Vous croyez fermement faire partie de la première génération vraiment intelligente. Vous estimez, en corollaire, que toutes les valeurs de vos ancêtres n'étaient que stupides préjugés sans fondement, et que vous avez enfin atteint la vraie connaissance, qui vous permet de poser sur toute chose un jugement infaillible.
Forts de cette certitude, vous observez avec amusement et, disons-le, un certain mépris, ceux qui osent encore croire à ces valeurs que vous avez rejetées dans un grand sentiment de satisfaction, car vous éprouviez dans ce rejet la sensation d'une authentique libération : Vous vous êtes libérés de tous les préjugés ! Vous voilà sis au firmament de l'univers pensant !
De fait, le rejet de tous ces "préjugés", que vos ancêtres appelaient foi, morale, honneur, dignité, loyauté, équité, charité, raison, vous a été d'autant plus facile que les maîtres de votre enfance avaient déjà entamé cette libération, pour n'avoir eux-mêmes reçu que très partiellement le corpus intellectuel et moral qui fondait ces valeurs aujourd'hui surannées : Par suite, ils n'ont éprouvé nul cruel dilemme en choisissant de ne pas vous transmettre les tables incomplètes qu'ils avaient eux-mêmes reçues, car ce dépôt très parcellaire ne leur semblait pas, et à juste titre, très cohérent : L'affaire, on le voit, a été menée avec un soin progressif.
Ne sachant finalement presque rien de la véritable pensée de vos prédécesseurs, vous êtes donc persuadés d'être les premiers hommes : Avant vous, il n'y avait que ténèbres et préjugés. Vous êtes libres ! Vous êtes souverains, aptes à juger de toute chose, aptes à émettre doctement votre opinion sur tout sujet, même et surtout si vous ne lui avez consacré aucune heure d'étude : Vous êtes l'immanence, la fulgurance, la puissance intellectuelle spontanée, dans toute sa rayonnante splendeur !
Et comme vous voulez vous le prouver à vous-mêmes, vous considérez ce monde et y voyez une série de défis : Toutes ces valeurs méprisables qui courent encore ! Il faut les abattre, les combattre, leur faire rendre gorge. Pour mettre quoi à la place ? Qu'importe ! La chanson bien apprise tourne en boucle dans votre cerveau : "Du passé, faisons table rase !"
Pour vous, la mesure de la bêtise, c'est l'ancienneté et la popularité d'une idée : Plus elle est ancienne, mais surtout, plus elle est ancrée dans les moeurs, plus vous êtes désireux de porter sur elle toute votre vindicte. Et vos attaques sont imparables, car on ne saurait vous appeler à la raison, puisque la raison, précisément, vous en avez fait table rase !
C'est pourquoi, avec vous, il n'y a pas de débat possible : Votre seule rhétorique, c'est l'invective et l'imprécation ! Votre arme préférée consiste à considérer comme absolues des propriétés relatives : Comme cela n'a pas de sens en soi, vous pouvez donc y mettre le sens que vous voulez ! C'est très pratique ! Ainsi, vous clamez "liberté" et "égalité" sans voir que ces mots n'ont pas de sens en soi : Il n'existe pas d'homme égal en soi, ni même d'homme libre en soi, car la liberté elle-même sous-entend une altérité, sans quoi elle ne s'appellerait pas "liberté", mais "solitude".
Pourtant, vous propagez l'absurde égalité en soi, et comme vous n'avez plus de sens, mais que vous croyez toutefois détenir l'intelligence suprême, on ne peut même pas vous ramener à la raison : Ceux qui pensent encore comme vos grands-parents, vous leur réglez facilement leur compte, en vociférant quelques anathèmes effrayant les oreilles du bon peuple qui, partant, n'osera plus les écouter : "Réactionnaires ! Fascistes ! Extrême-droite ! Intégristes ! Néo-Nazis... " etc... Toute une panoplie bien pratique qui vous dispense de répondre à un argument par un autre argument : Vous avez le droit pour vous, car votre inspirateur vous a même concocté des lois qui vous dispensent de toute démonstration :
Brandir ces lois suffit désormais à vous donner la victoire, même quand vous savez que vous n'avez rien à répondre à certaines vérités si évidentes qu'elles sont incontestables : Peu importe, il vous suffit d'accuser la parole de votre adversaire comme porteuse de "haine", de "discrimination", de "racisme", d'"antisémitisme", d'"homophobie" (et vous avez bien l'intention d'allonger la liste des nouveaux tabous, qui grandit de décennie en décennie) : Vous n'avez pas besoin de démontrer "l'incitation à la haine" : Il vous suffit de la vouloir et le juge, en ami bienveillant, vous croit sur parole et condamne votre adversaire : Le "fasciste", bien entendu, c'est lui, c'est à dire celui que vous avez fait condamner pour une simple opinion !
Tout cela marche très bien, et vous accélérez le pas : L'année dernière le mariage sodomite, et cette année la théorie du genre à l'école maternelle... Car selon vous, des théoriciens avisés ont "démontré de façon irréfutable" que ce que l'on tenait depuis la nuit des temps pour l'homme et la femme n'étaient en fait que des préjugés honteux qu'il faut combattre avec la plus extrême vigueur, et pourquoi pas bientôt faire voter une loi condamnant la "genderophobie" ! Hein, pourquoi pas, tant qu'on y est ? Voilà qui fera encore faire à la liberté un nouveau pas de géant !
Ainsi, après avoir obtenu l'égalité en droits de l'homme et de la femme, vous avez stupidement glissé d'une égalité en droits, légitime, à une "égalité" de nature, qui n'a aucun sens : Les différences physiques et psychiques incontestables existant entre l'homme et la femme survivront, sachez-le bien, à vos rodomontades négationnistes :
Je suis ici contraint de m'arrêter sur l'apparent paradoxe de la généralité : Bien qu'à la proposition "les hommes sont plus grands que les femmes" vous puissiez opposer des millions de contre-exemples, il n'en reste pas moins vrai cependant que la taille moyenne de l'homme est plus élevée que la taille moyenne de la femme. Il en ira de même de toute généralité, qui peut être à la fois globalement vraie et fourmillante de contre-exemples.
De votre côté, vous affirmez la généralité suivante : "L'homme et la femme sont des genres si subjectifs que chaque être humain peut choisir son genre". Nous répondons : mensonge criminel en cela qu'il tente de rendre imbécile celui à qui il s'adresse, car celui qui parviendrait à croire pareille énormité serait un authentique aliéné. Pourtant, vous y tenez, à ce monstrueux mensonge, et vous voudriez nous le fourrer de force dans le gosier : On sent bien que l'idée de faire voter une loi voulant contraindre tout un chacun à s'incliner devant cette thèse démentielle vous démange fortement.
Notez bien, cependant, qu'il n'est en rien honteux que l'homme et la femme, tout en étant fortement semblables, soient différents, tant au plan physique qu'au plan psychique : ce ne sont pas des "fascistes" ou des "réactionnaires" qui en ont décidé ainsi, c'est la nature elle-même, et l'on voit mal en quoi ces différences naturelles seraient une source de honte. Bien au contraire : réprouver la nature, voilà ce qui est monstrueux et mériterait de tomber sous le coup de la loi...
Et maintenant, à moi de vous effrayer - si, du moins, comme je l'espère, il vous reste une lueur de conscience. La chose n'est pas garantie, mais j'en prends le pari !
Donc, imaginez un instant que vos ancêtres fussent intelligents, et même que, connaissance pratique des technologies modernes mises à part, bien entendu, ces ancêtres aient disposé d'une bien meilleure connaissance que vous en matière de symboles, d'histoire, de spiritualité, de philosophie, de morale, d'esthétique, de rhétorique, car vos connaissances dans ces domaines se limitent souvent à quelques slogans hérités des barricades de mai 68 : Si l'on vous pousse un peu dans la théorie, on s'aperçoit bien vite que vos idées proviennent le plus souvent d'ouvrages qui, malheureusement pour vous, contenaient des théories ineptes car reposant sur des prémisses insensées : Ces "penseurs" que vous vénérez comme vos chefs de file n'ont souvent d'autre science que celle des ombres de la caverne de Platon.
Imaginez donc un instant, juste un instant, qu'un homme soit un homme depuis toujours, et que l'humanité n'ait pas eu à vous attendre pour savoir ce qu'est un homme et ce qu'est une femme. Imaginez un instant que l'homme qui se dit femme soit simplement un individu psychiquement malade, et non une "femme dans un corps d'homme" que seuls des ignorants persisteraient à considérer comme un homme...
Imaginez que votre "théorie du genre" ne soit qu'une des ces foutaises de cuistres comme le vingtième siècle a su en produire avec tant d'ardeur et de profusion, grâce à la terrible collusion qui a été opérée dans la morale, la religion et la philosophie (puis, au 20e siècle, dans les arts) depuis l'âge des "Lumières" (la novlangue date de Voltaire, en fait !), par laquelle des pervers proclament des mensonges auxquels ils font semblant de croire, pour inciter ensuite des ignorants à développer ces mensonges jusqu'aux plus hautes absurdités, sous les encouragements et les félicitations des premiers, qui savent combien ces inepties sapent efficacement une société pour laquelle ils nourissent sournoisement une haine aussi secrète que profonde : "Ecr'L'inf", voilà toute la pensée de l'hypocrite Voltaire. La "dictature du prolétariat" de Marx, soit dit en passant, relevait exactement du même cynisme.
Bref, après trois siècles de sanglante récréation, où le génie des sciences n'a servi qu'à masquer la folie croissante des moeurs et à distribuer la mort par hécatombes de plus en plus larges, il est temps que nous vous arrêtions. Mais rassurez-vous, nous ne vous voulons aucun mal, nous n'en voulons nullement à votre vie, vous pouvez, si vous le souhaitez, cultiver entre vous votre petite folie politique et morale.
Mais nous voudrions juste que vous cessiez de nuire. Et d'abord que vous cessiez immédiatement de nuire à nos enfants.
Michel Brasparts.