Malaise à l’ANPE...
L’ensemble des organisations syndicales, une première depuis 1991, appelle les agents de l’ANPE à la grève ce jeudi 29 mars. Une grève qui s’annonce bien suivie. Une grève très symptomatique du profond malaise qui atteint les salariés d’un établissement en plein bouleversement... Des salariés qui ne cessent d’être soumis aux injonctions souvent paradoxales des gouvernements successifs.
Le malaise c’est d’abord la crise de sens qui touche aujourd’hui l’ANPE. Le malaise, c’est aussi la crise d’identité professionnelle qui atteint de nombreux salariés de l’établissement public... L’ANPE, c’est un service dit public de l’emploi qui oriente chaque jour des demandeurs d’emplois vers... ses concurrents ! Dans quel autre secteur d’activité a-t-on connu pareille injonction paradoxale ? On demande désormais aux agents publics de trier des demandeurs d’emplois suivant leur durée et leur niveau d’indemnisation : les opérateurs privés ne sont en effet intéressés que par les « chômeurs rentables », c’est à dire ceux dont l’indemnisation est suffisante pour réaliser des profits. On imagine aisément le malaise provoqué par cette approche strictement pécuniaire... Une approche se situant à mille lieues des valeurs de nombreux agents publics encore et toujours attachés à un service aux des usagers déconnecté des éléments d’ordre pécuniaire. Comment cela est-il possible ? Les opérateurs privés répondent aux appels d’offres de l’Unédic qui est le financeur de ces opérations ; l’Unédic qui est aussi le « partenaire privilégié » de l’ANPE et surtout, de plus en plus, son financeur ! Alors quand votre financeur vous donne des ordres...
Le malaise découle aussi de l’absurdité des politiques publiques de lutte contre le chômage qui sont mises en œuvre depuis trois décennies. Les injonctions sans sens des gouvernements successifs n’ont jamais cessé... Les politiques devaient agir face à ce chômage médiatisé qui ne cessait de croître... Ils ont donc agi ! Tous les pouvoirs ont créé des nouvelles mesures afin de lutter contre le chômage. Avec le succès que l’on sait ! Mais les mesures se sont empilées formant un tout bien plus caractérisé par sa sédimentation que par son efficacité dans la lutte contre le chômage. Très vite, la seule priorité non dite des gouvernants est simplement l’affichage d’un chiffre épuré du chômage qu’ils auraient toujours voulu voir à la baisse... Et là se multiplient les dispositifs visant à sortir les chômeurs de la catégorie 1 des chômeurs, celle qui est médiatisée. Les agents de l’ANPE se sont toujours adaptés aux diverses mesures de ces traitements statistique et social (emplois aidés) qui ont désormais montré toutes leurs limites. Espérons que le temps viendra bientôt d’une approche totalement renouvelée de l’accompagnement des demandeurs d’emplois. Une approche qui apparaît enfin au travers des débats sur la sécurité sociale professionnelle. Il y a en effet une responsabilité collective à faire en sorte que les transitions professionnelles soient enfin sécurisées. Cela est essentiel au moment même où la notion traditionnelle de carrière (une seule entreprise où l’on progresse régulièrement) est remise en cause.
Le malaise découle enfin de l’image de l’Agence. L’agence serait inefficace... Pour faire des économies, il faut la fusionner avec l’Unédic clame Nicolas Sarkozy. Le mauvais fonctionnement du service public de l’emploi serait même responsable du chômage ose affirmer un rapport à paraître du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE)... Dans ce contexte, il faut rappeler quelques réalités.
L’ANPE reçoit tous les demandeurs d’emplois et tous les responsables d’entreprises qui le souhaitent. L’ANPE est le seul acteur du placement à ne pas trier et choisir ses usagers. Elle s’intéresse et accompagne nombre de chômeurs non indemnisés. Ce traitement de masse n’est bien évidemment pas sans conséquence : plusieurs agents ANPE ont près de 200 demandeurs d’emplois dans leurs portefeuilles de suivi mensuel alors que les opérateurs privés ne dépassent généralement pas la cinquantaine de chômeurs suivis par salarié.
Il est aussi essentiel de rappeler que le placement n’est qu’une partie de l’activité des ANPE. Prospecter des offres d’emplois, réussir des recrutements en nombre, travailler sur le projet professionnel à travers une démarche d’orientation... Telles sont aussi les activités quotidiennes de l’ANPE. Des activités peu voire pas valorisées. D’ailleurs, lorsque les opérateurs privés n’arrivent pas à réaliser le placement d’une personne, ils se tournent souvent vers... l’ANPE ! Des opérateurs qui ont certes quelques activités communes avec l’ANPE mais des opérateurs qui, c’est certain, ne connaissent pas l’exhaustivité du métier de conseiller à l’emploi.
L’ANPE n’a donc pas fini de faire parler d’elle. Elle doit bien évidemment évoluer. Elle se soit aussi d’être pleinement efficace. Mais la légitimité et la nécessité d’un service public de l’emploi auprès des privés d’emplois devraient être une évidence pour tous. Une ANPE qui devrait être le cœur de la mise en œuvre des nouvelles solidarités dans notre société de demain.
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