Le travail de l’ombre de Claude Guéant en Libye (1)
La manipulation évidente des extrémistes islamistes en France, ces dernières semaines, ainsi que celle de la peur d'un second tireur fou en France, à mis en évidence un responsable à ces tripatouillages de faits et une manière fort tortueuse de présenter les choses. L'homme qui est au devant la scène depuis plusieurs semaines maintenant pour s'emparer des micros et fustiger des personnes et les montrer du doigt, quand il ne s'embarque par sur des comparaisons de clvilisation, c'est bien entendu Claude Guéant. Il est devenu le second personnage élyséen, à se montrer aussi omniprésent sur les dernières affaires, celles destinées à faire peur à la populace afin de renforcer un arsenal répressif et présenter aux français un Sarkozy protecteur du peuple. Devenu un Karl Rove à la française, d'un président qui se prend pour G.W.Bush, voilà ce qu'est ces derniers temps le ministre de l'intérieur, prêt à tout instrumentaliser et à tout récupérer à son profit.
Car l'étude attentive des faits désormais historiques sur la disparition de Mouammar Kadhafi révèle autre chose à l'actif de l'ex-secrétaire de l'Elysée devenu ministre. Claude Guéant, dans cette affaire qui s'est soldée par un lynchage en régle porte en effet une énorme responsabilité, à n'avoir eu de cesse d'agir dans l'ombre pendant plusieurs mois précédants la mort du dictateur, pour l'évincer, et le couper surtout de ses conseillers les plus proches. Ou en occultant notamment une grave affaire judiciaire touchant les fils de Kadhafi. Les services secrets français et Claude Guéant n'ont fait qu'un seul, en Libye. Ce qui, au départ n'est pas le rôle d'un ministre de l'intérieur.
C'est en me replongeant dans un livre que j'ai retrouvé trace de l'infuence primordiale de Claude Guéant dans l'éviction du pouvoir de Kadhafi. Ce livre de Pierre Péan, "La République des Mallettes", je ne l'ai pas apprécié du tout, à vrai dire. En raison de sa légèreté surtout : ce n'est en rien une enquête... ce ne sont que des collages d'articles de presse ou d'Internet (vous allez me dire c'est ce que vous faites, ce à quoi je vous répondrai : oui, mais vous n'êtes pas en train de lire un livre, et je ne m'appelle pas Péan !!!) et surtout la charge contre le seul Djourhi est telle, tout au long de l'ouvrage, qu'on se demande s'il ne sert pas avant tout à blanchir Ziad Takieddine (*) , qui s'en sort nettement mieux dans le livre. L'homme des avions renifleurs d’Elf a visiblement perdu de sa superbe, et n'écrit plus désormais que pour encenser divers pouvoirs, ou les aider, y compris les pouvoirs africains. Blacksmith ici-même sur Agoravox en septembre dernier lui avait réglé son compte en beauté. "Qu'Alexandre Djhouri ait joué et joue un rôle dans des négociations de grands contrats internationaux ne fait aucun doute. Que son parcours et ses méthodes laissent de larges zones d'ombre, c'est tout aussi évident. Que Nicolas Sarkozy, comme Jacques Chirac avant lui, le consultent à l'occasion, personne ne le nie. Mais les déductions que fait Pierre Péan à partir de ces faits largement connus depuis des années, est proprement farfelu" indiquait fort justement le collègue. Il n'empêche, le livre contenait quand même quelques informations, disséminées au fil des pages, qui, au vu des événements récents, prennent de nouvelles couleurs. En négligeant la focalisation maladive de Péant sur Djourhi, il restait en effet quelques bribes qui, mêlées à d'autres, venues cette fois de la presse de ces derniers mois, permettent en effet de dessiner les contours des dernières heures du dictateur, et surtout du lâchage de ses proches, raison principale de sa chute. Tout cela, avec les indispensables mallettes au milieu, bien entendu. Et permettaient aussi de découvrir le rôle d'un homme, un seul, qui a servi de plaque tournante à ses défections multiples. Et cet homme, c'est tout simplement Claude Guéant, à savoir le double véritable de Nicolas Sarkozy.
Ainsi, dans l'ouvrage, ces révélations sur les fameux Airbus de Kadhafi. Ils remontaient à 2004, année de la levée de l'embargo sur les armes, selon Péant : "déjà, en 2004, après la levée de l'embargo de l'ONU pesant sur la Libye, et après le règlement des indemnités des victimes des attentats du DC-10 d'UTA et du Boeing 747 de la PanAm, le conseiller diplomatique de Jacques Chirac, Maurice Gourdault Montagne, avait imposé son ami Djouhri comme intermédiaire dans la vente de douze Airbus et de missiles Milan par EADS : une exigence élyséenne exprimée auprès de Jean-Paul Gut, alors président d'Aérospatiale-Matra Lagardère International, c'est-à-dire le patron des exportations du groupe, lequel l'a ensuite imposée à Marwan Lahoud, alors président de MBDA Missiles Systems', qui succédera bientôt à Jean-Paul Gut". En somme il s'agissait d'un double package militaro-civil ; des Airbus, d'un côté, et des missiles Milan, de l'autre, ceux que l'on craint désormais égarés du côté du Tchad ou du Niger, car pillé par les rebelles et embarqués par les touaregs. Avec à la clé bien entendu des rétro-commissions pour le clan Kadhafi... et pour Jacques Chirac, alors patron des négociations via Maurice Gourdault Montagne, nommé le 19 janvier ambassadeur de France en Allemagne, en remplacement de Bernard de Montferrand. Douze Airbus, c'était un fort joli contrat : c'est près de la moitié de ce qu'achète tout le continent Africain en un an. Nous sommes en 2004, et dans l'autre guerre fratricide que se livrent les chiraquiens contre les balladuriens, ceux qui emportaient les commissions, c'étaient plutôt les chiraquiens.
Logique, car dans le clan Chirac, l'autre personnage jouant les bons offices étant alors le mari de Mam, surnommé "POL", nous rappelle la presse : "Patrick Ollier s’était montré particulièrement présent lors de la première visite à Tripoli de Jacques Chirac, les 23 et 24 novembre 2004, auprès des entreprises françaises d’armement qui craignaient d'arriver un peu tard dans le pays. « Sous la pression des milieux d'affaires français (Thalès, Dassault, Total, EADS, le chef de l'Etat a dû avaler toutes les fantaisies et les arabesques du « Guide », à l'instar de sa demande pressante de nucléaire civil pour mettre Jacques Chirac en porte à faux avec les Américains » écrivait alors Maghreb confidentiel. Suspecté d’ « accointances excessives » avec certains régimes arabes, en 2004, le général Rondot commence à enquêter sur les amitiés libyennes de Patrick Ollier. « Compromission de POL. Irak, Libye, Syrie », note l'espion dans ses fameux petits carnets. POL est l’abréviation pour le compagnon de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense. " Le mari de la ministre de la défense meilleur ami de Kadhafi, et responsable de l’association France-Libye, ça ouvre des portes, question achat d'armes, logiquement. Voilà qui n'était pas sans embarrasser les balladuriens, "Mam" jouant les dernières chiraquiennes de service avec laquelle Sarkozy a bien été forcé de composer. "Maintes fois aperçu en Libye en compagnie d'industriels ou d'hommes d'affaires proche du régime, Patrick Ollier a même fait l'objet d'une enquête discrète diligentée par le groupe industriel Thalès, qui cherchait à savoir s'il avait reçu de « supposées commissions libyennes ». Selon le site Owni, Aziz Miled ( un homme d'affaires tunisien lié au clan Trabelsi) avait d'ailleurs mis à disposition de Patrick Ollier un avion pour se promener en Libye lors d'un de ses nombreux déplacements au pays de Kadhafi, en 2002 (*). Le monde est vraiment petit" note Egbade. Très petit, ajouterai-je.
Jean Gattégno, dans un autre livre, nous avait rappelé à cette occasion la lutte fratricide entre sarkozystes et chiraquiens, Jacques Chirac n'aimant pas se faire doubler, notamment sur le mirobolant contrat saoudien Miksa : "le 12 décembre 2003, Chirac exige l'annulation du voyage de son ministre de l'Intérieur et décide de placer le contrat Miksa sous la surveillance directe de l'Élysée. Il désigne pour cela Maurice Gourdault-Montagne, ancien directeur du cabinet d'Alain Juppé, devenu conseiller diplomatique du Président et homme des missions délicates. Jamais la suspicion au cour du pouvoir exécutif n'avait suscité une telle violence ni entraîné un chef de l'État aussi loin ainsi, l'Élysée s'est assuré, dans un ordonnancement inédit, la haute main sur le plus gros marché de matériels sensibles jamais négocié par l'industrie française ; chiraquiens et sarkozistes se renvoient ouvertement l'accusation de vouloir profiter du contrat saoudien pour remplir d'hypothétiques caisses occultes. Malgré la vigilance de Gourdault-Montagne, dont la réputation d'intégrité est sans tache, intermédiaires officiels et officieux s'affrontent en coulisse avec la même avidité". A l'époque, Alain Juppé est au courant de tout ce qui se trame. Nous verrons plus loin que plus tard, quand il redeviendra ministre, appelé par Nicolas Sarkozy, il n'en sera plus tout à fait de même. Le rift politique entre les deux clans était profondément installait, et s'écartait même davantage depuis 2007. On avait affaire depuis plusieurs années maintenant à deux plaques tectoniques et politiques différentes.
Il s'agissait donc, en 2004, de livraisons d'avions civils uniquement. Parmi les appareils alors livrés, l'Afriqiya Airways VVIP Airbus, un A340-213, enregistré sous le numéro “5A-ONE”, c'est en fait l'ex HZ-WBT4 de la Kingdom Holding Company. Celui du Prince saoudien Alwaleed Bin Talal Al Soud (ici à bord de son avion). Celui qui a annoncé l'été dernier qu'il devrait faire construire une tour de 1000 mètres de haut à Jeddah... la Kingdom Tower, un contrat passé avec le Ben Laden Group (qui ne l'oublions pas est un groupe spécialisé dans le bâtiment). Une tour destinée à battre les 828 m de la Burj Khalifa de Dubaï. Destiné au dictateur pour emmener sa smala à l'étranger, l'appareil d'occasion avaut été entièrement réaménagé. A l'époque on avait comparé cet aménagement intérieur, plutôt de mauvais goût, à celui du Boeing 757 de Donald Trump, un des ex de Carla Bruni. Tous les avions de la flotte avaient vu leur queue ornée d'un symbole étrange : des chiffres de couleur sur fond noir, qui évoquaient en fait la conférence de Syrte en Libye où la décision de créer l’Union africaine avait été prise et signée par les chefs d’Etat africains le 9 septembre 1999 d'où le 9 / 9 / 99 qui intriguait. Les appareils repeints de Kadhafi montraient à l'extérieur que le dictateur venait juste de se refaire une virginité diplomatique. L'ex banni de la vie politique mondiale, en acceptant d'indemniser des victimes, venait de se faire accorder le droit d'organiser une société d'aviation comme d'autres pays africains.
Adroit politique, le dictateur l'avait fait rappeler sur la queue de tous ses appareils ! L'un de ses appareils, un Airbus A-330 d'Afriqiyah (celui en photo au début du chapitre) s'étant crashé à l'atterrissage le 12 mai 2010. Ajoutons que le prince Prince Alwaleed bin Talal (ou Al-Waleed bin Talal et Abdul Aziz Al Saud) possède également un yacht de 86 m de long, le Kingdom 5KR, racheté au milliardaire Trump, qui prend ses quartiers depuis des années à Cannes, durant le festival. A noter aussi le bien étrange choix de couleur pour la peinture des avions de Kadhafi, les seuls à porter une arrête noire le long de leur fuselage (ce qu'ils n'ont pas toujours porté tout de suite) : par satellite, ils étaient devenus d'office les plus repérables !
A la fin du conflit, une partie de la flotte sera annoncée comme détruite, mais pas semble-t-il le quadriréacteur aux décorations de lupanar et les autres A330 et A319. Pour d'aucuns ce sont les fidèles de Kadhafi qui auraient détruit les avions, ce qui reste à démontrer encore semble-t-il. En réalité, il semble que seuls deux avions aient été détruits.L'Airbus A300B4-620 5A-IAY ait (ici au décollage) été détruit par un tir intempestif et l'incendie qui a suivi, le 25 août 2011. L'Airbus A320 5A-ONK, sera touché lors de la même opération. Ainsi qu'un autre Aibus A-300 600R, le 5A-DLZ des Libyan Arab Airlines touché par des rockets et qui brûlera intégralement devant les caméras sans que les pompiers présents n'aient pu l'empêcher. Mais un autre phénomène sera apparu auparavant, c'est BHL qui dans son livre va raconter comme à son habitude tout et n'importe quoi : "presque jusqu’à la fin de la guerre, les alliés ont épargné une cible stratégique : « la piste d’aviation privée du Colonel » située dans sa ville-bunker de Bab al-Azizia. L’ambassadeur de Grande-Bretagne en France explique à BHL pourquoi cette piste et l’avion personnel de Kadhafi ont été volontairement épargnés. « Le message [à Kadhafi] est double. D’abord : vous avez une porte de sortie (….). Ensuite : si vous vous réveillez un beau matin en apprenant qu’une bombe anglaise ou française a endommagé votre piste privée, alors oui cela voudra dire que vous êtes fait. " Le problème, pour BHL, c'est qu'à Bab-el Azizia il n'y a pas de piste de décollage, même privée...
seulement un bout de gazon pour un hélicoptère, et le terrain est à 120 km à l'Ouest de Tripoli. Il n'est pas privé mais militaire, et a été l'objet de bombardements intensifs dès le déclenchement de Odyssey Dawn, le nom de code de l'attaque de la Libye. Selon certaines informations, un pilote libyen, le Colonel Fakhri Alsalabi, aurait délibérément jeté son appareil ("a small aircraft") sur le bunker de Bab al-Azizia, provoquant la mort de Khamis Kadhafi. L'information n'a pas à ce jour été confirmée. Selon d'autres informations, c'est au dessus de Benghazi que l'avion se serait crashé et non à Tripoli.
Péant, lui, focalisant toujours sur Alexandre Djourhi, même quand il n'avait rien à voir avec l'affaire : "Précisons que Djouhri, qui se prévalait de son amitié avec Béchir Saleh, le directeur de cabinet de Kadhafi, n'avait joué qu'un rôle minime, voire inexistant dans les ultimes négociations avant la signature de ces contrats. Des témoins se rappellent encore la finalisation du deal, au Salon aéronautique de Farnborough, lors d'un déjeuner dans le stand de l'homme d'affaires saoudien Mansour Ojjeh. Surviennent monsieur Alexandre, arborant au revers de sa veste un badge sur lequel on peut lire « Iskander », et Béchir Saleh. Stupeur de ceux qui ont vraiment négocié avec les Libyens : « Que fait ici Alex ? demande l'un d'eux à Jean-Paul Gut. - Vois ça avec ton patron [Lahoud]. » Après le déjeuner, les vrais négociateurs voient Alexandre Djouhri et Béchir Saleh monter dans un avion privé dont l'inscription « Vivendi Universal » n'a pas été effacée..." raconte Péan. Les ragots de Péan ne présenteraient pas d'intérêt s'ils ne nous donnaient pas, ici et là quelques bribes supplémentaires sur ce qui se passait alors en coulisses.
Car Péant ne dit pas que des bêtises : la preuve en est l'étonnante découverte d'un imprimé publicitaire vantant les mérites du lanceur russe Iskander, celui figurant sur le badge de Djourhi, lors du sac de la propriété de Mouatassim Kadhafi. Visiblement, la Libye avait été impressionné par le missile russe et souhaitait donc en acheter. Dans la propriété-bunker du fils Kadhafi, l'image de l'Iskander voisinait celle d'une Lamborghini... le grand intérêt porté par le clan Kadhafi sera révélé par un câble intercepté par Wikileaks en janvier 2007 émanant de l'ambassade de Libye à Moscou. Le missile souhaité par Mouatassim Kadhafi est un missile courte portée ainsi décrit : " le système Iskander SS-26 est un missile balistique tactique de courte portée développé et produit en Russie. Le SS-26 remplace le système OKA SS-23 qui a été abandonné suite au traité de convention sur l’utilisation des armes nucléaires. Le missile tactique SS-25 Iskander a été conçu pour détruire les armes ennemies, les postes de commandement, les nœuds de communication, les aérodromes, et les installations de missiles et toutes les cibles critiques. Le missile utilise un carburant solide, avec un seul étage et disposant d’un système de guidage continu durant toute la trajectoire. L’ogive fait partie intégrante du missile et dispose d’une tête optique. L’ogive peut contenir une charge classique, à fragmentation ou à pénétration. Le Iskander est monté sur un châssis de camion 8x8 MAZ-543. La version plus récente le Iskander-M est monté sur le châssis du camion MZKT-7930. L’ensemble SS-26 Stone est équipé du missile 9M72, qui peut être tiré sur une portée minimum de 50 km jusqu’à une portée maximum de 280 km. La précision du tir est de 50 à 70 m en configuration classique, et de 5 à 8 mètres avec l’utilisation d’une tête optique".
L'avion décrit faisait en effet partie d'une flotte bien particulière : "quand il était à la tête de Vivendi, Jean-Marie Messier disposait d'un Airbus A319. Plus tard, Jean-René Fourtou se faisait épingler pour son utilisation personnelle des différents Falcon de la société. Aujourd'hui, le géant de la communication dirigé par Jean-Bernard Lévy est toujours propriétaire de trois avions, dont un, un Falcon 10, est hypothéqué. Il les loge au sein d'une filiale, SIG 60, qui les loue à Aéro Service, une compagnie de jets dont Vivendi est actionnaire minoritaire". Le hangar de Vivendi offrant 2 petits Falcon 10 (F-GFMD, ici vu à Malte en janvier 2007, et F-GFPF, vu ici au Bourget en 2005), et 1 Beech 200 (F-GGPR, vu ici à Ibiza en 2002). En tout cas, l'indication donnée par Péan permettait de se faire une idée du degré d'intégration de Saleh, parmi le patronat français, assidu à lorgner sur la manne libyenne promise par la normalisation du personnage. On pouvait enfin envisager de commercer avec Kadhafi sans se voir montrer du doigt ! Quant à Kadhafi, il possèdait lui, en plus de ses Airbus, au moins trois jets privés, dont un Falcon Falcon 900 enregistré comme Lybian Airlines, la famille Kadhafi confondant allégrement bien d'Etat et biens personnels. Le 9 mars 2011, en pleine crise, ce Falcon 900 sera aperçu à survoler la Grèce, l'avion transportant un « haut responsable de l'armée libyenne » qui devrait rencontrer ses homologues égyptiens" avait alors précisé Al-Jazira. Durant plusieurs mois avant sa chute, de tels avions avaient sillonné la Méditerranée, malgré l'interdiction de vols décrétée par l'Otan. Sans qu'on ne sans formalise plus que cela. Des négociations sécrètes étaient en cours... sans qu'on ne veuille en parler officiellement. Elles avaient lieu en Tunisie, à Djerba. Kadhafi était en train de se rendre, mais comme d'habitude chez lui, à chaque accord atteint, il faisait rajouter une clause supplémentaire lui assurant des arrières plus fastes, ou la garantie d'aucune poursuite ultérieure.
Mais revenons en maintenant à la vente du lot d'Airbus commandés en 2004. L'enjeu des négociations, entre le pouvoir libyen et EADS, concernait le versement de pots de vins promis. Le bakchich accordé à Béchir Saleh, bien sûr ! "EADS se fera tirer l'oreille pour verser les commissions à Alexandre, dont une partie est censée revenir à Béchir Saleh, lequel, en plus de son poste de conseiller de Kadhafl, occupe la présidence du fonds souverain Libyan Africa Portfolio (LAP). EADS refuse de verser ces sommes pour la bonne raison qu'aucun contrat prévoyant ces versements n'a été signé ; il n'existe donc aucune base juridique pour débourser les commissions réclamées. Malgré les injonctions musclées de Djouhri, qui réclame 12,8 millions d'euros pour les douze Airbus vendus à Afriqiyah Airlines, une filiale du fonds LAP dirigée par Béchir Saleh, Marwan Lahoud refuse de payer, tout comme son supérieur, Louis Gallois, devenu président d'EADS" nous dit Péan. C'était la suite directe des rivalités Balladur-Chirac, dont les libyens n'avaient cure bien sûr. Evidemment, ce refus d'EADS risquait alors de ruiner la signature de contrats futurs. La situation était donc bloquée, jusqu'au jour ou un homme miracle intervient pour la débloquer : "Claude Guéant entre alors dans le jeu et envoie des textos à Marwan Lahoud (le frère de celui impliqué et condamné dans l'affaire Clearstream) pour que soient réglées les sommes dues à Djouhri et Saleh, deux personnages-clés dans sa politique libyenne. Il semble bien que, en dépit de la désapprobation de la direction d'EADS, les sommes ont été quand même versées..." affirme le journaliste. Sans en apporter la preuve il est vrai. La preuve des rétro-commissions, des bakchichs versés à Saleh... et des rétro-commissions reversées aux français.
Des bakchichs qui auraient pu devenir croquignolets avec les ventes militaires espérées : "à la fin de l'année 2010, les industriels français espéraient encore vendre à la Libye, outre plusieurs hélicoptères Eurocopter, pour plus de 500 millions d'euros, un système de radars de défense aérienne de Thales, pour 1 milliard d'euros, un système de surveillance des frontières, mais aussi la mise à niveau des vieilles vedettes Combattante des chantiers CMN (Constructions mécaniques de Normandie), ainsi que celle des chars T-72 (***) et encore un système de défense côtière, des bateaux du chantier OCEA pour les forces spéciales, etc. C'était avant le soulèvement de Benghazi, la répression des insurgés de Cyrénaïque par les troupes de Kadhafi et le vote de la résolution 1973 à l'ONU". Et même un paquebot complet, le Phœnicia, de 1751 cabines, promis à Hannibal Kadhafi, qui aurait eu à bord comme animation un aquarium à requins... traversant le bar du navire (avec "deux blancs, deux marteaux et deux à pointe noire, rapporte jeudi le Financial Times"). l'engin, commencé sur les ex chantiers de l'Atlantique (devenus STX, sud-coréen), sera re-négocié plus tard par un armateur italo-suisse (la Mediterranean Shipping Company ) : "chargé de colonnes de marbre, de miroirs à cadres d'or, d'immenses statues et de son aquarium de 120 tonnes, le bateau devait également être équipé d'un garde-manger dédié aux requins, dont quatre biologistes devaient prendre soin, à plein temps. Hannibal n'a jamais vu le Phœnicia achevé. Sa commande a été annulée en juin 2011, durant la guerre civile libyenne. Le bateau est aujourd'hui racheté par l'une des principales compagnies de croisière au monde, MSC Cruises ! " . Le paquebot, racheté 510 millions d'euros, s'appelle désormais le MSC Preziosa.
Et sans oublier aussi ce qu'ils ont alors déjà vendu, c'est à dire le système de surveillance des libyens via l'Internet et la téléphonie, dont les services secrets libyens se sont abondamment servis pour faire la chasse aux opposants. Un site de curieux a retrouvé la facture globale d'un des systèmes vendus. De l'or en barre, pour le vendeur, quand on s'aperçoit que c'était fabriqué à base de serveurs courants et de simples logiciels dédiés.
De l'or en barre, que je vous propose d'examiner plus attentivement demain, si vous le voulez bien.
(*) dont on vient d'apprendre à quel point son dossier embarrasse le pouvoir, avec le cambriolage de ces avocates, une énième barbouzerie évidente.
(**) C'est à bord du jet privé d'Aziz Miled que la ministre française des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie se rend en Tunisie, plus précisément dans la station balnéaire de Tabarka, pour les vacances de fin d'année 2010, alors que la révolution tunisienne est en cours. La prise de position de la ministre en faveur de Ben Ali avant la chute de ce dernier crée une polémique. Les révélations du Canard enchaîné sur son voyage laisse entendre que Miled est un proche de l'ancien président. Pour sa défense, Alliot-Marie évoque des relations d'amitié anciennes avec Aziz Miled et prétend que ce dernier ne serait pas un proche de Ben Ali et du clan Trabelsi mais plutôt l'une de ses victimes7 alors que Miled avait déclaré redistribuer l'argent qu'il gagne « au lieu de [s]'offrir un jet privé »2. L'avion "appartenait auparavant à Karthago Airlines, une compagnie contrôlée par Belhassen Trabelsi, gendre de l’ex-président Ben Ali, et portait l’immatriculation TS-IBT" signale un bloggeur qui nous fait visiter l'intérieur tout en ronce de noyer... Les hebdomadaires Le Canard enchaîné et Le Nouvel Observateur révèlent courant février 2011 que les parents de la ministre ont, le 30 décembre 2010, racheté à Aziz Miled l'ensemble des parts d'une société civile immobilière que ce dernier aurait crée à leur intention en octobre 2010. Le terrain public aurait été vendu par l'Agence foncière touristique à un prix dérisoire, opération qualifiée de « cadeau du pouvoir » par plusieurs hommes d'affaires tunisiens. Ces révélations amoindrissent la défense de la ministre qui avait parlé de rencontre « fortuite » avec Miled."8.
(***) les fameux chars T-72 seront au final remis à neuf par une société américaine dans laquelle un sénateur US passant sa vie à alerter sur le terrorisme mondial avait des parts. Lire ceci sur le cas :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-belle-peinture-des-chars-de-92024
extrait : "Weldon est donc dans la foulée allé démarcher Kadhafi, pour lui proposer d'entretenir son parc de véhicules soviétiques vieillissant. Ses vieux BMP comme ses antiques T-72, dont certains ont été capturés par les rebelles. Fin mars 2008, Weldon s'est effectivement rendu à Tripoli. Et a signé avec Kadhafi un pré-protocole d'accord, révèle le magazine Wired : "un document daté du 16 avril, deux semaines seulement après le voyage en Libye de Weldon présente "des solutions de défense" et une "proposition pour la Libye de remettre en état la flotte du pays de véhicules blindés", y compris ses chars T-72, ses véhicules BMP-1 de combat d’infanterie, et ses BTR-60 de transports de troupes blindés. Une copie de la proposition de vente, également fournie à Wired.com, porte l’en-tête de Defense Solutions et qui semble porter la signature du PDG de l’entreprise Timothy Ringgold, a été adressée au Conseil de la Libye en matière de défense. "Defense Solutions s’est engagé à fournir une solution complète de bout en bout à ses clients, indique la proposition américaine. "Outre la rénovation de ces véhicules, nous sommes capable de fournir un soutien logistique complète, y compris un approvisionnement de deux ans de pièces de rechange, la maintenance et des services de réparation, les opérateurs, l’entretien et la formation sur la réparation."
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-belle-peinture-des-chars-de-92088
extrait "une hypocrisie réelle, valable autant pour les USA que pour la France. On apprenait en effet aussi le 7 mars dernier que le gouvernement d'Obama avait discrètement mis sous l'éteignoir une livraison d'armes en Libye, selon un contrat bel et bien passé d'Etat à Etat, et pour une somme rondelette : 77 million de dollars pour fournir, curieux hasard encore, 50 petits transporteurs de troupes de type M113, comme ceux qu'on avait pu voir fugacement lors de la dernière parade kadhafienne. Des chars américains, datant eux aussi de la h-guerre du Viet-Nam, remis à neuf. L'annonce de la dépêche AFP a depuis été retirée du Net, on ne la trouve plus qu'en cache, et ça aussi ce ne peut être un simple hasard... Parmi ceux qui avaient "dealé" l'envoi des M-113 : Khamis Kadhafi, qui souhaitait aussi des pick-ups armés (des Toyota, qu'il a fait équiper de missiles russes anti-tanks "Spigot"), l'homme insistant avec son frère Saif, en parlant "d'affaire personnelle" à propos de cette livraison, comme le révélait Wikileaks : traduisons sans aucun problème par "rappel du versement de la commission négociée"... Khamis Kadhafi, présenté comme mort depuis sous les bombes de la cohalition... A ceux qui affirmaient que ses transports de troupes ne pouvaient avoir de vertus offensives, ne possédant pas d'armement lourd, un responsable des droits, William D.Hartung, le responsable de l'Arms and Security Initiative at the New America Foundation avait trouvé la bonne réponse : "Tout ce qui rend les troupes plus déplaçable leur permet d'être appliquées à des fins offensives, même si vous n'ajoutez pas d'armes dessus."
34 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON