Les 35 heures, un débat de cons
Après le dîner de cons, le nouveau concept tendance, c’est le débat de cons, spécialité médiatisée à laquelle nous avons été initiés depuis des années. Il y a peu, un débat sur l’identité nationale nous fut proposé, permettant aux bretteurs et autres bavards de donner leur opinion pour finalement un débat de cons passé aux oubliettes car personne n’a réellement compris à quoi il servait, ni quel était son intérêt et son importance pour faire avancer la France. Le débat de cons partage en commun avec le dîner de con la capacité incroyable à capter les esprits en leur faisant perdre leur temps. On ressort d’un débat ou d’un dîner de con comme on est entré, ni plus ni moins con qu’avant, ni plus ni moins intelligent qu’avant. Audiard aurait dit qu’un con qui lit du Sartre sera plus instruit qu’un intello qui participe à un débat de cons. L’identité nationale n’était pas vraiment un sujet essentiel à la vie publique et son déroulement a dû être prématurément interrompu parce que les thèmes discutés n’amenaient aucun progrès et suscitaient même la confusion, la dispute, la division entre les Français, bref, le contraire exact de ce qui devait être le ressort de ce débat, à savoir l’élaboration d’une idée de la France qui puisse rassembler ses concitoyens. Mais n’est-ce point là le propre d’un débat de cons que de partir en vrille ?
Et ce débat sur les 35 heures, qu’apportera-t-il à la société française ? Manuel Valls s’est engouffré dans ce débat de cons avant même que le grand ayatollah de l’Elysée ne procède à l’ouverture officielle des discussions sur la question des 35 heures, secondé par l’iman régisseur des annonces publiques, Jean-François Copé en personne, sous chef de l’UMP et préposé à donner la feuille de route pour les débats devant lancer le président actuel vers sa course à la réélection. Dans un débat de cons, il y en a toujours un qui essaye de faire le malin et ce fut Manuel Valls, ce haut responsable du PS qui semble ignorer qu’il a dans son inconscient la patte d’un nouvel Eric Besson. Les effets habituels du débat de cons ont commencé à se produire. Le PS s’est divisé. Certes, il l’était déjà mais là, ce fut un sujet de discorde assez salé pour ce parti qui ne sait plus où donner de la tête pour occuper les médias tout en gérant son mélodrame interne des primaires. Bref, l’audace de Valls ne ressemble qu’à une entame pourrie du débat pré-électoral sur cette question des 35 heures qui vient d’être déclarée débat d’utilité publique. Avec une formule à la con indiquant qu’il faut déverrouiller les 35 heures qui du reste ont été détricotées par la droite mais il faut de l’audace. Valls ne joue plus le papy détricoteur et se voit en tonton flingueur décrochetant la serrure pour ouvrir la porte non pas à une avancée pour la France mais un pas dans la notoriété pour progresser dans le parcours des primaires abordé comme un jeu de l’oie en prenant les enfants de la France pour des canards sauvages. Mais Valls n’a pas le talent d’un Ventura.
Quel intérêt que de discuter de ces 35 heures alors que les travailleurs français font paraît-il plus de 39 heures en moyenne, ce qui les place au milieu des nations, avec moins d’heures que les Britanniques mais plus que les Allemands qui pourtant, peuvent se prévaloir d’une économie dynamique. Finalement, ce sera un débat pour nous faire perdre notre temps et occuper notre pensée. Le vrai enjeu pour la France tient à une formule déclinée en chiasme. L’essentiel n’est pas de travailler plus mais d’être plus à travailler ! Gare au gradé du PS qui me pique cette formule, il devra me citer. Non, je rigole mais l’affaire est sérieuse. On ne peut pas décréter des heures qui seront travaillées. C’est le système économique qui décide des heures de travail disponibles. Ce qu’il faut déverrouiller, c’est la politique monétaire, c’est l’enjeu du sens, la réduction des inégalités de revenus. Ce qu’il faut déjouer, ce sont les manipulations enfermant les citoyens dans un unique horizon du travailler plus et l’illusion d’une croissance qui n’arrivera pas sur fond de dette publique. Débattre des 35 heures, c’est comme si on discutait de la couleur de la carrosserie qu’on veut mettre sur une automobile dont les suspensions sont patraques et dont le moteur est souffreteux. C’est aussi comme si on débattait sur le choix d’un papier peint pour agrémenter une maison dont les murs sont parsemés d’infiltration et dont les fondations flanchent.
C’est pitoyable mais les médias vont nous bassiner pendant des heures et des heures à diffuser les différentes interventions sur ce débat de cons. Après tout, c’est cela une année pré-électorale. Essayer de pratiquer des joutes intellectuelles sur des enjeux sans importance, sauf peut-être pour ceux qui jouent à nos dépends les bretteurs prêts à se mettre en scène pour un casting dont on connaîtra les personnalités retenues vers le mois de mai 2012. Tel semble être le rôle d’un débat de cons.
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