Les étiquettes de Sarkozy
La tentation est grande parmi les opposants à Nicolas Sarkozy de lui apposer une étiquette, de le stigmatiser afin de simplifier les termes du débat présidentiel.
Ainsi, les gauchistes le traitent de facho, le PS de néoconservateur américain, d’autres encore d’ultra-libéral mais aucun de ces noms d’oiseaux ne correspond à une quelconque réalité sarkozienne. En effet, ils supposeraient que le candidat UMP intrônisé récemment obéisse à une idéologie, se reconnaisse dans un mode de pensée, une philosophie. Tel n’est assurément pas le cas.
Nicolas Sarkozy n’a de croyance qu’en lui-même et n’a de vision que de ses fesses sur le fauteuil élyséen. Il n’est ni plus ni moins qu’un homme d’affaires qui a choisi de faire carrière au sein de partis politiques. Il n’a jamais tenté d’imposer une quelconque vision idéologique aux partis auxquels il a appartenu, ni même aux actions ministérielles qu’il a menées.
Nicolas Sarkozy, comme tout manager, navigue à vue et s’adapte aux contraintes et tendances du moment.
Sarkozy n’est pas un idéologue.
La tarte à la crème récente concernant Nicolas Sarkozy a été de le qualifier de néoconservateur américain. C’est d’ailleurs sur ce postulat de base que s’est appuyée toute la démonstration du « livre » du Parti socialiste relatif au candidat UMP. Les auteurs de cet ouvrage ne s’en cachent d’ailleurs pas écrivant ainsi :
« Ce que cet ouvrage cherche à démontrer est que non seulement, ne lui en déplaise, Nicolas Sarkozy est bien libéral, atlantiste et communautariste, mais qu’il est devenu une sorte de filiale française de la Bush Cie, un néoconservateur américain à passeport français. »
L’argumentation est habile et les indices troublants ne manquent d’ailleurs pas dans le parcours de l’homme ou au sein de son entourage pour faire croire à la réalité de cet hypothèse de Sarko l’Américain. Si lui-même se sent parfois américain, c’est, semble-t-il, beaucoup plus dans une vision fantasmée de l’American way of life que dans la réalité politique, sociologique et idéologique de l’Amérique d’aujourd’hui.
Je prétends par exemple que cette visite à Bush en 2006, il l’aurait aussi bien rendue à Clinton ou à Martin Sheen. Ce qui comptait pour lui avant tout c’était de toucher du doigt une Amérique mythique, celle de la Maison Blanche, d’un Kennedy ou autre, même si elle est aujourd’hui incarnée péniblement par Bush. Sarkozy aime une Amérique mythique nourrie de livres d’Hemingway et de films hollywoodiens, sa méconnaissance de l’anglais lui interdit d’ailleurs une compréhension profonde de la société américaine et de ses ressorts.
Il ne souscrit pas non plus à des visions stratégiques partagées par l’Amérique de Bush et l’Angleterre de Blair, comme l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, par exemple. Sarkozy en est au contraire probablement l’un des plus farouches opposants annoncés d’Europe.
L’autre tarte à la crème qui est régulièrement lancée au visage de Nicolas Sarkozy est son « ultra-libéralisme ». Celui qui a côtoyé Madelin et Balladur incarnerait aujourd’hui le mieux l’ultralibéralisme en France. Ainsi, pour le PS il « a le mérite de redessiner une ligne de clivage claire entre la droite et la gauche sur le plan économique et social ».
Mais une fois encore, ceux-ci font fausse route. Sarkozy n’a pas le libéralisme chevillé au corps d’un Madelin qui conçoit le libéralisme comme devant s’appliquer de manière quasi absolue (liberté de circulation des personnes, par exemple). Pour Sarkozy, l’ami des puissants (Bouygues, Lagardère, etc.), le libéralisme ne se conçoit qu’au service des intérêts de certains, et de lui en particulier.
Que le libéralisme entrave son image dans l’opinion, et il peut aussitôt se transformer en interventionniste, pour préserver Alstom, par exemple. Que la liberté de la presse nuise à cette même image, et il demandera la tête d’Alain Genestar.
Le libéralisme chez Sarkozy est avant tout un axe de différenciation qu’il a longtemps utilisé au sein de la famille gaulliste. Le recours au libéralisme permet de donner aux discours des tonalités enthousiastes et porteuses d’espoir, qui aboutiront à l’actuel slogan du Tout devient possible.
Sarkozy est un manager carriériste.
C’est un manager, un homme d’entreprise et donc certainement pas un homme d’Etat. Sarkozy à, la manière d’un manager dans le privé, ne conçoit la réalité qu’à travers un prisme binaire, celui des problèmes et des solutions.
Il y a un problème, je trouve la solution et ça marche. A la différence d’un entrepreneur, d’un homme d’Etat qui a une vision, Sarkozy est là pour piloter en s’appuyant sur des tableaux de bord. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que son passage au ministère de l’Intérieur ait révélé encore plus ce goût des tableaux de résultats et les primes aux employés méritants.
Seulement voilà, il y a une différence entre vendre des yaourts et diriger la nation, entre motiver une force de vente et rendre une police efficace et épanouie.
Cette volonté d’efficacité à court terme peut conduire à des catastrophes, comme le souligne cette fois avec justesse le rapport du PS quand il évoque l’émergence de l’UOIF en tant que représentant officiel de l’islam en France :
« En fait, l’UOIF ne doit pas son intronisation en qualité de représentant officiel de l’islam en France à sa prétendue représentativité mais à l’empressement de Nicolas Sarkozy d’aboutir à un accord entre les musulmans. Car, pour l’homme pressé de l’UMP, la fin justifie les moyens ! L’islam libéral est sacrifié sur l’autel des ambitions de Nicolas Sarkozy. Pour Kamel Katbane, le recteur de la Mosquée de Lyon, nous avons été sacrifiés pour permettre à M. Sarkozy d’aller vite. »
Sous le prétexte qu’il aborde des domaines laissés en jachère par d’autres, il se permet de les traîter de manière sommaire et peu réfléchie en visant une efficacité immédiate.
Le carriérisme de Sarkozy se révèle ici et lui enlève alors la dimension d’homme d’Etat que certains veulent lui prêter, alors qu’il n’est qu’un homme d’appareil, un politicien professionnel. Non content de sacrifier ses idées aux gains politiques qui se dessinent, il est également prêt à transiger avec des valeurs essentielles et avec l’intérêt même de la nation.
Pour se démarquer définitivement aux yeux de l’opinion de son ex-mentor et président en exercice, il n’hésite pas à le critiquer et par là-même la France lors d’une visite à l’étranger, et ceci dans les termes les plus malheureux : « De nos désaccords, faisons l’occasion d’un dialogue constructif, sans arrogance et sans mise en scène. »
Un autre aspect très négatif de cette vision de la France comme d’une entreprise est la confusion que cela génère chez lui entre privé et public. Ce qui est normal ou acceptable de la part d’un PDG ne l’est pas d’un homme d’Etat, ainsi celui qui condamne les « patrons voyous » mène grand train aux frais de l’Etat. Nul besoin de s’étendre sur les nombreux déplacements du candidat financés par la nation et autres gardes rapprochées pléthoriques, il suffit de lire la presse.
Plus grave encore, quand d’une volonté de prétendue efficacité bornée et populiste on aboutit à une remise en cause de l’autorité judiciaire, dangereuse : « Au-delà de la nécessaire liberté des magistrats, l’automaticité de la sanction peut légitimement être considérée comme étant elle aussi nécessaire pour prévenir la récidive. Ce qui importe, c’est le résultat, plus que les modalités. »
Le livre du PS nous dit : « Car l’homme qui se dit pragmatique est d’abord un idéologue. » Cela est faux. Sarkozy est bien un pragmatique qui peut moduler n’importe laquelle de ses prétendues postures idéologiques s’il peut en tirer un quelconque gain politique à court terme. A la récente question que tout le monde se pose : « A-t-il vraiment changé ? », la réponse est probablement oui, car il change chaque jour et peut également redevenir ce qu’il était la veille pourvu que cela aboutisse à le faire élire.
En revanche, le candidat UMP n’est certainement pas un grand homme d’Etat, l’homme providentiel que l’on essaie de nous vendre et avec lequel tout serait possible. Il ne sait pas ce qu’il peut faire pour la France, mais il sait très bien ce que la France peut faire pour lui.
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