Un homme politique sans casserole
À son crédit, on doit reconnaître qu’il fait partie des politiques de premier plan dont aucune affaire n’entache le nom. Ce n’est pas si fréquent pour que cela mérite d’être souligné. Comment rester intègre quand autour de soi chacun cherche à tirer profit du pouvoir qu’il exerce ? Il y a une recette Jospin qui mériterait d’être plus connue. Il n’a même pas été inquiété quand les officines de racket des partis politiques ont été poursuivies en justice pour avoir écumé les marchés publics. Alors qu’il avait été Premier Secrétaire du Parti Socialiste, c’est le trésorier, M. Emmanuelli, qui a été condamné en 1997. Il est vrai que le même cas de figure s’est retrouvé au RPR : des lampistes ont été offerts en victimes expiatoires.
Un entriste trotskiste au PS
La seule affaire tout de même qui colle aux basques de M. Jospin est la dissimulation de son adhésion au trotskisme quand il est « entré » au PS en 1971 jusqu’à en devenir un des principaux dirigeants. Cet entrisme, révélé en 2001 mais nié en 1995 par l’intéressé qui a prétendu, en réponse à une question du journal Le Monde, qu’on le confondait avec son frère, dessine une complexion psychologique, morale et politique bien singulière.
Le trotskisme est au communisme ce qu’est l’intégrisme aux religions établies. Persécuté par la variante stalinienne dominante et redouté par les familles socialistes et libérales, il a développé une culture de la lutte clandestine. Son statut de minoritaire l’a conduit à adopter une stratégie où l’entrisme (encore appelé "infiltration") permet de pénétrer en secret la direction des organisations et des institutions pour en extorquer des informations confidentielles et en infléchir secrètement le cours des décisions. L’Opus Dei dont on a récemment évoqué les méthodes (1), vise pareillement à « entrer » au cœur des centres de décisions économiques, politiques et culturels.
Peut-on du jour au lendemain se libérer d’une mythologie qui a exigé du militant un investissement personnel si total ? Ce doit être difficile, des réflexes ont été pris durablement. Comment s’en défaire ? C’est pourquoi le titre du livre et du film de Patrick Rothman, « Lionel raconte Jospin » ne pouvait pas être mieux choisi pour parler de M. Jospin : n’est-ce pas avouer, pour révéler la duplicité du personnage, que sous le masque public de Jospin, le socialiste, devenu Premier Secrétaire et Premier ministre socialiste, se dissimule le visage de Lionel le trotskiste ? Des indices tendent à montrer, en effet, que Jospin le socialiste a pu être inspiré par Lionel le trotskiste.
Quatre décisions de M. Jospin, ministre de l’Éducation nationale
Quand, à partir de 1988, il a été ministre de l’Éducation nationale , quatre de ses décisions n’auraient pas été désavouées par un trotskiste.
1- « L’affaire du voile à l’école », en 1989 : l’Islamisme comme allié objectif ?
L’une est la volonté de laisser pourrir « l’affaire du voile à l’école » en ne légiférant pas et en s’en remettant à un arrêt du Conseil d’État. La confusion a été ainsi semée pendant une quinzaine d’années en laissant à chaque établissement le soin de résoudre les problèmes au cas par cas. La progression islamiste a été telle qu’en 2004, une loi est devenue inévitable.
Cette complaisance ne ressemble-t-elle pas à une alliance stratégique objective comme les aime le trotskisme, en stratège au long cours : les ennemis de nos ennemis sont nos amis ?
2- L’invention de « la Hors Classe » pour une soumission aveugle à l’autorité
La gestion des personnels de l’Éducation nationale n’a pas été plus heureuse. Sous couvert d’améliorer le traitement minable des professeurs, M. Jospin a cru sage d’ajouter à la grille indiciaire de 11 échelons, régissant leur avancement et l’augmentation progressive de leur rémunération, une « Hors Classe », réservée chaque année, cela va de soi, à un faible pourcentage des plus méritants d’entre eux. Sans doute un barème a-t-il été instauré pour donner le change. Mais la décision d’accès à la « Hors classe » appartient au recteur.
Inutile d’insister ! Un professeur peut avoir les points nécessaires et même bien au-delà du dernier promu, la « Hors classe » lui reste à jamais fermée si le recteur en décide ainsi sans autre raison que son bon plaisir. On frappe l’indocile au portefeuille. Et qu’en est-il résulté ? La débandade dans les groupes qui contestaient au cours des années 80 le fonctionnement de l’Éducation nationale, comme l’imbécile inspection pédagogique qui prétend à la fois conseiller et sanctionner, comme si c’était possible. François Bayrou, lui-même, la qualifie de « sommet d’infantilisation » inutile et même nocive à l’institution (2). Or, refuser l’inspection pédagogique, comme tant de professeurs l’ont fait dans les années 80, a désormais signifié devoir renoncer à « la Hors classe » et à l’augmentation de salaire importante qui l’accompagnait, au regard du salaire ordinaire insuffisant. M. Jospin a réussi un coup de maître : la course à la faveur individuelle a été lancée et a détruit dans l’institution, d’un coup d’un seul, l’inclination à la solidarité. La courtisanerie est devenue la règle de conduite du personnel.
N’est-ce pas le rêve du trotskisme que de disposer d’individus soumis aveuglément à l’autorité ?
3- L’indifférence à la loi
Le respect de la loi, au surplus, n’est pas l’obsession de cette pensée politique. Dans « l’affaire du lycée militaire d’Aix-en-Provence » qui éclate en novembre 1985, et où deux professeurs ont été sanctionnés pour avoir dénoncé l’apprentissage de chants nazis dans l’établissement, M. Jospin montre, quand il devient ministre, en quelle estime il tient la loi. Au cours du long contentieux qu’a suscité cette affaire, Claude Maignant, un des deux professeurs victimes, obtient du tribunal administratif de Marseille l’annulation d’un arrêté le privant d’un poste de chaire supérieure au lycée Lakanal de Sceaux (Hauts-de-Seine). Or, le ministre Jospin se permet de reprendre rigoureusement dans les mêmes termes, quelques semaines plus tard, un arrêté identique à celui qui vient d’être annulé. Saisi une nouvelle fois par la victime, le tribunal administratif a évidemment annulé à nouveau ce nouvel arrêté, le 6 novembre 1990, en dénonçant la conduite du ministre qui avait pour but, dit le jugement, « de faire obstacle à une décision de justice » ! Bel exemple de citoyenneté donné par un ministre !
Il est vrai que le Droit, selon le catéchisme trotskiste, n’est qu’un chiffon de papier, la simple sanction provisoire d’un rapport de forces.
4- Le formalisme scolastique qui a dévasté l’Éducation nationale
Enfin, le formalisme scolastique qui a dévasté l’enseignement du Français date des instructions officielles signées par le ministre Jospin et parues au Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale n°12 du 23 mars 1989. Une signification erronée du verbe « informer » a été ainsi définie pour longtemps, non pas explicitement, mais en douce par une série de mots qui s’opposent, telle que celle-ci : « (l’élève doit pouvoir) reconnaître les objectifs du message : exprimer des faits, des idées, des sentiments, informer, expliquer, argumenter, démontrer, persuader, inciter à une action, chercher à influencer, réfuter, questionner, etc. »
Il a été ainsi appris aux élèves qu’on peut exprimer des « faits » alors que seule est possible « la représentation de faits », ce qui change tout ! Et par simple opposition, il leur a été enseigné qu’ « informer » diffère de « persuader », d’ « argumenter », d’ « expliquer » ou de « chercher à influencer » et consiste donc à transmettre un « fait avéré » sans volonté d’influencer, ce qui est rigoureusement impossible !
Fondée sur cette « théorie promotionnelle erronée de l’information » chère aux médias, une désorientation discrète des élèves a pu ainsi être organisée. On en voit aujourd’hui les dégâts à la qualité médiocre de l’information disponible dans les médias officiels et au comportement désinvolte de ces médias envers leurs cibles ! Ils auraient tort de se gênés devant des citoyens aussi désorientés. (3)
Un trotskiste n’a pas besoin de citoyens qui sachent s’informer par eux-mêmes mais de « masses » récitant un catéchisme rempli de vérités incontestables qui n’influencent pas et croyant sur paroles leurs dirigeants bien-aimés qui ne les influencent pas davantage !
La loi liberticide du 12 avril 2000
Devenu Premier ministre, M. Jospin s’est-il pour autant libéré de l’emprise de Lionel le trotskiste ? Hélas non ! Il a fallu que la loi du 17 juillet 1978, une des grandes avancées libérales due au Président Valéry Giscard d’Estaing contre l’opacité de l’administration, source d’arbitraire, fût détruite en 2000 par la Gauche plurielle sous la direction de M. Jospin.
Depuis 1978, tout document administratif nominatif devait être transmis de droit à sa demande à toute personne dont le nom y figurait. Il était alors devenu possible d’instaurer un débat contradictoire en cas de lettre de dénonciation, et de saisir au besoin directement les tribunaux avec une pièce à conviction incontestable, la lettre litigieuse. Depuis la loi du 12 avril 2000, aucune lettre de dénonciation ne peut être transmise à sa victime, car cette communication peut nuire au dénonciateur. Il fallait l’inventer ! (4)
La façon dont la loi a été vidée de sa substance est aussi révélatrice d’une mentalité familière des pratiques clandestines : cette loi a été glissée en catimini dans un pot-pourri de textes divers et votée les yeux fermés par le Parlement, comme ça s’est reproduit récemment pour la révision d’une loi pénale qui a permis à la Scientologie de ne pas être dissoute ! (5)
La loi du 12 avril 2000 a instauré de facto implicitement un dossier clandestin inaccessible aux victimes pour recueillir ces lettres de dénonciation qui ne leur sont pas communicables. Il n’en faut pas plus pour alimenter une activité policière secrète et inspirer un « management » autoritaire. Des lettres de dénonciation, conservées sans avoir été soumises au débat contradictoire à l’insu de leurs victimes, peuvent ainsi nuire durablement à une carrière, sans autre forme de procès...
Le trotskisme est expert en la matière et en particulier sur la manière de dresser les hommes : la délation est indispensable à un État policier et à la clique de ses dirigeants bien-aimés.
Non, M. Jospin ne laisse pas un bon souvenir chez certains démocrates. C’est peut-être la faute à Lionel le trotskiste qui s’est infiltré et enkysté en secret dans le PS. Il a, semble-t-il, inspiré des décisions sans doute discrètes, qu’on pourrait croire anodines, comme c’est dans la nature du trotskisme d’agir, mais aux conséquences considérables : l’alliance objective avec l’ennemi de son ennemi, l’indifférence à la loi, la soumission aveugle à l’autorité, la désorientation intellectuelle des citoyens et la protection du délateur ont fait des ravages dans la société française. On a assisté à une destruction progressive de l’Éducation nationale : le savoir est maltraité et le professeur asservi par l’instauration d’une méthode de management fondée sur des méthodes policières dans le parfait mépris de la loi en général et des droits de la Personne en particulier. , "C’est clair" comme disait son slogan de campagne présidentielle, il était grand temps que M. Jospin prît sa retraite avec Lionel, son double diabolique. Paul Villach
(1) Paul Villach, « Les méthodes totalitaires de l’Opus Dei dénoncées par 165 de ses anciens membres dans la revue Golias », AgoraVox, 5 janvier 2010
(2) François Bayrou, « La décennie des malappris », Éditions Flammarion, 1993.
(3) Paul Villach, « Meurtre « à la une » d’un lycéen : la manipulation discrète des esprits par France Inter », Agoravox, 11 janvier 2010.
(4)Paul Villach, « Aussi liberticide qu’EDVIGE : la loi du 12 avril 2000 qui protège les délateurs », AgoraVox, 13 septembre 2008
(5) Paul Villach, « La Scientologie sauvée par une loi discrète ? Un précédent : la protection des dénonciateurs ! », AgoraVox, 15 septembre 2009.