Le totalitarisme progressif

Il y a sûrement plusieurs façons de faire. Mais j’en conçois une assez simple. La peur associée à des mesures générales suite à des cas particuliers.
Un minimum d’explications :
Les gens seront majoritairement d’accord pour s’opposer à la violence conjugale. Les femmes battues sont un bon sujet d’indignation, à juste titre. A partir de cet accord général, il s’agit pour Monsieur Fillon de faire passer la pilule d’un bracelet électronique pour les maris coupables. On oublie rapidement qu’il y a encore quelques années, l’idée même d’un bracelet électronique nous aurait fait bondir. Et la dérive est facile. Car pour certains cas de violence conjugale réelle, il y en a d’autres qui seront inventés ou ne serait-ce que exagérés par une épouse déçue ou une famille revancharde. Alors en plus d’une condamnation parfois imméritée, l’obligation de porter le bracelet électronique finira de détruire le mari perdant (n’y voyez aucun sexisme de ma part, dans l’autre sens ce serait la même chose. Mais il semble qu’il y ait plus de femmes battues que de maris battus).
La loi sur la rétention de sureté. Née du désir de ne pas voir des criminels récidiver dans leur comportement ? Peut-être pour certains. Mais surtout née d’une loi similaire à laquelle l’ex député UMP, supporter acharné de cette loi, Georges Fenech, a fait référence : la loi allemande "Sicherungsverwahrung" signée et promulguée par Adolphe Hitler en 1933. Une loi qui permet de garder quelqu’un en prison même s’il a fait sa peine. Qui décidera ? Un comité de psychiatres ? La porte est ouverte à toutes les dérives, toutes les erreurs, et surtout à toutes les pressions arbitraires.
Même chose avec la castration chimique pour les violeurs. Qui peut éprouver de la compassion pour un violeur ? Donc, commençons par eux. Si un comité « d’experts » le décide, un violeur peut être forcé d’être castré chimiquement ou bien gardé en prison au delà de sa peine s’il refuse le « traitement ». La justification de cette aberration : de TRES rares cas de récidive pour lesquels d’ailleurs il y avait eu un traitement psychiatrique pendant la détention. Mais Monsieur Fenech (encore lui) nous rassure : « On ne soigne pas quelqu’un contre sa volonté, par contre on peut l’y contraindre » (France Info le 17 novembre à 17h15). Georges Fenech est aussi l’homme de la castration chimique, qui à partir de 3 cas de récidives élabore des plans généraux concernant les récidivistes (carte des délinquants sexuels, bracelet électronique, obligation de "soins", etc.), surfant ainsi sur la vague de la peur.
Le danger, ce n’est pas pour Francis Evrard, dont l’avenir m’indiffère assez, mais pour le précédent créé. Pour le fait qu’aujourd’hui, on peut « contraindre » quelqu’un aux « soins ». Pour le fait que demain, on pourra étendre cela aux opposants, à ceux dont on veut se débarrasser. Pour le fait qu’une personne condamnée pour un délit, même après avoir fait sa peine et payé sa dette à la société, devra peut-être porter un bracelet électronique, parce que la pratique sera rentrée dans les mœurs. Pour le fait que l’évaluation de la dangerosité ne fait pas partie de nos principes républicains. A qui cela pourra-t-il être confié ? Personne n’en a la compétence. Les experts psychiatres se trompent 9 fois sur 10. Faisant relaxer de dangereux criminels et enfermant parfois des gens normaux.
Autre manière de créer des lois générales à partir de cas particuliers. Les mensonges sur les chiffres. Je reprends l’exemple de Georges Fenech lors de son interview sur France inter. Il répond que 20% des condamnations seraient d’ordre sexuel lorsque le journaliste lui demande comment il peut s’appuyer sur seulement trois cas pour généraliser comme il le fait dans son livre. Puis il déclare qu’il y a eu 467 délits d’ordre sexuel dans l’année, dont 23 viols. Hallucinant. Faites le calcul... En 2006 il y a eu plus de 120 000 condamnations rien que pour conduite en état d’ivresse, dont 55 000 qui ont donné lieu à des peines d’emprisonnement (annuaire statistique de la justice). Son pourcentage est complétement bidon et il prend les auditeurs pour des imbéciles. Mais cela créé une bonne petite peur qui permet de laisser passer sans sourciller des mesures à la limite de la constitution.
De nombreuses lois répressives passent de cette manière, en jouant sur la peur des gens, en surfant sur de faux chiffres, en médiatisant un fait isolé à outrance, en excluant totalement la vraie source des problèmes qu’elles sont censées résoudre, en partant de l’exception pour imposer la règle, souvent inadaptée à la réelle situation, et plus dangereuse que salvatrice.
Il ne s’agit pas d’être contre la loi. Il s’agit de refuser des lois basées sur de faux chiffres, de fausses analyses, de fausses peurs, destinées à réduire les libertés individuelles, et d’exiger de réelles lois bénéfiques, respectueuses de nos principes fondamentaux et qui permettent de résoudre les difficultés sans nous amener vers un totalitarisme répressif déjà connu.
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