Il en est de même des souvenirs que nous en conservons. C’est ce qui par la suite donne lieu à des débats passionnants, crispants ou décevants.

                          Pour moi, Mai 68 a été la dernière tentative révolutionnaire en France et en Europe occidentale. Elle a échoué et je le regrette profondément, car la société actuelle me semble tout sauf satisfaisante. D’énormes inégalités, de l’injustice dans tous les domaines, un conditionnement des êtres humains par les médias et leur propagande, ce qui leur donne beaucoup moins de liberté qu’ils ne le pensent généralement.

                          Je vous comprends, Manuel Atreide, quand vous ressentez de la nausée devant la commémoration à haute dose de Mai 68, je ressens le même malaise. Mais de quoi parle-t-on dans les médias ? De quel mai 68 ? Qui invite-t-on dans les débats télévisés ? Toujours les mêmes, ceux qui ont précisément trahi l’esprit de mai et leurs rêves de jeunesse. En fait, et c’est ce qu’on leur demande, ils parlent essentiellement d’eux-mêmes et très peu de l’événement qui sert de prétexte à leur venue sur les plateaux. Ce sont d’anciens combattants qui, comme tous les anciens combattants, radotent et se penchent avec nostalgie sur leur passé envolé, ce que nous faisons tous ou ferons tous plus ou moins.

                          Mai 68 est un événement historique indéniable, mais il est surtout le symbole d’un espoir. Vous avez raison, pourquoi ne pas tirer un bilan, c’est toujours utile pour ne pas recommencer les mêmes erreurs ? Par contre, vous vous trompez, Cher Manuel Atreide, notre boulot est encore - et plus que jamais - de vouloir changer la vie, car elle est inacceptable dans ce qu’elle a d’injuste. Vous voulez, vous aussi, que nous expliquions ce que fut notre jeunesse. Et vous ajoutez "Sans slogans". Eh ! bien non, nous ne perdrons pas notre temps à vous raconter ce que furent nos rêves de révoltés. Nous continuerons à l’être et nous inventerons de nouveaux slogans.

                          A ce sujet, vous auriez intérêt à jeter un coup d’oeil à un petit bouquin peu médiatisé "Slogans pour les prochaines révolutions" qu’un ancien soixante-huitard, Denis Langlois, vient de faire paraître. Il a certes gardé la nostalgie de ce printemps 68, mais il a tenu à fêter le quarantième anniversaire en imaginant et en écrivant de nouveaux slogans dans l’esprit de mai. Cela donne un résultat souvent marrant, mais surtout galvanisant. Quand on l’a lu et relu, on se sent nettement mieux et on a justement envie d’inscrire un mai 2008 (ou à la rigueur 2009) dans l’Histoire.

                          Cher Manuel Atreide, vous me semblez un peu déprimé et un tantinet acariâtre quand vous parlez de pourfendre les thuriféraires (ainsi que les sycophantes à qui mai 68 donne des boutons rouges ou noirs). Je vais vous faire un cadeau qui, je l’espère, vous redonnera le moral. Je vais vous recopier quelques nouveaux slogans de Denis Langlois :

                          La révolution fait bander mieux que le Viagra.

                          Le grand soir peut encore se lever de bon matin.

                          Consummons la société de consommation.

                          Tapez révolte sur votre clavier et sortez dans la rue.

                          Nous ne laisserons personne au bord de la route, sauf peut-être les cantonniers.

                          Soyez réalistes, misez tout sur l’utopie !

                          N’ayez jamais rien de périssable dans votre réfrigérateur. Soyez à tout moment disponible pour la révolution.

                          Précédons les avant-gardes !

                          Avez-vous remarqué que nous sommes nettement plus nombreux qu’eux ?

                          Laissez-moi rêver qu’un jour, moi qui ne suis rien, je serai tout.

                          En fait, la révolution n’a qu’une couleur : le rouge baiser.

                          Que les désirs de nos corps rejoignent les désirs du corps social !

                          Investissons les zones révolutionnaires, mais n’oublions pas les zones érogènes.

                          Je me révolte, tu te révoltes, donc nous sommes.

                          Après 68, comptez 69 et recommencez.

                          Faites l’amour, pas les allées du supermarché !

                          Abolissons l’ennui !

                          Si vous avez du mal à dire non, dites merde !

                          Utopisez-vous !

                          J’ai oublié, Cher Manuel Atreide, de vous poser la question essentielle : êtes-vous heureux dans la société où vous vivez ?

                          Fraternellement.


                          • Manuel Atreide Manuel Atreide 19 mars 2008 17:52

                            @ ferusse ...

                            Je ne me sens ni spécialement déprimé, ni très acariatre, du moins pas sur mai 68. Je ne m’interroge pas ici sur les apports positifs ou négatifs de ce mouvement, mais bien plus sur le traitement qu’en font les médias. Loin des superficielles commémorations, j’appelle à un premier bilan, un travail fouillé qui serait, selon moi, bien plus productif que les slogans à la gloire de mai 68 ou appelant à sa condamnation.

                            D’une manière plus générale, je m’interroge quand même sur cette génération qui a tant donné de leçons, tant sommé ses ainés à s’expliquer sur leur passé, tant regardé sa descendance de haut sous pretexte qu’ils avaient - eux - tout vécu tout vu tout fait.

                            Bref, c’est peut être plus une envie de tuer le père qu’un papier atrabilaire. Mais ma foi, ceci n’est que dans l’ordre des choses, je crois. Un peu d’hommage, un peu de tribunal mais qu’enfin, ils cedent la place ! smiley

                            Et si j’aime les slogans renouvelés proposés par d’anciens soixantehuitards, je crois que j’ai, que nous avons nos propres envies, nos propres visions du comment et du pourquoi changer les choses. Et pour ma part, les slogans me sont peu utiles. Je prefère les actes, prosaiques et pragmatiques. La révolution dans la modestie, ou la sérénité en somme ...

                            Manuel V. 67 Atréide


                          • Icks PEY Icks PEY 19 mars 2008 17:53

                            Article bizarre qui me fait penser aux débats sur la concurrence des mémoires.

                            Faut pas parler de telle ou telle chose parce qu’il y a eu telle ou telle autre qui vaut bien autant, voire plus.

                            Avec ce genre de raisonnements, on ne peut jamais parler de rien, jamais rien honorer, jamais rien célébrer car il y a toujours des gens comme vous qui diront « oui, mais, c’est de la pornographie mémorielle de focaliser sur cela alors qu’il y a tant d’autres et patati et patata ... ».

                            Qu’on le veuille ou non, mai 1968 n’a peut-être pas changé grand chose, je n’en sais rien, je n’étais pas né, mais je le vois comme le symbole d’une société qui était en train de changer.

                            Icks PEY


                            • sisyphe sisyphe 19 mars 2008 18:26

                              @ Manuel Atreide

                              Ce n’est pas nous qui donnons des leçons : mais tous ceux qui véhiculent les contre-vérités sur 68, comme si la pensée de 68 était responsable du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui alors qu’au contraire, elle appelait à ne pas l’accepter et à s’élever contre.

                              Bien sûr que le monde est beaucoup plus difficile aujourd’hui, pour les nouvelles générations, bien sûr que le chomage sévit, que les inégalités se sont aggravées, que la précarité s’est répandue, que le SIDA est venu faire planer sa menace mortelle sur l’amour. Vous en êtes plus victimes que responsables, c’est vrai ; mais ne vous trompez pas de cible : le monde tel qu’il est aujourd’hui est l’effet direct de ce contre quoi 68 voulait lutter.

                              La toute-puissance de l’argent, le rouleau compresseur de l’ultra-libéralisme, ce sont ceux qui se sont toujours opposés aux forces de libération, à la justice sociale, à la solidarité, qui les ont imposé.

                              Les richesses produites, elles, sont toujours en augmentation : c’est leur redistribution qui est de plus en plus inique. Alors, au lieu de remettre en cause la révolte de 68, tâchez, au contraire d’en retrouver l’esprit de rebellion, pour vous défendre : vous et vos enfants, pour essayer de créer un monde plus juste, plus chaleureux, plus fraternel.
                              Oui, je sais, ces mots paraissent presque désuets, à l’époque de la mondialisation : pourtant, ils n’ont jamais été aussi urgents.

                              Nous ne voulons donner de leçons à personne : simplement vous aider à réussir là où nous, malgré notre bonne volonté, avons jusqu’à présent échoué, pour empêcher le pire.


                              • Manuel Atreide Manuel Atreide 19 mars 2008 18:43

                                @ Sisyphe ...

                                Je sais tout cela. Je sais que ce qui arrive n’est pas vraiment dans la droite ligne des idéaux de 68. Que la situation actuelle à bien des égards est un cauchemar pour ceux qui ont tant révé durant ce mois de mai et au delà.

                                Je ne remets pas non plus en cause l’héritage de mai 68. J’appelle à un travail d’étude sérieux et distancié, nuance.

                                Pour le reste, je n’ai pas tapé vos propos à votre place. Je ne vous ai pas obligé, pas amené à tenir un tel langage sur vos puinés. Je ne dis pas non plus que c’est monstrueux. Je dis que c’est un trait de caractère que nombre de soixantehuitards ont en commun et que, pour le coup, ça suffit. Ne venez pas vous étonner de voir cette période jugée avec rudesse alors même que vous ( générationnellement parlant, j’entends) êtes capable de tels excès.

                                Pour finir, un petit propos qui, pour peu qu’on le lise débarassé de ses oripeaux traditionnels, est aussi un sacré sloganr révolutionnaire, l’air de rien :

                                Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fassent.

                                Comme quoi, la révolution peut aller se nicher partour, même dans les lieux les plus improbables !

                                Manuel Atréide


                              • Yohan Yohan 19 mars 2008 18:44

                                Pas si simple de juger cette époque. C’est une page, une petite page en regard de ce qui se passait à côté de nous dans le monde au même moment. Ceci dit, je comprends la méfiance qui est la vôtre de revenir encore sur un épisode tant ressassé à la jeunesse et voir resurgir tous les chantres de l’époque, nous reservir leurs habituelles leçons URBI et ORBI.

                                Aujourd’hui, on brocarde pas mal. Forcément, vu d’aujourd’hui, on en voit maintenant les défauts 40 ans plus tard. Mais il ne faut pas oublier qu’il ne s’agissait que d’une parenthèse (dite enchantée) et qu’ensuite la vie et les réalités ont rattrapé chacun, les idéologies s’étiolant au fil des années.

                                Puisqu’il faut commémorer, commémorons comme pour se souvenir de cette parenthèse dans le XXème siècle en montrant ce qu’elle a changé, un moment plutôt agréable de notre histoire sans plus. Evitons surtout les clichés, les séquences de flagellation, de contrition ou pire, de glorification. 

                                 

                                 


                                • sisyphe sisyphe 20 mars 2008 00:48

                                  @ Manuel Atreide

                                  Mon premier message ne vous était pas destiné : il était une réponse à Nemo, qui fait partie de ceux qui véhiculent le discours auquel je faisais allusion, et à propos duquel je maintiens ce que j’ai dit.

                                  Il n’y a pas, d’uniformité générationnelle, pas plus aujourd’hui qu’alors, alors qu’il y a des uniformités de pensée transgénérationnelles : ceux qui tiennent le discours de Nemo et d’autres, sont les mêmes aujourd’hui qu’avant.

                                  La différence est qu’aujourd’hui, ils se dédouanent de leurs propres responsabilités en tenant le discours de confusion que tenaient déjà leurs ainés, bourré de contre-vérités, et qui ne visent, au bout du compte, qu’à justifier leur propre asservissement consenti aux forces de l’argent, à la loi du chacun-sa-merde, et à leurs renoncements.

                                  C’est Sarkozy qui ose, dans un discours, attribuer la responsabilité du "cynisme" du monde financier aux idées de 68 ; c’est lui et ses séides, de tous ages, qui se posent en donneurs de leçons : pas moi.

                                  Moi, je ne fais qu’essayer de remettre les choses dans leur perspective, pour faire la part des choses et, oui, je considère qu’en gros, c’est la majorité de la génération des trentenaires-quadragénaires, qui a une large part de responsabilité dans ce qu’elle vit, par abandon de la solidarité, qui défend les positions les plus réactionnaires.

                                  Pour le "ne fais pas aux autres", j’en suis entièrement d’accord : il me semble que je ne fais que tendre à ceux-là le miroir de leur propre discours méprisant, et je ne m’en priverai pas.

                                   

                                   


                                  • sisyphe sisyphe 20 mars 2008 00:52

                                    @ Yohan : je suis d’accord : pas d’excès d’honneur, ni d’indignité ; pas non plus de "commémoration" (ça sonne un peu sinistre), mais une juste reconnaissance des erreurs et , surtout, des acquis ; parce que je pense qu’on en a encore besoin...


                                  • mimi 20 mars 2008 08:24

                                    nous voulions changer le monde ,et c’est vrai que le monde nous a peut-être changé ! mais je reste persuadée que nos rêves sont toujours d’actualité et que nos luttes peuvent étre vos luttes ;Car cette société n’est pas celle que j’aurai voulu pour mes enfants et je suis chaque jour en révolte .

                                    Je ne regrette rien,car j’aurai au moins essayé !


                                    • ASINUS 20 mars 2008 15:15

                                      yep je l ai déja dit par ailleurs

                                      mai 68 je ne sais si la société a changé

                                      mes concepts intellectuels sont surements trop limités

                                      ce dont je me souvient seulement c est que j avais 9 ans que des gardiennes et des régisseurs

                                      s occupaient de moi et que l année 69 a vus arriver eliane didier marine isabelle qui se disait

                                      éducateurs educatrices et qu il m ont aidés a grandir sans passer obligatoirement par la case

                                      rebellion et echecs aussi vous voudrez bien passer les "acquis" de ce joli moi a la moulinette

                                      qu il vous conviendra comme je ne suis qu un vieux con je n en ai rien a foutre et je continuerais a

                                      voir ce joli moi avec la nostalgie et le sourire


                                      • ASINUS 20 mars 2008 15:17

                                        joli moi  lapsus revelateur non ?


                                      • Blé 21 mars 2008 06:19

                                        Comme je l’ai déjà écrit par ailleurs, il me semble qu’il y a autant de mai 68 que d’individus.

                                        Personnellement, en 68, j’avais 18 ans, je vivais et travaillais à Paris. Un samedi matin, dans le salon de coiffure où j’étais apprentie, ma patronne qui suivait les évènements à la radio me dit :" il faut rentrer chez vous tout de suite, les transports se mettent en grève (métro, bus, taxi), j’ai donc fait gare Saint-Lazare Mairie d’Ivry à pinces. Durant plusieurs semaines, j’allais aux manifestations d’étudiants bien que je ne sois pas étudiante, cela m’a permis de voir la Sorbonne, le théâtre de l’Odéon, endroits prestigieux mais inaccessible à la majorité de la jeunesse de cette époque.

                                        Il y avait le rideau de fer, l’américanisation des esprits à cette époque était déjà bien avancée : lutte contre le communisme, états totalitaires à l’est mais aussi en Amérique du Sud où les U S A jouaient sur du velours pour défendre leurs intérêts, la guerre au Vietname, etc...

                                        L’écart entre la condition féminine et celle des garçons était gigantesque. Pour une fille être enceinte était une catastrophe, elle était mal jugée par contre les garçons eux n’avaient pas à assumer leur responsabilité dans cette situation. La faute en revenait systématiquement à la fille. Les faiseuses d’ange avaient beaucoup de boulot, chaque année des dizaines de femmes laissaient des orphelins à cause du refus de la contraception et de l’avortement médicalisé.En 1970, j’ai du signer un papier m’informant que si j’étais enceinte au cours de la formation (6 mois) dispensée rue de la bourse à Paris par l’AFPA, je serais immédiatement renvoyée sans indemnité.

                                        Quelques anecdotes : c’est l’époque où il était prouvé scientifiquement que les filles n’étaient pas douées pour les math ; l’homosexualité était considéré comme une maladie, selon les médecins les ouvrier-ères étaient beaucoup plus durs vis à vis de la souffrance que les cols blancs ; les enfants ne souffraient pas ou ressentaient beaucoup moins la douleur que les adultes.

                                        Mais c’était aussi l’époque où dans les cités il était possible de trouver une mixité sociale que l’on ne retrouve plus du tout aujourd’hui. Faut dire que l’on ne parlait plus de la guerre d’Algérie, "les pieds noirs" s’installaient en France.

                                        Ma vision de mai 68 est forcément fort différente car je l’ai vécu d’en bas, comme des centaines d’apprenties qui travaillaient en moyenne 56 heures par semaines tandis que des travailleurs faisaient la grève pour les 40H/semaine. Bref, la société n’était pas homogène, il y avait de grandes disparités à l’intérieur de chaque catégorie sociale, cependant les catégories "des sans voix" d’hier sont toujours les mêmes aujourd’hui. 

                                        Il y a quand même un grand changement sur le plan générationnel. En 68, beaucoup d’hommes et de femmes avaient subis la guerre et avec le recul, je constate que globalement, ces personnes étaient beaucoup plus tolérantes et respectueuses que les gens du même âge aujourd’hui. Et nous, les jeunes n’avions pas la prétention d’apprendre la vie à des gens de 10 - 15 - ou 20 ans nos ainés. 

                                        Je suis à la veille de la retraite et quand je vois des jeunes de 40 ans m’affirmer certaines "vérités", je me tais car ils ont droit de faire leurs expériences mais le temps qu’il leur faudra pour vérifier leurs "vérités" leur coûtera très cher. Il y a une solidarité entre les loups qui nous gouvernent et ceux qui mènent le monde pour expliquer aux classes sociales dominées qu’elles coûtent chères en droit sociaux, en éducation, en santé, etc...Avoir comme avenir que le droit d’être super compétitif pour engraisser des porcs qui sont déjà bien gras (même s’il y a une crise bancaire en ce moment) n’est pas très réjouissant. Il faut vraiment que les nouvelles générations aient peu d’ambition pour s’en contenter ;

                                        J’admets volontier qu’une personne qui a un bac + 5 +6+7 etc... sache beaucoup de choses, mais ce n’est pas sur les bancs d’école que l’on apprend l’essentiel : vivre et faire société ensemble.


                                        • sisyphe sisyphe 21 mars 2008 10:39

                                          Allez, pour mai 2008, un bel anniversaire, avec des feux de joie partout !!

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