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Accueil du site > Tribune Libre > Les hommes, les femmes, la victimisation et le chiffrisme

Les hommes, les femmes, la victimisation et le chiffrisme

En 1789, les femmes avaient fait quelque chose d'extraordinaire. Elles avaient pris part en masse à la révolution. Sans être aussi nombreuses que les hommes, leur présence a été remarquée et rapportée. Lors des révolutions suivantes, jusqu'à celle de la Commune surtout, on a encore vu des femmes au combat à mort. Certes toujours minoritaires mais quel symbole, quel renversement !

Ainsi, pour la première fois de l'Histoire, à l'occasion de la rapide révolution de 1830, Delacroix trouve logique de présenter en tête de la lutte, une femme, et tant qu'à faire, un gamin aussi. Ne manquait plus que la volaille, le coq au sommet des barricades.

(Depuis, il y a beaucoup de manifestations et elles comprennent souvent une majorité de femmes. On y voit même des enfants et des poussettes)

Entre 1789 et 1871, les femmes avaient donc fait quelque chose d'aussi révolutionnaire sur le plan du féminisme, que les roturiers (et quelques nobles) sur le plan du renversement de l'autorité royale et papale. Comme c'était dans le lit du renversement de l'autorité aristocratique, religieuse et paternaliste que la révolution des femmes s'est produite, cette question de l'autorité allait forcément être rediscutée y compris entre les vainqueurs. Madame Michu trouvant intéressant de lancer désormais à monsieur Michu, "Non mais tu te prendrais pas pour le roi, des fois ?" ? Ca y est, voilà Michu menacé d'être raccourci par sa propre femme.

A part ces batailles franco-françaises, les hommes et les femmes eurent à se coltiner l'industrialisation qui fit de chacun un simple élément de production interchangeable, dépersonnalisé. Les soldats de l'industrie étaient aussi bien des hommes que des femmes mais on payait forcément toujours moins les femmes pour en faire les ritales des hommes, avant que ne déboulent les Ritals puis les autres Bougnoules ;

L'industrie et ses écoles asexuaient les plébéiens, sauf au moment de verser les salaires. La réclamation par les femmes, d'un salaire égal, ne faisait que pousser au bout la logique industrielle de l'indifférenciation des sexes.

Malgré leur cruelle mise en concurrence dans le travail désormais industriel, les hommes et les femmes seraient probablement restés unis au regard de leur lutte fraternelle sur les barricades des révolutions. Mais les deux grandes guerres ont créé un bouleversement encore plus déchirant entre les sexes. 

Pendant 2000 ans, les femmes avaient déjà dû se pâmer devant la croix du sacrifice d'un homme et de quelques saints. Elles avaient dû, 2000 ans durant, raser les murs de leur culpabilité originelle. Elles étaient nées vicieuses sous la ceinture. Comment protester puisque c'était écrit en toutes lettres dans toutes les Bibles...

Et là, après les guerres mondiales, alors qu'elles avaient pourtant participé à quatre révolutions contre les bondieuseries, les femmes durent encore endurer, dimanche après dimanche, les honneurs que les vétérans et les veuves rendaient aux morts devant leur monument.

Comment et en vertu de quoi auraient-elles pu protester devant ce mémorial encombré d'obus vidés, de chaînes, de palmes, de casques, de gloires, de coqs, de glaives et de croix, de Lorraine cette fois...

Encore et toujours, elles devaient se prosterner devant des symboles d'hommes morts qui n'en demandaient probablement pas tant. Comme depuis 2000 ans, les survivants de la guerre s'autorisaient en faisant agenouiller les femmes devant une croix, devant des croix alignées par millions. Elles, les femmes, qui avaient ou allaient livrer de la vie au Monde, elles qui avaient perdu leurs enfants et leur mari devaient montrer de l'humilité et de la culpabilité devant le résultat des massacres perpétrés par des hommes (Même une veuve risquait l'opprobre si elle hurlait contre la guerre).

J'aurais été une fille de 14 ans, j'aurais très mal vécu cette époque où les gloires ne revenaient qu'aux hommes au motif qu'ils ont tiré au canon en étant portés par le plus grand des amours ; pas celui des enfants, pas celui des femmes, pas celui des champs, non, celui de la Patrie. Les hommes s'accaparant tous les mérites, il n'en restait plus aucun à celles qui, bien tranquilles à l'arrière, se tapaient 60 heures par semaine dans les usines pour y fabriquer des phallus explosifs. Que de douces mains ont été réquisitionnées pour caresser ces pointes d'acier destinées à déchirer des hommes !

Après les listes nominatives qu'on avait pris le temps de graver sur les premiers marbres, on a ensuite été tellement débordé par la quantité de morts qu'on n'inscrivait plus de nom et qu'on rendait les honneurs à des soldats inconnus. A des miettes d'homme. A des chiffres surtout, à des chiffres par millions en veux-tu en voilà. Ces champs entiers de croix, de croissants et d'étoiles, quelle Valeur que la Quantité !

Le Christ, au moins c'était une personne singulière, identifiée. Quoique très Bougnoule, on savait qu'il avait été gentil et serviable. Les morts au nom gravé dans le marbre, on pouvait là encore se faire une vague idée de leur identité. Mais quand le Mort c'est en fait des millions de morts dont des gros, des maigres, des laids, des beaux, des cons et des salauds, bin honorer cette masse c'est honorer n'importe qui en fait. N'importe qui pourvu qu'il soit désigné par ses laudateurs comme étant mort pour la Patrie. Finalement, les panégyristes des victimes avaient intérêt à aligner des chiffres énormes. On ne s'imposait plus en racontant la vie extraordinaire d'un mort mais bien plus simplement en citant un nombre énorme de victimes. Les rails de la victimisation étaient alors posés par les hommes et leurs inépuisables stocks de morts.

Cela, ajouté à la situation très embrouillée par l'Occupation, le marché noir, la Résistance, la Collaboration, les héroïsmes vrais, mais aussi les faux de la 11ème voire de la 25ème heure, a permis à tous les hommes vivants et en pleine forme de se prévaloir de quelque héroïsme. Même le pire des lâches pouvait se réclamer du corps des héros de la Patrie. Pour se faire mousser, il fallait pouvoir exposer quelque vague fait d'arme personnel ou faire valoir l'héroïsme des morts. Se poser en thuriféraire de morts, même inconnus, même aux antipodes, deviendra alors une bonne astuce rhétorique pour s'autoriser.
Le laïc , le maire, le député, prenait amplement sa revanche sur le malheureux curé qui ne pouvait faire état que d'un seul et unique mort. (L'enterrement militaire est le seul à valoir quelque faste face à l'enterrement religieux)

J'aurais été une jeune femme à l'époque, j'aurais pété les plombs car cet étouffement était indénonçable. Même aujourd'hui, on ne peut pas dire qu'il était anormal de rendre les honneurs aux héros de la guerre. "Sans eux nous serions nazis !" en impose et ça pousse chacun à être toujours le premier à le rappeler dans une conversation. D'où le Godwin.

Les 30 Glorieuses ont cependant livré tant de machines à laver et de cocottes minute, que les femmes eurent 12 Noëls par an. Ce confort par le matérialisme les a consolées d'une humiliation profonde et ineffable contre laquelle elles ne pouvaient rien. Il y avait bien eu d'authentiques héroïnes mais si peu. Et puis surtout, bien plus marquant et infamant, il y avait eu ces femmes qui avaient couché avec l'ennemi. Alors, à la Libération, les Françaises n'eurent d'autre choix que de tendre leurs lèvres aux Héros et de montrer à tous leurs jambes gainées du sublime nylon américain. La Française devait offrir ses charmes à tous.

 (En 1972, Jane Fonda avait posée auprès de soldats -ennemis- sur un ton strictement politique, alors qu'en 1954, quand Marilyn Monroe se rendait près des soldats, c'était sur une tonalité strictement sexuelle)

Il y a bien eu des femmes comme Simone de Beauvoir ou Veil (la ministre) qui ont refusé de s'offrir aux hérotisés, qui ont refusé le charme de l'électroménager et qui ont considéré qu'il fallait tout remettre à plat dans les relations homme/femme. Mais à cause du patriotisme (qu'on appellera longtemps gaullisme) et de la chasse ouverte aux traitresses qui avaient couché avec les Allemands, elles durent emprunter soit le biais gaulliste, soit le biais communiste. Plus rarement le biais du martyr Juif. Très exceptionnellement le biais philosophique.

Soudain, en 1955, un savant a pondu la pilule et il apparut alors qu'on pouvait faire des bébés quand on voulait et non plus au petit bonheur d'Ogino. Et dans le lit de ce premier concept livré par la science, il naquit l'idée de légaliser et de médicaliser l'avortement. D'où l'émergence d'un nouveau concept plus général : "Mon corps m'appartient" (Quant aux enfants, pour ce que la Patrie en fait...)

Ouille !
"Mon corps m'appartient" ça peut passer pendant une période de paix mais pas en période de guerre. Comme l'Etat ne s'interdit jamais de pouvoir démarrer une guerre du jour au lendemain, nos corps, longtemps celui des seuls hommes, sont nationalisés. Notre corps ne nous appartient pas, notre vie non plus et si on veut se suicider avant de passer sous la lame de la guillotine, on est puni. L'Etat peut nous tuer à long ou à petit feu à sa guise, mais nous n'avons pas le droit de mort sur nous-mêmes. En somme, la réappropriation des corps par chacun est une pillule qui a du mal à passer pour l'Etat.

Ce combat en réappropriation de son corps, s'il se poursuit, aboutira fatalement à l'abolition de la mobilisation militaire. Ce qui explique que nous nous dirigions vers l'armée de métier. On fait la guerre avec des mercenaires, exit le patriotisme de papa, exit De Gaulle et les gaullistes. On veut bien se prétendre nationaliste pour virer les boulangers Portugais et les épiciers Arabes mais pour le patriotisme, tu peux courir.

Mourir pour la Patrie est dépassé. Il reste bien ici et là, encore des hommes pour la jouer "J'étais de la 41ème DB" ou "Mon grand-père a sauté sur Dien Bien Phu", mais ça sent la fin de série, la limite de péremption.

Du coup, les prochaines femmes qui voudront monter au pouvoir politique pourront le faire en dehors du biais patriotique (nationaliste ni communiste) et selon un biais économique, social, énergétique, scientiste, écologique, civil, laïciste ou même religieux. En tous cas, c'en est fini de l'ère des MAM.

Et comme les hommes sont de moins en moins protégés par leur Héroïsme, leur image repose plus exclusivement sur leur activité sociale et familiale. Alors, le cas échéant, les femmes peuvent plus facilement leur porter des coups sous la ceinture en affirmant qu'à la maison, ils sont lâches. C'est le juste de retour de kick que doivent payer les hommes d'aujourd'hui parce que leur grand-père avait trop profité des morts et s'était trop autorisé sans preuves. 

Au Moyen-âge, la belle consolait son chevalier parce qu'il avait mouliné quelque dragon pour la sauver elle. Mais sous chaque république, la femme dut consoler, en manière de Florence Nightingale, tout soldat encrassé de sang et de terre. Dans tous les films, il y avait un passage où le type en avait chié d'essayer de sauver quelque Alamo et la belle se muait instantanément en infirmière pour lui tamponner le visage ruisselant avant de se donner à lui, au nom de la Patrie. Sans blague, c'est des trucs à vous faire adorer la guerre.

Mais bon, le temps des braves est passé, sauf chez les pompiers et ces scènes tendent à disparaître du cinéma. 
 
En France, tout mérite militaire étant désormais impossible, quel que soit son prestige social, un homme peut être dézingué en un éclair par une dénonciation sur son intimité par celle avec qui il a partagé un moment en tête à tête ou corps à corps. Comme c'est un champ d'activité sans témoins, la femme qui vote autant que l'homme devient donc sa pire menace. Mais non loin derrière, selon le nouvel ordre dépeint par Delacroix, son enfant aussi devient très dangereux. Disons plus généralement que la femme et son enfant forment un ensemble très dangereux pour l'homme.

Jusque là, il n'y avait que l'homme qui pouvait indexer sa femme et ses enfants, les faire condamner et enfermer. Maintenant c'est l'inverse. 

Que les femmes ne soient pas parvenues à une égalité sur tous les plans, c'est un fait qui leur pose de réels désavantages matériels. Mais leur combat est légitime aussi bien sur le plan individuel que sur le plan de la collectivité des femmes. Elles vivent donc une dynamique positive sur le plan moral. Elles sont matériellement en manque mais moralement conquérantes. C'est comparable aux Noirs ou Indochinois qui étaient certes écrasés mais qui se sentaient de très bon droit. Idem pour Blandine, Jeanne d'Arc, Mandela ou Gandhi qui, même frappés, se sentaient justes. On peut donc être sous un fer mais en retirer une plus grande foi en soi.

Dans le même temps, les hommes subissent une plus grande vulnérabilité qu'ils ne peuvent pas collectiviser puisqu'elle porte sous la ceinture (même problème que pour les femmes accusées d'être des salopes pendant 2000 ans) et que le secret de ces choses là ne peut pas se collectiviser. De plus, les femmes subissent clairement chaque jour des viols et le genre masculin en est quotidiennement confondu. Le tort de leur genre est en fait bien plus avéré que celui du genre féminin autrefois.

Les hommes se sentent donc extraordinairement fragilisés par les accusations de violence privée portées contre l'un des leurs et sont dans l'impossibilité de sortir de ce piège qui les divise et les castre les uns après les autres. Ca les divise tellement qu'ils ne peuvent adhérer par défaut, s'ils se sentent trop isolés, qu'à un coagulât féministe à la façon de Francis Huster. La voie Belmondo étant désormais aussi bouchée que celle de Visconti.
Les hommes sont donc dans une situation matérielle encore nettement avantageuse mais ils sont sexuellement cassés.

L'Etat CAC40, d'un point de vue cynique, peut désormais considérer qu'avec une seule giclée de sperme, il est possible de féconder 10 000 000 de femmes. Avec ce qu'il y a déjà dans les congélateurs des banques, on peut peupler 10 planètes. Le système peut donc se passer définitivement des hommes, d'autant qu'il faut les payer plus.

La page du mérite de l'homme par le Patriotisme est tournée au point qu'en un formidable pied-de-nez de l'Histoire, c'est maintenant une femme qui n'a ni exposé sa vie ni torturé pour la Nation qui vit du nationalisme. Et le contrecoup de cette injustice trop longtemps subie par les femmes c'est qu'elles rendent désormais la sphère de l'intime si risquée pour les hommes qu'après 40 ans et deux gosses vindicatifs, les pères craquent et ne savent plus quoi faire du reste de leur vie de coupable.

Pendant 50 ans, les hommes s'étaient posés, parfois très facilement, comme victimes ou martyrs de la guerre. Maintenant, les femmes se posent, parfois très facilement, comme victimes ou martyrs de la vie conjugale en plus de l'être dans le domaine de l'emploi et du pouvoir individuel.
Dans les deux cas, chaque sexe se sera surtout prévalu des chiffres, c'est-à-dire des autres martyrs.

Il n'était de bon Chrétien que celui qui brandissait le supplice d'un très vieux crucifié déterré pour l'occasion. Il n'est de bon républicain que celui qui agite des images de corps sanguinolent ou affamés et se fait l'avocat à titre gratuit et posthume de ces martyrs par contumace.

Aujourd'hui, les femmes ont récupéré les facilités des hommes et manipulent à leur tour, en juste retour des choses, en exposant non leur cas personnel, non leur propre souffrance sur laquelle on pourrait discuter, non, elles exhibent des chiffres, des litanies à n'en plus finir de chiffres. Et les chiffres, ils peuvent aussi bien être vrais qu'artificiels.

L’histoire de Jésus on ne pouvait pas la contrer du fait de son ancienneté et du manque de preuves. Les histoires basées sur des chiffes, parce que ce n'est pas nominatif, parce qu'on ne peut pas remettre en cause les cas dénombrés, sont également imparables.

Le chiffrisme nous rend chèvres.

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Et l'amour entre hommes et femmes dans tout ça ? 

Au vu de ce chantier, il m'apparaît que le contexte le plus favorable à l'amour entre un homme et une femme est le contexte où la position sociale de l'homme est dominante, où il est attendu en héros, en protecteur donc forcément en chef des siens. Les contextes du genre de l'Iliade, de l'Odyssée et de l'Enéide me semblent plus propices à ce qu'il y ait parfois des amours très fortes et très durables entre un homme et une femme. Dans ces relations à rôles sexués, l'un garantit le haut pendant que l'autre garantit le bas. Chacun, selon son sexe, protège et assume surtout une partie de l'autre.

Alors que dans la situation actuelle, on se retrouve, dans le meilleur des cas, comme des camarades, à se couvrir vaguement aussi bien le haut que le bas, de manière intellectuellement asexuée et surtout interchangeable, modulable, industrielle (L'interchangeabilité intervenant même au niveau des relations parents/enfants)

D'où la place de plus en plus grande occupée par Internet, les sexe-machines et le sex-friend. 

Il est tout à fait possible qu'il apparaisse bientôt à certains qu'aimer et respecter un Tamagotchi ou un androïde soit une chose encore plus sublime que l'avait été l'idée d'aimer la Patrie, un nounours, son caniche ou sa Porsche. 

Cependant, le Chrétien étant particulièrement névrosé de la Justice (à cause du procès du Christ qui a mal tourné et l'a culpabilisé ou endetté) je n'ai aucun doute que nous nous accuserons mutuellement d'abuser de nos sex toys. Le christianisé névrosé de justice, ne sait pas tendre l'autre joue, il refuse d'être le cul-de-sac d'une injustice. Dès qu'il subit un choc, il doit le réexpédier à un autre. Il ne sait pas encaisser et proteste toujours. Il pisse sur la Croix en trouvant normal que les autres aient à encaisser son coup bas. Mais il n'admet pas qu'on vienne pisser sur son Piss Christ. Marcel Duchamp pareil, il n'avait pas encaissé qu'on pisse sur son urinoir présenté en fontaine.

Pourtant, pour tarir la violence et les injustices, le plus efficace n'est pas de les transmettre et les médiatiser en les amplifiant, c'est de les encaisser quand elles nous tombent dessus. C'était l'idée de Jésus, de Gandhi et de Mandela.

Dans l'ancien Japon, le seppuku réalisait cet encaissement en cul-de-sac, en solde de tout compte. Le suicidé mettait fin à tout et n'invitait à aucune représailles ou médiatisation de sa souffrance. Les salariés de FT qui se suicident sur leur lieu de travail font le contraire. Par ce détail du choix de leur lieu d'immolation et par leur petit mot accusateur, ils cherchent à véhiculer à l'infini leur souffrance, l'injustice qui les frappe. Et comme immanquablement, il y a des vivants pour récupérer ces suicides érigés en martyrs, la motivation de chacun, reste trop souvent de véhiculer, médiatiser et transmettre son malheur, son traumatisme.


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15 réactions à cet article    


  • Cocasse Cocasse 4 mai 2011 14:19

    Bonjour,
    La réappropriation du corps a échoué.
    Maintenant, le corps est ce que la publicité veut qu’il soit.
    Bien sur, rien d’obligé, on ne met pas un flingue sur la tempe.
    Mais la pression est tellement forte, que l’on oblige chacun à se conformer.

    La différenciation homme-femme et l’amour ?
    Déjà avant de s’attaquer à cela, il y a un problème de différenciation tout court, même entre les individus d’un même sexe.
    Avoir du caractère, de l’originalité, c’est pas gagné. Je ne parle pas de l’égo de bazar instrumentalisé par le publicité (le « sois toi même, en consommant mcdo ou coca ») .
    Déjà cela commencerait par là.


    • easy easy 4 mai 2011 17:29


      L’originalité, sa singularité, même si nous étions tous hermaphrodites, aurait tout de même pu passer par tout un tas d’autres critères plus subjectifs comme la beauté par exemple. Cela nous aurait donc conduits à nous chamailler sur les subjectivités. Ce qui aurait été très intéressant car nous en serions venus à parler de notre psychologie.

      Tandis que là, quand bien même nous serions tous du même sexe, le subjectif n’est plus discuté « Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas » et seuls les chiffres forment argument.
      Nous ne faisons plus argument ni de la personnalité, ni même du besoin de singularité, nous ne faisons argument que de masses. Nous ne considérons plus les autres qu’en tant que « susceptibles d’entrer dans notre chiffrage »

      La dépersonnalisation et la désexualisation que nous a imposées l’industrialisation de tout, nous a conduit à des chiffres de production, à des chiffres, rien que des chiffres.

      ( OK, zéro killed, a remplacé « Pas de mort » et « zéro défault » a remplacé « sans défaut »).

      Quand à l’argent, si autrefois il y avait des gens riches, on ne savait leur fortune et, ne sachant les classer par le chiffre, on les considérait selon ce qu’ils en faisaient. Alors que de nos jours, le Forbes ne vit que par le chiffrage des fortunes et nous considérons les milliardaires en fonction de leur chiffre.
      Celui qui a raison est celui qui aligne le plus gros chiffre.





    • _Ulysse_ _Ulysse_ 4 mai 2011 14:55

      Joli article, je ne suis pas d’accord avec tout.

      Par contre, le pb du chiffrisme et cette manie de brandir les actes ou les souffrances des autres est je trouve insupportable. Surtout qu’elle est instrumentalisée pour justifier des comportements , des jugements et des accusassions souvent assez abjecte.


      • easy easy 4 mai 2011 17:14

        Ne perdons pas de vue que cette mannie remonte au christianisme (je ne connais aucune autre religion ou croyance organisée uniquement sur le martyr d’un type)
        Et jusqu’en 1914, on en était resté à cette habitude de s’autoriser sur la mort d’un seul brave.

        Mais les curés rasant les murs depuis la Révolution, le laïc a tenu une excellente occasion de s’autoriser à son tour en brandissant des morts mais, faute de qualité, tout était dans le chiffre.

        Nous revenons, à l’occasion, au brandissement d’un mort particulier pour nous autoriser mais la plupart du temps, nous trouvons plus commode de brandir des chiffres. C’est à peine croyable la quantité de chiffres qui sont exposés en tant qu’ils font arguments depuis un siècle.

        Personne n’ast capable de citer le moindre ordre de grandeur de chiffres concernant Louis XIV ou Napoléon par contre aux côtés d’Hitler, on voit des chiffres par millions, Staline pareil, Mao pareil, Pol Pol Pot pareil, Ben Laden pareil.
        La Sécurité routière c’est des chiffres, le tabac aussi, le Sida aussi.

        Aliénés aux chiffrisme, nous ne pouvons plus discuter du fond de quoi que ce soit sans nous autoriser d’abord par des chiffres. Même pour définir le bonheur^ou la qualité de vie, ça passe par des chiffres.

        Au fait, tu mesures combien ?


         smiley






      • Leo Le Sage 4 mai 2011 16:32

        @auteur
        Ce sont les femelles qui d’habitude dominent chez les insectes...
        L’homme en fait est inutile avec les progrès actuels de la science...

        Ben Laden est vu comme un martyr dans certaines zones du monde lorsque au contraire ailleurs, il est vu comme un terroriste mort.
        Son spectre ne va pas nous épargner... smiley


        • easy easy 4 mai 2011 16:58

          Oh oui !
          Quand j’ai proposé ce papier, Ben Laden était encore en vie.

          Depuis, nous avons appris qu’une bande d’homme a organisé et réalisé une opération meurtrièrede plus. 
          Et dans cette affaire, nous aurons vu d’un côté une blonde, seule femme guerrière parmi 10 coqs, et de l’autre côté, une femme immédiatement présentée en bouclier d’un méchant homme, donc en victime de lui. Alors qu’on aurait pu la présenter en associée combattante et combattive.
           


        • Leo Le Sage 4 mai 2011 20:12

          @auteur (easy)
          « une opération meurtrière de plus »
          Ce qui n’est pas l’avis des sympathisants du FN. smiley
          Ils ne se sont même pas posé la question de la dangerosité de leur point de vue.
          Je suppose qu’ils n’ont aucune culture juridique ?
          Pardon, il n’est pas nécessaire d’avoir une bonne culture juridique pour comprendre çà.

          Les enfants n’ont-ils pas compris que « ce n’est pas bien de taper » ?

          Ils n’osent pas venir commenter dans votre article ?
          « It’s a pity... » smiley


        • easy easy 4 mai 2011 20:40

          Ah, puisque je parle du chiffrisme.

          C’est après la Révolution que, pour ressembler les esprits et par le biais scientiste, on a songé à éliminer tout ce qui était trop subjectif, trop singulariste ou communautariste, tout ce qui relevait bien trop de l’Humain. On unifiera la langue en tuant les patois et concernant toutes les mesures, on fera sans le facteur humain. 

          Mort au pied, au pouce, au coude, à la verge et à la toise ainsi qu’à tout ce qui en dépendait. Mort à Homo ou à son étalon, le Roi.

          Vive le mètre étalon qui n’a plus rien à voir avec Homo mais avec la Planète entière.
          Le mètre étalon en platine iridié du pavillon de Breteuil, chacun l’a appris à l’école mais, c’est moins connu, 16 autres maîtres étalons ont été gravés dans le marbre ici et là dans Paris. Il en subsiste 4 dont celui qui est sur la façade du ministère de la Justice, place Vendôme, à gauche de son entrée.

          A partir de là, les chiffres étant devenus hors-homme, sur-homme, ils sont devenus arguments rois et Valeur Absolue.


          • luluitou 7 mai 2011 13:14

            Très très bon article. Intelligent et bien écrit.
            Le talent ça devrait pas être permis :)

            Je suis limite indiscrète, je sais, mais « 59 ans Eurasien Déçu » ... décçu par quoi ?


            • easy easy 8 mai 2011 14:34

              Déçu par quoi ?

              Merci beaucoup de m’offrir l’occasion d’y répondre.

              Mais vous serez déçue
               smiley



              On ne peut être déçu que par ses illusions, sur soi et/ou sur les autres

              Nous sommes tous déçus par nos illusions mais les déceptions très bien partagées ne font pas relief, pas singularités, alors personne n’en parle (parmi les déceptions bien partagées il y a celle de notre immortalité, dont nous faisons le deuil progressif aux alentours de nos 30 ans)

              En général, quand nous parlons publiquement de déception, il s’agit ni de déception très partagée ni de déception d’ordre ultra privé mais plutôt de déception par rapport à un contexte. Et s’il y a déception par rapport à un contexte, à une société, à une culture, c’est parce qu’on aura vécu un changement brutal soit au sein d’un même contexte (quand un enfant subit le divorce de ses parents par exemple) soit parce qu’on aura changé de pays, de culture, de contexte. 

              Une grenouille placée dans une eau qui monte lentement en température n’est pas surprise. Alors qu’on est très déçu par de l’eau qu’on croit froide et qu’on découvre brûlante.
              Quand on est depuis son enfance dans la réalité de « Liberté Egalité Fraternité » on ne peut pas en être déçu. Quand on découvre cette réalité après avoir fantasmé dessus pendant des années, on ne peut être que déçu.


              Dans mon cas, il y a certes la déception due au divorce de mes parents mais c’est trop ordinaire pour valoir d’être dit. J’ai surtout vécu un changement brutal de contexte social et culturel à 15 ans 



              Commençons avec un cas qui n’est pas le mien :

              En 1960, en Martinique, des planteurs Blancs disposent encore d’ouvriers esclaves. Charles de Gaulle fait une visite éclair (sa femme ne sort même pas de l’avion) à Fort-de-France, y livre du rêve-de-France et invite les Antillais à venir en France pour y travailler.
              Ils vont être séduits et débarqueront à Orly (Depuis, il y a plus d’Antillais en Métropole qu’aux Antilles).
              Tout leur voyage étant organisé et groupé, à peine débarqués ils sont immédiatement mis en cars et envoyés dans un endroit dont ils n’avaient jamais entendu parler, Crouy Sur Ourq, à 100 bornes à l’Est de Paris. Surprise. Là, on les conditionne pour qu’ils ne se sentent plus dévolus qu’à des emplois peu qualifiés et qu’ils s’y tiennent. Eux qui croyaient qu’ils allaient désormais « marcher sur un tapis rouge » se découvrent attendus pour passer l’aspirateur. Ensuite Paris, l’hiver, le gris, le froid. Ces gens qui vont à l’enterrement-métro tous les matins (Pour un Antillais, tant de monde en habit de ville signifiait qu’ils allaient à un enterrement. Et tout ça sous terre). 

              Et c’est en France qu’ils découvrent qu’ils sont considérés comme des descendants d’esclaves et que les métros Blancs les méprisent « Des Français Noirs, ça n’existe pas, Bamboula, retourne sur ton cocotier »

              Et dix ans après cette dégringolade, ils découvrent que dans leur barre HLM, les souchiens se barrent et on y place des sous-antillais, des gens encore plus méprisés qu’eux.
              Voilà comment et de quelle manière les Antillais ont été déçus. 

              Ils sont donc passés d’un état d’innocence où ils ne savaient pas qu’ils étaient surtout des esclaves à un état de culpabilité quoi qu’ils fassent. 
               


              Dans mon cas, il y a également de ça mais avec des particularités qui rendent la chute plus vertigineuse.
              Jusqu’à 14 ans, à Saïgon, entre mon père Viet et ma mère Picarde, je regardais des dizaines de films du genre péplum ou Disney ou western, je lisais aussi Hugo, Zola, Sand, Ségur, les encyclopédies. J’avais donc énormément d’images de « mon autre pays » en tête.
              Or, en tant que fils d’un traître qui couche avec une colonisatrice, en tant que bâtard B/J, j’étais absolument rejeté par les hordes de gamins rieurs qui avaient les meilleurs raisons du monde de me prendre pour cible avec leur lance-pierre. Comme mes parents feignaient d’ignorer ma singulière problématique, je n’ai pu qu’encaisser et intérioriser. Du coup, je n’ai pas du tout investi mes transcendances en terre Vietnamienne.

              Je ne plantais mes espoirs d’un monde plus fraternel que dans mon monde intérieur illustré et argumenté de tout ce qui « venait de France ». J’étais bien plus familier avec Brigitte Bardot, Jeanne Hachette et Sainte Blandine qu’avec mes voisines. 

              Quand je suis arrivé en France, en 66, Il était hors de question pour moi d’être déçu de la réalité française puisque j’avais tout misé dessus et que j’avais coupé les ponts avec le Vietnam.

              Je me suis entêté à idéaliser la France et l’esprit occidental. Ca m’a amené à prendre toutes sortes de positions longtemps idéalistes, à la manière de Lancelot-Hugo-Verne-Dunant dans les livres. Tellement idéalistes que même les Français ne peuvent pas comprendre. 

              Quand je faisais connaissance avec Notre-Dame de Paris depuis Saïgon et grâce à Hugo, je pensais que tous les Français en caressaient les pierres avec les yeux mouillés. Une fois ici, j’ai été très choqué de voir des Français pisser dessus et chier autour.


              J’ai donc été fatalement déçu par la France et, contrairement aux Antillais, non seulement je ne pouvais pas réinvestir dans ce Vietnam qui n’avait voulu ni de moi ni de mes cadets ni de ma mère, qui n’avait surtout pas voulu l’Eurasiennité génétique (alors qu’ils adoraient la mixité et le syncrétisme culturels) mais je ne disposais pas du moindre support vietnamien pour réimplanter dedans. Les Antillais en France, se retrouvent entre eux et réimplantent leurs espérances dans la diaspora qu’ils forment (ce qui ne manque jamais de générer des inventions culturelles). Moi, je suis resté aussi isolé en France que je l’étais au Vietnam.


              Je vous remercie encore de m’’avoir posé la question.


            • Robert Biloute Robert Biloute 17 janvier 2013 18:05

              @luluitou merci d’avoir posé la question
              @easy merci d’y avoir répondu. Nous avons en commun la déception (et accessoirement les origines picardes !), mais je ne saurais expliquer la mienne aussi bien.. quoique votre exemple me donne des pistes !


            • easy easy 18 janvier 2013 11:51

              Salut Robert,

              Merci à vous

              Je découvre incidemment que vous êtes physicien et regrette de ne pas vous voir plus souvent sur les sujets de physique où votre apport serait pourtant bien utile



            • Robert Biloute Robert Biloute 18 janvier 2013 16:18

              @easy : ça m’arrive, je suis plus ou moins disponible, plus ou moins disposé.. et aussi plus ou moins compétents selon les sujets !



            • hommelibre hommelibre 8 mai 2011 00:30

              Beaucoup de choses et d’idées à réfléchir, je n’arrive pas à les coucher sur papier. En plus si je les couche il faudrait d’abord être sûr d’avoir obtenu leur consentement... smiley

              Un point que je relève est la médiatisation de la souffrance et de son report - et ainsi sa réalimentation et sa continuité. Rien de plus à dire, cela me concerne aussi personnellement, donc la méditation continue.

              L’autre est l’équilibre du couple. L’homme admiré et perçu comme un chef reste, je crois, important pour les hommes qui ont justement besoin de se sentir une place utile. Je crois que la fragilité fondamentale de l’homme est de ne pas savoir à quoi il sert. La femme enfante, mais lui ? Déjà au temps des cavernes il ne savait même pas que son sperme avait un rôle à jouer dans l’histoire.

              Questions : la femme veut-elle cela, le peut-elle sans se sentir menacée dans sa propre place et dans son sentiment de valeur ? Ne risque-t-elle pas de retomber dans le schéma d’embrasser la tombe du mort glorieux et de toucher sa pension, c’est à dire d’être femme de ... ?

              La société actuelle met des embûches aux hommes, à un point que l’on n’imagine pas. Culturellement l’homme est devenu le mauvais genre. Les rares fiérots que l’on voit encore sur les podium savent que la charrette n’est pas loin. Leur succès étant lui-même suspect de favoritisme de genre, il n’y a plus que le mur derrière le dos.

              Bref, il y a un réel problème autour de l’homme, et donc de la société, et donc de la femme aussi.

              On pourrait changer le slogan de la république française :

              Liberté - Egalité - Fraternité

              vers :

              Liberté - Différence - Fraternité.

              L’égalité n’étant pas réalisée, et les deux genres se plaignant des inégalités à leur encontre, l’égalité semble irréaliste ou alors accessible au prix d’une domination de l’un sur l’autre (comme par la discrimination positive), domination que l’on rebaptisera « égalité ».

              Vu que les principes directeur cohérents ont disparu de la république (loi contre la violence faite aux femmes et pas celle faite aux hommes), que le féminisme a ouvertement réussi à biaiser la cohérence de la justice, plus rien ne tenant sur rien d’autre qu’un rapport de force hommes-femmes, tout devient enfin possible - même une révolte masculine à grande échelle.

              Tiens, je devrais en faire un billet.


              • easy easy 8 mai 2011 14:36

                «  »«  »« En plus si je les couche il faudrait d’abord être sûr d’avoir obtenu leur consentement... »«  »"

                OOOooohhh ouiiii !



                «  »« Liberté - Egalité - Fraternité »"

                Bin c’est non seulement de chacun de ces mots qu’il faudrait discuter mais aussi de la raison d’être des devises.

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