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Les pouvoirs sacrifient l’avenir au présent en jonglant avec l’incompréhension générale de la monnaie

On ne peut avancer en économie sans comprendre que la monnaie est un fait social total à dimensions culturelle, économique, sociale, religieuse, symbolique et juridique, ne pouvant être réduite à l’une ou à l’autre de ses dimensions. Si la monnaie est, ou était, un fait social total, c’est qu’elle était une richesse limitée, prélevée sur le peuple par l’impôt et redistribuée suivant l’apport hors impôt de chacun. L’or, tellement utilisé comme monnaie, ne tombait pas du ciel mais provenait du travail populaire. Son prélèvement était forcément limité. Cela a construit des sociétés comme le don et le contre-don ont construit des familles ou des tribus. La monnaie comme le don et le contre-don est multidimensionnelle alors que le troc n’est qu’économique. C’est la réduction de la monnaie à l’économie qui est la source et la nourriture de toutes les idéologies mortifères du moment. Comment cette réduction a-t-elle bien pu se faire ?

Le pouvoir a toujours et partout souhaité maîtriser et dominer la puissance du fait social total qu’est la monnaie en laissant dans le flou, l’origine et le pourquoi de cette puissance. L’histoire du papier monnaie puis de la monnaie scripturale a montré partout la vitesse avec laquelle les pouvoirs détournent à leur profit, les inventions du moment pour faire oublier que la monnaie est par définition limitée. Ils rêvent, plus par ignorance que par perfidie, de rendre illimitée la puissance de la monnaie quitte à le faire payer ensuite très cher au peuple. C’est le fameux « quoi qu’il en coûte » sans jamais dire à qui.

Cela a commencé à la fin du Xe siècle en Chine sous la dynastie Song (960-1279) dès l’invention là-bas de l’impression sur du papier de mûrier, puis en Occident au XVIIIe siècle avec les billets de Law, le rouble papier, le dollar continental.et les assignats. Tous ces papiers-monnaies étaient garantis par des richesses reconnues et ils ont tous disparu en ruinant ceux qui les possédaient, à force d’en avoir fabriqué infiniment plus qu’il n’y avait de richesses en garantie. Après ces catastrophes, la monnaie est redevenue partout une richesse en soi, en or, en argent, en cuivre ou convertible en ces métaux précieux

Au XXe siècle les deux guerres mondiales ont ébranlé le système. Pendant la première guerre mondiale on a déconnecté la monnaie de l’or pour pouvoir en fabriquer autant que nécessaire, ce qui a donné la crise de 1929 puis le retour du dollar à l’or en 1934 (35 dollars l’once). On a recommencé pendant la deuxième guerre mondiale en revenant à l’or en juillet 1944 par les accords de Bretton Woods qui liaient les monnaies au dollar en gardant la même parité du dollar avec l’or.

Mais une fois de plus le pouvoir a fabriqué 5 fois plus de dollars qu’il n’avait d’or pour financer le plan Marshall, les guerres de Corée et du Vietnam et la conquête spatiale. Devant l’afflux de dollars revenant aux États-Unis pour être échangés contre de l’or qui fondait de plus en plus à Fort Knox, le président Richard Nixon a dû réagir. Mais alors qu’il pouvait simplement constater une dévaluation du dollar, il a choisi en 1971 de déconnecter le dollar de l’or et de toute autre forme de richesse sans bien en voir les conséquences. Ce faisant, et pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le dollar et toutes les monnaies qui lui étaient liées par les accords de Bretton Woods, se sont retrouvés sans aucun lien avec une richesse reconnue. Nous avons ensuite créé l’euro en le liant très sérieusement à nos anciennes monnaies qui n’étaient plus liées à rien.

Profitant de cette aberration intellectuelle, les banques ont inventé la monnaie scripturale qui nous fait exploser actuellement dans l’inconscience générale. La monnaie scripturale, très mal connue du grand public est une monnaie provisoire créée d’une simple écriture par les banques commerciales. Les banques prêtent cette monnaie avec intérêts et elles la détruisent dès qu’elles la récupèrent. Ajoutée à la monnaie fiduciaire, monnaie définitive créée par les banques centrales et forcément limitée puisque théoriquement garanties par l’or qu’elles possèdent, se trouve maintenant cette monnaie provisoire sans aucun lien avec une richesse reconnue et qui ne vaut objectivement rien tout en n’étant plus limitée ni reconnaissable puisqu’un simple distributeur de billets la transforme en monnaie fiduciaire. Certes cette monnaie provisoire est détruite une fois remboursée par l’emprunteur, mais comme les banques commerciales créent en continu beaucoup plus de monnaie provisoire (et provisoirement légale) qu’elles n’en détruisent, la dette mondiale s’envole (312.000 milliards de dollars au 2e trimestre 2024). Sont mélangées et passent de main en main de façon indifférenciable la monnaie fiduciaire qui vaut de l’or et la monnaie scripturale qui ne vaut rien.

Avec le « quantitative easing », l’assouplissement quantitatif, invention de nos « élites » représentées par Mario Draghi, les banques centrales fabriquent à leur tour aussi de la monnaie provisoire en n’ayant comme garantie que les créances plus ou moins douteuses qu’elles achètent aux États ou aux institutions financières. C’est le même qui propose aujourd’hui à l’Europe un emprunt collectif massif. La formule mal comprise « les crédits font les dépôts » peut aussi s’écrire « dépensez aujourd’hui ce que vous gagnerez demain », formule qui supprime toute limite aux dépenses, nous fait sortir collectivement du raisonnable et est l’exact contraire de la formule de Pierre Mendès-France citée par Michel Barnier lors de son discours de politique générale : « Ne jamais sacrifier l’avenir au présent ».

Le site de la Banque de France explique très bien ces deux formes indifférenciables de monnaies :

« La monnaie existe sous deux formes : les pièces et les billets, que l’on appelle la monnaie fiduciaire, et les écritures sur les comptes bancaires, que l’on appelle la monnaie scripturale, laquelle représente aujourd’hui plus de 90 % de la monnaie en circulation dans la zone euro. Si la monnaie fiduciaire est émise par la banque centrale qui imprime les billets, la monnaie scripturale est, elle, créée par les banques commerciales, lorsque des agents économiques empruntent pour financer leurs activités (on dit que « les crédits font les dépôts »). Cette création monétaire est cependant limitée par la politique monétaire et la réglementation bancaire. »

Pas gênée par la contradiction d’écrire à la fois que la monnaie scripturale est limitée et qu’elle représente déjà plus de 90% de la monnaie en circulation, la Banque de France fait le grand écart entre ses deux devoirs de vérité et de défendre la politique monétaire et la réglementation bancaire. Elle néglige évidemment de dire que moins de 10% est une monnaie garantie par une richesse déjà reconnue et que plus de 90% Ne sont garantis que par une richesse à trouver si possible demain en sacrifiant l’avenir au présent.

Les conséquences en sont démesurées et en tous domaines. N’en prenons que deux.

La première dont on parle beaucoup est la dette. A qui devons-nous de l’argent ? Qui sont « les marchés » et « les investisseurs » qui nous prêtent avec un intérêt qui dépend de la confiance qu’ils ont en nous ? Nous ont-ils prêtés de la bonne monnaie fiduciaire fruit d’un travail, ou de la monnaie scripturale créée pour être détruite ? Ne faudrait-il pas rembourser la monnaie prêtée quand elle a été gagnée mais épargner aux investisseurs le soin de détruire la monnaie créée pour être détruite en la détruisant nous-mêmes ? Ne serait-ce pas aux marchés de prouver qu’ils nous ont prêté de la monnaie gagnée et non créée uniquement pour faire des intérêts ? Une société comme Blackrock qui pompe l’épargne mondiale, nous prête-elle bien le bon argent qu’elle collecte ou de la monnaie scripturale créée par les banques qui lui appartiennent et que l’on retrouve dans ses dettes financières ? Les réponses sont trop secrètes.

Une autre conséquence est le mythe de la création de richesse tellement enracinée dans les esprits. La richesse ne peut que se constater car ce n’est qu’un regard qui ne se crée pas. Mais l’argent illimité permet de fausser l’essence même de la vie en société qu’est l’échange. Il fait croire qu’en achetant avec de l’argent scriptural sans vraie valeur, on contribue à la richesse nationale puisqu’il est malheureusement vrai que cela est compté dans le PIB. Il paraît qu’acheter même en s’endettant nous enrichit ! Avec quoi rembourser un emprunt si la création de richesse est un mythe ? Nous devons réapprendre qu’on ne s’enrichit qu’en appauvrissant quelqu’un d’autre ou en changeant la définition de la richesse. Actuellement nous nous appauvrissons en enrichissant les autres par notre commerce extérieur de plus en plus déficitaire mais nous changeons la définition de la richesse en y incluant l’immigration, les panneaux voltaïques, les éoliennes et même notre pays que nous classons dans les pays riches parce que nous dépensons beaucoup de monnaie provisoire. Nous sommes même les cinquièmes au monde à le faire et nous appelons cela être la cinquième puissance mondiale.

C’est encore la monnaie provisoire illimitée qui permet aux femmes et aux hommes de devenir identiques et non plus simplement égaux et complémentaires. C’est elle qui permet de confiner un pays à la moindre épidémie. C’est encore elle qui attire toute la misère du monde. La liste est longue et le monde s’égare sans le comprendre depuis que le 15 août 1971 les monnaies ont été déconnectées de toute richesse réelle.

L’argent qui n’est plus limité reste pourtant un fait social total. La perte de plusieurs de ses dimensions avec la monnaie provisoire majoritaire, fausse absolument tout y compris les notions mêmes de richesse et de pauvreté, de bien et de mal, de vrai et de faux, de beau et de laid. La monnaie scripturale a inversé les valeurs qui ne sont devenues que des idées de moins en moins en lien avec la réalité.

 


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8 réactions à cet article    


  • papat 19 octobre 2024 10:19

    « Donnez moi le contrôle sur la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à me soucier de ceux qui font ses lois. » est une citation de Mayer Amshel Rothschild.

    c’est comme ça qu’on endette les peuples à tout jamais.


    • Marc Dugois Marc Dugois 19 octobre 2024 11:58

      @papat

      C’est tout le problème de la monnaie scripturale qui sera forcément un jour interdite. Elle est soi-disant limitée et la preuve qu’elle ne l’est pas, est la montée sans fin de la dette mondiale.

      Il est préoccupant de voir le ravin qu’il y a entre l’importance du sujet et l’absence d’intérêt des internautes.


    • pasglop 20 octobre 2024 13:45

      @Marc Dugois
      Les banques centrales US et UE s’apprêtent, paraît-il, à déverser encore et encore quelques milliers de milliards de fausse monnaie afin de rassurer les « marchés ».
      Je n’avais pas saisi qu’ils en manquaient tant que ça.
      En tout cas, ça nous promet encore de belles performances en termes d’inflation.


    • Com une outre 20 octobre 2024 19:01

      Encore faut-il admettre qu’une quantité d’argent est pour une société un signe de « richesse ». Nos capitalistes modernes, les vulgaires, ont tranché la question par un oui ferme et définitif, ramenant la société riche à un simple puzzle financier où l’esprit n’a plus la parole. Pourtant, une société, c’est avant tout un concept, des principes, bien loin de la simplette matérialité des choses.


      • Marc Dugois Marc Dugois 21 octobre 2024 09:53

        @Com une outre

        Vous avez entièrement raison. Les banques fabriquent de l’argent scriptural pour qu’il soit dépensé et que nius nous croyions riches. Tout est faussé, absolument tout et si peu de gens ont envie d’en prendre conscience..


      • Hervé Hum Hervé Hum 21 octobre 2024 10:14

        De mon point de vue (dont je vous ait déjà fait part) vous faites un constat qui est juste, mais tirez des conclusions qui sont totalement fausses. Et cela est dû à votre propre conditionnement en prêt à penser appris à l’école.

        Je tiens pour définition de la monnaie comme la mesure de la valeur du temps de vie échangé. Sur la même base que l’énergie. Une face crédit ou créance, une face débit ou dette et dont la somme est nulle, sauf lorsqu’on y introduit l’intérêt.

        Or, l’énergie ne se stocke pas ou difficilement et toujours avec une perte d’énergie constaté pour tout moyen de stockage. Seule le Soleil échappe à ce principe, mais l’énergie qu’il produit et diffuse est gratuit pour tout le monde !

        C’est donc totalement contraire à l’idée d’une monnaie de thésaurisation produisant des intérêts, qui viole les deux principes de la thermodynamique, sauf dans l’imaginaire humain dont la monnaie est issue.

        La création monétaire comme énergie et respectant les deux principes de la thermodynamique, implique que la création est temporaire et la somme est nulle. Donc, propre à la monnaie dites de crédits, puisque ce qui est crée est détruit lors de sa consommation. tout comme pour une machine où la production d’électricité répond à la consommation des machines pour les faire fonctionner (on oubliera la perte dû au transport).

        Et l’épargne ne peut pas produire d’intérêt, mais au contraire voir sa valeur fondre avec le temps.


        • Marc Dugois Marc Dugois 21 octobre 2024 11:45

          @Hervé Hum

          Nous ne divergeons pas sur le fond. Vous ne définissez pas la monnaie, vous expliquez l’une de ses utilisations qu’Aristote appelait facilité d’échange, en soulignant que c’est un échange d’énergie humaine, ce que j’approuve. Une autre utilisation vue par Aristote est la réserve de valeur, que vous appelez thésaurisation, que je n’approuve pas plus que vous, comme le fait que l’épargne ne doit pas produire d’intérêts mais fondre avec le temps.

          Le seul point sur lequel nous divergeons c’est quand vous écrivez « ce qui est créé est détruit lors de sa consommation », ce qui est juste mais qui ne tient pas compte que la monnaie scripturale qui a été créée par la banque, a été une première fois détruite, comme vous le dites, lors de la consommation de ce qu’elle a permis d’acheter, mais qui devrait être détruite une deuxième fois lors de sa récupération par la banque. Le principe de la monnaie scripturale est en effet de la détruire quand la banque la récupère. La destruction bancaire ne peut être que fictive, ce qui fait monter la dette mondiale d’un argent qui n’a jamais existé.

          Pour moi c’est vous qui êtes sur la bonne voie mais devez poursuivre vos raisonnements avec les lois de la thermodynamique sachant que la monnaie n’est qu’un vecteur d’énergie humaine. Un tout autre sujet mais aussi intéressant est que la monnaie est devenue un fait social total.

          Mais malheureusement nous sommes très loin des analyses inexistantes du peuple qui s’en moque (voir le peu d’intérêt pour mes articles sur le sujet) et de ses « élites » qui n’y comprennent rien.


        • Hervé Hum Hervé Hum 21 octobre 2024 12:46

          @Marc Dugois

          Je vois en effet qu’on semble d’accord sur le fond et tant mieux.

          De mon point de vue, lorsque j’écris que la monnaie est la mesure de la valeur du temps de vie échangé ou plutôt dédié à autrui (coté débit ou dette) et détenu sur autrui (donc, coté crédit ou créance) j c’est sa définition fondamentale où sa raison d’être est bel et bien de faciliter l’échange. Une monnaie pour avoir de la valeur doit obligatoirement avoir une face dette réelle et qui est alors une dette systémique portant sur tous ceux qui sont en besoin de monnaie pour acheter les biens nécessaire à simplement ne pas mourir.

          J’ai écris trois articles sur la monnaie, dont celui-ci se rapportant à notre discussion, que vous pouvez lire ou non.

          De mon point de vue et que j’ai écris dans un autre article et que les évènements confirment en tout point, si le système tient encore debout (qui attend que la situation internationale lié aux crises provoque son basculement et désigner l’ennemi à la vindicte populaire) c’est uniquement parce que l’économie se divise en deux. L’économie des plus ou moins pauvres, des 99% de la population qui doit dépenser plus ou moins la totalité de ses revenus pour vivre ou sous vivre. Et l’économie de luxe des 1% qui dépense dans des biens et services inaccessibles aux autres et place le reste en épargne. La première est en crise, la seconde ne connaît pas la crise et ne cesse de battre des records.

          Or, comme le système est conçu pour faire aller l’essentiel de la masse monétaire crée de manière excédentaire chez ce 1% (via les intérêts, les profits en tous genres augmenté d’exonérations fiscales en tout genre), cela permet de réguler la masse monétaire circulante et éviter une trop forte inflation. Car ces gens là n’ont aucun intérêt à voir le système monétaire s’écrouler puisqu’il en sont les principaux bénéficiaires. Mais ils seront prêt à la faillite du dollar et de l’Euro qu’une fois qu’ils auront acquis la garantie que le patrimoine immobilier et des moyens de productions dont ils sont les propriétaires restera leur propriété, ceci pour la simple raison qu’ils pourront alors amorcer un nouveau cycle d’accumulation.

          Enfin, c’est ainsi que je vois les choses.

          Résultat, comme les dirigeants asiatiques ou russes tout aussi prédateurs que les notre semblent avoir appris et être conscient de la stratégie occidentale, quant à avoir l’ennemi extérieur à désigner à la vindicte de sa propre population au risque qu’elle se retourne contre soi, on assiste depuis quelque 20 ans ou pour le moins depuis le début de la crise ukrainienne à ce que j’appelle « le jeu de la barbichette ». Où il s’agit de faire « rire » l’autre en premier et ainsi de pouvoir prendre sa propre population à témoin.

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